Autriche


Loi fondamentale du 21 décembre 1867 
concernant les affaires communes à tous les pays de la monarchie autrichienne, et la manière de les traiter.

[La Constitution de décembre 1867 qui réorganise les institutions après le compromis austro-hongrois, est constituée de six lois fondamentales sur :
1. Les droits généraux des citoyens ;
2. La représentation de l'Empire ;
3. Les affaires communes à l'Empire et à la Hongrie ;
4. L'exercice du pouvoir exécutif ;
5. Le pouvoir judiciaire ;
6. L'institution d'un tribunal de l'Empire.]

Article premier

Les affaires suivantes sont déclarées communes aux royaumes et pays représentés dans le Reichsrat et aux pays de la couronne de Hongrie :
a) Les affaires étrangères, y compris la représentation diplomatique et commerciale à l'étranger, de même que les traités internationaux. La sanction de ces traités, nécessaire aux termes de la
Constitution, est réservée aux Corps représentatifs des deux parties de l'empire (au Reichsrat et à la Diète hongroise).
b) Les affaires militaires, y compris celles de la marine impériale (à l'exception toutefois de la loi qui fixe le contingent, de la législation sur la manière de remplir les devoirs militaires, des dispositions relatives au déplacement et à l'administration de l'armée, et au règlement des rapports, droits et obligations des membres de l'armée).
c) Les affaires financières, en tant qu'il s'agit de dépenses à faire en commun, spécialement de la fixation du budget annuel et de l'examen des comptes.

Article 2

En outre les matières suivantes seront traitées, non pas en commun, mais d'après des principes communs :
a) Les affaires de commerce, spécialement tout ce qui concerne la législation douanière.
b) La législation sur les impôts indirects qui sont étroitement liés à la production industrielle.
c) La fixation du système monétaire et du taux de l'intérêt.
d) Les règlements concernant les lignes de chemin de fer qui intéressent les deux parties de l'Empire.
e) L'établissement des moyens de défense.

Article 3

Les deux parties de l'Empire supportent les dépenses des affaires communes dans une proportion qui doit être fixée, à des époques déterminées, par une décision des deux corps représentatifs de l'Empire (le Reichsrat et la Diète hongroise), soumise à la sanction de l'Empereur. Dans les cas où ces deux corps ne s'entendraient pas à ce sujet, l'Empereur fixerait cette proportion, mais seulement pour une période d'une année.

Il appartient exclusivement à chacune des deux parties de l'Empire d'arrêter les prestations concernant chacune d'elles.

On pourra néanmoins, pour subvenir aux dépenses des affaires communes, faire un emprunt commun, et tout ce qui concerne la conclusion de cet emprunt, son emploi et son remboursement, doit être traité en commun. La représentation de chacune des deux parties de l'Empire statue séparément sur la question de savoir s'il y a lieu de faire un emprunt commun.

Article 4

La part à la charge de chaque partie de l'Empire de la
dette publique actuelle sera déterminée par une convention entre les deux parties de l'Empire.

Article 5

L'administration des affaires communes sera confiée à un ministère commun responsable, lequel n'a pas le droit de diriger, en même temps que les affaires communes, celles qui sont particulières à chacune des deux parties de l'Empire.

Les mesures à prendre sur la direction, la conduite et l'organisation de la force armée entière appartiennent exclusivement à l'Empereur.

Article 6

Le droit de législation appartenant aux deux corps représentatifs des deux parties de l'Empire (au Reichsrat et à la Diète hongroise) est exercé par des Délégations envoyées par ces deux corps pour traiter des affaires communes.

Article 7

La Délégation du Reichsrat compte soixante membres, dont un tiers est fourni par la Chambre des seigneurs, et deux tiers par la Chambre des députés.

Article 8

La Chambre des seigneurs élit dans son sein, à la majorité absolue des voix, les vingt membres qu'elle a à fournir pour la Délégation. Les quarante membres à fournir par la Chambre des députés sont élus de manière que les députés des différentes Diètes envoient des délégués conformément à la liste ci-contre, avec la faculté toutefois de choisir parmi eux ou dans l'ensemble de la Chambre.

On élira à la majorité absolue des voix :
- pour le royaume de Bohême, 10 délégués ;
­ pour le royaume de Dalmatie, 1 ;
- de Gallicie et Lodomérie avec le grand duché de Cracovie, 7 ;
- l'archiduché d'Autriche en deçà de l'Enns, 3 ;
- l'archiduché d'Autriche au delà de l'Enns, 2 ;
- le duché de Salzbourg, 1 ;
­ le duché de Styrie, 2 ;
- le duché de Carinthie, 1 ;
- le duché de Bucovine, 1 ;
- le margraviat de Moravie, 5 ;
- le duché de Silésie (haute et basse), 1 ;
- le comté princier de Tyrol, 2 ;
- le pays de Vorarlberg, 1 ;
­ le margraviat d'Istrie, 1 ;
- le comté princier de Gorizie et Gradisca, 1 ;
­ la ville de Trieste et son territoire, 1 (total 40).

Article 9

De la même manière, chacune des deux Chambres du Reichsrat doit élire des suppléants des délégués, dix pour la Chambre des seigneurs, vingt pour la Chambre des députés.

Le nombre des suppléants à élire pour la Chambre des députés est réglé de telle sorte qu'il y ait un suppléant à élire pour un nombre d'un à trois délégués, deux suppléants pour un nombre de quatre délégués ou au-dessus.

L'élection de chaque suppléant doit être faite séparément.

Article 10

L'élection des délégués et de leurs suppléants sera renouvelée annuellement parles deux Chambres du Reichsrat. Jusque-là, les délégués et les suppléants conserveront leurs fonctions. Les membres sortants de la Délégation ne peuvent être réélus.

Article 11

Les Délégations sont convoquées tous les ans par l'Empereur. Le lieu de la réunion est fixé par lui.

Article 12

La Délégation du Reichsrat choisit parmi ses membres ses président et vice-président ainsi que ses secrétaires et autres préposés.

Article 13

La compétence des Délégations s'étend à toutes les questions ayant trait aux affaires communes.

Les autres questions demeurent en dehors de l'action des Délégations.

Article 14

Les propositions du Gouvernement sont transmises séparément par le ministère commun à chacune des deux Délégations.

Chaque Délégation a le droit de faire des propositions sur les affaires qui sont de sa compétence.

Article 15

Pour toutes les lois sur les affaires qui sont de la compétence des Délégations, l'accord des deux Délégation est nécessaire, et, si cet accord ne se produit pas, la décision est prise dans une séance plénière des deux Délégations. Elle est, dans tous les cas, soumise à la sanction de l'Empereur.

Article 16

Le droit de mettre en accusation le ministère commun
appartient aux Délégations.

S'il y a violation d'une loi constitutionnelle, en vigueur pour les affaires communes, chaque Délégation peut faire une proposition qui sera communiquée à l'autre Délégation, pour la mise en accusation du ministère commun ou de l'un de ses membres.

La mise en accusation est valablement déclarée si elle est résolue séparément par chaque Délégation, ou dans une séance plénière des deux Délégations.

Article 17

Chaque Délégation propose, parmi les citoyens indépendants et jurisconsultes des deux parties de l'Empire qu'elle représente (lesquels toutefois ne doivent pas être pris dans son sein), vingt-quatre juges, dont douze peuvent être récusés par l'autre Délégation. L'accusé, ou, s'il y a plusieurs accusés, tous ensemble ont également le droit d'en récuser douze parmi ceux qui sont proposés, de telle sorte cependant qu'un nombre égal soit récusé parmi ceux que présentent l'une et l'autre Délégation.

Les juges conservés forment le tribunal pour juger le procès.

Article 18

Une loi spéciale sur la responsabilité du ministère commun, donnera les règles de détail sur l'accusation, la procédure et le jugement.

Article 19

Chacune des deux Délégations, agit, délibère et prend ses décisions dans des séances séparées. L'article 31 mentionne les cas où il est fait exception à cette règle.

Article 20

Pour qu'une décision soit valablement prise, il faut que trente membres au moins de la délégation et le président soient présents, et que la proposition réunisse la majorité absolue des voix des membres présents.

Article 21

Les délégués du Reichsrat et leurs suppléants ne doivent pas recevoir de leurs électeurs des mandats impératifs.

Article 22

Les délégués du Reichsrat doivent exercer personnellement leurs droits ; l'article 23 décide en quel cas les suppléants les remplacent.

Article 23

Les délégués du Reichsrat jouissent en cette qualité de
l'inviolabilité et de l'irresponsabilité auxquelles ils ont droit comme membres du Reichsrat, en vertu de l'article 16 de la loi fondamentale sur la représentation de l'Empire. Les droits accordés par ce texte à la Chambre à l'égard des députés, appartiennent à la Délégation à l'égard des délégués, si le Reichsrat n'est pas assemblé en même temps.

Article 24

Le membre qui cesse de faire partie du Reichsrat cesse par cela seul de faire partie de la Délégation.

Article 25

Si un membre de la Délégation ou un suppléant vient à
manquer, il est procédé à une nouvelle élection.

Si le Reichsrat n'est pas assemblé, le suppléant remplace le délégué.

Article 26

En cas de dissolution de la Chambre des députés, les pouvoirs de la Délégation du Reichsrat expirent également.

Le Reichsrat nouvellement constitué élit une nouvelle Délégation.

Article 27

La session de la Délégation sera close, après l'achèvement de ses travaux, par son président, avec l'autorisation de l'Empereur.

Article 28

Les membres du ministère commun sont autorisés à prendre part à toutes les délibérations des Délégations, et à faire leurs propositions en personne ou par l'organe d'un délégué. Ils doivent être entendus toutes les fois qu'ils le demandent.

La Délégation a le droit d'adresser des interpellations au ministère commun ou à l'un de ses membres, de réclamer des réponses et des éclaircissements, de nommer des commissions d'enquêtes auxquelles les ministres doivent fournir les informations nécessaires.

Article 29

Les séances de la Délégation sont publiques. Toutefois
la publicité peut être suspendue sur la demande du président ou de cinq membres, si l'assemblée le décide après délibération hors la présence du public ; mais la décision doit être prise en séance publique.

Article 30

Les deux Délégations se communiquent mutuellement leurs décisions de même que les motifs qui les ont déterminées.

Ces communications se font par écrit, en allemand de la part de la Délégation du Reichsrat, en hongrois de la part de la Délégation de la Diète hongroise, et des deux côtés il y est annexé une traduction authentique en la langue de l'autre Délégation.

Article 31

Chaque Délégation a le droit de demander que la question soit résolue par un vote commun, et cette proposition ne peut être repoussée par l'autre Délégation, lorsqu'il y a eu trois échanges de communications demeurés sans résultat.

Les deux présidents fixeront le lieu et le temps d'une séance plénière où devra être prise la décision commune.

Article 32

Dans les séances plénières, la présidence appartient alternativement aux présidents des deux Délégations.

Le sort décidera lequel des deux présidents aura d'abord la présidence, et, à toutes les séances suivantes, l'assemblée plénière sera présidée par le président de la Délégation qui n'aura pas exercé la présidence à la séance précédente.

Article 33

Pour qu'une décision soit valablement prise par l'assemblée plénière, la présence des deux tiers au moins des membres de chaque Délégation est nécessaire. La décision se prend à la majorité absolue des voix.

S'il y a plus de membres présents d'une Délégation que de l'autre, il y aura, dans la Délégation dont les membres présents seront en plus grand nombre, autant d'abstentions de vote qu'il sera nécessaire pour rétablir l'égalité du nombre des membres votants de chaque Délégation. Le sort décidera quels membres devront s'abstenir de voter.

Article 34

Les séances plénières des deux Délégations sont publiques.

Le procès-verbal est dressé par les deux secrétaires, dans les deux langues, et vérifié en commun.

Article 35

Les dispositions plus détaillées touchant la marche des affaires dans la Délégation du Reichsrat seront arrêtées par le règlement que la Délégation fera elle-même.

Article 36

Relativement aux objets qui ne doivent pas être traités comme affaires communes, mais qui doivent être traités d'après des principes communs, l'accord s'obtient ainsi : ou bien un projet de loi est élaboré par les ministères responsables, soumis séparément aux corps représentatifs des deux parties de l'Empire, et, après décision concordante des deux représentations, est sanctionné par l'Empereur ; ou bien on procède dans le sein des deux corps représentatifs à l'élection d'une députation, formée en nombre égal par chacun d'eux, laquelle, après avoir entendu les propositions des deux ministères, prépare le projet de loi. Celui-ci est ensuite communiqué par les ministères respectifs à l'une et l'autre assemblée, qui le discutent dans la forme établie et dont les décisions concordantes sont soumises à la sanction de l'Empereur.

La seconde manière de procéder est observée spécialement pour établir l'accord sur la quote-part des frais dans les affaires communes.

Article 37

Cette loi, portant modification de la loi fondamentale de l'État sur la représentation de l'Empire du 26 février 1861, ainsi que les lois fondamentales sur les droits généraux des citoyens, sur le pouvoir gouvernemental et exécutif, sur le pouvoir judiciaire, et sur l'établissement d'un tribunal de l'Empire sera immédiatement mise en vigueur.

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Jean-Pierre Maury