Déclaration de La Celle-Saint-Cloud, 6 novembre 1955.
Déclaration commune franco-marocaine du 2 mars 1956.
Déclaration commune hispano-marocaine du 7 avril 1956.
Déclaration finale de la conférence de Tanger, 29 octobre 1956.
Après la conférence d'Algésiras (1906) qui visait à préserver l'intégrité et l'indépendance du Maroc, la tentative de modernisation de l'État marocain pour échapper aux convoitises des Européens, notamment de la France, de l'Espagne et de l'Allemagne, échoue et le Maroc est démembré.
Le traité de Fès du 30 mars 1912 instaure le protectorat français sur le Maroc. Mais, un accord est conclu avec l'Espagne, le 27 novembre 1912, qui définit les trois zones d'influence espagnole, au Nord, au Sud, et autour d'Ifni, conformément à un accord secret conclu dès le 3 novembre 1904 (RGDIP, 1912, documents, p. 18 et s.), à la suite de l'Entente cordiale franco-britannique du 8 avril 1904. Par ailleurs, la zone de Tanger est soumise à un régime particulier, qui sera plus tard précisé par la convention de Paris du 18 décembre 1923. Le 28 avril 1912, le général Lyautey est nommé Commissaire résident général au Maroc et le 13 août, un nouveau Sultan, Moulay Youssef, est proclamé. Ces différents accords régissent le Maroc jusqu'à la reconnaissance de l'indépendance du pays en 1956.
Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement en faveur de l'indépendance progresse. Les nationalistes marocains présentent au Sultan Mohammed ben Youssef un Manifeste pour l'indépendance du Maroc, qui s'apparente par sa forme à une déclaration d'indépendance. Le sultan Mohammed ben Youssef demande à plusieurs reprises l'indépendance du Maroc, notamment dans son discours de Tanger, le 10 avril 1947, et dans son mémorandum du 11 octobre 1950 ; il entre en conflit avec les résidents généraux représentant la France. Après de nombreuses manifestations contre la présence française, le Sultan est déposé, le 20 août 1953, et exilé en Corse, puis à Madagascar. Un nouveau Sultan, Mohammed ben Arafa, est élu par les Oulémas, avec le soutien du Glaoui, le pacha de Marrakech. Mais les manifestations se poursuivent et l'Assemblée générale de l'ONU reconnaît au Maroc le droit à l'autodétermination.
Edgar Faure, qui redevient chef du gouvernement français en février 1955, formule alors l'idée d'une « indépendance dans l'interdépendance », qu'il fait appliquer au Maroc par le Conseil des ministres du 5 novembre 1955, après avoir rappelé Mohammed ben Youssef en Métropole, à La Celle-Saint Cloud. La déclaration commune du 6 novembre permet alors le retour du Sultan sur son trône, le 16 novembre (journée déclarée fériée par arrêté résidentiel), et ouvre la voie à l'indépendance. Un gouvernement est formé, sous la présidence de Sid Bekkaï ben Mbarek Lahbil, par un dahir du 7 décembre 1955, encore visé par le résident général français André-Louis Dubois (BO de l'Empire chérifien, n° 2252, du 23 décembre 1955).
Le nouveau gouvernement de Guy Mollet poursuit la même politique et une déclaration commune, le 2 mars 1956, reconnaît la caducité du traité de Fès de 1912. Des accords, conclus le 28 mai, définissent les nouveaux rapports entre les deux pays. La mention « Protectorat de la République française au Maroc », encore présente au Bulletin officiel de l'Empire chérifien du 2 mars 1956, n° 2263, a disparu du numéro suivant.
L'Espagne reconnaît aussi l'indépendance du Maroc et la nécessité d'établir des relations nouvelles entre les deux pays, par une déclaration commune du 7 avril 1956, qui permet au gouvernement marocain d'établir son autorité sur la zone de Tétouan (Nord marocain).
Une conférence internationale réunissant les neuf puissances concernées reconnaît, par sa déclaration finale du 29 octobre 1956, l'abolition du statut international de Tanger (Dahir du 6 novembre 1956, BO de l'Empire chérifien, n° 2305 du 28 décembre 1956).
Cependant, le mouvement nationaliste veut récupérer Ifni, le Sud marocain et le Sahara, où l'Espagne souhaite se maintenir et même la Mauritanie, à laquelle la France s'apprête à accorder l'autonomie. Les forces franco-espagnoles repoussent les Marocains, et le traité du 2 avril 1958 avec l'Espagne restitue au Maroc la zone de Tarfaya, entre l'Oued Draa et le cap Juby, tandis que les forces marocaines occupent la majeure partie du territoire d'Ifni. La ville d'Ifni est cédée par l'Espagne le 30 juin 1969, en application de la résolution 2072 de l'AG de l'ONU.
Le 28 février 1976, à la suite de la Marche verte, déclenchée par le roi Hassan II, l'Espagne abandonne le Sahara occidental, dont le Front Polisario proclame l'indépendance. La Seguia el-Hamra, la partie nord, est alors annexée par le Maroc, tandis que la partie méridionale, Oued Eddahab, d'abord annexée par la Mauritanie, est récupérée par le Maroc, le 14 août 1979, après le retrait de la Mauritanie, mais le conflit se prolonge.
Enfin, le Maroc revendique les places de souveraineté espagnoles de la côte méditerranéenne : Ceuta, Melilla, Peñon de Alhucemas, Peñon de Velez de la Gomera, les îles Chafarines, ainsi que l'île Alboran.
Déclaration de La Celle-Saint-Cloud, 6 novembre 1955.
Sa Majesté le Sultan du Maroc, Sidi Mohammed Ben Youssef, et le président Antoine Pinay, ministre des affaires étrangères, se sont rencontrés, le 6 novembre 1955, au château de La Celle-Saint-Cloud.
Le président Pinay a exposé les principes généraux de la politique du gouvernement français visés par le communiqué du Conseil des ministres du 5 novembre 1955.
Sa Majesté le Sultan du Maroc a confirmé son accord sur ces principes. En attendant son retour à Rabat, elle a, en accord avec le gouvernement français, chargé le Conseil du trône, institué le 17 octobre 1955 et démissionnaire de ses fonctions le 3 novembre 1955 de continuer à gérer les affaires courantes de l'Empire.
Sa Majesté le Sultan du Maroc a confirmé sa volonté de constituer un gouvernement marocain de gestion et de négociations, représentatif des différentes tendances de l'opinion marocaine. Ce gouvernement aura notamment pour mission d'élaborer les réformes institutionnelles qui feront du Maroc un État démocratique à monarchie constitutionnelle, de conduire avec la France les négociations destinées à faire accéder le Maroc au statut d'État indépendant uni à la France par des liens permanents d'une interdépendance librement consentie et définie.
Sa Majesté le Sultan du Maroc et le président Pinay ont été d'accord pour confirmer que la France et le Maroc doivent bâtir ensemble, et sans intervention de tiers, leur avenir solidaire dans l'affirmation de leur souveraineté par la garantie mutuelle de leurs droits et des droits de leurs ressortissants et dans le respect de la situation faite par les traités aux puissances étrangères.
Déclaration commune franco-marocaine du 2 mars 1956.
Le Gouvernement de la République française et Sa Majesté Mohammed V, Sultan du Maroc, affirment leur volonté de donner son plein effet à la déclaration de La Celle-Saint-Cloud du 6 décembre 1955.
Ils constatent qu'à la suite de l'évolution réalisée par le Maroc sur la voie du progrès, le traité de Fès du 30 mars 1912 ne correspond plus désormais aux nécessités de la vie moderne et ne peut plus régir les rapports franco-marocains.
En conséquence, le Gouvernement de la République française confirme solennellement la reconnaissance de l'indépendance du Maroc, laquelle implique en particulier une diplomatie et une armée, ainsi que sa volonté de respecter et de faire respecter l'intégrité du territoire marocain, garantie par les traités internationaux.
Le Gouvernement de la République française et Sa Majesté Mohammed V, Sultan du Maroc, déclarent que les négociations qui viennent de s'ouvrir à Paris entre le Maroc et la France, États souverains et égaux, ont pour objet de conclure de nouveaux accords qui définiront l'interdépendance des deux pays dans les domaines où leurs intérêts sont communs, qui organiseront ainsi leur coopération sur la base de la liberté et de l'égalité, notamment en matière de défense, de relations extérieures, d'économie et de culture, et qui garantiront les droits et les libertés des Français établis au Maroc et des Marocains établis en France, dans le respect de la souveraineté des deux États.
Le Gouvernement de la République française et Sa Majesté Mohammed V, Sultan du Maroc, conviennent qu'en attendant l'entrée en vigueur de ces accords, les rapports nouveaux entre la France et le Maroc seront fondés sur les dispositions du protocole annexe à la présente déclaration.
Christian Pineau,
Si Bekkaï.
Protocole annexe
1. Le pouvoir législatif est exercé souverainement par Sa Majesté le Sultan. Le représentant de la France a connaissance des projets de dahirs et de décrets. Il soumet des observations lorsque ces textes concernent les intérêts de la France, des Français ou des étrangers, durant la période transitoire ;
2. Sa Majesté Mohammed V, Sultan du Maroc, dispose d'une armée nationale. La France prête son assistance au Maroc pour la constitution de cette armée. Le statut actuel de l'armée française au Maroc demeure inchangé durant la période transitoire ;
3. Les pouvoirs de gestion, jusqu'ici réservés, feront l'objet d'un transfert, dont les modalités seront arrêtées d'un commun accord.
Le gouvernement marocain est représenté, avec voix délibérative, au comité de la zone franc, organe directeur central de la politique monétaire pour l'ensemble de la zone franc.
D'autre part sont maintenues les garanties dont jouissent les fonctionnaires et les agents français servant au Maroc ;
4. Le représentant de la République française au Maroc porte le titre de haut commissaire de France.
Fait à Paris, en double original, le 2 mars 1956.
Christian Pineau,
Si Bekkaï.
[On trouve la transcription Embarek Bekkai dans plusieurs sources. En fait il s'agit de Si Bekkaï, ou Sid Bekkaï ben Mbarek Lahbil, devenu le premier chef du gouvernement marocain le 7 décembre 1955.]
Déclaration commune hispano-marocaine du 7 avril 1956.
Le gouvernement espagnol et Sa Majesté Mohammed V, Sultan du Maroc, ayant le désir de se traiter d'une façon particulièrement amicale, sur la base de la réciprocité, de renforcer leurs liens séculaires d'amitié et de consolider la paix dans la région où les deux pays respectifs se trouvent situés, ont décidé de rendre publique la déclaration suivante :
1° Le gouvernement espagnol et Sa Majesté Mohammed V, Sultan du Maroc, considérant que le régime instauré au Maroc en 1912 ne correspond pas à la réalité présente, déclarent que la convention signée à Madrid le 27 novembre 1912 ne peut plus régir à l'avenir les relations hispano-marocaines ;
2° Par conséquent, le gouvernement espagnol reconnaît l'indépendance du Maroc, proclamée par Sa Majesté le sultan Mohammed V, et sa pleine souveraineté, avec tous les attributs de cette dernière, y compris le droit du Maroc à une diplomatie et à une armée propres. Il réaffirme sa volonté de respecter l'unité territoriale de l'empire, que garantissent les traités internationaux. Il s'engage à prendre toutes les mesures nécessaires pour la rendre effective. Le gouvernement espagnol s'engage également à donner à S. M. le Sultan l'aide et 'assistance qui seraient nécessaires d'un commun accord, spécialement en ce qui concerne les relations extérieures et la défense ;
3° Les négociations ouvertes à Madrid entre le gouvernement espagnol et Sa Majesté Mohammed V ont pour objet la conclusion de nouveaux accords entre les deux parties, celles-ci étant souveraines et égales. Ces accords ont pour but la définition de la libre coopération des deux nations sur le terrain de leurs intérêts communs. Ils garantiront également, dans l'esprit particulièrement amical mentionné ci-dessus, les libertés et les droits des Espagnols établis au Maroc ainsi que des Marocains établis en Espagne, et cela sur les plans privé, économique, culturel et social, sur la base de la réciprocité et du respect de leurs souverainetés respectives ;
4° Le gouvernement espagnol et Sa Majesté le Sultan sont d'accord pour que, jusqu'à l'entrée en vigueur des accords ci-dessus mentionnés, les relations entre l'Espagne et le Maroc soient régies par le protocole annexe joint à la présente déclaration.
Protocole additionnel, annexe à la déclaration commune hispano-marocaine.
1. Le pouvoir législatif sera exercé souverainement par Sa Majesté le Sultan. Le représentant de l'Espagne aura connaissance à Rabat des projets de dahirs et décrets se rapportant aux intérêts espagnols et pourra formuler les observations nécessaires.
2. Les pouvoirs exercés jusqu'à présent par les autorités espagnoles au Maroc seront transférés au gouvernement marocain en harmonie avec les procédures qui seront décidées d'un commun accord. On maintiendra les garanties des fonctionnaires espagnols au Maroc.
3. Le gouvernement espagnol donnera son aide au gouvernement marocain pour l'organisation de son armée. Le statut actuel de l'armée espagnole au Maroc demeurera en vigueur pendant la période de transition.
4. La situation actuelle de la peseta ne subira aucune modification jusqu'à la conclusion d'un nouvel accord à ce sujet.
5. A compter de la publication de la présente déclaration, les visas et toutes les formalités administratives requises jusqu'à présent pour la circulation des personnes d'une zone à l'autre sont supprimées.
6. Le gouvernement espagnol continuera d'assurer la protection des intérêts des Marocains originaires de la zone précédemment définie par la convention du 27 novembre 1912 et qui résident à l'étranger, jusqu'à ce que le gouvernement de Sa Majesté le Sultan se charge lui-même de cette protection.
Déclaration finale de la conférence de Tanger.
29 octobre 1956
Sur l'invitation de Sa Majesté le Sultan du Maroc, une conférence internationale s'est réunie à Fedala et à Tanger du 8 octobre au 29 octobre 1956, sous la présidence de Son Excellence le ministre des affaires étrangères, représentant Sa Majesté le Sultan, en vue du règlement des questions soulevées par l'abrogation du régime spécial de la zone de Tanger.
Les gouvernements de : Belgique, Espagne, États-Unis d'Amérique, France, Italie, Maroc, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, représentés par leurs plénipotentiaires soussignés.
I.
Désireux de consacrer les principes de l'indépendance du Maroc, de l'unité et de l'intégrité de son territoire,
Sont d'accord pour reconnaître l'abolition du régime international de la zone de Tanger et déclarent, pour autant qu'ils y aient participé, abrogés tous les actes, accords et conventions concernant ledit régime ;
Reconnaissent, en conséquence, que Sa Majesté Chérifienne a recouvré l'intégralité de ses pouvoirs et compétences dans cette partie de l'Empire chérifien qui ne relève plus désormais que de Sa souveraineté entière et exclusive, et qu'il en résulte pour elle le libre droit à la détermination du régime futur de Tanger ;
II.
Considérant la haute sollicitude affirmée par Sa Majesté Chérifienne à l'égard des intérêts privés nés sous l'ancien régime de Tanger et son haut souci d'assurer leur sécurité dans le présent et de favoriser leur développement dans l'avenir ;
Animés du désir de régler les questions soulevées par la disparition du régime international de Tanger, selon les principes de justice et d'équité et dans l'esprit de compréhension et d'amitié qui a toujours présidé aux rapports du Maroc avec les autres puissances signataires de la présente déclaration,
Ont arrêté d'un commun accord les dispositions contenues dans le protocole ci-annexé.
La présente déclaration et ledit protocole entrent en vigueur à la date de leur signature.
En foi de quoi les soussignés, autorisés à cet effet par leurs gouvernements respectifs, y ont apposé leur signature.
Fait à Tanger, en neuf exemplaires, le 29 octobre 1956.
[Bulletin officiel de l'empire chérifien, n° 2305 du 28 décembre 1956, p. 1475. Le protocole qui définit les procédures de transfert au Maroc des compétences exercées et des biens possédés par l'administration internationale n'est pas reproduit ici, mais peut-être consulté au Bulletin officiel.]
Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Maroc.
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