Le 26 mai 1866, le vice-roi d'Égypte, Ismaïl Pacha, petit-fils de Méhémet Ali, avait obtenu du sultan un firman établissant l'hérédité de sa fonction en ligne directe. Le 20 novembre 1866, il avait établi une assemblée représentative, sans que son pouvoir fut réellement limité. En 1867, il obtient le titre de Khédive avec le droit de conclure des traités de commerce. Mais l'absence de maitrise des finances et la croissance de la dette permettent à la France et à l'Angleterre d'imposer en 1876 un contrôle financier exercé par deux contrôleurs financiers qui en fait contrôlent le budget égyptien afin de garantir les intérêts des créanciers.
Ce contrôle pesant entraîne un conflit entre le khédive et les deux puissances, qui imposent au sultan ottoman (juin 1879) le remplacement du khédive par son fils Tewfik. Par le décret du 15 novembre 1879, les contrôleurs généraux français et anglais obtiennent rang et séance au Conseil des ministres. La soumission du nouveau Gouvernement provoque un soulèvement militaire le 1er février 1880. La Chambre réunie le 26 décembre 1881, dominée par le parti national, entre aussitôt en conflit avec le Gouvernement auquel elle souhaite imposer un contrôle parlementaire que la France et l'Angleterre refusent d'accepter. Ainsi, une dépêche de Gambetta (17 janvier) juge « inadmissibles les prétentions de la Chambre des notables en ce qui concerne le budget. »
Cependant un nouveau ministère est constitué en Égypte le 4 février avec le colonel Arabi, au ministère de la guerre, et le 7 février une loi organique reprend certaines dispositions favorables à la Chambre. Une escadre franco-britannique prend position devant Alexandrie le 20 mai, tandis que des émeutiers s'en prennent aux Européens. A partir du 12 juin, la situation s'aggrave. Le 11 juillet, les Anglais bombardent la ville puis débarquent « dans le seul but de rétablir l'autorité du khédive », ainsi que le proclame le général commandant l'armée britannique, tandis que les Français se retirent. Le 20 juillet, le khédive révoque son ministre de la guerre, qui est condamné à mort peu après. Un décret du 16 septembre énonce sobrement : « Considérant la rébellion militaire, l'armée égyptienne est dissoute. » C'est désormais l'armée anglaise qui contrôle l'Égypte, les derniers soldats anglais repartiront le 13 juin 1956. Le 18 janvier 1883, le contrôle financier est supprimé ; la France est évincée, et sur les conseils du résident anglais, une nouvelle loi organique est promulguée le 1er mai 1883, créant des institutions essentiellement consultatives.
Source : Ministère des affaires étrangères, Documents diplomatiques, Affaires d'Égypte, 1881-1882, Imprimerie nationale. Voir également l'Annuaire de législation étrangère de 1882 et les Archives diplomatiques de la période. Les expressions Chambre des délégués, Chambre des députés, ou Conseil des notables sont utilisées indifféremment dans les documents d'époque.
Voir aussi la Constitution de 1923.
Loi organique de la chambre des délégués.
Article premier.
Les députés sont élus. Une loi ultérieure établira les conditions du droit électoral de même que les conditions d'éligibilité.Article 2.
Les députés sont élus pour une durée de cinq ans. Ils recevront une indemnité annuelle de 100 livres égyptiennes.
Article 3.
Les députés sont libres dans l'exercice de leur mandat. Ils ne sauraient être liés ni par promesses, ni par des instructions, ni par des ordres, ni par des menaces.Article 4.
Les députés sont inviolables. En cas de crime ou de mauvaise conduite, ils ne peuvent être mis en état d'arrestation, qu'avec l'autorisation de la Chambre.Article 5.
La Chambre peut demander la mise en liberté, pendant la période de la session, de chacun de ses membres emprisonnés, de même que la suspension de tout procès commencé pendant les vacances parlementaires et dont le jugement n'aurait pas été prononcé.Article 6.
Chaque député représente non seulement les intérêts de son district, mais aussi ceux de tout le peuple égyptien.
Article 7.
Le siège de la Chambre des députés est au Caire. La Chambre est convoquée chaque année, par un décret du Khédive, après, que le conseil des ministres a donné son consentement à la convocation.Article 8.
La durée ordinaire de la session annuelle de la Chambre est de trois mois du 1er novembre au 3i janvier. Dans le cas où les travaux de la Chambre ne seraient pas terminés, on pourra voter une session ultérieure de trente jours. Cette prolongation devra cependant être sanctionnée par un décret du KhédiveArticle 9.
En cas d'urgence, le Khédive convoquera la Chambre en session extraordinaire. La durée de ces sessions spéciales sera déterminée par le décret de convocation.Article 10.
Les sessions de la Chambre seront ouvertes en présence des ministres, par le Khédive ou bien par le président du conseil des ministres, agissant comme représentant du Khédive.
Article 11.
Lors de la première séance de chaque session annuelle, un discours d'ouverture sera prononcé par le Khédive ou lu en son nom par le président du conseil des Ministres. Ce discours exposera les principales questions qui seront soumises à la Chambre pendant la session. A la première séance, on n'entendra que le discours d'ouverture.Article 12.
Pendant les trois jours qui suivront, une commission nommée par la Chambre préparera une réponse au discours du Trône. Après adoption, cette réponse sera présentée au Khédive par une députation des membres de la Chambre.Article 13.
Cette réponse au discours d'ouverture ne devra pas exprimer une opinion décisive sur les questions qui pourront être soumises à la Chambre.Article 14.
La Chambre soumettra au Khédive les noms des trois membres proposés par elle pour le poste de président. Le Khédive nommera l'un de ces membres président de la Chambre des députés. Le président est nommé pour une durée de cinq ans.Article 15.
La Chambre choisira parmi ses membres deux vice-présidents, et nommera ses secrétaires.Article 16.
Les rapports des séances delà Chambre seront rédigés sous la direction du bureau de la Chambre, composé du président, du vice-président et des secrétaires.Article 17.
La langue officielle de la Chambre sera la langue arabe. Les rapports des séances et les minutes de ces rapports seront rédigés dans la langue officielle.Article 18.
Les Ministres ont le droit d'assister aux séances et de prendre part aux débats, et peuvent envoyer, pour les représenter, des fonctionnaires occupant un rang élevé dans l'État.
Article 19.
Si la Chambre demande la présence de l'un des ministres pour en obtenir des explications relativement à une question déjà résolue, le ministre devra se présenter lui-même ou envoyer un haut fonctionnaire pour le représenter.Article 20.
Les députés ont le droit d'examiner les actes de tous les fonctionnaires publics. Ils sont investis de pleins pouvoirs pendant la session et peuvent, par l'intermédiaire de leur président, signaler aux ministères compétents tous les abus, toutes les irrégularités ou les négligences reprochées à tout fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions.
Article 21.
Les ministres sont collectivement et individuellement responsables, devant la Chambre, de toutes les mesures qu'ils auraient prises en conseil et de toutes les violations des lois et règlements existants.Article 22.
Chaque ministre est individuellement responsable des actes commis dans l'exercice de ses fonctions conformément aux prescriptions de l'article précédent.Article 23.
Si la Chambre et le ministère ne peuvent pas se mettre d'accord après avoir discuté et que le ministère ne donne pas sa démission, le Khédive dissout la Chambre et ordonne de nouvelles élections qui devront avoir lieu dans les trois mois à dater du jour de la dissolution. Tout député est rééligible.Article 24.
Si la Chambre nouvellement élue confirme le vote de l'ancienne Chambre, ce vote devient définitif.Article 25.
Le Gouvernement a seul l'initiative pour toutes les lois et règlements, c'est-à-dire que les ministres présentent à la Chambre les projets de loi qui y sont discutés, pris en considération et votés.
Une loi ne devient exécutoire qu'après avoir été lue préalablement devant la Chambre, article par article, votée chapitre par chapitre, et sanctionnée par le Khédive.
Toutes les lois seront soumises à trois lectures. Entre deux lectures il aura un intervalle de quinze jours ; mais, en cas d'urgence, une simple lecture pourra être déclarée suffisante par un vote de la Chambre.
Si la Chambre demande au conseil des ministres l'autorisation de proposer un projet de loi, la demande devra être faite par le président, et, si le projet est approuvé par le. Gouvernement, la loi sera préparée par le ministère et présentée par la Chambre comme il a été dit plus haut.
Article 26.
La Chambre élit parmi ses membres, une commission chargée d'examiner tous les projeta de loi. ou règlement qui lui sont soumis. Cette commission pourra proposer au Gouvernement toutes sortes de modifications aux lois qui lui sont soumises. Dans ce cas, le projet de loi et les modifications proposées seront, avant la discussion générale, envoyées au président du conseil par les soins du président de la Chambre.Article 27.
Si la commission ne propose aucune modification, ou si le Gouvernement n'accepte pas les modifications proposées, le texte original sera soumis à la Chambre. Si les changements proposés par la commission sont acceptés par le Gouvernement, le texte ainsi modifié sera soumis à la Chambre. Dans le cas où le Gouvernement n'accepte pas les changements proposés par la commission, il a le droit de soumettre à la Chambre toute espèce d'observations sur la question.Article 28.
La Chambre peut adopter ou rejeter toute loi qui lui est soumise par la commission ; elle peut la renvoyer à la commission, pour y être examinée de nouveau.Article 29.
Le président de la Chambre doit transmettre au président du conseil des ministres, les lois et règlements votés par la Chambre.Article 30.
Aucun nouvel impôt direct ou indirect, foncier, mobilier ou personnel ne peut être, établi en Égypte sans une loi votée par la Chambre. Il est, par conséquent, illégal de percevoir uni nouvel impôt, pour n'importe qu'elle raison ou sous n'importe quel nom, sans qu'il ait été préalablement voté par là Chambre, sous peine, de poursuites pour fraudes contre les autorités qui en auraient ordonné le recouvrement, contre les employés qui ont établi les rôles et ceux qui ont opéré le recouvrement ; toute taxe indûment perçue devra être remboursée, à ceux qui l'ont payée.
Article 31.
Le budget annuel des recettes et des dépenses de l'État sera communiqué à la Chambre au plus tard le 5 novembre de chaque année.Article 32.
Le budget général des recettes sera présenté à la Chambre avec les pièces à l'appui pour chaque section des recettes.Article 33.
Le budget des dépenses sera établi par ministères, et subdivisé en sections et chapitres correspondant aux différentes branches des services publics ressortissant de chaque ministère.Article 34.
Dans aucun cas, la Chambre n'a le droit de discuter le tribut dû à la Porte, le service de la dette publique ou n'importe quelle obligation de l'État résultant de la dette ou de la loi de liquidation ou encore des conventions conclues entre des puissances étrangères et le gouvernement Égyptien.Article 35.
Le budget sera soumis à la Chambre, pour être examiné et discuté par elle, sauf les réserves formulées dans le précédent article. Une commission composée de députés en nombre égal et ayant la même autorité que le conseil des ministres et son président, sera nommée par la Chambre pour discuter le budget conjointement avec le conseil des ministres, et pour le voter, soit à l'unanimité, soit à la majorité des voix des deux fractions réunies.Article 36.
Dans le cas de partage des voix entre la commission de la Chambre et le conseil des ministres, le budget sera renvoyé à la Chambre, et si la Chambre se range à l'avis du conseil, cet avis deviendra loi ; mais si la Chambre confirme le vote de sa commission, la question sera résolue d'après le procédé indiqué par les articles 23 et 24. Dans les cas semblables, les parties du budget sur lesquelles les voix se seront divisées si elles ont été votées dans un budget précédent, et n'ont pas trait à une dépense tout à fait nouvelle, telles par exemple que les crédits des travaux publics, seront exécutées provisoirement, jusqu'à ce que la nouvelle Chambre soit convoquée, conformément à l'article 23.Article 37.
Si la nouvelle Chambre confirme le vote de la Chambre précédente, relativement au budget, ce vote aura force de loi, conformément à l'article 23.Article 38.
Tous les contrats et tous les traités conclus par le Gouvernement avec des tiers, ainsi que toutes les concessions, pour être valables, devront être confirmés par un vote de là Chambre, à moins que le contrat, le traité ou la concession pour laquelle un crédit aura déjà été inscrit dans le budget, ait été approuvé par la Chambre et voté dans la même année où le contrat ou la concession auront été proposés. De même, toutes les concessions de travaux publics, pour l'exécution desquels des crédits n'auront pas été inscrits dans le budget, toutes les ventes et toutes les concessions gratuites de propriétés de l'État, ainsi que l'octroi des privilèges quels qu'ils soient, ne seront valables qu'après avoir été approuvés par la Chambre.Article 39.
Tout Égyptien a le droit d'adresser une pétition à la Chambre. Les pétitions seront renvoyées à une commission élue parmi les membres de la Chambre. Sur le rapport de cette commission, la Chambre acceptera provisoirement la pétition ou la rejettera. Si elle est acceptée, elle sera renvoyée au ministre compétent.Article 40.
Toutes les pétitions ayant trait à des droits ou à des intérêts personnels seront rejetées, lorsqu'elles tomberont sous la juridiction des tribunaux civils ou administratifs, si elles n'ont pas préalablement été soumises à l'autorité administrative compétente.
Article 41.
Si, pendant les vacances de là Chambre, il se présentait des circonstances exigeant des mesures urgentes, pour prévenir un danger menaçant l'État ou pour maintenir l'ordre public, le conseil des ministres pourra, sous la responsabilité, et avec l'autorisation du Khédive, ordonner des mesures de ce genre, même lorsqu'elles seraient proprement de la compétence de la Chambre, au cas où le temps manquerait pour convoquer cette assemblée. Dans tous les cas, l'affaire devra être soumise à la Chambre, dès sa plus prochaine réunion.Article 42.
Les membres seuls de la Chambre ont le droit de poser une question ou de prendre part aux débats. Sont exceptés de cette règle, les ministres ou ceux qui assistent ou représentent les ministères.Article 43.
Les votes auront lieu soit par assis et levé, soit au scrutin public par appel nominal, soit au scrutin secret.Article 44.
Le scrutin public ne pourra avoir lieu que s'il est réclamé par au moins dix députés. Dans toutes les questions soulevées en vertu de l'article 47, le scrutin public est de droit.Article 45.
Le scrutin secret aura lieu pour la nomination des trois candidats pour la présidence et pour l'élection des vice-présidents et des deux secrétaires.Article 46.
Les délibérations de la Chambre ne seront valables qu'autant que les deux tiers au moins des membres seront présents. Le vote aura lieu à la majorité simple.Article 47.
Tout vote concernant la responsabilité ministérielle exigera la majorité des trois quarts au moins des membres présents.Article 48.
Il est interdit de voter par procuration.Article 49.
La Chambre votera son règlement qui devra être sanctionné par le Khédive.Article 50.
La présente loi organique peut être modifiée en vertu d'un accord établi entre la Chambre et le Conseil des ministres.
Article 51.
L'interprétation de toute phrase douteuse ou de tout article de la présente loi devra être arrêtée par la Chambre et le Conseil des ministres réunis.Article 52.
Toutes les lois, décrets, ordres, règlements ou usages contraires à la présente loi sont abrogés.
La durée du Parlement actuel est fixée à cinq ans, et la session sera close le 26 mars prochain.
Ismaïliah, 18 rabi-awel 1299 (7 février 1882)
Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Égypte.
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