Liban


Autonomie du Liban (Moutassarifat du Mont-Liban).


Convention pour l'envoi de troupes européennes en Syrie.
Protocole pour le rétablissement de la tranquillité en Syrie et la protection des chrétiens.
Règlement organique du 9 juin 1861.
Règlement organique du 6 septembre 1864.

   Le Liban, au XVIe siècle s'était constitué en émirat autonome, tandis que la France devient après les Capitulations signées par François Ier la protectrice des chrétiens d'Orient. En 1840, à la suite de la tentative de Méhémet-Ali de conquérir la Syrie, l'intervention britannique replace le Liban sous l'administration directe du Sultan. L'ordre féodal intégrateur (il y a de nombreux villages mixtes) est alors remplacé par une tentative de territorialisation selon la religion : en 1842, la Montagne libanaise est partagée en deux caimacamats dans le but de cantonner les Maronites au Nord et les Druses au Sud. Les regroupements de population et les tensions entre les communautés qui s'ensuivent, les Britanniques appuyant les Druses, vont déboucher sur le massacre des chrétiens, en 1858-1860 (les évaluations vont de 10 000 à 22 000 morts, tandis que plusieurs milliers de femmes sont vendues), puis l'envoi d'un corps expéditionnaire français pour rétablir l'ordre (août 1860).
    Une commission composée des représentants des cinq grandes puissances prépare alors, à Beyrouth, un règlement organique qui accorde l'autonomie à la Montagne libanaise sous l'autorité d'un gouverneur chrétien non-libanais. Le texte adopté en 1861 ne fut guère appliqué, mais un nouveau règlement, adopté le 6 septembre 1864, régit alors la région jusqu'à l'établissement du mandat français sur le Liban et la Syrie.
   
La traduction ou la transcription des termes turcs est variable selon les auteurs. Le territoire administré par un « mutassarif », terme alors souvent traduit par « préfet », était ailleurs appelé « sandjak », et le territoire placé sous l'autorité d'un caimacam ou sous-préfet, « caza ». Le mode de scrutin utilisé pour les élections était une variante du scrutin à boules utilisé dans le domaine ottoman-balkanique : chaque électeur recevait un nombre égal de billes dont une blanche et plusieurs noires qu'il jetait dans les différentes urnes portant le nom des candidats.

Sources : Corps de droit ottoman, Clarendon Press, Oxford, vol. 1,1905, p. 185. Recueil d'actes internationaux de l'Empire ottoman, recueillis et publiés par Gabiel Effendi Noradounghian, 4 vol., Pichon, Paris, Leipzig, Neuchâtel, 1897-1903.
Voir la Constitution du Liban.


Protocole pour le rétablissement de la tranquillité en Syrie et la protection des chrétiens.

(Paris, 3 août 1860 - 15 mouharrem 1277)

Les plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de la Grande-Bretagne, et de la Russie, désirant établir, conformément aux intentions de leurs Cours respectives, le véritable caractère du concours prêté à la Sublime Porte aux termes du protocole signé le même jour, les sentiments qui leur ont dicté les clauses de cet acte et leur entier désintéressement, déclarent de la manière la plus formelle que les Puissances contractantes n'entendent poursuivre ni ne poursuivront, dans l'exécution de leurs engagements, aucun avantage territorial, aucune influence excessive, ni aucune concession touchant le commerce de leurs sujets et qui ne pourrait être accordé aux sujets de toutes les autres nations.

Néanmoins ils ne pourront s'empêcher, en rappelant ici les actes émanés de S. M. le Sultan, dont l'article 9 du traité du 30mars 1856 a constaté la haute valeur, d'exprimer le prix que leurs Cours respectives attachent à ce que, conformément aux promesses solennelles de la Sublime Porte, il soit adopté des mesures administratives sérieuses pour l'amélioration du sort des populations chrétiennes de tout rite dans l'Empire ottoman.

Le plénipotentiaire de Turquie prend acte de cette déclaration des représentants des Hantes Puissances et se charge de la transmettre à sa Cour, en faisant observer que la Sublime Porte a employé et continuera à employer ses efforts dans le sens du voeu exprimé ci-dessus.

Signé : Metternich, Thouvenel, Cowley, Reuss, Kisseleff, Ahmed-Véfik.



Convention pour l'envoi de troupes européennes en Syrie.

Article premier.

Un corps de troupes européennes, qui pourra être porté à douze mille hommes, sera dirigé en Syrie pour contribuer au rétablissement de la tranquillité

Article 2.

Sa Majesté l'Empereur des Français consent à fournir immédiatement la moitié de ce corps de troupes. S'il devenait nécessaire d'élever son effectif au chiffre stipulé dans l'article précédent, les Hautes Puissances s'entendraient sans retard avec la Porte, par la voie diplomatique ordinaire, sur la désignation de celles d'entre Elles qui auraient à y pourvoir.

Article 3.

Le commandant en chef de l'expédition entrera, à son arrivée, en communication avec le commissaire extraordinaire de la Porte, afin de combiner toutes les mesures exigées par les circonstances, et de prendre les positions qu'il y aura lieu d'occuper pour remplir l'objet du présent acte.

Article 4.

Leurs Majestés la Reine du Royaume Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, l'Empereur d'Autriche, l'Empereur des Français, Son Altesse Royale le Prince Régent de Prusse, et Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies, promettent d'entretenir les forces navales suffisantes pour concourir au succès des efforts communs pour le rétablissement de la tranquillité sur le littoral de la Syrie.

Article 5.

Les Hautes Parties, convaincues que ce délai sera suffisant pour atteindre le but de pacification qu'elles ont en vue, fixent à six mois la durée de l'occupation des troupes européennes en Syrie.

Article 6.

La Sublime Porte s'engage à faciliter, autant qu'il dépendra d'elle, la subsistance et l'approvisionnement du corps expéditionnaire.

Article 7.

La présente convention sera ratifiée, et les ratifications en seront échangées à Paris, dans le délai de cinq semaines, ou plus tôt, si faire se peut.

En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs l'ont signée et y ont apposé le sceau de leurs armes.

Fait à Paris, le 5 septembre 1860.

Signé : Metternich, Thouvenel, Cowley, Reuss, Kisseleff, Ahmed-Véfik.



Règlement organique du 9 juin 1861.

Article premier.

Le Liban sera administré par un gouverneur chrétien nomme par la Sublime-Porte et relevant d'elle directement. Ce fonctionnaire amovible sera investi de toutes les attributions du pouvoir exécutif, veillera au maintien de l'ordre et de la sécurité publique dans toute l'étendue de la Montagne, percevra les impôts et nommera, sous sa responsabilité, en vertu du pouvoir qu'il recevra de Sa Majesté Impériale le Sultan, les agents administratifs ; il instituera les juges, convoquera et présidera le Medjliss administratif central, et procurera l'exécution de toutes les sentences légalement rendues par les tribunaux, sauf les réserves prévues par l'article 9. Chacun des éléments constitutifs de la population de la Montagne sera représenté auprès du gouverneur par un vékil nommé par les chefs et notables de chaque communauté.

Article 2.

Il y aura pour toute la Montagne un Medjliss administratif central composé de douze membres, savoir : deux maronites, deux druses, deux grecs orthodoxes, deux grecs catholiques, deux métualis et deux musulmans, chargé de répartir l'impôt, contrôler la gestion des revenus et des dépenses, donner son avis consultatif sur toutes les questions qui lui seront posées par le gouverneur.

Article 3.

La Montagne sera divisée en six arrondissements administratifs, savoir :
1° Le Koura, y compris la partie inférieure et les autres fractions de territoire avoisinantes dont la population appartient au rite grec orthodoxe, moins la ville de Tripoli située sur la côte et à peu près exclusivement habitée par les musulmans ;
2° La partie septentrionale du Liban, sauf Koura, jusqu'à Nahr-el-Kelb ;
3° Zahlé et son territoire ;
4° Le Metten, y compris le Sahel chrétien et les territoires de Kata et de Solima ;
5° Le territoire situé au sud de la route de Damas à Beyrouth jusqu'à Djezzin ;
6° Le Djezzin et le Zaffoh.

Il y aura dans chacun de ces arrondissements un agent administratif nommé par le gouverneur et choisi dans le rite dominant, soit par le chiffre de la population, soit par l'importance de ses propriétés.

Article 4.

Il y aura dans chaque arrondissement un medjlis administratif local composé de trois à six membres représentant les divers éléments de la population et les intérêts de la propriété foncière  de l'arrondissement.
Ce medjlis local, présidé et  convoqué annuellement par le chef de l'arrondissement , devra résoudre en premier ressort toutes les affaires du contentieux administratif, entendre les réclamations des habitants, fournir les renseignements nécessaires à la répartition de l'impôt dans l'arrondissement, et donner son avis constaté sur toutes les questions d'intérêt local.

Article 5.

Les arrondissements administratifs seront subdivisée en cantons, dont le territoire à peu près réglé sur celui des anciens aklims ne renfermera, autant que possible, que des groupes homogènes de population, et les cantons en communes qui se composeront, chacune, d'au moins 500 habitants. A la tête de chaque canton, il y aura un agent nommé par le gouverneur, sur la proposition du chef de l'arrondissement, et à la tête de chaque commune un cheikh choisi par les habitants et nommé par le gouverneur.

Dans les communes mixtes, chaque élément constitutif de la population aura un cheikh particulier, dont l'autorité ne s'exercera que sur ses coreligionnaires.

Article 6.

Egalité de tous devant la loi ; abolition de tous les privilèges féodaux et notamment de ceux qui appartenaient au mukatadji.

Article 7.

Il y aura dans chaque canton un juge de paix pour chaque rite ; dans chaque arrondissement un medjlis judiciaire de première instance composé de trois à six membres représentant les divers éléments de la population, et au siège du gouvernement un medjlis supérieur, composé de douze membres dont deux appartenant à chacune des communautés désignées en l'article 2, auxquels on adjoindra un représentant des cultes protestant et israélite toutes les fois qu'un membre de ces communautés aura des intérêts engagés dans le procès. La présidence du medjlis sera exercée trimestriellement, et à tour de rôle, par chacun de ses membres.

Article 8.

Les juges de paix jugeront sans appel jusqu'à concurrence de 500 piastres. Les affaires au-dessus de 500 piastres seront de la compétence des medjlis judiciaires de première instance.

Les affaires mixtes, c'est-à-dire entre particuliers n'appartenant pas au même rite, quelle que soit la valeur engagée dans le procès, seront immédiatement portées dans le tribunal de première instance, à moins que les parties ne soient d'accord pour reconnaître la compétence du juge de paix du défendeur. En principe, toute affaire sera jugée par la totalité des membres du medjlis. Néanmoins, quand toutes les parties engagées appartiennent au même rite, elles auront le droit de récuser le juge appartenant à un rite différent. Mais dans ce cas, les juges récusés devront assister au jugement.

Article 9.

En matière criminelle il y aura trois degrés de juridiction. Les contraventions seront jugées par les juges de paix ; les délits par les medjlis de première instance et les crimes par le medjlis judiciaire supérieur, dont les sentences ne pourront être mises à exécution qu'après l'accomplissement des formalités d'usage dans le reste de l'empire.

Article 10.

Tout procès en matière commerciale sera porté devant le tribunal de commerce de Beyrouth, et tout procès, même en matière civile, entre un sujet ou un protégé d'une puissance étrangère et un habitant de la Montagne, sera soumis à la juridiction de ce même tribunal.

Article 11.

Tous les membres des medjlis judiciaires et administratifs, sans exception, ainsi que les juges de paix, seront choisis et désignés après une entente avec les notables, par les chefs de leurs communautés respectives et institués par le gouverneur.

Le personnel des medjlis administratifs sera renouvelé par moitié tous les ans et les membres sortants pourront être réélus.

Article 12.

Tous les juges seront rétribués. Si, après enquête, il est prouvé que l'un d'entre eux a prévariqué, ou s'est rendu par un fait quelconque, indigne de ses fonctions, il devra être révoqué et sera en outre passible d'une peine proportionnée à la faute qu'il aura commise.

Article 13.

Les audiences de tous les medjlis seront publiques et il en sera rédigé procès-verbal par un greffier institué ad hoc. Ce greffier sera, en outre, chargé de tenir un registre de tous les contrats portant aliénation de biens immobiliers, lesquels contrats ne seront valables qu'après avoir été soumis à la formalité de l'enregistrement.

Article 14.

Les habitants du Liban qui auraient commis un crime ou délit dans un autre sandjak seront justiciables des autorités de ce sandjak, de même que les habitants des autres arrondissements qui auraient commis un crime ou délit dans la circonscription du Liban, seront justiciables des tribunaux de la Montagne.

En conséquence, les individus indigènes ou non indigènes qui se seraient rendus coupables d'un crime ou délit dans le Liban, et qui se seraient évadés dans un autre sandjak, seront, sur la demande de l'autorité de la Montagne, arrêtés par celle du sandjak où ils se trouvent et remis à l'administration du Liban. De même les indigènes de la Montagne ou les habitants d'autres départements qui auront commis un crime ou délit dans un sandjak quelconque et autre que le Liban, et qui s'y seront réfugiés, seront, sans retard, arrêtés par l'autorité de la Montagne, sur la demande de celle du sandjak intéressé, et seront remis à cette dernière autorité.

Les agents de l'autorité qui auraient apporté une négligence ou des retards non justifiés dans l'exécution des ordres relatifs au renvoi des coupables devant les tribunaux compétents, seront, comme ceux qui chercheraient à dérober ces coupables aux poursuites de la police, punis conformément aux lois.

Enfin, les rapports de l'administration du Liban avec l'administration respective des autres sandjaks, seront exactement les mêmes que les relations qui existent et qui seront entretenues entre tous les autres sandjaks de l'empire.

Article 15.

En temps ordinaire, le maintien de l'ordre et l'exécution des lois seront exclusivement assurés par le gouverneur, au moyen d'un corps de police mixte, recruté par la voie des engagements volontaires et composé de sept hommes environ pour mille habitants.

L'exécution par garnisaires devant être abolie et remplacée par d'autres modes de contrainte, tels que la saisie ou l'emprisonnement, il sera interdit aux agents de police, sous les peines les plus sévères, d'exiger des habitants aucune rétribution, soit en argent, soit en nature. Ils devront porter un uniforme ou quelque signe extérieur de leurs fonctions et dans l'exécution d'un ordre quelconque de l'autorité, employer, autant que possible, des agents appartenant à la nation ou au rite de l'individu que cette mesure concernera.

Jusqu'à ce que le police locale ait été reconnue par le gouverneur en état de faire face à tous les devoirs qui lui seront imposés en temps ordinaire, les routes de Beyrouth à Damas et de Saida à Tripoli, seront occupées par des troupes impériales. Ces troupes seront sous les ordres du gouverneur de la Montagne.

En cas extraordinaire et de nécessité, et après avoir pris l'avis du medjlis administratif central, le gouverneur pourra requérir, auprès des autorités militaires de la Syrie, l'assistance des troupes régulières.

L'officier qui commandera ces troupes devra se concerter, pour les mesures à prendre, avec le gouverneur de la Montagne, et tout en conservant son droit d'initiative et d'appréciation pour toutes les questions de stratégie et de discipline, il sera subordonné au gouverneur de la Montagne durant le temps de son séjour dans le Liban et il agira sous la responsabilité de ce dernier.

Ces troupes se retireront de la Montagne aussitôt que le gouverneur aura officiellement déclaré à leur commandant que le but pour lequel elles ont été appelées a été atteint.

Article 16.

La Sublime Porte ottomane se réservant le droit de lever, par l'intermédiaire du gouverneur du Liban, les trois mille cinq cents bourses qui constituent aujourd'hui l'impôt de la Montagne, impôt qui pourra être augmenté jusqu'à la somme de sept mille bourses, lorsque les circonstances le permettront, il est bien entendu que le produit de ces impôts sera affecté, avant tout, aux frais d'administration de la Montagne et à ses dépenses d'utilité publique ; le surplus seulement, s'il y a lieu, entrera dans les caisses de l'État.

Si les frais généraux strictement nécessaires à la marche régulière de l'administration, dépassent le produit des impôts, la Porte aurait à pourvoir à ces excédents de dépenses. 

Mais il est entendu que pour les travaux publics ou autres dépenses extraordinaires, la Sublime Porte n'en serait responsable qu'autant qu'elle les aurait préalablement approuvés.

Article 17.

Il sera procédé, le plus tôt possible, au recensement de la population par commune et par rite, et à la levée du cadastre de toutes les terres cultivées.

Arrêté et convenu à Péra, le 9 juin 1861.

Aali, H. Bulwer, Lavalette, Prokesch-Osten, Goltz, Lobanow.


Règlement organique du 6 septembre 1864.

Article premier.

Le Liban sera administré par un gouverneur chrétien nomme par la Sublime-Porte et relevant d'elle directement. Ce fonctionnaire amovible sera investi de toutes les attributions du pouvoir exécutif, veillera au maintien de l'ordre et de la sécurité publique dans toute l'étendue de la Montagne, percevra les impôts et nommera, sous sa responsabilité, en vertu du pouvoir qu'il recevra de Sa Majesté Impériale le Sultan, les agents administratifs, il instituera les juges, convoquera et présidera le Medjliss administratif central, et procurera l'exécution de toutes les sentences légalement rendues par les tribunaux, sauf des décisions prévues par l'article 8.

Article 2.

Il y aura pour toute la Montagne un Medjliss administratif central composé de douze membres délégués par les mudirats et répartis entre les différents mudirats dans la proportion suivante ;
1° er 2° Les deux mudirats du Kesrouan délégueront chacun un maronite ;
3° Le mudirat du Djezzin, un maronite, un druse et un musulman ;
4° Le mudirat du Metten, un maronite, un grec orthodoxe, un druse et un métuali ;
5° Le Chouf, un druse ;
6° Le Koura, un grec orthodoxe ;
7° Zahleh, un grec catholique.

Le Medjliss administratif sera chargé de répartir l'impôt, contrôler la gestion des revenus et des dépenses et donner son avis consultatif sur toutes les questions qui lui seront posées par le gouverneur.

Article 3.

La Montagne sera divisée en sept arrondissements administratifs, savoir :
1° Le Koura, y compris la partie inférieure et les autres fractions de territoire avoisinantes dont la population appartient au rite grec orthodoxe, moins la ville de Calmoun située sur la côte et à peu près exclusivement habitée par les musulmans ;
2° La partie septentrionale du Liban comprenant Djebet Bécherré, Zavié et Belad Batroun ;
3° La partie septentrionale du Liban comprenant Bélad Djibéil, Djebbet Mumeitra, Fetouh et le Kesrouan proprement dit jusqu'à Nahr-el-Kelb ;
4° Zahlé et son territoire ;
5° Le Metten, y compris le Sahel chrétien et les territoires de Kata et de Polima ;
6° Le territoire situé au sud de la route de Damas jusqu'à Djezzin ;
7° Le Djezzin et le Teffah.

Il y aura dans chacun de ces arrondissements un agent administratif (kaimakam) nommé par le gouverneur et choisi dans le rite dominant, soit par le chiffre de la population, soit par l'importance de ses propriétés.

Article 4.

Les arrondissements administratifs (mudirats) seront divisée en cantons (moudiriehs) dont le territoire sera à peu près réglé sur celui des anciens aklims.

A la tête de chaque canton, il y aura un agent (mudir) nommé par le gouverneur sur proposition du chef de l'arrondissement (kaimakam) et à la tête de chaque village un cheikh choisi par les habitants et nommé par le gouverneur.

Article 5.

Egalité de tous devant la loi ; abolition de tous les privilèges féodaux et notamment de ceux qui appartiennent au mukatadji.

Article 6.

Il y aura dans la Montagne trois tribunaux de première instance, composés chacun d'un juge et d'un substitut, nommés par le gouverneur, et de six défenseurs d'office, désignés par les communautés, et au siège du gouverneur un Medjliss judiciaire supérieur, composé de six juges choisis et nommés par le gouverneur dans les six communautés : musulmans sunnite et métuali, maronite, druse, grecque orthodoxe, grecque catholique et de six défenseurs d'office des cultes protestant et israélite, toutes les fois qu'un membre de ces communautés aura des intérêts engagés dans le procès.

Le tribunal supérieur sera présidé par un fonctionnaire nommé ad hoc par le gouverneur.

Il est réservé au gouverneur la faculté de doubler le nombre des tribunaux de première instance, dans le cas où des nécessités locales en auront constaté l'urgence et de fixer, en attendant, les localités où devront fonctionner les trois tribunaux de première instance, dans l'intérêt de la distribution régulière de la justice.

Article 7.

Les cheikhs de village remplissant les fonctions de juges de paix, jugeront sans appel jusqu'à concurrence de 200 piastres.

Les affaires au-dessus de 200 piastres seront de la compétence des Medjliss judiciaires de première instance.

Les affaires mixtes, c'est-à-dire entre particuliers n'appartenant pas à un même rite, quelle que soit la valeur engagée dans le procès, seront immédiatement portées dans le tribunal de première instance, à moins que les parties ne soient d'accord pour reconnaître la compétence du juge de paix du défenseur. En principe, toute affaire sera jugée par la totalité des membres du Medjliss. Néanmoins, quand toutes les parties engagées appartiennent au même rite, elles auront le droit de récuser le juge appartenant à un rite différent. Mais dans ce cas, les juges récusés devront assister au jugement.

Article 8.

En matière criminelle il y aura trois degrés de juridiction. Les contraventions seront jugées par les cheikhs de village remplissant les fonctions de juge de paix ; les délits par les tribunaux de première instance et les crimes par le Medjliss judiciaire supérieur, dont les sentences ne pourront être mises à exécution qu'après l'accomplissement des formalités d'usa ge dans le reste de l'empire.

Article 9.

Tout procès en matière commerciale sera porté devant le tribunal de commerce de Beyrouth, et tout procès, même en matière civile, entre sujet ou protégé d'une puissance étrangère et un habitant de la Montagne, sera soumis à la juridiction de ce même tribunal.

Toutefois, autant que possible, et après entente entre les parties, les contestations entre les habitants du Liban et des sujets étrangers pourront être jugés par arbitrage et, dans ce cas, l'Autorité impériale du Liban et les consulats des puissances amies seront tenus de faire exécuter les sentences arbitrales.

Mais dans le cas où les contestations seraient portées devant le tribunal de Beyrouth, faute d'entente entre les parties de soumettre leur différend à un arbitrage, la partie perdante sera tenue de payer les frais de déplacement d'après un tarif établi d'accord entre le gouverneur du Liban et le corps consulaire de Beyrouth et sanctionné par la Sublime Porte. Il reste bien entendu que les actes de compromis devront être rédigés légalement, signés par les parties et enregistrés tant au tribunal de Beyrouth qu'au Medjliss judiciaire supérieur de la Montagne.

Article 10.

Les juges sont nommés par le gouverneur ; les membres du Medjliss administratif sont élus dans les arrondissements par les cheikhs de village. Les cheikhs de village sont choisis par la population de chaque village.

Le personnel du Medjliss administratif sera renouvelé par tiers tous les deux ans et les membres sortants pourront être réélus.

Article 11.

Tous les juges seront rétribués. Si, après enquête, il est prouvé que l'un d'entre eux a prévariqué, ou s'est rendu par un fait quelconque, indigne de ses fonctions, il devra être révoqué et sera en outre passible d'une peine proportionnée à la faute qu'il aura commise.

Article 12.

Les audiences de tous les Medjliss judiciaires seront publiques et il en sera rédigé procès-verbal par un greffier institué ad hoc. Ce greffier sera, en outre, chargé de tenir un registre de tous les contrats portant aliénation de biens immobiliers, lesquels contrats ne seront valables qu'après avoir été soumis à la formalité de l'enregistrement.

Article 13.

Les habitants du Liban qui auraient commis un crime ou délit dans un autre sandjak seront justiciables des autorités de ce sandjak, de même que les habitants des autres arrondissements qui auraient commis un crime ou délit dans la circonscription du Liban, seront justiciables des tribunaux de la Montagne.

En conséquence, les individus indigènes ou non indigènes qui se seraient rendus coupables d'un crime ou délit sur le Liban, et qui se seraient évadés dans un autre sandjak, seront, sur la demande de l'autorité de la Montagne, arrêtés par celle du sandjak où ils se trouvent et remis à l'administration du Liban. De même les indigènes de la Montagne ou les habitants d'autres départements qui auront commis un crime ou délit dans un sandjak quelconque et autre que le Liban, et qui s'y seront réfugiés, seront, sans retard, arrêtés par l'autorité de la Montagne, sur la demande de celle du sandjak intéressé, et seront remis à cette dernière autorité. Les agents de l'autorité qui auraient apporté une négligence ou des retards non justifiés dans l'exécution des ordres relatifs au renvoi des coupables devant les tribunaux compétents, seront, comme ceux qui chercheraient à dérober ces coupables aux poursuites de la police, punis conformément aux lois.

Enfin, les rapports de l'administration du Liban avec l'administration respective des autres sandjaks, seront exactement les mêmes que les relations qui existent et qui seront entretenues entre tous les sandjaks de l'empire.

Article 14.

En temps ordinaire le maintien de l'ordre et l'exécution des lois seront exclusivement assurés par le gouverneur, au moyen d'un corps de police mixte, recruté à raison de sept hommes environ pour mille habitants.

L'exécution par garnisaires devant être abolie et remplacée par d'autres modes de contrainte, tels que la saisie ou l'emprisonnement, il sera interdit aux agents de police, sous les peines les plus sévères, d'exiger des habitants aucune rétribution, soit en argent, soit en nature. Ils devront porter un uniforme ou quelque signe extérieur de leurs fonctions.

Jusqu'à ce que le police locale ait été reconnue par le gouverneur en état de faire face à tous les devoirs qui lui seront imposés en temps ordinaire, les routes de Beyrouth à Damas et de Saida à Tripoli, seront occupées par des troupes impériales. Ces troupes seront sous les ordres du gouverneur de la Montagne.

En cas extraordinaire et de nécessité, et après avoir pris l'avis du Medjliss administratif central, le gouverneur pourra requérir, auprès des autorités militaires de la Syrie, l'assistance des troupes régulières.

L'officier qui commandera ces troupes en personne devra se concerter, pour les mesures à prendre, avec le gouverneur de la Montagne, et tout en conservant son droit d'initiative et d'appréciation pour toutes les questions de stratégie et de discipline, il sera subordonné au gouverneur de la Montagne durant le temps de son séjour dans le Liban et il agira sous la responsabilité de ce dernier.

Ces troupes se retireront de la Montagne aussitôt que le gouverneur aura officiellement déclaré à leur commandant que le but pour lequel elles ont été appelées a été atteint.

Article 15.

La Sublime Porte se réservant le droit de lever, par l'intermédiaire du gouverneur du Liban, les trois mille cinq cents bourses qui constituent aujourd'hui l'impôt de la Montagne, impôt qui pourra être augmenté jusqu'à la somme de sept mille bourses, lorsque les circonstances le permettront, il est bien entendu que le produit de ces impôts sera affecté, avant tout, aux frais d'administration de la Montagne et à ses dépenses d'utilité publique ; le surplus seulement, s'il y a lieu, entrera dans les caisses de l'État.

Si les frais généraux nécessaires à la marche régulière de l'administration, dépassent le produit des impôts, c'est au Trésor impérial à pourvoir à ces excédents des dépenses. Les behaliks ou revenus des domaines impériaux, étant indépendants de l'impôt, ils seront versés dans la caisse du Liban, au crédit de la comptabilité de cette caisse avec le Trésor impérial.

Mais il est entendu que pour les travaux publics ou autres dépenses extraordinaires, la Sublime Porte n'en serait responsable qu'autant qu'elle les aurait préalablement approuvés.

Article 16.

Il sera procédé, le plus tôt possible, au recensement de la population par commune et par rite et à la levée du cadastre de toutes les terres cultivées.

Article 17.

Dans toute affaire où les membres du clergé séculier ou régulier sont seuls engagés, ces parties prévenues ou accusées resteront soumises à la juridiction ecclésiastique, sauf les cas où l'autorité épiscopale demanderait le renvoi devant les tribunaux ordinaires.

Article 18.

Aucun établissement ecclésiastique ne pourra donner asile aux individus soit ecclésiastiques, soit laïques qui sont l'objet de poursuites du ministère public.

Arrêté et convenu à Constantinople, le 6 septembre 1864.

Aali, H. Bulwer, Prokesch-Osten, Ignatieff, Steffens, E de Bonnières.


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voir la fiche Liban.

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Jean-Pierre Maury