Titre premier. Du territoire et de la citoyenneté.Après l'échec de la guerre de Dix-Ans et la paix de Zanjon (10 février 1878), le mouvement de libération de Cuba fut bientôt relancé. La seconde guerre d'indépendance fut déclenchée, le 24 février 1895, par le « Grito de Baire » du général Maceo, vétéran de la guerre de Dix Ans, et à l'instigation de José Marti, fondateur du Parti révolutionnaire cubain et de Maximo Gomez, chef de l'Armée de libération [Ejercito Libertador], qui signent le manifeste de Montecristi (25 mars 1895) où ils exposent les raisons d'une lutte, qui est largement soutenue par les États-Unis, désireux de contrôler les sucreries cubaines, et qui financent notamment les opérations de course. Selon le représentant du gouvernement cubain en Europe, 500 millions furent alors proposés au Gouvernement espagnol de Canovas pour obtenir l'indépendance (Tarrida del Marmol, « Le conflit hispano-américain », Revue Blanche, Paris, tome XV, 1898, p. 593).
Titre II. Des droits individuels et politiques.
Titre III. Du gouvernement de la République.
Titre IV. De l'Assemblée des représentants.
Titre V. Dispositions générales.
Peu après la mort de Marti, tué au combat, une Assemblée constituante est réunie à Jimaguayu, où une Constitution provisoire est promulguée le 16 septembre 1895. Elle proclame clairement la sécession de Cuba et confie au général en chef le pouvoir de conduire la lutte armée contre les Espagnols, tandis que le pouvoir civil administrera les zones libérées. Les mandats sont limités à deux ans. C'est pourquoi, une nouvelle Constituante fut réunie et la Constitution de la Yaya promulguée, le 29 octobre 1897. Mais entre temps, le parti libéral accède au pouvoir en Espagne et le nouveau chef du Gouvernement, Mateo Sagasta publie une Constitution établissant un régime d'autonomie, le 25 novembre, qui accorde l'autonomie à Cuba ainsi qu'à Porto Rico. Cette décision provoque la division des insurgés et, moins de six mois plus tard, l'intervention des États-Unis, désireux de s'approprier ce qui restait de l'empire espagnol.
La Constitution de la Yaya a régi formellement la République jusqu'à la réunion de l'Assemblée de Santa Cruz del Sur, le 24 octobre 1898, après la victoire des États-Unis. Le Gouvernement républicain est alors remplacé par une simple Commission formée pour représenter les intérêts cubains auprès des forces d'occupation et qui obtient un don des États-Unis pour financer la mise à la retraite des soldats de l'Armée de libération, tandis que plusieurs dirigeants de la Révolution se prononcent en faveur d'un protectorat des États-Unis qui pourrait déboucher sur l'annexion. Ainsi Estrada Palma, ancien et futur président de la République dissout le Parti révolutionnaire de José Marti, et le vice-président du gouvernement cubain, Mendez Capote devient secrétaire à l'intérieur du gouvernement nommé par le général Brooke, premier gouverneur militaire de Cuba, tandis que le général Wood accorde une déclaration des droits à la province de Santiago dont il est chargé.
Sources : Le texte en espagnol de la Constitution de la Yaya a été consulté le 24 décembre 2010 sur le site du Parlement cubain. Traduction originale de JP Maury. La note de présentation est rédigée d'après l'ouvrage sur l'histoire constitutionnelle de Cuba publié par Beatriz Bernal Gomez, Constituciones Iberoamericanas, Cuba, Instituto de Investigaciones Jurídicas de la UNAM, Mexico, 2008, et d'après l'article de A Mérignhac, « L'autonomie cubaine et le conflit hispano-américain », Revue de droit public, 1898, p. 235.
Voir la Constitution de Guaimaro.
Voir la Constitution de Baragua.
Voir la Constitution de Jimaguayu.
Voir la Constitution établissant un régime d'autonomie à Cuba.
Voir la Constitution de Santiago de Cuba ou de Leonardo Wood.
Constitution de la Yaya.
Constitution de la République de Cuba.
(29 octobre 1897)
Nous, les représentants du peuple cubain, librement réunis en Assemblée constituante, convoquée en vertu du mandat contenu dans la Constitution du 16 septembre 1895, ratifiant la proposition ferme et inébranlable d'obtenir l'indépendance absolue et immédiate de toute l'île de Cuba pour constituer une République démocratique, et nous inspirant des besoins actuels de la Révolution, nous décrétons la Constitution suivante de la République de Cuba.
Titre premier. Du territoire et de la citoyenneté.
Article premier.
La République de Cuba comprend le territoire de l'île de Cuba, ainsi que les îles et îlots adjacents. Une loi déterminera la division du territoire.Article 2.
Sont Cubains :
1. Les personnes nées en territoire cubain ;
2. Les enfants de père et mère cubains, même nés à l'étranger ;
3. Les personnes qui sont au service direct de la Révolution, quelle que soit leur nationalité d'origine.Article 3.
Tous les Cubains sont tenus de servir la patrie par leurs personnes et par leurs biens, conformément à la loi et selon leurs aptitudes.
Le service militaire est obligatoire et ne peut être racheté.
Titre II. Des droits individuels et politiques.
Article 4.
Nul ne peut être détenu, poursuivi ni condamné sinon en vertu de faits punis par des lois antérieures à leur commission et dans la forme qu'elles déterminent.Article 5.
Aucune autorité ne peut saisir ni ouvrir une correspondance officielle ou privée, sauf en respectant les formalités établies par la loi et en cas d'infraction.Article 6.
Les Cubains et les étrangers sont protégés dans leurs opinions religieuses et dans l'exercice de leurs cultes respectifs, pourvu qu'ils ne soient pas contraires à la morale publique.Article 7.
Nul ne peut être contraint à payer d'autres contributions que celles autorisées par l'autorité compétente.Article 8.
L'enseignement est libre sur tout le territoire de la République.Article 9.
Les Cubains peuvent adresser librement des pétitions aux autorités et ils ont le droit d'obtenir une réponse dans un délai convenable. Les forces armées doivent se conformer à l'exercice de ce droit dans les ordonnances à venir et dans la loi d'organisation militaire.Article 10.
Le droit électoral sera réglé par le Gouvernement sur la base du suffrage universel.Article 11.
Nul ne peut pénétrer dans le domicile d'autrui, sinon pour éviter la commission d'une infraction, étant à cet effet convenablement autorisé.Article 12.
Nul Cubain ne peut être contraint de quitter son domicile, sinon par décision judiciaire.Article 13.
Tous les Cubains ont le droit d'émettre librement leurs opinions ainsi que de se réunir et de s'associer à des fins licites.Article 14.
Les droits dont l'exercice est garantie par les trois articles précédents, peuvent, tant que dure l'état de guerre actuel, être suspendus totalement ou partiellement par le Conseil de gouvernement.
Titre III. Du gouvernement de la République.
Section première. Des pouvoirs publics.
Article 15.
Le pouvoir exécutif appartient à un Conseil de gouvernement qui est habilité à édicter des lois et des dispositions de caractère général, conformément à la présente Constitution.Article 16.
L'administration de la justice pénale incombe à la juridiction militaire et s'exercera dans les formes déterminées par la loi.
Article 17.
L'administration de la justice civile incombe aux autorités civiles et son fonctionnement sera réglé par la loi.Section II. Du Conseil de gouvernement
Article 18.
Le Conseil de gouvernement se compose d'un président, d'un vice-président et de quatre secrétaires d'État pour les affaires de guerre, finances, extérieur et intérieur. Tous les membres du Conseil ont droit de parole et de vote dans les délibérations.Article 19.
Pour être président ou vice-président, il faut être Cubain de naissance ou citoyen cubain ayant plus de dix ans de services pour la cause de l'indépendance de Cuba ; il faut avoir trente ans révolus. Pour être secrétaire d'État, il faut avoir vint-cinq ans révolus.Article 20.
Le Conseil de gouvernement nomme son secrétaire, qu'il peut révoquer librement.Article 21.
Chaque secrétaire d'État aura un sous-secrétaire, qui remplacera le secrétaire en cas de vacance, absence ou maladie, et qui remplit les tâches que lui confie le Conseil de gouvernement.
Article 22.
Les attributions du Conseil de gouvernement, outre celles qui sont prévues par les autres articles de la présente Constitution, sont les suivantes :
1. Édicter toutes les lois et dispositions relatives au gouvernement de la Révolution et à la vie militaire, civile et politique du Peuple cubain ;
2. Répondre aux pétitions qui lui sont adressées, en ordonnant que soient transmises dans les formes celles qui ne le sont pas de bon gré ;
3. Déposer pour un juste motif et sous sa responsabilité tout conseiller ou vice-secrétaire. Il sera rendu compte de cette décision devant l'Assemblée la plus proche, et elle ne peut être adoptée que par le vote conforme de quatre conseillers ;
4. Nommer secrétaires et sous-secrétaires pour remplir les charges quand elles sont vacantes pendant deux mois ;
5. Nommer et révoquer les fonctionnaires publics de tout ordre dans les formes déterminées par la loi, en ordonnant la transmission à la justice des cas nécessaires ;
6. Déterminer la politique de guerre et les lignes générales de la campagne et intervenir dans les opérations militaires, quand, à son jugement, il y aura des motifs pour cela, toujours par l'intermédiaire des généraux de la Nation.
7. Lever des troupes, déclarer des représailles et accorder des patentes de course ;
8. Conférer les grades militaires de lieutenant à major général, de la manière prescrite par la loi sur l'organisation militaire ;
9. Émettre du papier monnaie, battre monnaie, en déterminer les titres et les valeurs ;
10. Contracter des emprunts, en fixer l'échéance, les intérêts, les remises, les frais et les garanties et faire toutes les négociations que conseille le bien public, en étant exactement responsable de l'utilisation de ces pouvoirs et de ceux déterminés au numéro précédent ;
11. Imposer les contributions, décider l'investissement de fonds publics, demander et approuver les comptes ;
12. Déterminer la politique extérieure, nommer et révoquer les représentants et délégués de toutes catégories ;
13. Accorder les passeports ;
14. Dresser les sauf-conduits nécessaires pour l'exercice des fonctions de gouvernement ;
15. Conclure des traités avec les autres puissance et désigner ceux qui sont chargés de les négocier, sans pouvoir leur déléguer le pouvoir de donner une approbation définitive. Le traité de paix avec l'Espagne doit être ratifié par l'Assemblée et ne pourra même être envisagé que sur la base de l'indépendance absolue et immédiate de toute l'île de Cuba.Article 23.
Les pouvoirs que la présente loi accorde au Conseil de gouvernement ou à tel de ses membres ne peuvent être délégués.Article 24.
Les décisions du Conseil doivent être prises à la majorité absolue, quatre conseillers au moins étant présents à la réunion, dont le secrétaire de la branche à laquelle appartient la question.
Article 25.
Les conseillers ne peuvent être nommés ni remplir une autre charge pendant qu'ils exercent leurs fonctions, à l'exception de celle de représentant à l'Assemblée chargée de ratifier le traité de paix avec l'Espagne.Article 26.
Les conseillers ne peuvent être mis en accusation sans l'autorisation préalable du gouvernement, ni détenus sauf en cas de flagrant délit. Les sous-secrétaires, en commission expresse et déterminée du Conseil de gouvernement, jouiront de la même prérogative.Section III. Du président et du vice-président de la République.
Article 27.
Le président de la République est le président du Conseil de gouvernement et, par son caractère représentatif, le supérieur hiérarchique de tous les fonctionnaires.Article 28.
Ses attributions sont les suivantes :
1. Représenter la République dans les actes et les relations officielles ;
2. Valider par sa signature les documents envoyés à des fonctionnaires étrangers du même niveau hiérarchique ;
3. Signer les proclamations et les manifestes décidés par le Conseil de gouvernement ;
4. Valider par son visa les brevets et certificats délivrés par les secrétaires d'État ou le Conseil ;
5. Valider au nom du Conseil de gouvernement les diplômes et nominations décidés par celui-ci.Article 29.
Le vice-président assiste avec droit de parole et de vote à toutes les séances du Conseil et remplace le président avec les mêmes pouvoirs en cas de vacance, absence ou maladie.
Section IV. Des secrétaires d'État.
Article 30.
Les secrétaires d'État ont compétence exclusive pour traiter les affaires relatives à leurs bureaux et sont les supérieurs de tous les fonctionnaires et employés de leurs branches, dont ils proposeront les nominations au Conseil de gouvernement conformément à la loi.
Article 31.
Le secrétaire à la guerre est le supérieur hiérarchique de l'Armée de libération.Article 32.
Les services administratifs de l'armée relèvent du secrétariat à la guerre et seront régis par la loi d'organisation militaire.Article 33.
Le secrétariat des finances est le dépositaire des fonds de la Nation et les questions relatives à la dette et à la comptabilité relèveront de lui.Article 34.
Le secrétaire de l'extérieur est le supérieur immédiat de tous les agents, représentants et délégués à l'étranger.Article 35.
Le secrétaire de l'intérieur est chargé des questions de la vie civile et il est le supérieur des autorités et des employés de cette branche.Section V. Du secrétaire du Conseil de gouvernement.
Article 36.
Le secrétaire du Conseil assiste sans droit de parole ni de vote à toutes les séances du Conseil de gouvernement, dont il rédigera les actes, qu'il certifie par sa signature, après qu'ils aient été approuvés et signés par tous les conseillers qui ont assisté à la séance.Article 37.
Il expédie au vu de ses archives les certificats ordonnés par le président ou le Conseil de gouvernement.
Titre IV. De l'Assemblée des représentants.
Article 38.
L'Assemblée des représentants devra se réunir deux ans après la promulgation de la présente loi pour faire une nouvelle Constitution ou modifier celle-ci, censurer la gestion du gouvernement et pourvoir à tous les besoins de la République. Le Conseil de gouvernement, à l'avance et sous sa responsabilité, prendra les mesures appropriées pour appliquer ce principe constitutionnel.Article 39.
L'Assemblée des représentants devra également se réunir si les charges de président et de vice-président se trouvent vacantes ou si deux secrétariats d'État ne sont pas pourvus par des personnes nommées par l'Assemblée à cet effet ou si ces personnes sont empêchées d'exercer leur fonction.
Cette Assemblée aura pour objet exclusif de pourvoir les charges vacantes ou remplies par des personnes nommées en vertu du numéro 4 de l'article 22 de la Constitution.
Article 40.
Si le Gouvernement, conformément au numéro 15 du même article 22, fait la paix avec l'Espagne, il convoquera une Assemblée pour ratifier le traité. Cette Assemblée pourvoira au régime et au gouvernement de la République jusqu'à la réunion de l'Assemblée constituante définitive.
Article 41.
Si l'Espagne, sans accord préalable avec le Gouvernement, évacue tout le territoire, une Assemblée sera convoquée et aura les pouvoirs indiqués au second alinéa de l'article précédent. Ce cas sera considéré comme arrivé, si les armées cubaines occupent de manière permanente tout le territoire de l'île, même si l'ennemi conserve en son pouvoir quelques forteresses.Article 42.
L'Assemblée se composera de quatre représentants de chacun des territoires où opère actuellement un corps d'armée. Dans les cas déterminés par les articles précédents, il y aura huit représentants élus par chaque territoire.Article 43.
L'Assemblée des représentants, avant de convenir d'autre chose, se conformera pour sa formation et son fonctionnement au règlement intérieur en vigueur.Article 44.
Les représentants sont inviolables pour les opinions et les votes émis dans l'exercice de leurs charges, et ils ne peuvent être détenus ni poursuivis pour aucun motif sans l'autorisation préalable de l'Assemblée. Ils pourront cependant être détenus, en cas de flagrant délit, l'Assemblée en étant immédiatement informée.Article 45.
La charge de représentant est incompatible avec l'exercice de toute autre. L'Assemblée dissoute, chacun de ses membres retournera occuper l'emploi qu'il remplissait au moment de l'élection, s'il n'y a pas renoncé.
Titre V. Dispositions générales.
Article 46.
La République de Cuba garantira seulement les dettes reconnues par la Constitution de 1895 et celles qui postérieurement ont été contractées ou le seront légitimement.Article 47.
Les étrangers ne pourront réclamer aucune indemnisation pour les dommages provoqués par les forces cubaines antérieurement à la date où leurs gouvernements respectifs auront reconnu la belligérance ou l'indépendance de Cuba.
Article 48.
La présente Constitution régira Cuba jusqu'à ce qu'une autre soit promulguée et l'abroge.
Yaya, Camagüey, 29 [ou 30] octobre 1897.
Domingo Méndez Capote, Président. José Lacret Morlot, Vice-président.
Cosme de la Torriente. J. Fernández Rondan. T. Padró Grihán. J. Fernández de Castro.
Lope Recio L. Manuel Rodríguez Fuentes. Manuel R. Silva. Nicolás Alberdi.
Salvador Cisneros y Betancourt. Lucas Álvarez y Cerice. M. Despaigne. Pedro Mendoza.
Andrés Moreno de la Torre. Femando Freyre. Ernesto Fonds Sterling. Manuel F. Alonzo.
José B. Alemán. Enrique Collazo. C. M. de Céspedes, Secrétaire. Aurelio Hevia, Secrétaire.
Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Cuba.
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