Cuba


Constitution de Guaimaro

(10 avril 1869)

    Au moment même où le mouvement de proclamation des indépendances se développait du Rio Bravo au Rio de la Plata (1811-1825), plusieurs projets furent élaborés en vue soit de l'autonomie de l'île au sein de l'empire espagnol, soit de l'indépendance d'une République cubaine, soit encore pour demander que Cuba soit annexé par les États-Unis (dès l'époque du président Monroe).
   
Avant l'accession de Cuba à l'indépendance (20 mai 1902), les patriotes cubains, au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, déclenchèrent deux guerres, au cours desquelles quatre constitutions de la « Republica en Armas » furent proclamées, désignées par le nom de la localité où elles furent édictées.
    Six mois après le « grito de Yara », poussé par Carlos Manuel de Céspedes, le 10 octobre 1868, qui marque le début de la
guerre de Dix Ans (1868-1878), les insurgés formèrent une Convention à Guaimaro, en zone libérée. Une Constitution en 29 articles fut adoptée et Céspedes élu président de la République. On en retiendra notamment l'abolition de l'esclavage (art. 24) décidée sous la pression des insurgés, en grande partie mulâtres, de l'Oriente. En fait, l'émancipation des esclaves ne devint effective qu'après la promulgation de la loi espagnole du 13 février 1880.
    A la suite de la victoire des forces espagnoles et de la paix de Zanjon (10 février 1878), le général Maceo refusa de déposer les armes et énonça les principes d'une nouvelle  Constitution provisoire, à Baragua. Mais Maceo dut quitter l'île quelques semaines plus tard. L'indépendance ne fut acquise qu'à la suite de la seconde guerre d'indépendance et de l'intervention des États-Unis.

Sources : Le texte en espagnol de la Constitution de Guaimaro a été consulté le 24 décembre 2010 sur le site du Parlement cubain. Traduction originale de JP Maury.
La note de présentation est rédigée d'après l'ouvrage sur l'histoire constitutionnelle de Cuba publié par Beatriz Bernal Gomez, Constituciones Iberoamericanas, Cuba, Instituto de Investigaciones Jurídicas de la UNAM, Mexico, 2008.

Voir la Constitution de Baragua.


Nous, les représentants du peuple libre de Cuba, dans l'exercice de la souveraineté nationale, nous établissons provisoirement la Constitution suivante, qui le régira durant la guerre d'Indépendance.

Article premier.

Le pouvoir législatif réside dans une Chambre des représentants du peuple.

Article 2.

A cette Chambre, il y aura une représentation égale de chacun des quatre États en lesquels, dès ce moment, est divisée l'île.

Article 3.

Ces États sont : Oriente, Camagüey, Las Villas et Occidente. 

Article 4.

Seuls les citoyens âgés de vingt ans peuvent être représentants.

Article 5.

La charge de représentant est incompatible avec toutes les autres charges de la République. 

Article 6.

Quant il y aura des vacances dans la représentation de l'un des États, son Exécutif prendra les mesures nécessaires pour une nouvelle élection.

Article 7.

La Chambre des représentants nommera le président chargé du pouvoir exécutif, le général en chef, le président des séances et ses autres employés.

Le général en chef est subordonné à l'exécutif et doit lui rendre compte de ses opérations.

Article 8.

Devant la  Chambre des représentants, seront mis en accusation, s'il y a lieu, le président de la République, le général en chef et les membres de la Chambre. L'accusation peut être portée par n'importe quel citoyen. Si la Chambre la juge recevable, elle renverra l'accusé devant le pouvoir judiciaire. 

Article 9.

La Chambre des représentants peut destituer librement les fonctionnaires dont la nomination lui appartient.

Article 10.

Les décisions législatives de la Chambre doivent recevoir la sanction du président pour être obligatoires.

Article 11.

Si elles ne l'obtiennent pas, elles reviendront immédiatement devant la Chambre en vue d'une nouvelle délibération, lors de laquelle il sera tenu compte des objections présentées par le président.

Article 12.

Le Président est tenu, dans un délai de dix jours, de donner son approbation aux projets de loi ou de la refuser.

Article 13.

Une résolution de la Chambre approuvée pour la seconde fois est obligatoire pour le Président.

Article 14.

Relèvent obligatoirement de la loi : les contributions, les emprunts publics, la ratification des traités, la déclaration et la conclusion de la guerre, l'autorisation du président pour accorder des patentes de course (corsaire), lever des troupes et les entretenir, créer une marine de guerre et l'entretenir, et la déclaration de représailles dirigées contre l'ennemi.

Article 15.

La Chambre des représentants se constitue en session permanente à partir du moment ou les représentants du peuple ratifient cette loi fondamentale et jusqu'à la fin de la guerre.

Article 16.

Le pouvoir exécutif appartient au président de la République. 

Article 17.

Pour être Président, il faut avoir trente-deux ans et être né dans l'île de Cuba.

Article 18.

Le Président peut conclure des traités avec la ratification de la Chambre.

Article 19.

Il désignera les ambassadeurs, les ministres plénipotentiaires et les consuls de la République dans les pays étrangers.

Article 20.

Il recevra les ambassadeurs, veillera à l'exécution fidèle des lois et expédiera leurs diplômes à tous les employés de la République

Article 21.

Les Secrétaires d'État seront nommés par la Chambre sur proposition du Président.

Article 22. 

Le pouvoir judiciaire est indépendant. Son organisation fera l'objet d'une loi spéciale.

Article 23.

Pour être électeur, les mêmes conditions sont requises que pour être éligible.

Article 24.

Tous les habitants de la république sont entièrement libres.

Article 25.

Tous les citoyens de la République sont considérés comme des soldats de l'armée de libération.

Article 26.

La République ne reconnaît ni dignité, ni honneurs spéciaux, ni aucun privilège.

Article 27.

Les citoyens de la République ne peuvent accepter des honneurs ni des distinctions d'un pays étranger.

Article 28.

La Chambre ne peut porter atteinte à la liberté du culte, de l'imprimerie, de réunion pacifique, d'enseignement et de pétition, ni à aucun droit inaliénable du peuple. 

Article 29.

La présente Constitution pourra être amendée quand la Chambre le décidera.

Guaimaro, le 10 avril 1869.

Carlos Manuel de Céspedes, Salvador Cisneros Betancourt,
Francisco Sánchez Betancourt, Miguel Betancourt Guerra, Jesús Rodriguez,
Antonio Alcalá, José Maria Izaguirre, Honorato del Castillo,
Miguel Gerónimo Gutiérrez, Arcadio García, Tranquilino Valdés,
Antonio Lorda, Eduardo Machado, Ignacio Agramonte, Antonio Zambrana. 

Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Cuba.

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Jean-Pierre Maury