Kouang-Tchéou-Wan



Convention franco-chinoise du 16 novembre 1898, relative à la Concession du territoire de Kouang-Tchéou-Wan.
Convention du 18 août 1945 pour la rétrocession du territoire à bail de Kouang-Tchéou-Wan.

    La France ayant acquis la Cochinchine en 1862, puis établi son protectorat sur le Cambodge, l'Annam et le Cambodge, décide de réunir les pays placés sous son influence au sein d'en ensemble dénommé « Indochine française », auquel elle rattache Kouang-Tchéou-Wan, après avoir obtenu la location de ce territoire, pour une durée de 99 ans, par la Convention franco-chinoise du 16 novembre 1898, ci-dessous. La France visait la vaste île de Hainan ; au même moment, la Grande-Bretagne obtient les nouveau territoires à bail de Kowloon pour développer sa colonie de Hong-Kong ; la Russie, Dalian et Port-Arthur ; l'Allemagne, Kiao-Tchéou, dans la province du Chantoung. La France possédait également quatre concessions en Chine, à Shanghai, Canton, Hankéou et Tianjin.
    Le territoire, occupé par les Japonais en 1943, est officiellement rendu à la Chine par la convention du 18 août 1945, exécutée le 20 novembre 1945.
    Par ailleurs, la France abandonne les concessions qu'elle occupait en Chine et renonce aux privilèges de l'exterritorialité par le traité du 28 février 1946.

Voir également : Cambodge, Laos, Vietnam.

Source : Alfred Bonningue, La France à Kouang-Tchéou-Wan, Berger-Levrault, 1931.


Convention franco-chinoise du 16 novembre 1898,
relative à la Concession du territoire de Kouang-Tchéou-Wan.

Article premier.

Le Gouvernement chinois, en raison de son amitié pour la France, a donné à bail pour quatre-vingt-dix-neuf ans, Kouang-Tchéou-Wan au Gouvernement français pour y établir une station navale avec dépôt de charbon, mais il reste entendu que cette location n'affectera pas les droits de souveraineté de la Chine sur les Territoires concédés.

Article 2.

Le Territoire loué comprend les eaux et terrains nécessaires à la sécurité, à l'approvisionnement et au développement normal de la station navale et du dépôt de charbon, c'est-à-dire :
a) L'île de Tan-Hai ;
b) L'île de Nao-Chao ; la passe qui sépare ces deux îles étant nécessaire à la circulation et au mouillage des navires chinois, les dits navires pourront, à l'avenir, traverser le dit passage de la Concession Française ou y mouiller à volonté, sans être assujettis à aucun droit.
c) Au Lei-Tchéou, une bande de terrain reliant un point de la côté situé au sud de Tiao-Man et se trouvant par 20° 50' de latitude Nord, à Che-Men par 21° 25' de latitude Nord, sur une profondeur indiquée d'une manière générale sur la carte ci-annexée.
d) Au Kao-Tchéou, une bande de terrain comprise entre 21° 25' de latitude Nord et 21° 04' de latitude Nord, sur une profondeur indiquée d'une manière générale sur la carte annexée.
e) Les îlots compris dans l'intérieur du Kouang-Tchéou- Wan, ainsi que les eaux intérieures et extérieures de Nao-Chao et de Tan-Hai, dans les limites acceptées en droit international (six milles marins).

Les limites exactes sur le continent de Lei-Tchéou et du Kao-Tchéou seront fixées après la signature de la présente convention, quand les reconnaissances spéciales auront été faites par des fonctionnaires désignés par les deux Gouvernements.

Les dits fonctionnaires devront procéder sans retard à leur mission, afin d'éviter tout froissement possible entre les deux pays.

Article 3.

Le Territoire sera gouverné et administré pendant quatre-vingt-dix-neuf ans du bail par la France seule, cela afin d'éviter tout froissement possible entre les deux pays.

Les habitants conserveront la jouissance de leurs propriétés ; ils pourront continuer à habiter le Territoire loué et vaquer à leurs travaux et occupations, sous la protection de la France, aussi longtemps qu'ils se montreront respectueux de ses lois et de ses règlements. La France payera un prix équitable aux propriétaires indigènes pour les terrains qu'elle désirera acquérir.

Article 4.

La France pourra élever des fortifications, faire tenir garnison à des troupes ou prendre toute autre mesure défensive dans les terrains loués. Elle pourra construire, des phares, placer des bouées et signaux utiles à la navigation sur le Territoire loué, le long des îles et des côtes et, d'une manière générale, prendre toutes les mesures et adopter toutes les dispositions propres à assurer la liberté et la sécurité de la navigation.

Article 5.

Les navires de commerce de la Chine, ainsi que les navires des Puissances en relations diplomatiques et commerciales avec elle, seront traités dans le Territoire loué comme dans les ports ouverts de la Chine.

La France pourra promulguer tous les règlements qu'elle voudra dans l'administration du Territoire et du Port et notamment percevoir des droits de phare et de tonnage, destinés à couvrir les frais de construction et d'entretien des phares, bouées et signaux, mais les dits règlements et droits seront appliqués impartialement aux navires de toutes nationalités. Ces mesures s'appliquent à Kouang- Tchéou- Wan. Exception est faite pour ce qui est dit à l'article II de cette convention au regard des eaux de Nao- Chao et de Tan-Hai.

Article 6.

Si des cas d'extradition se présentent, ils seront traités d'après les stipulations des conventions existantes0 de la France et de la Chine, notamment celles qui règlent les rapports de voisinage entre la Chine et le Tonkin.

Article 7.

Le Gouvernement chinois autorise la France à construire une voie ferrée reliant un point de la baie de Kouang-Tchéou-Wan au Lei-Tchéou, aux environs de On-Pou. Ce dernier point sera ultérieurement défini avec précision.

La Chine fournira le terrain, mais les frais de construction et d'exploitation seront à la charge de la France. Les Chinois auront le droit de circulation et de trafic sur la voie ferrée, d'après le tarif général appliqué.

Les mandarins devront veiller à la protection de la voie et du matériel, mais la réparation et l'entretien de cette voie seront à la charge de la France.

Article 8.

La France pourra également, au point d'aboutissement de la ligne vers On-Pou, construire des débarcadères, appontements, magasins et hôpitaux, établir des phares, bouées et signaux. Le mouillage en eaux profondes le plus voisin de ce point d'aboutissement (eaux
territoriales), sera exclusivement réservé aux navires de guerre français et chinois, ces derniers en situation de neutralité seulement.

La présente Convention entrera immédiatement en vigueur. Elle sera ratifiée dès à présent par l'Empereur de Chine, et lorsqu'elle aura été ratifiée par le Président de la République Française, l'échange des ratifications aura lieu dans le plus bref délai possible.

Fait à Kouang-Tchéou-Wan, le 16 novembre 1898, en 8 exemplaires, dont 4 en langue française et 4 en langue chinoise. En cas de contestation le texte français fera foi.
Les Plénipotentiaires :
Pour la France : Signé : COUREJOLLES.
Pour la Chine : Signé : SOU.


Convention du 18 août 1945 pour la rétrocession du territoire à bail de Kouang-Tchéou-Wan.

Le Gouvernement National de la République de Chine et le Gouvernement Provisoire de la République Française, se référant à l'échange de lettres en date du 13 mars 1945 prévoyant le règlement des questions pendantes entre la Chine et la France dans l'esprit d'amitié qui a toujours existé entre les deux nations, ont décidé de conclure une convention à cet effet, et ont désigné pour leurs plénipotentiaires, savoir :
Son Excellence Monsieur le Président du Gouvernement National de la République de Chine:
Son Excellence Monsieur le Docteur Kuo-cheng Wu, Vice-Ministre politique des Affaires étrangères de la République de Chine,
Son Excellence Monsieur le Président du Gouvernement Provisoire de la République Française :
Monsieur Jean Daridan, Conseiller d'Ambassade, Chargé d'Affaires de France,
Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs respectifs, trouvés en bonne et due forme, ont convenu des articles suivants :

Article I

La Convention franco-chinoise du 16 novembre 1899 est abrogée et les droits accordés au Gouvernement français par cette convention prennent fin.

Article II

Le Gouvernement français consent à ce que le Territoire à bail de Kouang-Tchéou-Wan, tel qu'il est délimité par la Convention franco-chinoise du 16 novembre 1899, revienne sous l'administration et le contrôle chinois, étant entendu
que le Gouvernement chinois en reprenant ce territoire en assumera les obligations et le passif et y assurera la protection de tous droits légitimes.

Article III

Le Gouvernement français se dessaisira gracieusement en faveur du Gouvernement chinois de tous terrains, bâtiments, propriétés publiques, installations et établissements situés sur ce territoire et lui appartenant. II remettra au Gouvernement
chinois tous registres, archives, titres de propriété et autres documents qui pourraient être utiles au transfert et à l'administration subséquente du Territoire de Louangez-Tchéou-Wan.

Article IV

1) Pour parer à toutes questions relatives aux droits et titres existants de propriétés immobilières possédés par des sociétés et des ressortissants français dans le Territoire de Kouang-Tchéou-Wan et aux questions qui pourraient surgir de l'abrogation de la Convention franco-chinoise du 16 novembre 1899, le Gouvernement chinois et le Gouvernement français conviennent que ces droits et titres existants seront imprescriptibles et ne seront mis en cause sous aucun prétexte, à moins que la preuve ne soit établie par une procédure légalisée régulièrement de leur acquisition frauduleuse ou par des moyens frauduleux et malhonnêtes, étant entendu qu'aucun droit ou titre ne sera invalidé en vertu de changements postérieurs de quelque nature que ce soit dans la procédure originale suivant laquelle ils ont été acquis. Il est également convenu que l'exercice de ces droits ou titres sera soumis aux lois et règlements de la République chinoise sur les taxes, la défense nationale et le droit de domaine éminent; aucun de ces droits ou titres ne pourra être aliéné au profit du Gouvernement ou des ressortissants, y compris les sociétés, d'un tiers pays quelconque, sans le consentement exprès du Gouvernement de la République chinoise.

2) Le Gouvernement chinois et le Gouvernement français conviennent également que si le Gouvernement de la République chinoise désirait remplacer par de nouveaux titres de propriété le titre actuellement existant ou tout autre document probatoire relatif aux propriétés immobilières possédées par des sociétés ou des ressortissants français, le remplacement en sera fait par les autorités chinoises sans frais d'aucune sorte et les nouveaux titres de propriété protègeront les détenteurs de ces titres ou autres documents probatoires et leurs héritiers légaux ou leurs agents en cause sans diminution de leurs droits et intérêts antérieurs y compris le droit d'aliéner.

3) Le Gouvernement chinois et le Gouvernement frangés conviennent également que les sociétés et ressortissants français ne seront pas obligés ou invités par les autorités chinoises à payer aucun droit pour des transferts de terrains
effectues à une époque antérieure à la date à laquelle la présente convention entrera en vigueur.

Article V

Le Gouvernement chinois consent à louer sans frais au Gouvernement français pour une durée de réquisition renouvelable au gré des parties, l'ancienne résidence de l'administrateur en chef du Territoire de Kouang-Tchéou-Wan
de Fort Bayard, avec les terrains et annexes qui en dépendent, pour en faire le siège d'un Consulat de France, si le Gouvernement français en fait la demande, étant entendu qu'au cas où le Gouvernement français renoncerait à se prévaloir de cette disposition dans le délai d'un an à partir de la conclusion de la présente convention, le Gouvernement chinois reprendrait le libre et définitif usage de ce terrain et de ces bâtiments.

Article VI

Les dispositions de la présente convention prendront effet immédiatement.

Article VII

La présente convention sera rédigée en double exemplaire, en chinois et en français, les deux textes faisant également foi.

EN FOI DE QUOI, les Plénipotentiaires susmentionnés ont signé la présente convention et y ont apposé leur sceau.

Fait à Tchoungking, le dix-huitième jour du huitième mois de la trente quatrième année de la République de Chine correspondant au dix-huitième jour du mois d'août 1945.

(Signé) KUO-CHENG WU
(Signé) Jean DARIDAN