Digithéque, Jean-Pierre Maury

Jordanie


Constitution de Transjordanie.

(16 avril 1928)
Introduction.
Titre premier. Droits de la population.
Titre II. L'émir et ses droits.
Titre III. La législation.
Titre IV. La juridiction.
Titre V. Administration.
Titre VI. Validité des lois et des sentences.
Titre VII. Matières diverses.

    En 1920, la Grande-Bretagne reçoit un mandat sur la Palestine, mais décide rapidement de n'appliquer la déclaration Balfour qu'à l'ouest du Jourdain, la partie orientale, sous le nom de Transjordanie, étant confiée à Abdallah, l'un des fils du chérif Hussein, tandis que l'autre, Faysal, chassé de Damas par les Français, devient roi en Irak.
    Les Britanniques signent, le 20 février 1928, avec l'émir Abdallah,
un traité garantissant leurs intérêts et accordant une large autonomie interne à la Transjordanie, qui est dotée d'une Constitution le 16 avril suivant. 
    En 1946, les Britanniques souhaitent mettre fin au mandat sur la Palestine, qui leur a été confié par la SDN. Afin de préparer leur départ et d'assurer le maintien de leur présence militaire à l'est du Jourdain, ils concluent un traité avec l'émir de Tansjordanie, le 22 mars 1946, par lequel ils reconnaissent l'indépendance du pays. L'indépendance du Royaume hachémite de Jordanie est proclamée le 25 mai suivant par l'émir, devenu le roi Abdallah.

Sources : L'Europe nouvelle, n° 589, 25 mai 1929, p. 684.



Introduction.

Article premier.

La présente loi sera nommée « loi organique de la Transjordanie » et ses dispositions s'appliqueront à l'ensemble du pays (bilad) indépendant de la Transjordanie.

Article 2.

Amman est considérée comme la capitale de la Transjordanie, mais on pourra lui substituer une autre ville moyennant une loi spéciale.

Article 3.

Le drapeau (rayah) transjordanien aura la forme et les dimensions suivantes : la longueur sera double de la largeur et sera divisée horizontalement en trois bandes (qita') parallèles et égales ; la bande supérieure sera noire, la bande centrale blanche et l'inférieure verte. Du côté de la hampe, le drapeau portera, superposé, un triangle rouge dont le plus grand côté sera égal à la largeur du drapeau et dont la hauteur sera égale au quart de la longueur du drapeau. Au centre du triangle se trouvera une étoile blanche à sept pointes (musabba'), de dimensions telles qu'elle pourrait être inscrite dans un cercle ayant un diamètre
égal à 1/24e de la longueur du drapeau, le centre de l'étoile étant au point d'intersection des bissectrices des angles du triangle et l'étoile étant placée de telle sorte que l'axe passant par une des pointes (ru'us) soit parallèle à la hampe.

Titre premier. Droits de la population.

Article 4.

La nationalité transjordanienne sera déterminée et pourra être acquise ou perdue aux termes d'une loi spéciale.

Article 5.

Devant la loi il n'y aura pas de différences de droits entre Transjordaniens, même s'ils sont de races, de religions et de langues différentes.

Article 6.

La liberté personnelle de tous les habitants de la Transjordanie sera protégée contre les agressions et ingérences et aucun individu ne pourra être arrêté, détenu, puni, contraint à changer de résidence, soumis à des obligations ou obligé de servir dans l'armée sinon conformément à la loi. Tous les domiciles sont inviolables et il ne sera pas permis d'y pénétrer, sinon dans les circonstances et dans les formes prévues par la loi.

Article 7.

Les tribunaux sont ouverts à tous, mais nul ne sera obligé de se présenter devant un tribunal autre que celui ayant compétence (salahiyyah') pour juger son cas, sinon aux termes de la loi.

Article 8.

Les droits de propriété seront protégés et il n'y aura pas d'emprunts forcés, ni de confiscations de biens meubles ou immeubles, sinon aux termes de la loi. Le travail obligatoire ou forcé ne pourra être imposé que pour des fins d'utilité publique. Ce travail
aura toujours un caractère exceptionnel, recevra un salaire approprié et n'entraînera pas pour les travailleurs l'obligation de s'éloigner de leur résidence habituelle. Nul ne sera exproprié de ses biens sinon pour des fins d'utilité publique, dans des circonstances à définir légalement, et moyennant paiement d'une juste indemnité (ta'wid 'adil).

Article 9.

Aucun impôt (daribah) ne sera établi sinon aux termes d'une loi et les impôts seront appliqués à toutes les classes [de la population].

Article 10.

L'Islam est la religion de l'État. A tous les habitants de la Transjordanie est assurée la complète liberté de conscience et la liberté de culte, selon leurs coutumes propres, sauf le cas où l'exercice d'un culte troublerait la sécurité et l'ordre public ou serait
contraire à la morale.

Article 11.

Tous les Transjordaniens sont libres d'exprimer et de répandre leur opinion, de se réunir, de former des associations et d'y adhérer en qualité de membres, dans le cadre de la loi.

Article 12.

Les sujets (ra'aya) de la Transjordanie ont le droit de présenter à l'émir et au Conseil législatif des doléances ou des exposés (bayanat) concernant leurs affaires personnelles ou les affaires publiques, dans les formes et sous les conditions qui seront déterminées par la loi.

Article 13.

Toutes les communications postales, télégraphiques et téléphoniques seront considérées comme secrètes et ne seront ni soumises à la censure ni retenues, sinon dans les formes et dans les conditions qui seront déterminées par la loi.

Article 14.

Les diverses communautés (gama'at) auront le droit de fonder et d'entretenir leurs écoles pour y Instruire leurs membres respectifs dans leur langue, sous la réserve que seront observées les prescriptions générales de la loi.

Article 15.

L'arabe est la langue officielle.

Titre II. L'émir et ses droits.

Article 16.

Les pouvoirs législatifs et administratifs sont confiés à l'émir Abdallah ibn el-Husein et à ses héritiers après lui, conformément aux normes de la présente loi.

La qualité d'héritier du trône appartient aux descendants mâles de l'émir selon une loi spéciale de succession, à laquelle seront appliquées les stipulations des articles 70 et 71 de la présente loi organique en ce qui concerne la mutation, l'abrogation et l'amendement.

L'émir atteint sa majorité (sinn arrushd) à dix-huit ans révolus.

Au cas où l'héritier du trône serait élevé à l'émirat avant d'avoir atteint sa majorité, les pouvoirs législatifs et administratifs seront confiés à un conseil de régence dont la constitution sera déterminée par une loi spéciale.

Article 17.

En montant sur le trône, l'émir, devant le Conseil législatif convoqué conformément à la présente loi, jurera de sauvegarder la constitution (dustur) et prêtera serment de loyauté (ikhlas) envers la nation (ummah) et le pays (bilad).

Article 18.

L'émir est exempt de toute responsabilité.

Article 19.

1) L'émir est le chef de l'État. Il ordonne et promulgue toutes les lois et veille à leur application. Il n'a pas faculté de modifier ou de suspendre les lois ou de dispenser d'y obéir, sinon dans les circonstances et dans les formes prévues par la loi.
2) L'émir conclut les traités, mais Sa Majesté britannique pourra, en cas de nécessité, intervenir au nom de la Transjordanie, dans tout traité de commerce ou d'extradition ou dans toute espèce de conventions internationales générales dans laquelle S. M. serait partie [contractante] pour le compte de la Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord.
3) L'émir donne les ordres nécessaires pour procéder à l'élection du Conseil législatif, convoque le Conseil, l'inaugure, le proroge, prononce sa clôture et sa dissolution conformément aux dispositions de la loi.

Article 20.

L'émir nomme le premier ministre et le congédie, ou accepte sa démission. Il nomme et congédie tous les fonctionnaires publics, sous condition d'observer en cela les stipulations de la présente loi ou de toute autre loi établie à cet effet.

Article 21.

Aux fins de conseiller l'émir, sera constitué un Conseil exécutif composé du premier ministre et d'autres membres, dont le nombre ne dépassera pas cinq, nommés par l'émir, sur recommandation du premier ministre, parmi les principaux fonctionnaires de l'administration ou les représentants électifs de la nation.

Au Conseil exécutif est confiée l'administration des affaires de la Transjordanie. Il se réunit sous la présidence du premier ministre afin de décider des mesures à prendre relativement aux questions se rapportant à plus d'une branche de l'administration et pour étudier toutes les questions importantes concernant un seul ministère. Le premier ministre communiquera à l'émir les décisions du Conseil et s'assurera (istawthaqua onln) de ses désirs à leur égard (bi sha'niha).

Article 22.

L'émir concède et retire les grades de l'armée et de la police, à moins que, par une loi spéciale, il n'ait confié à d'autres une partie de son autorité en cette matière. Il confère les décorations et autres titres honorifiques.

Article 23.

Aucune condamnation à mort ne pourra être exécutée sinon après approbation de l'émir. Toute condamnation de cette sorte lui sera soumise par le Conseil exécutif en même temps que l'avis du dit Conseil sur l'affaire. L'émir pourra sanctionner les condamnations ou les remettre par grâce ('afw) spéciale.

Article 24.

L'émir fera connaître sa volonté par le moyen d'Iradé [littéralement actes de volonté]. Les iradé seront émis sur recommandation du chef responsable du département compétent de l'administration et sur avis favorable du premier ministre l'un et l'autre signeront l'iradé.

Titre III. La législation.

Article 25.

Le pouvoir législatif est confié au Conseil législatif et à l'émir. Le Conseil législatif est composé :
a) De représentants élus selon la loi électorale, laquelle devra prévoir une juste représentation des minorités ;
b) Du premier ministre et des autres membres du Conseil exécutif qui ne sont pas représentants élus.
La durée du Conseil législatif sera de trois ans.

Article 26.

Le Conseil législatif sera inauguré par l'émir en personne ou par le premier ministre, autorisé à prononcer le discours de l'émir.

Article 27.

Ne pourra être membre élu du Conseil législatif :
1) Quiconque n'est pas Transjordanien ;
2) Quiconque revendique une nationalité ou une protection étrangère ;
3) Quiconque n'a pas trente ans révolus ;
4) Quiconque est déchu de ses droits civils ;
5) Quiconque a été condamné pour faillite et n'est pas légalement réhabilité ;
6) Quiconque a été interdit par le tribunal compétent sans que l'interdiction ait été levée par la suite ;
7) Quiconque a été condamné à plus d'un an de prison pour un délit non politique sans avoir été amnistié par la suite pour le délit qui avait motivé sa condamnation ;
8) Quiconque tire un profit personnel ou autre du fait de rapports avec quelqu'une des administrations publiques de la Transjordanie basés sur un contrat autre qu'un contrat de location de terrains, à moins que le dit profit ne résulte du fait d'être actionnaire d'une société composée de plus de dix personnes ;
9) Quiconque est fou ou déficient (ma'tuh) ;
10) Quiconque est parent de l'émir jusqu'à un degré qui sera déterminé par une loi spéciale.

Article 28.

Conformément aux règles pour la dissolution prévues à l'article 19 (alinéa 3), la durée du Conseil législatif sera de trois sessions ordinaires, une session s'ouvrant chaque année le 1er novembre suivant les élections si le 1er novembre se trouve être
jour de vacances officielles, l'ouverture aura lieu le lendemain.

Article 29.

L'émir invitera le Conseil législatif à se réunir dans la capitale, pour la session ordinaire, le 1er novembre de chaque année, conformément aux stipulations de l'article 28 ; si le Conseil n'est pas convoqué, il se réunira de sa propre initiative, aux termes de la loi, à cette même date, et ouvrira sa session ordinaire qui durera trois mois, à moins que l'émir ne dissolve le Conseil législatif avant l'expiration de cette période ou à moins que la session ne soit prolongée par l'émir pour conclure des affaires urgentes. En cas de prolongation, la durée totale de la session ne dépassera pas six mois. Le Conseil législatif pourra renvoyer ses séances d'une date à l'autre, conformément à son règlement permanent et de même il devra les renvoyer, sur requête de l'émir, mais pas plus de trois fois au cours d'une session et en sorte que les délais, au total, n'excèdent pas un mois et demi. Dans le calcul de la durée de la session, on ne tiendra pas compte du temps pris par ces délais.

Article 30.

En cas de dissolution du Conseil législatif, il sera procédé à des élections générales, et le nouveau Conseil législatif se réunira en session extraordinaire dans un délai non supérieur à quatre mois, à compter de la dissolution. Dans tous les cas cette session sera close le 31 octobre, afin que le Conseil législatif puisse ouvrir sa session ordinaire le 1er novembre.

Article 31.

Tout membre du Conseil, avant d'occuper son siège, devra, en présence du Conseil, prêter serment de fidélité à l'émir, et jurer d'observer les lois publiques, de servir le pays et d'accomplir scrupuleusement ses devoirs.

Article 32.

Le premier ministre, s'il est présent, présidera toutes les séances du Conseil législatif ; en son absence, la présidence sera assumée par celui des membres non électifs qu'il nommera à cette fin chaque fois, et, à défaut d'une semblable nomination,
par celui des membres non électifs du Conseil législatif qui occupera la situation la plus élevée

Article 33.

Le Conseil législatif, à la première occasion opportune, aussitôt après sa première séance, et plus tard, à des époques diverses et selon que les circonstances l'exigeront, rédigera les règlements permanents destinés à préciser et à régler la procédure de ses travaux. Ces règlements permanents entreront en vigueur quand ils auront été approuvés par Son Altesse l'émir.

Article 34.

Aucune décision, à l'exception du renvoi de l'assemblée, ne pourra être prise si les deux tiers des membres du Conseil législatif ne sont pas présents.

Article 35.

Sauf les cas où la présente loi en dispose autrement les décisions du Conseil législatif seront prises à la majorité des voix des membres présents, à l'exclusion du président. Le président ne votera que s'il y a égalité de voix ; en ce cas le président aura
le droit de départager l'assemblée par son vote et il devra faire usage de ce droit.

Article 36.

Le Conseil législatif aura pouvoir et autorité, sous réserve toujours, des engagements pris en vertu de traités par Son Altesse l'émir, d'approuver toute loi qui sera jugée nécessaire à la sauvegarde, à l'ordre et au bon gouvernement de la Transjordanie.

Article 37.

Toute proposition de loi devra être présentée au Conseil par le premier ministre ou par le chef du département compétent. Le budget annuel sera également présenté au Conseil sous forme de loi.

Article 38.

Aucune loi n'entrera en vigueur avant que l'émir ne l'ait approuvée et munie de sa signature en signe d'approbation, et avant que son caractère exécutoire n'ait été proclamé dans le Journal officiel.

Dans un délai d'un an à compter de la date à laquelle un projet de loi lui a été présenté, l'émir a le devoir de donner son assentiment ou de renvoyer le projet au Conseil avec l'exposé des motifs de sa non approbation.

Article 39.

Une loi ne pourra être proclamée exécutoire sans que le schéma (mashru'uhu ; trad. angl. a draft) n'en ait été préalablement divulgué, un mois au moins avant son entrée en vigueur, sauf si, au jugement de l'émir assisté du Conseil exécutif et d'accord
avec le représentant accrédité de S. M. britannique, l'intérêt public exige absolument la proclamation immédiate du caractère exécutoire de la loi.

Article 40.

Tout membre du Conseil pourra proposer la discussion de toute question ayant trait à une matière quelconque d'administration publique.

Article 41.

Toutes les fois qu'il sera nécessaire, le Conseil législatif n'étant pas en session, de prendre des mesures urgentes en vue du maintien de l'ordre et de la sécurité publics, ou pour conjurer un danger public, ou pour engager des dépenses urgentes non
prévues par le budget ou par une loi spéciale, ou afin d'assurer l'exécution d'engagements pris par l'émir en vertu de traités, Son Altesse, assistée par le Conseil [exécutif] pourra édicter des lois provisoires qui établiront les mesures nécessaires.
Ces lois provisoires, qui ne devront pas contrevenir aux normes de la présente loi organique, auront force de loi. Toutes les lois provisoires, à l'exception de celles qui seront édictées afin d'assurer l'accomplissement des engagements pris par Son Altesse l'émir en vertu de traités devront être présentées au Conseil législatif à l'ouverture de sa session. Si le Conseil législatif, au cours de deux sessions ordinaires successives, n'accepte pas une loi provisoire présentée dans les formes susdites, le gouvernement proclamera la cessation de son caractère exécutoire ; et à partir de la date de cette proclamation la loi provisoire cessera d'être appliquée.

Dans toute la présente loi organique, les termes « loi » ou « lois » comprennent toute loi provisoire approuvée conformément aux stipulations du présent article, sauf si, dans le texte de la présente loi organique, se trouve une stipulation qui s'y oppose.

Titre IV. La juridiction.

Article 42.

Les juges civils ou scheriatiques seront nommés par iradé et ne pourront être destitués, sinon aux termes des stipulations contenues dans une loi spéciale qui concernera les qualités requises pour l'exercice de leur fonction, leur nomination, leurs degrés et les devoirs de leur charge.

Article 43.

Les tribunaux seront divisés en trois classes :
1) Tribunaux civils (mahakim madaniyyah) ;
2) Tribunaux religieux (mahakim diniyyah) ;
3) Tribunaux spéciaux (mahakim khassah).

Article 44.

La composition, les lieux de session, les degrés, les divisions, les compétences et l'administration de tous les tribunaux seront déterminés par des lois spéciales, sous la réserve que seront observées les normes de la présente loi organique.

Article 45.

Tous les tribunaux seront exempts de [toute espèce d'] ingérences dans leurs affaires.

Article 46.

Tous les procès seront publics ; toutefois les tribunaux pourront tenir certaines séances à huis clos pour des raisons déterminées par la loi.

La loi autorise la publication des actes des tribunaux, sauf le cas où les débats auront eu lieu à huis clos.

Tous les jugements et arrêts seront émis au nom de l'émir.

Article 47.

Les tribunaux civils ont juridiction sur toutes les personnes dans le territoire de la Transjordanie, en toutes les matières civiles et criminelles, y compris les procès pour revendications intentés par le gouvernement transjordanien ou contre lui, à l'exclusion
des matières qui, aux termes de la présente loi organique ou de toute autre loi en vigueur à ce moment, devra être jugée par les tribunaux religieux ou spéciaux.

Article 48.

1) La juridiction civile et criminelle des tribunaux civils sera exercée conformément à la loi en vigueur à ce moment, à condition que dans les autres matières civiles ou commerciales pour lesquelles, selon l'usage international, doit être appliquée la loi d'un autre pays, une loi [étrangère] semblable soit appliquée dans les formes qui seront prescrites par la loi.
2) Sera rendu effectif moyennant une loi, tout accord conclu par l'émir selon les normes de la présente loi organique et concernant les procédures (igra'at) judiciaires relatives aux droits et devoirs des étrangers.

Article 49.

Les tribunaux religieux se divisent en :
a) Tribunaux scheriatiques musulmans (mahakim shar'iyyah islamiyyah) ;
b) Conseils des communautés religieuses (magalis at tana'if ad-Liniyyah).

Article 50.

Seuls les tribunaux scheriatiques auront juridiction dans les questions concernant le statut personnel des musulmans, selon les prescriptions du décret (qarar) sur les règles des débats scheriatiques, en date du 25 octobre 1333 [selon l'année financière turque, soit le 7 novembre 1917], modifié s'il y a lieu en vertu d'une loi, d'un règlement ou d'une loi provisoire. En outre eux seuls connaîtront des matières concernant la constitution et l'administration intérieure de tout waqf, constitué au bénéfice des musulmans devant un tribunal scheriatique.

Les questions de statut personnel concernant à la fois des musulmans et des non musulmans, ou les questions de wakouf musulmans dans lesquelles une des parties na serait pas musulmane, seront soumises à la juridiction des tribunaux civils, à moins que toutes les parties en cause n'acceptent la juridiction des tribunaux scheriatiques.

Les tribunaux scheriatiques auront aussi juridiction dans les instances de règlement du prix du sang (diyah), quand les deux parties seront musulmanes ou quand toutes deux accepteront la juridiction des dits tribunaux.

Aux fins de la présente loi organique, par « matières de statut personnel », il faut entendre les procès concernant le mariage, la répudiation, les pensions alimentaires, le maintien de la famille (i'alah), la tutelle, la légitimation des enfants (shar'iyyat al-bunuwwah), l'adoption de mineurs, la défense de disposer des biens des personnes interdites légalement, les successions (tarikat), les testaments, les donations, l'administration des biens des absents.

Article 51.

La juridiction des tribunaux scheriatiques sera exercée conformément aux règles (ahkam) de la noble scheria (shar').

Article 52.

Les Conseils des communautés religieuses comprendront les Conseils des communautés religieuses non musulmanes qui seront constituées et investies de pouvoirs judiciaires en vertu de lois spéciales.

Article 53.

Les Conseils des communautés religieuses auront :
1) Juridiction exclusive en matière de mariage, dot (sadaq), répudiation, pensions alimentaires (nafaqah), rapports entre conjoints (i'alah zawgiyyah) et authentification (ithbat) de testaments concernant les membres des communautés respectives, exception faite des communautés étrangères et étant exclues les matières de la compétence des tribunaux civils ;
3) Juridiction exclusive en matière de statut personnel concernant les arrangements des communautés respectives, si toutes les parties en cause sont d'accord ;
3) Juridiction exclusive dans les matières concernant la constitution et l'administration des wakouf au bénéfice des membres de leurs communautés.

Article 54.

Les règles (usul) à suivre et les taxes (rusum) à recouvrer par les Conseils des communautés religieuses seront déterminées par une loi spéciale. Pareillement une loi spéciale déterminera le droit de succession (wirathah), les normes réglant les testaments et les matières de statut personnel qui sont en dehors du droit de juridiction exclusive des susdits Conseils.

Article 55.

Les tribunaux spéciaux n'exerceront leur droit de juridiction qu'en vertu d'une loi.

Titre V. Administration.

Article 56.

Les règles relatives à la nomination et au licenciement de tous les fonctionnaires publics, les divisions (tagsimat) administratives de la Transjordanie, leurs degrés et leurs noms, la compétence et les titres des fonctionnaires seront déterminés par une loi.

Article 57.

Les affaires municipales (ash-shu'un albaladiyyah) dans les villes et localités (buldan) de la Transjordanie seront administrées par le moyen de conseils municipaux, selon une loi spéciale.

Titre VI. Validité (nafadh) des lois et des sentences.

Article 58.

Exception faite des amendements ou abrogations qui peuvent être survenues par le moyen des proclamations, lois et règlements mentionnés dans les articles suivants, les lois ottomanes publiées le 1er novembre 1914 ou antérieurement et celles publiées après cette date et déclarées en vigueur par avis public et restées en vigueur jusqu'à la date de la présente loi resteront en vigueur, dans la mesure où les circonstances le permettront, tant que le pouvoir (sultah) législatif institué par la présente loi organique ne les aura pas abrogées ou modifiées.

Article 59.

Tous les actes législatifs émanés de l'autorité constituée de la Transjordanie à partir du 23 septembre 1918 seront considérés comme ayant été et étant toujours en vigueur et de plein effet aussi longtemps qu'ils n'auront pas été abrogés ou modifiés par le pouvoir législatif institué par la présente loi organique ; toutes les prohibitions qu'ils contiennent seront considérées comme validées (nafidah).

Article 60.

Tous les actes mentionnés aux deux précédents articles seront présumés émanés de bonne foi aussi longtemps que la partie plaignante n'aura pas prouvé le contraire ; toute cause [judiciaire] et toute action légale contre une personne quelconque à propos d'actes de cette nature sera rejetée et annulée, sauf le cas où la partie plaignante apporterait la preuve comme il a été dit ci-dessus.

Titre VII. Matières diverses.

Article 61.

La réglementation et l'administration (idarah) des affaires financières et autres des wakouf musulmans seront déterminées par une loi spéciale. L'administration (maslahah) des wakouf sera considérée comme une des administrations du gouvernement.

Article 62.

Il ne sera pas établi d'impôts (daribah) sinon en vertu d'une loi, restant entendu que ne sont pas considérées comme impôts les recettes (dukhl) qui peuvent être perçues par les administrations gouvernementales en compensation de services publics et de jouissance des propriétés du gouvernement.

Article 63.

Tous les produits des impôts, des locations de terrains publics, des donations, des carrières et des mines seront versés au trésor public (khizanah 'ammah), sauf si la loi en dispose autrement.

Article 64.

Aucune partie des fonds ne sera affectée au paiement de salaires ou d'indemnités ou à d'autres dépenses sinon en vertu d'une loi, et aucune fraction des sommes affectées à ces fins ne sera dépensée sinon dans les formes prescrites par la loi.

Article 65.

Les sommes affectées [aux diverses fins] pour chaque année seront approuvées par une loi annuelle qui comprendra les prévisions des recettes et des dépenses de l'année.

Article 66.

Les apanages (mukhassasat) de l'émir seront payés sur les recettes et approuvés dans la susdite loi annuelle.

Article 67.

1) Tout ce qui concerne les terrains publics sera confié et tous les droits sur ces terrains seront exercés par l'émir en tant que fiduciaire [ou fondé de pouvoir, amin) à cet égard, du gouvernement transjordanien ;
2) Toutes les carrières ou mines de toute espèce et de toute qualité, situées sur ou sous une étendue quelconque de terre ou d'eau, qu'il s'agisse d'eaux littorales (schiliyyah), de fleuves ou de lacs (buhayrat), seront confiées à l'émir, sous condition que sera respecté le droit de tout concessionnaire exploitant ces carrières ou ces mines en vertu d'une concession valide (imtiyaz nafldh) à la date de la présente loi organique.

Article 68.

L'émir assisté par le Conseil peut donner ou louer tout terrain public ou toute carrière ou mine, et permettre l'exploitation temporaire de ces terrains aux conditions et pour le temps qu'il jugera opportuns, pourvu que soient respectées les normes de la présente loi organique et sous la condition que ces dons, locations ou autres sortes de concessions aient lieu en vertu d'une loi.

Article 69.

Au cas où, en une région quelconque de la Transjordanie, surviendraient des troubles (idtirabat) ou seraient constatés des indices de faits de ce genre, ou en cas de danger d'agression ennemie sur un point quelconque de la Transjordanie, l'émir assisté par le Conseil aura pouvoir de proclamer la loi martiale (alahkam al-'urfiyyah), en tant que mesure temporaire, en toute région de la Transjordanie exposée aux effets des dits troubles ou à la dite agression. L'application des lois ordinaires de l'État pourra être temporairement suspendue en toute région [jugée menacée] et proclamée telle et pour la période de temps déterminée par la proclamation (manshur), à condition que toutes les personnes chargées de l'exécution de la dite proclamation soient et restent soumises à la responsabilité (tabi'ah) légale de leurs actes, sauf le cas ou elles auraient été exemptées de cette responsabilité en vertu d'une loi spéciale, faite à cet effet.

Le système d'administration des régions placées sous la loi martiale sera proclamé par iradé.

Article 70.

A tout moment, dans un délai de deux ans à dater de l'application de la présente loi organique, et sauf respect des obligations dérivant de traités, l'émir, moyennant une proclamation émanée de lui, pourra modifier ou abroger toute stipulation de la présente loi organique ou y apporter des adjonctions, en vue de réaliser (tanfidh) les fins qu'on attend de la dite loi organique, et il pourra établir tout autre article qu'il jugera nécessaire pour donner exécution aux prescriptions contenues dans la dite loi.

Article 71.

Passé ce délai de deux ans, aucune modification ne pourra être apportée à la présente loi organique, sinon en vertu d'une loi approuvée par une majorité non inférieure aux deux tiers des membres du Conseil législatif, et sous réserve que seront toujours
respectés les engagements pris en vertu de traités par Son Altesse l'émir.

Article 72.

La présente loi organique entrera en vigueur à partir de la date à laquelle l'émir lui aura donné son approbation.
26 shawwal 1346 (16 avril 1928).

Qu'il soit donné cours à son contenu.

Abdallah.


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