Décision du Storting.
Proclamation au peuple norvégien.
Résolutions prises en conséquence de la rupture de l'Union.
L'Union entre la Suède et la
Norvège avait été établie
en 1814 à la suite d'un bref conflit, consécutif
à la décision des puissances de céder
la Norvège à la Suède. Cette
cession fut imposée
au roi de Danemark par le
traité de
Kiel du 14 janvier 1814, pour punir ce pays resté jusqu'au
bout fidèle à l'alliance française ; elle
devait permettre de compenser la perte de la Finlande que la Suède avait dû
céder à la Russie.
La Norvège était
unie au Danemark depuis 1380, et une assemblée de notables
norvégiens
décide alors de convoquer une assemblée
constituante à Eidsvoll. Le prince héritier de
Danemark est élu roi de Norvège et une
Constitution est donnée au pays le 17 mai
1814. Mais, après une courte guerre, le nouveau roi
doit abdiquer et Bernadotte, devenu
prince
héritier de Suède, impose au gouvernement
norvégien
la convention de Moss, qui prévoit la réunion des
deux royaumes
sous le même sceptre. Il reconnaît cependant la
Constitution
d'Eidsvoll,
sous réserve des modifications imposées par
l'union. Une
nouvelle diète se réunit à Christiania
(Oslo), le
7 octobre ; accepte l'union le 20 octobre et approuve le 4 novembre des
amendements constitutionnels, qui sont sanctionnés par le
roi le
10 novembre 1814. Puis un nouvel acte, qui établit les rapports
constitutionnels des royaumes de Norvège et de
Suède, est établi le 31 juillet 1815 et
approuvé par le roi le 6 août. Cet acte
établit entre les deux pays un régime d'union
personnelle sous un même roi, et les Norvégiens
défendront vigoureusement leurs prérogatives au sein de cette
union.
La crise.
Le conflit qui devait aboutir
à la rupture de
l'union personnelle entre les deux États éclate
lorsque le Storting décide en 1874, puis en 1877,
d'établir la responsabilité
ministérielle, en approuvant un projet de loi :
« Lorsque la session du Storting est ouverte,
conformément à l'article 74 de la Constitution,
les ministres d'État et les conseillers d'État
ont le droit d'assister aux séances du Storting et
à celles des deux sections, de la même
manière que les autres membres, mais sans voix
délibérative, et de prendre part aux discussions,
lorsqu'elles sont publiques. Ils n'auront ce droit aux
séances non publiques que s'ils y sont autorisés
par chaque Chambre. » Le roi, Oscar II, refuse sa sanction ;
de même lorsque le projet est à nouveau
voté, pour la troisième fois, le 17 mars
1880, par 92 voix contre 20. Le
Storting, par une résolution du 9 juin 1880,
adoptée par 74 voix contre 40, décide alors que
l'article 79 de la Constitution est applicable en matière
constitutionnelle. Le roi demande une consultation à la
faculté de droit
de Christiania qui, le 23 mars 1881, affirme que le roi dispose du
droit de véto absolu en matière
constitutionnelle. Le Storting refuse de s'incliner et après
les élections de 1883, remportées par les
radicaux, les ministres du gouvernement Selmer sont
mis en accusation et condamnés par la Haute Cour. Le roi
doit s'incliner : Johan Sverdrup (Parti Venstre), le chef de
l'opposition, devient le premier chef de gouvernement
parlementaire le 26 juin 1884, et la Constitution est
modifiée par une loi du 1er juillet suivant (art. 74, al. 2).
Après plusieurs autres conflits,
c'est la question de la représentation diplomatique de la
Norvège qui provoque, vingt ans après, la rupture
finale. L'union disposait
d'une représentation diplomatique unique pour les deux pays.
Après plusieurs requêtes, le Storting vote, le 18 mai 1905, un
projet de loi sur l'établissement de consulats
norvégiens distincts, auquel le roi oppose
son véto. Le ministère norvégien
démissionne alors, et le 7 juin 1905, le Storting
constate que le pouvoir royal a cessé de s'exercer, adresse
une proclamation au peuple norvégien et approuve plusieurs
résolutions pour établir un nouvel ordre
constitutionnel.
Le peuple norvégien plébiscite le 13 août
la dissolution de l'union. Une conférence tenue à
Carlstad entre représentants des deux États permet de
régler le contentieux de la rupture : cinq conventions sont
conclues et Oscar II abdique la couronne de Norvège.
Les décisions du 7 juin furent mises en forme par la loi
constitutionnelle du 18 novembre 1905, après
l'élection du prince Charles de Danemark comme roi de
Norvège, sous le nom de Haakon VII. Les articles
11, 15, 38, 42 et 93 sont abrogés. Les articles 1, 6, 7, 8,
12, 13, 18, 21, 22, 25, 26, 27, 29, 31, 32, 33, 39, 40, 41, 43, 44, 46,
47, 48, 74, 75 et 77 subissent les remaniements nécessaires
du fait de l'abrogation de toutes les dispositions relatives
à l'Union avec la Suède.
La Constitution, en outre, a
été révisée à
trois reprises en 1905, sans lien direct avec cette rupture :
- par la loi constitutionnelle du 25 mai 1905, modifiant les articles
50 à 64 de la Constitution (vote uninominal et direct,
modification du nombre des députés) ;
- par la loi constitutionnelle du 9 octobre 1905, modifiant l'article
112 de la Constitution
- par la loi constitutionnelle du 21 novembre 1905, modifiant l'article
111.
La Constitution modifiée fut
publiée à nouveau le 30 juin 1906.
Sources : Pierre Dareste, la dernière crise politique en Norvège, Revue des deux mondes, livraison du 15 novembre 1884, p. 347-368. Annuaires de législation étrangère, 1880 à 1884, 1905 à 1908 ; Archives diplomatiques 1907 et 1910.
Voir l'acte de 1815 qui établit les rapports constitutionnels des royaumes de Norvège et de Suède.Attendu que S. M. le roi s'est déclaré hors d'état de donner au pays un nouveau gouvernement ;
Attendu que, par suite, le pouvoir royal constitutionnel a cessé de s'exercer ;
Le Storting autorise les membres du Conseil qui ont résigné aujourd'hui leurs fonctions à exercer jusqu'à nouvel ordre, en qualité de gouvernement norvégien, le pouvoir appartenant au roi en conformité avec la Constitution norvégienne et les lois existantes, sauf les changements rendus nécessaires par la rupture de l'Union avec la Suède sous un même roi, résultant de ce que le roi a cessé d'exercer les fonctions de roi de Norvège.
Proclamation au peuple norvégien.
Au peuple norvégien !
D'accord avec la nation entière, le Storting a adopté à l'unanimité une loi sur l'établissement de consulats norvégiens distincts.
Le gouvernement norvégien réuni a sollicité le roi, unanimement et instamment, de sanctionner cette loi. Cependant, au Conseil d'État tenu au palais de Stockholm le 27 du mois précédent, le roi a déclaré ne pas vouloir donner sa sanction, par le motif que le régime des consulats communs, existant jusqu'ici, ne pouvait être aboli que par un accord réciproque, opinion diamétralement opposée au principe fondamental invoqué à plusieurs reprises du côté de la Norvège, savoir : l'autonomie de chacun des deux États dans toutes les affaires qui n'ont pas été déclarées communes par l'Acte d'Union.
La délégation du Conseil proposa d'abord de renvoyer la suite de la négociation au Conseil à Christiania, pour permettre au roi de traiter cette grave question en séance du gouvernement entier. Mais le roi déclara ne pouvoir accéder à cette proposition.
La délégation du Conseil remit alors la démission de tout le gouvernement, et fit savoir qu'aucun de ses membres ne pouvait accepter la responsabilité constitutionnelle de contresigner une décision de refus de sanction, manifestement préjudiciable à l'État.
Le roi prit alors la résolution suivante :
Comme il est évident pour moi qu'aucun nouveau gouvernement ne peut plus être constitué, je n'accepte pas la démission des conseillers d'État.
Notre pays s'est trouvé, de ce fait, amené à une situation constitutionnellement intenable.
Les membres du gouvernement ne pouvaient être contraints de demeurer, contre leur conscience, conseillers responsables d'un roi qui refusait de suivre leurs conseils ; le roi s'était, sans même avoir fait un seul essai, déclaré hors d'état de donner au pays un nouveau gouvernement. Et cette situation intenable n'a point été modifiée par la suite.
Dans ces circonstances, tous les membres du Conseil d'État se sont vus dans la nécessité de résigner aujourd'hui leurs fonctions et d'en donner avis au Storting. Par là même, le roi constitutionnel a cessé d'exercer ses attributions, puisqu'aux termes de la constitution, le roi doit avoir un Conseil responsable, et par voie de conséquence, l'Union avec la Suède, qui suppose un roi commun, est rompue.
Il était, par suite, du devoir du Storting, représentant de la nation norvégienne, d'autoriser sur le champ les membres du Conseil d'État démissionnaires à exercer, jusqu'à nouvel ordre, en qualité de gouvernement norvégien, les pouvoirs appartenant au roi en conformité de la Constitution norvégienne et des lois existantes, sauf les modifications rendues nécessaires par la rupture de l'Union avec la Suède, sous un même roi, résultant de ce que le roi a cessé d'exercer les fonctions de roi de Norvège.
Les membres du Conseil d'État ont accepté le mandat, qui leur était conféré, et constituent en conséquence le gouvernement légal de la Norvège : S. M. en sera informée par une adresse adoptée aujourd'hui par le Storting. Le Storting prie en même temps S. M. de faire en sorte qu'un prince de la maison royale soit autorisé, en renonçant à ses droits de succession au trône de Suède, à accepter son élection comme roi de Norvège.
Puisque la marche des événements, plus forte que les désirs et la volonté des individus, a réduit le Storting à la nécessité d'agir comme il vient de faire, nous avons le ferme espoir que la nation norvégienne réussira à vivre en paix et en bonne intelligence avec toutes les autres, et avant tout avec la nation suédoise, à laquelle nous sommes rattachés par tant de liens naturels.
Dans l'entière conviction que la nation norvégienne s'unira au Storting et au gouvernement pour maintenir la complète autonomie de l'État, et supportera volontiers, sans se départir de la gravité, de la circonspection, du calme et de la dignité qui jusqu'ici ont caractérisé sa conduite, les sacrifices qui pourraient être exigés d'elle.
Le Storting compte que tous les habitants de l'État se conformeront en tout aux ordonnances et prescriptions du gouvernement, et que tous les fonctionnaires et employés des administrations publiques, civils, militaires et ecclésiastiques, feront preuve, à tous égards, envers le gouvernement, de l'obéissance qu'il a le droit d'exiger d'eux à raison du pouvoir que le Storting lui a conféré au nom de la nation norvégienne.
Résolutions prises en conséquence de la rupture de l'Union.
Résolution du gouvernement norvégien du 7 juin, nommant des ministres provisoires.
Résolution du gouvernement norvégien du 7 juin, relative aux drapeau et pavillon de guerre.
Résolution du gouvernement norvégien du 7 juin, supprimant les prières pour le roi et la famille royale.
Résolution du gouvernement norvégien, du 13 juillet, modifiant le serment des fonctionnaires.
Résolution du gouvernement norvégien, du 28 juillet, ordonnant l'exécution de la décision du Storting de la même date, qui institue un plébiscite sur la question de la rupture de l'Union avec la Suède.
Résolution du gouvernement norvégien du 22 août, ordonnant l'exécution de la décision du Storting de la même date, relative à un appel aux puissances étrangères au sujet de la rupture de l'Union.
Résolution du gouvernement norvégien, du 24 août, acceptant la proposition formulée par le ministère de la justice suédois, de confier les négociations relatives à la rupture de l'Union à quatre délégués, de part et d'autre, comprenant au moins deux conseillers d'État, et la proposition subsidiaire du même ministère, de fixer la réunion des délégués à Carlstad pour le 31 août suivant.
Résolution du gouvernement norvégien du 26 août, nommant les quatre délégués.
Résolution du gouvernement norvégien du 10 octobre, ordonnant l'exécution de la décision du Storting, du 9 du même mois, approuvant cinq conventions avec la Suède, arrêtées à Carlstad par les délégués des deux pays. Le procès-verbal de signature de ces cinq conventions, rédigées en français, en norvégien et en suédois, a été dressé à Stockholm le 26 octobre. Ces conventions sont les suivantes :
a) Convention concernant le règlement de différends par arbitrage ;
b) Convention relative à l'établissement d'une zone neutre, à la mise hors d'état de servir de fortifications, etc. ;
c) Convention concernant le droit des Lapons nomades au pacage, pour les terres ;
d) Convention concernant le trafic en transit ;
e) Convention concernant les lacs et cours d'eau communs.Résolution du gouvernement norvégien, du 31 octobre, ordonnant l'exécution de la décision du Storting de la même date, qui autorise le gouvernement à ouvrir des négociations avec le prince Charles de Danemark pour accepter son élection comme roi de Norvège, à la condition que la nation norvégienne ratifie la décision du Storting par un plébiscite, et à procéder à ce plébiscite.
Résolution du gouvernement norvégien du 15 novembre, portant que le litre royal sera désormais : « Nous N. N., roi de Norvège ».
Résolution du gouvernement norvégien du 15 novembre, portant que l'étendard royal sera un étendard rouge vif, contenant un lion d'or dressé et couronné, tenant entre les pieds de devant une hache de combat levée, avec hampe d'or et garde d'argent.
Résolution du gouvernement norvégien du 21 novembre, déterminant la formule du serment des fonctionnaires.
Résolution royale du 14 décembre, déterminant les armes et le sceau de l'État norvégien.
Résolution royale du 30 décembre, relative à l'écusson royal.
Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Norvège.
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