Pologne


Charte constitutionnelle du royaume de Pologne.

(Varsovie, 15/27 novembre 1815)
Titre premier. Relations politiques du royaume.
Titre II. Garanties générales.
Titre III. Du gouvernement..
Titre IV. De la représentation nationale.
Titre V. De l'ordre judiciaire.
Titre VI. De la force armée.
Titre VII. Dispositions générales.
    Le duché de Varsovie, constitué par Napoléon en 1807, disparait à la suite de la défaite des armées françaises. Le Congrès de Vienne partage à nouveau la Pologne entre les vainqueurs, tout en énonçant des dispositions favorables au maintien d'une identité polonaise qui resteront lettre morte (art. 1 à 14). Il s'agit, selon les auteurs, du quatrième ou du sixième partage de la Pologne, en comptant dans ce dernier cas, les traités de Tilsit (érection du duché de Varsovie) et de Vienne (1809, extension du duché) comme des traités de partage.
    En même temps que les deux traités de partage de la Pologne conclus, le 21 avril/3 mai, par la Russie avec la Prusse et l'Autriche, un traité additionnel relatif à Cracovie est conclu entre les trois puissances. Il contient en annexe la Constitution de la ville libre.
    Un royaume de Pologne est constitué sur la partie centrale du territoire polonais, avec Varsovie pour capitale, en union avec l'Empire russe, et doté d'une Constitution, le 15/27 novembre 1815, qui fut peu respectée. Par un décret du 3 février 1825, le tsar interdit même la publicité des débats de la Diète, dont il juge que les membres tiennent des propos subversifs. Le soulèvement polonais de 1830 conduit le tsar a abolir la Constitution. Cependant un nouveau statut est promulgué le 14/26 février 1832.

Sources : Méysztowicz A., Recueil de documents concernant l'histoire de la Pologne et ses rapports avec la Russie, Stockholm, 1918.

Texte polonais de la Constitution de 1815 (université Jagellon).

Titre premier.
Relations politiques du royaume.

Article premier.

Le royaume de Pologne est à jamais réuni à l'empire de Russie.

Article 2.

Les rapports civils et politiques dans lesquels nous le plaçons, ainsi que les liens qui doivent consolider cette réunion, sont déterminés par la présente Charte que nous lui accordons.

Article 3.

La couronne du royaume de Pologne est héréditaire dans notre personne et dans celle de nos descendants, héritiers et successeurs, suivant l'ordre de succession établi pour le trône impérial de Russie.

Article 4.

La Charte constitutionnelle établit le mode et le principe de l'exercice de la souveraineté.

Article 5.

Le roi, en cas d'absence, nomme un lieutenant qui devra résider dans le royaume. Le lieutenant est révocable à volonté.

Article 6.

Quand le roi ne nomme pas pour son lieutenant un prince impérial de Russie, le choix ne peut tomber que sur un indigène, ou sur une personne à laquelle le roi aurait accordé la naturalisation, conformément au principe établi dans l'article 33.

Article 7.

La nomination du lieutenant se fera par un acte public. Cet acte déterminera précisément la naturel et l'étendue des pouvoirs qui lui seront délégués.

Article 8.

Les rapports de politique extérieure de notre empire seront communs au royaume de Pologne

Article 9.

Le souverain seul aura le droit de déterminer la participation du royaume de Pologne dans les guerres de la Russie, ainsi que dans les traités de paix ou de commerce que cette puissance pourra conclure.

Article 10.

Dans tous les cas d'introduction de troupes russes en Pologne, ou de troupes polonaises en Russie, ou dans le cas de passage de ces troupes par une province de ces deux États, leur entretien et les frais de transport seront entièrement à la charge du pays auquel elles appartiendront. L'armée
polonaise ne sera jamais employée hors de l'Europe.

Titre II.
Garanties générales.

Article 11.

La religion catholique romaine, professée par la plus grande partie des habitants du royaume de Pologne, sera l'objet des soins particuliers du gouvernement, sans qu'elle puisse par là déroger en rien à la liberté des autres cultes, qui tous, sans exception, pourront s'exercer pleinement
et publiquement, et jouiront de la protection du gouvernement. La différence des cultes chrétiens n'en établit aucune dans la jouissance des droits civils et politiques.

Article 12.

Les ministres de tous le cultes sont sous la protection et la surveillance des lois et du gouvernement.

Article 13.

Les fonds que le clergé catholique romain et le clergé du rit grec-uni possèdent actuellement, et ceux que nous leur accorderons par un décret spécial, seront déclarés propriété inaliénable et commune à toute la hiérarchie ecclésiastique, dès que le gouvernement aura fixé et affecté aux dits clergés les domaines nationaux qui formeront leur dotation.

Article 14.

Il siégera dans le sénat du royaume de Pologne autant d'évêques du rit catholique romain que la loi fixera de palatinats. Il y siégera de plus un évêque du rit grec-uni.

Article 15.

Le clergé de la confession évangélique d'Augsbourg et de la confession évangélique réformée jouira du secours annuel que nous leur accorderons.

Article 16.

La liberté de la presse est garantie. La loi réglera les moyens d'en réprimer les abus.

Article 17.

La loi protège également tous les citoyens, sans aucune distinction de leur classe ni de leur condition.

Article 18.

L'ancienne loi fondamentale : Neminem captivari permittemus, nisi jure victum, sera applicable aux habitants de toutes les classes dans les termes suivants.

Article 19.

Personne ne pourra être arrêté que selon les formes et dans les cas déterminés par la loi.

Article 20.

On devra notifier incessamment et par écrit à la personne arrêtée les causes de son arrestation.

Article 21.

Tout individu arrêté sera présenté au plus tard dans les trois jours au tribunal compétent pour y être examiné ou jugé dans les formes. Si après les premières enquêtes il est reconnu non coupable, il sera mis sur-le-champ en liberté.

Article 22.

Dans les cas déterminés par la loi, on devra mettre en liberté provisoire celui qui fournira caution.

Article 23.

Nul ne peut être puni qu'en vertu des lois existantes et d'une sentence rendue par le magistrat compétent.

Article 24.

Tout Polonais est libre de transporter sa personne et propriété, en suivant les formes déterminées par la loi.

Article 25.

Tout condamné subira sa peine dans le royaume, personne ne pourra en être déporté, excepté dans les cas de bannissement prévus par la loi.

Article 26.

Toute propriété, quelle que soit sa désignation ou sa nature, qu'elle se trouve sur la superficie ou dans le sein de la terre, et à quelque individu qu'elle appartienne, est déclarée sacré et inviolable. Aucune autorité n'y peut porter atteinte sous quelque prétexte que ce soit. Quiconque attaque
la propriété d'autrui est réputé violateur de la sûreté publique et puni comme tel.

Article 27.

Néanmoins le gouvernement a le droit d'exiger d'un particulier le sacrifice de sa propriété pour cause d'utilité publique, moyennant une juste et préalable indemnité. La loi déterminera les cas et les formes de l'application de ce principe.

Article 28.

Toutes les affaires publiques administratives, judiciaires et militaires, seront sans aucune exception traitées dans la langue polonaise.

Article 29.

Les emplois publics, civils et militaires ne peuvent être exercés que par des Polonais. Les places de présidents des tribunaux de première instance, de présidents des commissions palatinales, des tribunaux d'appels ; les places de membres des conseils de palatinat, les fonctions de nonces et députés à la diète, et celles de sénateurs, ne pourront être données qu'à des propriétaires fonciers.

Article 30.

Tous les fonctionnaires publics dans la partie administrative sont révocables à volonté par la même autorité qui les a nommés. Tous, sans exception quelconque, sont responsables de leur gestion.

Article 31.

La nation polonaise aura à perpétuité une représentation nationale : elle consistera dans la Diète composée du roi et de deux chambres. La première sera formée du sénat, la seconde des nonces et des députés des communes.

Article 32.

Tout étranger, après s'être légitimé, jouira, à l'égal des autres habitants, de la protection des lois et des avantages qu'elles garantissent. Il pourra comme eux rester dans le pays, en sortir en se conformant aux règles qui seront établies, y rentrer, acquérir une propriété foncière et se qualifier pour demander sa naturalisation.

Article 33.

Tout étranger devenu propriétaire et naturalisé qui aura appris la langue polonaise pourra être admis à l'exercice des fonctions publiques après cinq années de résidence et d'une conduite irréprochable.

Article 34.

Néanmoins le roi pourra de son propre gré, ou sur la présentation du conseil d'État, admettre des étrangers distingués par leurs talents à des fonctions publiques autres que celles désignées à l'article 90.

Titre III.
Du gouvernement.

Chapitre premier. Du roi.

Article 35.

Le gouvernement réside dans la personne du roi. Il exerce dans toute leur plénitude les fonctions du pouvoir exécutif. Toute autorité exécutive ou administrative ne peut émaner que de lui.

Article 36.

La personne du roi est sacrée et inviolable.

Article 37.

Les actes publics des tribunaux, cours et magistratures quelconques, seront dressés au nom du roi. Les monnaies et les timbres porteront l'empreinte qui sera par lui déterminée.

Article 38.

La direction de la force armée, en paix comme en guerre, ainsi que la nomination des commandants et officiers, appartient exclusivement au roi.

Article 39.

Le roi dispose des revenus de l'État conformément au budget qui en sera formé et par lui approuvé.

Article 40.

Le droit de déclarer la guerre et de conclure des traités et conventions quelconques, est réservé au roi.

Article 41.

Le roi nomme les sénateurs, les ministres, les conseillers d'États, les maîtres des requêtes, les présidents des commissions palatinales, les présidents et juges des différents tribunaux réservés à sa nomination, les agents diplomatiques et commerciaux et tous les autres fonctionnaires de l'administration, soit immédiatement par lui-même, soit par les autorités auxquelles il en déléguera le pouvoir.

Article 42.

Le roi nomme les archevêques et évêques des différents cultes, les suffragants, les prélats et les chanoines.

Article 43.

Le droit de faire grâce est exclusivement réservé au roi. Il pourra remettre ou commuer la peine.

Article 44.

La création, les statuts et la distribution des ordres civils et militaires appartiennent au souverain.

Article 45.

Tous nos successeurs au royaume de Pologne seront astreints à se faire couronner roi de Pologne dans la capitale, suivant la forme que nous établirons, et ils prêteront le serment ci-après :
« Je jure et promets devant Dieu et sur l'Évangile de maintenir et faire exécuter de tout mon pouvoir la Charte constitutionnelle. »

Article 46.

Le droit de donner les titres de noblesse, de naturaliser et d'accorder des titres honorifiques, appartient au roi.

Article 47.

Tous les ordres et décrets du roi seront contresignés par un ministre chef de département, qui sera responsable pour tout ce que ces ordres et décrets pourraient renfermer de contraire à la constitution et aux lois.

Chapitre II. De la régence.

Article 48

Les cas de régence qui sont ou seront admis pour la Russie, ainsi que les pouvoirs et les attributions du régent, seront communs au royaume de Pologne et réglés par les mêmes principes.

Article 49.

Dans le cas de régence, le ministre secrétaire d'État est obligé, sous sa responsabilité personnelle, d'annoncer au lieutenant l'établissement de la régence de Russie.

Article 50.

Le lieutenant, recevant la communication de la régence de Russie et le rapport du ministre secrétaire d'État, convoque le sénat pour l'élection des membres de la régence du royaume.

Article 51.

La régence du royaume sera composée du régent de Russie, de quatre membres élus par le sénat et du ministre secrétaire d'État. Elle siégera dans la capitale de l'empire de Russie. Le régent la préside.

Article 52.

L'autorité de la régence du royaume est égale à celle du roi, à l'exception qu'elle ne pourra nommer des sénateurs ; que toutes ses nominations seront soumises à l'approbation du roi, qui, en prenant les rênes du gouvernement, pourra les révoquer ; et qu'elle publiera ses décrets au nom
du roi.

Article 53.

La nomination et le rappel du lieutenant dépend de la régence pendant son administration

Article 54.

Lorsque le roi prendra les rênes du gouvernement, il se fera rendre compte par la régence de sa gestion.

Article 55.

Les membres de la régence du royaume sont responsables, sur leurs personnes et sur leurs biens, de tout ce qu'ils auront fait de contraire à la constitution et aux lois.

Article 56.

En cas de mort d'un des membres de la régence, le sénat, convoqué par le lieutenant, pourvoit à son remplacement. La régence nomme un ministre secrétaire d'État.

Article 57.

Les membres de la régence, avant que de se rendre dans la capitale de l'empire de Russie, prêteront serment en présence du sénat, et s'engageront à respecter fidèlement la constitution et les lois.

Article 58.

Le régent de Russie prêtera le même serment en présence des membres de la régence du royaume.

Article 59.

Le ministre secrétaire d'État sera tenu de faire un pareil serment.

Article 60.

L'acte de prestation de serment du régent sera adressé au sénat de Pologne.

Article 61.

L'acte de prestation de serment du ministre secrétaire d'État sera également envoyé au sénat de Pologne.

Article 62.

L'acte de prestation de serment des membres de la régence sera adressé par le sénat de Pologne au régent de Russie.

Chapitre III. Du lieutenant et du conseil d'État.

Article 63.

Le conseil d'État, présidé par le roi, ou son lieutenant, est composé des ministres, des conseillers d'État, des maîtres des requêtes, ainsi que des personnes qu'il plaira au roi d'y appeler spécialement.

Article 64.

Le lieutenant et le conseil d'État administrent dans l'absence du roi, et en son nom, les affaires publiques du royaume.

Article 65.

Le conseil d'État se partage en conseil d'administration et en assemblée générale.

Article 66.

Le conseil d'administration sera composé du lieutenant, des ministres chefs des cinq départements du gouvernement, et autres personnes spécialement appelées par le roi.

Article 67.

Les membres du conseil d'administration ont voix consultative. L'avis du lieutenant seul décide ; il prendra ses résolutions dans le conseil, conformément à la Charte constitutionnelle, aux lois et aux pleins pouvoirs du roi.

Article 68.

Tout décret du lieutenant, pour être obligatoire, doit être rendu en conseil d'administration et contresigné par un ministre chef de département.

Article 69.

Le lieutenant présente à la nomination du  roi, conformément aux dispositions d'un règlement particulier, deux candidats pour chaque place vacante d'archevêque où évêque, de sénateur, ministre, juge suprême, conseiller d'État et maître des requêtes.

Article 70.

Le lieutenant prête entre les mains du roi, en présence du sénat, le serment suivant : «Je jure à Dieu tout-puissant d'administrer les affaires de Pologne au nom du roi, conformément à l'acte constitutionnel, aux lois et aux pleins pouvoirs du roi, et de remettre au roi le pouvoir qui m'est confié, dès que Sa Majesté le jugera à propos. » Si le roi est absent du royaume, l'acte de prestation de serment du lieutenant, prêté entre les mains du roi, sera adressé au sénat par le ministre secrétaire d'État.

Article 71.

Le roi présent, l'autorité du lieutenant est suspendue. Il dépend alors du roi de travailler séparément avec les ministres ; ou de réunir le conseil d'administration.

Article 72.

Dans le cas de décès du lieutenant, ou si le roi ne jugeait pas à propos d'en nommer un, il pourvoirait à son remplacement ad intérim par un président.

Article 73.

L'assemblée générale du conseil d'État sera composée de tous les membres désignés en l'article 63. Elle sera présidée par le roi ou le lieutenant, et dans leur absence par le premier des membres du conseil, dans l'ordre fixé par les articles 62 et 63.

Ses attributions sont :
1. De discuter et rédiger tous les projets de lois et règlements concernant l'administration générale du pays ;
2. De statuer sur la mise en jugement de tous les fonctionnaires administratifs nommés par le roi, pour cause de prévarication dans l'exercice de leurs fonctions, hors ceux qui sont justiciables de la haute cour nationale ;
3. De décider sur les cas de conflit de juridiction;
4. D'examiner annuellement les comptes rendus par chaque branche principale d'administration ;
5. De faire ses observations sur les abus ou sur les éléments qui pourraient déroger à la charte constitutionnelle, et d'en former un rapport général qu'elle adressera au souverain, qui déterminera les objets qui seront de nature à être envoyés par ses ordres, soit au Sénat, soit à la Diète.

Article 74.

L'assemblée générale du conseil d'État délibère par ordre du roi, du lieutenant, ou sur la demande d'un chef de département, conformément aux lois organiques.

Article 75.

Les arrêtés de l'assemblée générale du conseil d'État sont soumis à l'approbation du roi ou du lieutenant. Ceux relatifs à la mise en jugement des fonctionnaires et au conflit de juridiction sont exécutés tout de suite.

Chapitre IV. Des branches de l'administration.

Article 76.

L'exécution des lois sera confiée aux diverses branches d'administration publique ci-après, savoir :
1. La commission des cultes et de l'instruction publique ;
2. La commission de la justice, choisie parmi les membres du tribunal suprême ;
3. La commission de l'intérieur et de la police ;
4. La commission de guerre ;
5. La commission des finances et du trésor.

Ces diverses commissions seront chacune présidées et dirigées par un ministre nommé à cet effet.

Article 77.

Il est créé un ministre secrétaire d'État qui résidera constamment auprès de la personne du roi.

Article 78.

Il y aura une Cour des comptes chargée de la révision finale des comptes, et de la décharge des comptables. Elle relèvera du roi seul.

Article 79.

Un statut organique fixera la composition et les attributions de la commission de l'instruction publique, ainsi que de l'ordre judiciaire.

Article 80.

Les commissions de l'intérieur, de guerre et des finances, seront composées d'un ministre et de conseillers d'État, directeurs généraux, conformément aux dispositions des statuts organiques.

Article 81.

Le ministre secrétaire d'État présente au roi les affaires qui lui seront adressées par le lieutenant, et il envoie au lieutenant les décrets du roi. Les relations extérieures, en tant qu'elles regardent le royaume de Pologne, lui sont confiées.

Article 82.

Les ministres chefs de département et les membres des commissions de gouvernement répondent et sont justiciables de la haute cour nationale pour chaque infraction dont ils se seraient rendus coupables envers l'acte constitutionnel, envers les lois et les décrets du roi.

Chapitre V. Des administrations palatinales.

Article 83.

Il y aura dans chaque palatinat [voievodie] une commission palatinale, composée d'un président et des commissaires chargés d'exécuter les ordres des commissions de gouvernement, conformément à un règlement séparé.

Article 84.

Il y aura des autorités municipales dans les villes. Un bailli dans chaque commune sera chargé de l'exécution des ordres du gouvernement, et formera le dernier chaînon du service administratif.

Titre IV. De la représentation nationale.

Chapitre premier. 

Article 85.

La représentation nationale sera composée ainsi qu'il est exprimé en l'article 31.

Article 86.

Le pouvoir législatif réside dans la personne du roi et dans les deux chambres de la Diète, conformément aux dispositions du même article 31.

Article 87.

La Diète ordinaire se réunira tous les deux ans à Varsovie à l'époque déterminée par l'acte de convocation, émané du roi. La session dure trente jours. Le roi peut seul la proroger, l'ajourner et la dissoudre.

Article 88.

Le roi convoque une Diète extraordinaire quand il le juge à propos.

Article 89.

Un membre de la Diète ne peut, pendant la durée de ses fonctions, être arrêté ni jugé par un tribunal criminel, que de l'aveu de la chambre à laquelle il appartient.

Article 90.

La Diète délibère sur tous les projets de lois civiles, criminelles ou administratives qui lui sont adressées  de la part du roi par le conseil d'État. Elle délibère sur tous les projets que le roi lui fait remettre pour modifier ou changer les attributions des emplois et pouvoirs constitutionnels, tels que ceux de la Diète, conseil d'État, de l'ordre judiciaire et des commissions de gouvernement.

Article 91.

La Diète délibère, d'après les communications du souverain, sur l'augmentation ou la réduction des impôts, contributions, taxes et charges publiques quelconques, sur les changements qu'ils peuvent exiger, sur le meilleur et le plus juste mode de répartition, sur l'établissement du budget en recettes et dépenses, sur le règlement du système monétaire, sur la levée de recrues, ainsi que sur tous les autres objets qui lui seront envoyés par le souverain.

Article 92.

La Diète délibère encore sur les communications qui lui sont faites de la part du roi en conséquence du rapport général dont est chargée l'assemblée du conseil d'État par l'article 73. Enfin la Diète, après avoir statué sur tous ces objets, reçoit les communications, demandes, représentations ou réclamations qui sont faites par les nonces et les députés des communes pour le bien et l'avantage de leurs commettants. Elles les transmet au conseil d'État qui les soumet au souverain. Lorsque le renvoi en a été fait à la Diète par le roi, par l'entremise du conseil d'État, elle délibère sur les projets de lois auxquels ces réclamations ont donné lieu.

Article 93.

Dans le cas où la Diète ne vote pas un nouveau budget, l'ancien conserve force de loi jusqu'à la prochaine session. Néanmoins le budget cesse au bout de quatre années, si la Diète n'est pas convoquée pendant cet intervalle.

Article 94.

La Diète ne peut s'occuper que des objets compris dans ses attributions, ou dans l'acte de sa convocation.

Article 95.

Les deux chambres délibèrent publiquement. Elles peuvent néanmoins se constituer en comité particulier sur la demande d'un dixième des membres présents.

Article 96.

Les projets de loi rédigés au conseil d'État sont portés à la Diète, par ordre du roi, par des membres dudit conseil.

Article 97.

II dépend du roi de faire porter ces projets à la chambre du sénat, soit à la chambre des nonces. Sont exceptés les projets de lois financières qui doivent être préalablement portés a la chambre des nonces.

Article 98.

Pour discuter ces projets, chaque chambre nomme au scrutin trois commissions composées au sénat de trois membres, et à la chambre des nonces de cinq, savoir :
Commission des finances ;
Commission de législation civile et pénale ;
Commission de législation organique et administrative.

Chaque membre donne communication au conseil d'État de ses nominations.

Les commissions communiquent avec le conseil d'État.

Article 99.

Les projets présentés par ordre du roi ne peuvent être modifiés que par le conseil d'État sur les observations qui pourront lui être présentées par les commissions respectives de la Diète.

Article 100.

Les membres du conseil d'État dans les deux chambres et les commissions dans les chambres respectives, ont seuls le droit de faire des discours par écrit.

Les autres membres ne peuvent parler que de mémoire.

Article 101.

Les membres du conseil d'État ont droit de siéger et de prendre la parole dans les deux chambres lors de la délibération sur les projets de gouvernement. Ils n'ont pas celui de voter à moins qu'ils ne soient sénateurs, nonces ou députés.

Article 102.

Les projets seront décidés à la majorité des suffrages. Les votes seront donnés à haute voix. Un projet de loi ainsi adopté par une chambre à la majorité des suffrages, passera à l'autre chambre, qui délibère et statue de la même manière. La parité des voix emporte l'admission du projet.

Article 103.

Un projet arrêté par une chambre ne peut être modifié par l'autre. Il doit y être simplement adopté ou rejeté. 

Article 104.

Un projet adopté par les deux chambres est soumis à la sanction du roi.

Article 105.

Si le roi donne la sanction, le projet est converti en loi. Le roi en ordonne la publication dans les formes prescrites. Si le roi refuse la sanction, le projet tombe.

Article 106.

Le rapport général de la situation du pays, rédigé au conseil d'État et adressé au sénat, sera lu dans les deux chambres réunies.

Article 107.

Chaque chambre fera examiner ce rapport par les commissions respectives et adressera à cet égard son opinion au roi. Ce rapport pourra être imprimé.

Chapitre II. Du sénat.

Article 108.

Le sénat est composé :
Des princes du sang impérial et royal,
Des évêques, 
Des palatins,
Des castellans.

Article 109.

Le nombre des sénateurs ne peut dépasser la moitié du nombre des nonces et des députés.

Article 110.

Le roi nomme les sénateurs, leurs fonctions sont à vie. Le sénat présente au roi, par l'entremise du lieutenant, deux candidats pour chaque place vacante de sénateur, palatin ou castellan.

Article 111.

Pour pouvoir être élu candidat de sénateur, palatin ou castellan, il faut avoir l'âge de trente-cinq ans révolus, payer une contribution annuelle de deux mille florins de Pologne, et réunir les conditions requises par les lois organiques

Article 112.

Les princes du sang, après avoir atteint l'âge de dix-huit ans, ont le droit de siéger et voter au sénat.

Article 113.

Le sénat est présidé par le premier de ses membres, dans l'ordre qui sera fixé par un décret spécial.

Article 114.

Indépendamment de ses attributions législatives, le sénat en a d'autres séparément désignées.

Article 115.

Pour exercer ses attributions législatives, le sénat ne peut se réunir que sur la convocation du roi, pendant la Diète. Pour remplir ses autres devoirs, il est convoqué par son président.

Article 116.

Le sénat statue sur la proposition de la mise en jugement des sénateurs, des ministres chefs de département, des conseillers d'État et des maîtres des requêtes, pour cause de prévarication dans l'exercice de leurs fonctions, sur la proposition du roi ou du lieutenant, et sur l'accusation de la chambre des nonces.

Article 117.

Le sénat statue définitivement sur la validité des districts et des assemblées communales et sur celles des élections, ainsi que sur la formation des listes civiques, tant aux districts qu'aux assemblées communales.

Chapitre III. De la chambre des nonces.

Article 118.

La chambre des nonces est composée :
1. De soixante-dix-sept nonces nommés par les districts ou assemblées des nobles, à raison d'un nonce par district ;
2. De cinquante et un députés des communes.
[La traduction du nombre des députés était fautive et le texte incohérent avec l'article suivant, nous avons du nous reporter au texte polonais pour la corriger.]

La chambre est présidée par un maréchal choisi parmi ses membres et nommé par le roi.

Article 119.

Tout le territoire du royaume de Pologne est partagé pour la représentation nationale et les élections en soixante-dix-sept districts. Il le sera de même en cinquante et un arrondissements communaux, huit pour la ville de Varsovie, et quarante-trois pour le reste du pays.

Article 120.

Les membres de la chambre des nonces restent en fonctions pendant six ans. Ils sont renouvelés par tiers tous les deux ans. En conséquence, et pour la première fois seulement, un tiers des membres de la chambre des nonces ne restera en fonctions que pendant deux années et un autre tiers pendant quatre années. La liste des membres sortants à ces deux époques sera dressée au sort. Les membres sortants peuvent être indéfiniment réélus.

Article 121.

Pour pouvoir être élu membre de la chambre des nonces, il faut avoir l'âge de trente ans révolus, jouir de ses droits civiques et payer une contribution de cent florins de Pologne.

Article 122.

Aucun fonctionnaire public, civil et militaire, ne peut être choisi membre de la chambre des nonces sans avoir obtenu au préalable le consentement de l'autorité dont il dépend.

Article 123.

Si un nonce, ou un député qui avant son élection n'exerçait aucun emploi salarié par le trésor public, en accepte depuis, il sera convoqué une nouvelle diétine ou assemblée communale pour être par elle procédé à une nouvelle élection de nonce ou de député.

Article 124.

Le roi a le droit de dissoudre la chambre des nonces ; s'il use de ce droit, la chambre se sépare, et le roi ordonne dans l'espace de deux mois de nouvelles élections des nonces et des député.

Chapitre IV. Des diétines.

Article 125.

Les nobles propriétaires de chaque district, réunis en diétine, choisissent un nonce, deux membres pour le conseil du palatinat, et forment une liste de candidats pour les emplois d'administration.

Article 126.

Les diétines ne peuvent se réunir que sur la convocation du roi, qui fixe le jour, la durée et l'objet des délibérations de l'assemblée.

Article 127.

Aucun noble ne peut être admis à voter en diétine, s'il n'est inscrit dans le livre civique des nobles du district, s'il ne jouit de ses droits civiques, s'il n'est âgé de vingt et un ans accomplis, et s'il n'est propriétaire foncier.

Article 128.

Le livre des nobles du district est formé par le conseil du palatinat et approuvé par le sénat.

Article 129.

Les diétines sont présidées par un maréchal nommé par le roi.

Chapitre V. Des assemblées communales.

Article 130.

Il y aura dans chaque arrondissement communal une assemblée communale ; elle choisira un député à la diète, un membre pour le conseil du palatinat, et formera une liste de candidats pour les emplois d'administration.

Article 131.

Sont admis aux assemblées communales :
1. Tout citoyen propriétaire non noble payant de sa propriété foncière une contribution quelconque ;
2. Tout fabricant et chef d'atelier ; tout marchand ayant un fonds de boutique ou magasin équivalant à un capital de dix mille florins de Pologne ;
3. Tous les curés et vicaires ;
4. Les professeurs, instituteurs et autres personnes chargées de l'instruction publique ;
5. Tout artiste distingué par ses talents, ses connaissances, ou par des services rendus soit au commerce, soit aux arts.

Article 132.

Nul ne peut être admis à voter dans les assemblées communales, s'il n'est inscrit dans le livre civique communal, s'il ne jouit des droits de citoyen et s'il n'est âgé de vingt et un ans accomplis.

Article 133.

La liste des votants et propriétaires sera formée par le conseil du palatinat. Celle des fabricants, marchands, et des citoyens distingués par leurs talents et des services rendus, sera formée par la commission des cultes et de l'instruction.

Article 134.

Les assemblées communales sont présidées par un maréchal nommé par le roi.

Chapitre VI. Du conseil du palatinat.

Article 135.

Dans chaque palatinat il y aura un conseil de palatinat, composé de conseillers choisis par les diétines et les assemblées communales.

Article 136.

Le conseil de palatinat sera présidé par le conseiller le plus ancien en âge.

Article 137.

Les attributions principales du conseil de palatinat seront :
1. De choisir les juges pour les deux premières instances ;
2. De concourir à former et à épurer la liste des candidats pour les emplois administratifs ;
3. De s'occuper des intérêts du palatinat.

Le tout conformément aux dispositions d'un règlement séparé.

Titre V.
De l'ordre judiciaire.

Article 138.

L'ordre judiciaire est constitutionnellement indépendant.

Article 139.

On doit entendre par l'indépendance du juge la faculté qu'il a d'émettre librement son opinion lors du jugement, sans pouvoir être influencé ni par l'autorité suprême, ni par aucune considération quelconque. Toute autre définition ou interprétation de l'indépendance du juge est déclarée abusive.

Article 140.

Les tribunaux se composent de juges nommés par le roi et de juges choisis, conformément au statut organique.

Article 141.

Les juges nommés par le roi sont inamovibles et à vie. Les juges choisis sont également inamovibles pour le temps et la durée de leurs fonctions.

Article 142.

Aucun juge ne peut être destitué que par arrêt d'une instance judiciaire compétente, dans le cas de prévarication prouvée ou de tout autre délit constaté.

Article 143.

La discipline des magistrats nommés et choisis, ainsi que la répression des écarts qui pourraient être commis par eux, quant à l'exactitude du service public, ressortira au tribunal suprême.

Article 144.

Juges de paix. Il y aura des juges de paix pour toutes les classes d'habitants ; leurs fonctions sont celles de magistrats de conciliation.

Article 145.

Aucune affaire ne peut être portée devant un tribunal civil de première instance, si elle n'a été présentée au juge de paix compétent, excepté celles qui, aux termes de la loi, ne devront pas être soumises à la conciliation.

Article 146.

Tribunaux de première instance. Pour les affaires qui ne dépassent pas cinq cents florins de Pologne, il y aura des tribunaux civils et de police dans chaque commune et dans chaque ville.

Article 147.

Pour les affaires au-dessus de cinq cents florins, il y aura dans chaque palatinat plusieurs tribunaux de première instance (sondy ziemskie) et des cours d'assises (sondy zjazdowe).

Article 148.

Il y aura de plus des tribunaux de commerce.

Article 149.

Pour les causes criminelles et de police correctionnelle, il y aura dans chaque palatinat plusieurs tribunaux pénaux (sondy grodzkie).

Article 150.

Cours d'appel. Il y aura au moins deux cours d'appel dans le royaume : elles statueront en seconde instance sur les causes jugées dans les tribunaux de première instance, civils et pénaux et de commerce.

Article 151.

Tribunal suprême. Il y aura un tribunal suprême à Varsovie, pour tout le royaume, qui prononcera en dernier ressort sur toutes les causes civiles et criminelles, hors les crimes d'État. Il sera composé en partie de sénateurs qui y siégeront à tour dé rôle, et en partie de juges nommés à vie par le roi.

Article 152.

Haute cour nationale. Une haute cour nationale connaîtra des crimes d'État et des délits commis par les grands fonctionnaires du royaume, dont le sénat décrète la mise en jugement d'après l'article 116. La haute cour est composée de tous les membres du sénat.

Titre VI.
De la force armée.

Article 153.

La force armée sera composée de l'armée active sur le pied d'une solde effective, et de milices prêtes à la renforcer en cas de besoin.

Article 154.

La force de l'armée aux frais du pays est fixée par le souverain, en raison du besoin et en proportion des revenus portés au budget.

Article 155.

Le cantonnement des troupes sera adapté aux convenances réunies des habitants, du système militaire et de l'administration.

Article 156.

L'armée conservera les couleurs de son uniforme, son costume particulier et tout ce qui tient à sa nationalité.

Titre VII.
Dispositions générales.

Article 157.

Les biens et revenus de la couronne royale consisteront :
1. Dans les domaines de la couronne, qui seront administrés séparément, au compte du roi, par une chambre ou des fonctionnaires à son choix particulier ;
2. Dans le palais royal de Varsovie et dans le palais de Saxe.

Article 158.

La dette publique de l'État est garantie.

Article 159.

La peine de la confiscation est abolie et ne pourra être rétablie dans aucun cas.

Article 160.

Les ordres civils et militaires de Pologne, savoir : celui de l'Aigle blanc, celui de Saint-Stanislas, et celui de la Croix militaire, sont maintenus.

Article 161.

La présente charte constitutionnelle sera développée par des statuts organiques. Ceux qui ne seront pas constitués immédiatement après la publication de la charte constitutionnelle seront préalablement discutés au conseil d'État.

Article 162.

Le premier budget de revenus et dépenses sera réglé par le roi, sur l'avis du conseil d'État. Ce budget sera exécuté jusqu'à ce qu'il ait été modifié ou changé par le souverain et les deux chambres.

Article 163.

Tout ce qui ne forme pas l'objet d'un statut organique ou d'un code, et tout ce qui ne doit pas être renvoyé à la délibération de la Diète d'après ses attributions, sera réglé par des décrets du roi, ou par des ordonnances du gouvernement. Les statuts organiques et les codes ne peuvent être modifiés on changés que par le souverain et les deux chambres de la Diète.

Article 164.

Les lois, les décrets et règlements du roi seront imprimés dans le Bulletin des lois. Un décret du roi fixera les formes de leur publication.

Article 165.

Toutes les lois et institutions antérieures, contraires à la présente charte, sont abrogées.

Croyant, dans notre conscience, que la présente charte constitutionnelle répond à nos vues paternelles, qui ont pour objet de maintenir, dans toutes les classes de nos sujets du royaume de Pologne, la paix, la concorde et l'union si nécessaire au bien-être, et de consolider la félicité que nous désirons leur procurer, nous leur avons donné et donnons la présente charte constitutionnelle, que nous adoptons pour nous et nos successeurs ; enjoignons au surplus à toutes les autorités publiques de concourir à son exécution.

Donné en notre château royal de Varsovie, le 15/27 novembre 1815.

Alexandre.

Les membres du gouvernement provisoire :
Lanskoi, Adam prince Czartoryski, Nicolas Xovossiltzoff, Thomas Wawrzecki, Xavier prince Drucki-Lubecki,
Joseph Calassante Szaniawscki, secrétaire.

Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Pologne.