Angleterre

La Charte des libertés d'Henry I Beauclerc

(5 août 1100)

    La Magna Carta a été précédée par plusieurs chartes, établies en général lors des couronnements royaux. La Charte des libertés (1100) d'Henry 1er Beauclerc, contient ainsi les promesses faites par le roi lors de son couronnement, pour obtenir son « élection » par les barons. Elle est considérée comme un modèle qui a inspiré les rédacteurs de la Magna Carta.
    Henry avait été écarté de la succession de son père Guillaume le Conquérant. Le fils aîné, Robert Courteheuse, règne en Normandie et Guillaume le Roux, en Angleterre. Le 2 août 1100, Guillaume est victime d'un accident de chasse. Devançant son frère Robert, Henry se fait couronner le 5 août, en promettant aux barons de gouverner avec leur conseil et de rétablir les anciennes lois d'Édouard le Confesseur, antérieures à la conquête normande.
    La charte a été adressée aux responsables des différents comtés. L'exemplaire dont on trouve la traduction ci-dessous, était adressé au deux principaux tenanciers, ecclésiastique et laïque, du Worcestershire. Le texte se trouve dans la collection des documents de l'université Fordham à New York.
    Voir la charte de Guilaume le Conquérant.
    Voir la charte du couronnement d'Henri II.

Henry, roi des Anglais, à l'évêque Samson et à Urse d'Abitot et à tous ses barons et fidèles, français et anglais, du Worcestershire, salut.

1. Sachez que, par la miséricorde de Dieu et le commun conseil des barons de tout le royaume d'Angleterre, j'ai été couronné roi de ce royaume ; et parce que le royaume a été accablé par d'injustes exactions, j'ai décidé, inspiré par la crainte de Dieu et l'amour que je vous porte à tous, en premier lieu, de rendre la sainte Église de Dieu libre, de telle sorte que je ne vendrai pas et je ne donnerai pas à ferme, et à la mort d'un archevêque, d'un évêque ou d'un abbé, je ne prendrai rien des domaines de l'Église ou de ses hommes jusqu'à ce que le successeur ait été nommé. Et j'abolirai les mauvaises coutumes par lesquelles le royaume d'Angleterre à été injustement opprimé ; ces mauvaises coutumes, j'en indique ici quelques unes :

2. Si l'un de mes barons, un comte ou l'un de mes autres tenanciers meurt, son héritier ne rachètera pas sa terre, comme c'était l'usage à l'époque de mon frère, mais il sera relevé par un juste et légal relief. De même, les tenanciers de mes barons relèveront leurs terres par un juste et légal relief.

3. Si l'un de mes barons ou de mes autres tenanciers souhaite donner sa fille, sa soeur, sa nièce ou une parente en mariage, qu'il en parle avec moi ; mais je ne prendrai rien de lui pour lui donner mon accord et je ne  l'empêcherai pas de la donner, sauf s'il se disposait à la marier à mon ennemi. Et si à la mort du baron ou de l'un de mes autres tenanciers, une fille est héritière, je lui donnerai sa terre, sur l'avis de mes barons. Et si à la mort de son époux, l'épouse reste sans enfant, elle aura son douaire et sa dot, et je ne la donnerai pas à un mari contre sa volonté.

4. Mais si l'épouse reste avec des enfants, elle aura effectivement son douaire et sa dot pour subsister légalement et je ne la donnerai pas contre sa volonté. Le gardien de la terre et des enfants sera, de l'épouse ou d'un autre des parents, celui qui ira le mieux. Et je demande à mes barons d'agir de la même manière avec les fils et les filles ou les femmes de leurs tenanciers.

5. Le droit de seigneuriage qui été pris par les villes et les comtés, mais ne pouvait être pris à l'époque du roi Édouard, est absolument interdit désormais. Si quelqu'un, qu'il soit monnayeur ou autre, est pris avec de la fausse monnaie, une justice régulière lui sera rendue.

6. Je remets tous les appels et les dettes qui sont dus à mon frère, à l'exception de mes revenus fixés légalement, et à l'exception des montants qui ont été convenus sur les successions des autres ou sur les choses qui concernent plus justement les autres. Et si quelqu'un a promis quelque chose sur sa propre succession, je le lui remets ; ainsi que tous les reliefs qui ont été convenus sur de justes successions.

7. Si l'un de mes barons ou de mes tenanciers s'affaiblit, alors qu'il doit donner ou prendre ses dispositions pour donner son bien, j'accepte qu'il soit ainsi donné. Mais si empêché par les armes ou par la maladie, il ne peut donner ou prendre ses dispositions pour donner son bien, son épouse, ses enfants, ses parents ou des hommes justes le distribueront pour le bien de son âme, comme il leur semblera le mieux.

8. Si l'un de mes barons ou de mes tenanciers commet un crime, il ne doit pas se mettre lui-même à la miséricorde du roi pour l'indemnisation, comme c'était le cas à l'époque de mon père ou de mon frère ; mais il doit faire amende honorable selon la gravité du crime comme c'était le cas avant l'époque de mon père, à l'époque de mes autres prédécesseurs. Mais s'il est convaincu de traîtrise ou de crime odieux, il doit faire amende honorable comme il est juste.

9. Je pardonne tous les meurtres commis avant le jour de mon couronnement ; et ceux qui seront commis à l'avenir feront l'objet d'une juste indemnisation selon la loi du roi Édouard.

10. Par le commun consentement de mes barons, je garderai les forêts comme mon père les avait.

11. Aux chevaliers qui doivent le service militaire pour leurs terres, j'accorde de mon plein gré que les terres de leur domaine labourées soient libres de tout paiement  et de toute corvée, de telle sorte que, en étant libérés d'un si grand fardeau, ils puissent s'équiper eux mêmes avec des chevaux et des armes et soient pleinement préparés pour mon service et la défense de mon royaume.

12. J'impose une stricte paix dans tout mon royaume et j'ordonne qu'elle soit désormais maintenue.

13. Je rétablis pour vous la loi du roi Édouard, avec les amendements introduits par mon père sur l'avis de ses barons.

14. Si quelqu'un depuis la mort du roi Guillaume, mon frère, a pris quelque chose qui m'appartient ou appartient à une autre personne, le tout doit être immédiatement rendu sans amende ; mais si quelqu'un garde quelque chose, il sera tenu de me payer une lourde amende.

Témoins Maurice évêque de Londres, Gondulf évêque de Rochester et Guillaume évêque élu de Winchester, Gérard évêque de Hereford, et le comte Henry, le comte Simon, Gautier Giffard, Robert de Montfort, Roger Bigot, Eude l'intendant, Robert le fils de Haimon, et Robert Malet.

A Londres quand j'ai été couronné. Adieu.


Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voyez la fiche Royaume-Uni.
© - 2006 - 2008 - Pour toute information complémentaire, pour signaler une erreur ou correspondre avec nous,
adressez-nous un message électronique.

Jean-Pierre Maury