Angleterre
Loi d'Habeas Corpus
Le Parlement anglais a tenté à diverses reprises
de se poser en défenseur des libertés individuelles ou collectives
face à l'arbitraire royal. Les arrestations sans motif et sans contrôle
d'un juge ont ainsi été prohibées par divers textes
depuis la Magna Carta. La réitération de ces prohibitions
témoigne ainsi du non respect par le roi de ses engagements antérieurs.
Sous les Stuart, le conflit entre
le Parlement et le roi s'est aggravé. La Pétition
de 1628 interdit les arrestations et les emprisonnements sans motif,
rappelle le droit au juge, le principe de la légalité des
peines et dénonce d'autres violations par le roi des droits et libertés
de ses sujets. Après la restauration de 1660, les whigs reprochent
à Charles II son absolutisme et sa tolérance à l'égard
des catholiques, ainsi que la répression politique et les diverses
exactions dont ils sont victimes. C'est à la fin de la session parlementaire
de 1679 que le leader whig lord Shaftesbury parvient à faire voter
la loi d'habeas corpus qui établit une nouvelle procédure,
très détaillée, pour éviter les arrestations
arbitraires et mettre fin à certaines pratiques qui permettaient
d'éviter de présenter les prisonniers aux juges, en les changeant
régulièrement de prison, ou même en les déportant
dans les colonies. La section 2 fixe un délai bref pour la présentation
de tout prisonnier à son juge et la section 3 impose la libération
sous caution du détenu dans l'attente de son jugement, à
l'exception des auteurs des crimes les plus graves. Des sanctions sévères
doivent punir les fonctionnaires et les magistrats qui ne respecteraient
pas la nouvelle loi. La loi d'habeas corpus de 1679 a été
rapidement considérée comme un modèle tant sur le
continent qu'aux colonies, même si les abus continuèrent au
point de provoquer le changement dynastique et la déclaration
des droits de 1689.
On trouve généralement
dans les recueils français la traduction de Laferrière (1869)
qui résume les dispositions les plus importantes du texte, mais
reste très lacunaire. On propose ici une traduction complète,
reprenant en partie la traduction de Dufau (1821) et à partir du
texte anglais que l'on trouve sur le site de l'université de Chicago
: http://press-pubs.uchicago.edu/founders/documents/a1_9_2s2.html.
Nous avons ajouté quelques notes suite à des demandes de
correspondants.
Loi pour mieux garantir la libertés du sujet et éviter les
déportations outre-mer
n° 31, Charles II, ch. 2, 27 mai 1679
1.
Attendu qu'il y a eu de grands retards de la part des shérifs, des
geôliers et des autres fonctionnaires à
la garde desquels un sujet du roi a été confié pour
une affaire criminelle ou supposée criminelle, pour répondre
aux ordonnances d'habeas corpus qui leur ont été
adressées, tant par l'attente d'une seconde ou d'une troisième
ordonnance d'habeas corpus et parfois davantage, que par d'autres moyens
pour éviter d'obéir de bonne grâce à ces ordonnances,
contrairement à leur devoir et aux lois connues du pays, en conséquence
de quoi beaucoup de sujets du roi ont été et peuvent encore
être longtemps retenus en prison, à leur grand dam et vexation,
dans des cas où la loi autorise leur mise en liberté sous
caution.
Section 2.
Pour prévenir de tels faits, et porter rapidement secours à
toutes les personnes emprisonnées pour une affaire criminelle ou
supposée criminelle ;
(2) qu'il soit édicté par sa très excellente Majesté
le roi, sur l'avis et avec le consentement des Lords spirituels et temporels
et des Communes, réunis dans le présent Parlement, et par
l'autorité de ce dernier, que lorsqu'une personne présente
ou que des personnes présentent une ordonnance
d'habeas corpus adressée à un shérif, à un
geôlier, à un lieutenant de justice ou à un autre personne,
en faveur d'une personne confiée à leur garde, et que cette
ordonnance est remise audit fonctionnaire, ou déposée à
la geôle ou à la prison entre les mains de subordonnés
de ces fonctionnaires ou gardiens, ou d'un représentant de ces fonctionnaires
ou gardiens, ledit fonctionnaire, subordonné ou représentant,
dans les trois jours qui suivent la présentation de ladite ordonnance
(à moins que l'emprisonnement ait eu lieu pour cause de trahison
ou de crime grave, clairement et spécialement désignée
dans le mandat de dépôt), sous réserve de paiement
des frais nécessaires pour emmener le prisonnier, fixés par
le juge ou par le tribunal qui a pris la décision et mentionnés
sur l'ordonnance, frais qui ne pourront excéder douze deniers par
mille, et après sûreté donnée par écrit
de payer également les frais nécessaires pour ramener le
prisonnier, si le juge ou le tribunal le demande, conformément au
véritable esprit de la présente loi, et après garantie
que le prisonnier ne s'évadera pas en route, doit renvoyer
ladite ordonnance ;
(3) et conduire ou faire conduire le détenu ou le prisonnier
en personne devant le lord chancelier ou le lord gardien du Grand Sceau
d'Angleterre, alors en fonction, ou devant les juges ou barons du tribunal
ayant délivré l'ordonnance, ou devant telles autres personnes
qui doivent connaître l'affaire, selon ce que celle-ci indique ;
(4) et ils devront alors énoncer les raisons sincères
de la détention ou de l'emprisonnement ; ce délai de trois
jours est applicable à moins que le lieu de la prison soit éloigné
de plus de vingt miles du lieu où réside le tribunal
ou la personne ; si la distance est supérieure à vingt miles
et inférieure à cent, le délai sera de dix jours,
et si la distance est supérieure à cent miles le délai
ne sera pas supérieur à vingt jours.
Section 3.
Et pour qu'aucun shérif, geôlier ou autre fonctionnaire ne
puisse prétendre ignorer l'importance de telles ordonnances ;
(2) Qu'il soit édicté par l'autorité susdite que
toutes les ordonnances d'habeas corpus porteront ces mots : per
statutum tricesimo primo Caroli secundi Regis, et seront signées
par celui de qui elles émanent ;
(3) Et si une ou plusieurs personnes sont, pendant les vacances judiciaires,
emprisonnées ou détenues pour quelque crime, excepté
pour ceux de crime grave ou de trahison mentionnés dans les mandats
de dépôt, ces personnes ainsi emprisonnées ou détenues
pourront (à moins qu'elles ne soient déjà déclarées
coupables ou condamnées), ou tout autre agissant en leur nom, s'adresser
ou se plaindre au lord chancelier, au lord gardien ou à tout autre
juge de tel ou tel tribunal, ou aux barons de la cour de l'Échiquier
;
(4) et le lord chancelier, le lord gardien du Grand Sceau, les juges
ou barons au vu des copies des mandats d'emprisonnement ou de dépôt,
ou sur le serment que ces copies ont été refusées
par les personnes qui ont la garde du ou des prisonniers, sont par la présente
autorisés et requis, après requête par écrit
des détenus, ou de toutes autres personnes agissant à leur
place, attestée alors par deux témoins présents lorsqu'elle
leur a été remise, de délivrer et d'accorder une ordonnance
d'habeas corpus, sous le sceau de la Cour à laquelle appartient
l'un des juges ;
(5) adressé au fonctionnaire à la garde duquel est soumis
le détenu, ledit habeas corpus doit être renvoyé immédiatement
devant le lord chancelier, le lord gardien ou tel juge ou baron desdites
Cours ;
(6) et après que l'ordonnance leur aura été présentée,
le fonctionnaire ou son subordonné, le gardien ou leur délégué,
à la garde desquels le prisonnier est confié, doivent, dans
les délais indiqués ci-dessus, présenter le prisonnier
devant le lord chancelier, le lord gardien du Grand Sceau ou tels autres
juges ou barons, ou devant celui d'entre eux désigné par
ladite ordonnance, et, dans le cas d'absence de ce dernier, devant tout
autre d'entre eux, en représentant toutefois ladite ordonnance,
et en faisant connaître les véritables causes de l'emprisonnement
ou de la détention ;
(7) après quoi, dans l'espace de deux jours après que
le prisonnier leur ait été présenté, le lord
chancelier, le lord gardien du Grand Sceau ou tel autre juge ou baron devant
qui le prisonnier a été présenté comme indiqué
ci-dessus, libéreront ledit prisonnier de son emprisonnement en
recevant son engagement, avec une ou plusieurs cautions, d'une somme telle
qu'ils la jugeront à propos, eu égard à la qualité
du prisonnier ou à la nature de l'infraction, pour s'assurer qu'il
comparaîtra à la session prochaine devant la Cour du Banc
du Roi, ou aux plus proches assises, ou sessions, ou tournées de
la Cour d'élargissement général
(gaol delivery) dans le comté, la cité ou le lieu où
il a été emprisonné, ou celui où l'infraction
a été commise, ou devant telle autre Cour qui doit en connaître,
ladite ordonnance et la réponse, ainsi que l'engagement, seront
présentés à la Cour où doit avoir lieu la comparution
;
(8) Tout ceci n'a pas lieu s'il est constant pour lesdits lord chancelier,
lord gardien du Grand Sceau, juges ou barons, que le prisonnier est détenu
sur une action légale, d'après une ordonnance ou un mandat
émanant d'un tribunal ayant juridiction pour les affaires criminelles,
ou un mandat signé et scellé de la main ou du sceau de l'un
desdits juges ou barons, ou de quelque juge de paix, pour une affaire ou
une infraction pour laquelle la loi ne permet pas au prisonnier d'être
libéré sous caution.
Section 4.
Sous réserve qu'il soit édicté que si une personne
a volontairement négligé, pendant le délai de deux
sessions entières depuis son emprisonnement, de demander un habeas
corpus pour être libérée, elle ne pourra plus obtenir
un tel habeas corpus dans le temps des vacances judiciaires, conformément
à la présente loi.
Section 5.
Et qu'il soit de plus édicte par l'autorité susdite que si
un fonctionnaire, ou son subordonné, un gardien ou leur délégué,
néglige ou refuse de répondre à l'ordonnance d'habeas
corpus, ou de présenter le prisonnier, conformément à
cette ordonnance, dans les délais susdits, ou s'il refuse, à
la demande du prisonnier ou de toute autre personne agissant pour lui,
de délivrer copie des mandats d'emprisonnement et de dépôt,
ou s'il ne délivre pas dans le délai de six heures de la
demande les mandats qu'il est requis de délivrer par la présente,
chacun de ces geôliers ou gardien en chef de la prison dans laquelle
le prisonnier est détenu payera à la partie lésée
100 livres pour la première infraction,
(2) et 200 livres pour la seconde, et il sera par la présente
déclaré incapable de remplir et d'exécuter son office
;
(3) lesdites pénalités seront recouvrées par le
prisonnier ou la partie lésée, ses exécuteurs ou ses
administrateurs contre le délinquant, ses exécuteurs ou ses
administrateurs, par forme d'action en dettes, action, requête, plainte
ou information devant l'une des cours du roi à Westminster, devant
laquelle aucun privilège, injonction, suspension des poursuites
par Non vult ulterius prosequi ou autrement, ne peut être
accepté ou autorisé ;
(4) toute condamnation à la requête d'une partie lésée
sera une preuve suffisante d'une première infraction, et une seconde
condamnation pour toute infraction survenue depuis le premier jugement,
une preuve pour la seconde infraction.
Section 6.
Et pour la prévention des injustes désagréments provoqués
par des emprisonnements répétés pour la même
infraction ;
(2) qu'il soit édicté par l'autorité susdite,
qu'aucune personne, élargie en vertu d'un habeas corpus, ne peut
être emprisonnée ou détenue de nouveau pour la même
infraction par la même personne, autrement que par l'ordre ou l'action
légale de la Cour devant laquelle elle est obligée de reparaître
par son engagement, ou de toute autre Cour compétente ;
(3) et si une autre personne emprisonne ou détient à
nouveau sciemment, ou fait emprisonner à nouveau ou écrouer
sciemment pour la même infraction ou prétendue infraction,
quelque personne élargie comme on vient de le dire, ou y contribue
ou y participe, elle sera condamnée à payer la somme de 500
livres au prisonnier ou à la partie lésée ; nonobstant
tout prétexte fallacieux ou modification dans le mandat de dépôt
comme rappelé ci-dessus ;
Section 7.
Sous réserve qu'il soit en outre édicté que si une
personne emprisonnée pour cause de haute trahison ou crime grave,
clairement et spécialement exprimée dans le mandat de dépôt,
demande en pleine Cour, la première semaine de la session ou le
premier jour de la session des commissions d'oyer et terminer
ou d'élargissement général, à être mise
en jugement, elle ne pourra être ajournée à la prochaine
session ou aux sessions d'oyer et terminer ou d'élargissement
général, après son emprisonnement. Les juges de la
cour du banc du roi, de la commission d'oyer et terminer ou
d'élargissement général, où tous autres ci-dessus
désignés sont tenus par la présente de mettre le prisonnier
en liberté sous caution, sur une requête présentée
à la Cour le dernier jour de la période des assises ou de
la commission d'élargissement général, par le prisonnier
ou celui qui agit en son nom, à moins qu'il ne paraisse aux juges,
sur serment, que les témoins pour le roi ne peuvent être produits
pour la même session ;
(2) et si une personne emprisonnée, comme on vient de le dire,
n'est pas, sur sa demande d'être mise en jugement, exprimée
en pleine Cour, la première semaine des assises ou le premier jour
de la session des commissions d'oyer et terminer ou d'élargissement
général, poursuivie et jugée à la seconde
session des assises ou des commissions d'oyer et terminer
ou d'élargissement général après son
emprisonnement, ou si elle est acquittée à son procès,
elle doit être mise en liberté.
Section 8.
Sous réserve en outre que les dispositions de cette loi ne sont
pas applicables pour l'élargissement d'une personne chargée
de dettes, ou à d'autres actions ou aux procès en matière
civile, mais que, après avoir été élargie pour
une infraction pénale, elle peut être mise en garde à
vue, conformément à la loi, pour toute autre affaire.
Section 9.
Sous réserve qu'il soit édicté par l'autorité
susdite que si un sujet de ce royaume est détenu dans quelque prison
ou commis à la garde de quelque fonctionnaire, pour une affaire
criminelle ou supposée criminelle, il ne doit pas être changé
de prison ou commis à la garde d'un autre fonctionnaire ;
(2) si ce n'est en vertu d'un habeas corpus ou d'une autre ordonnance
légale, ou lorsque le prisonnier est livré au constable ou
à tout autre fonctionnaire subalterne, pour le conduire à
quelque prison commune ;
(3) ou lorsqu'il est envoyé par ordre de quelque juge, des assises
ou d'un juge de paix à quelque maison de travail ou de correction
;
(4) ou lorsqu'il est transféré d'une prison ou d'un lieu
à un autre du même comté pour être jugé
ou acquitté en temps utile ;
(5) ou dans le cas d'un incendie soudain, d'une épidémie
ou de tout autre cas de force majeure ;
(6) et si quelque personne, après la détention susmentionnée,
a rédigé, signé ou contresigné un mandat pour
le transfert susmentionné contraire à la présente
loi ; aussi bien celui qui a rédigé, signé ou contresigné
un tel mandat, que le fonctionnaire qui l'a observé et exécuté,
doivent subir et encourir les peines et déchéances ci-dessus
mentionnées dans la présente loi, tant pour la première
que pour la seconde infraction respectivement, pour être recouvrées
de la manière susdite en faveur de la partie lésée.
Section 10.
Sous réserve aussi qu'il soit en outre édicté par
l'autorité susdite que tout prisonnier comme indiqué ci-dessus
peut légalement demander et obtenir son habeas corpus soit de la
haute cour de la chancellerie ou de la cour de l'Échiquier, soit
de la cour du banc du roi ou de la Cour des plaids communs, ou de n'importe
laquelle ;
(2) et si le lord chancelier ou le lord gardien du grand sceau ou tout
juge ou baron alors en fonction, de l'une des cours susmentionnées,
alors en congé, sur le vu des copies de l'ordonnance d'emprisonnement
ou de dépôt, ou sur le serment que ces copies ont été
refusées comme il est dit ci-dessus, refuse lui-même l'habeas
corpus exigé par la présente loi pour être accordé
comme il est dit ci-dessus, il sera condamné personnellement à
payer la somme de 500 livres envers la partie lésée, qui
seront recouvrées de la manière susdite.
Section 11.
Et qu'il soit déclaré et édicté par l'autorité
susdite qu'un habeas corpus conformément à la véritable
intention et signification de la présente loi est valide sur les
terres d'un comte palatin, comme dans les cinq ports
et autres lieux privilégiés du royaume d'Angleterre, du Pays
de Galles, ou dans la cité de Berwick sur la
Tweed, de même que dans les îles de Jersey et de Guernesey,
nonobstant toute loi ou usage contraire.
Section 12.
Et pour prévenir les détentions illégales dans des
prisons outre-mer ;
(2) qu'il soit édicté en outre, par l'autorité
susdite, qu'aucun sujet de ce royaume, qui maintenant ou à l'avenir
habite ou réside dans le royaume d'Angleterre, le Pays de Galles,
ou la cité de Berwick sur la Tweed,
ne peut être envoyé en détention en Écosse,
en Irlande, à Jersey, à Guernesey, à Tanger
ou dans tout autre lieu, garnison, île ou place au delà des
mers ; cela maintenant et à l'avenir dans et hors des territoires
de Sa Majesté, de ses héritiers ou successeurs ;
(3) et que tout emprisonnement semblable est, par la présente,
déclaré illégal ;
(4) et que si l'un ou l'autre de ces sujets, maintenant ou à
l'avenir, est ainsi emprisonné, chacune des personnes emprisonnées
peut, en application de la présente loi, engager une action en détention
arbitraire (false emprisonnement) devant tout tribunal de Sa Majesté,
contre la ou les personnes par qui elle a été arrêtée,
détenue ou emprisonnée, envoyée ou transportée,
contrairement au véritable sens de la présente loi, et contre
toute personne qui a conçu, provoqué, écrit, scellé
ou contresigné un mandat ou un ordre écrit pour son arrestation,
sa détention, son emprisonnement ou son transfert, ou a conseillé,
aidé ou concouru à ces choses ou à l'une d'elles ;
(5) et le plaignant peut obtenir le triple de ses frais, et en outre
des dommages intérêts qui ne pourront être fixés
à moins de 500 livres ;
(6) dans ladite action, aucun délai, sursis ou arrêt des
poursuites ne peut être accordé par règlement, ordre
ou commandement, ni aucune injonction, protection ni privilège quelconque,
à l'exception du règlement de la Cour dont l'action relève,
en pleine cour, pour certains cas spéciaux prévus par ce
règlement ;
(7) et toute personne qui sciemment conçoit, provoque, écrit,
scelle ou contresigne un mandat pour un tel emprisonnement, détention,
ou transfert, ou qui emprisonne, détient, incarcère ou transfère
quelqu'un contrairement à la présente loi, ou qui y a consenti,
aidé ou concouru, légalement convaincue de cela, sera déclarée
dès lors incapable de remplir une charge de confiance ou lucrative,
dans ce royaume d'Angleterre, au Pays de Galles, ou dans la cité
de Berwick sur la Tweed, ou les îles, territoires et dominions qui
en dépendent ;
(8) et elle encourra et subira les peines, amendes et déchéances,
prescrites, ordonnées et prévues par le statut de provision
et praemunire fait dans la seizième année du règne
de Richard II ;
(9) et elle ne pourra être absoute par le Roi, ses héritiers
et successeurs, desdites déchéances, pertes et incapacités,
ou de l'une d'elles.
Section 13.
Sous réserve que rien dans la présente loi ne peut profiter
à une personne qui s'est engagée par écrit avec un
négociant ou un propriétaire d'une colonie, ou une autre
personne quelconque, pour être transportée outre-mer et a
reçu le gage de son accord, à moins que plus tard cette personne
renonce à son contrat.
Section 14.
Sous réserve qu'il soit édicté que si une personne
légalement convaincue de crime grave demande, en pleine cour, à
être transportée outre-mer, et que la Cour juge convenable
de la laisser en prison à cette fin, cette personne pourra être
transportée outre-mer, nonobstant toute disposition contraire de
la présente loi.
Section 15.
Sous réserve aussi qu'il soit édicté que rien de ce
qui est contenu ici ne peut être jugé, interprété
ou compris de manière à prolonger la détention d'une
personne qui, avant le premier jour de juin 1679, a été informée,
fixée, quant à sa détention ; nonobstant toute disposition
contraire.
Section 16.
Sous réserve aussi que si une personne résidant dans ce royaume,
à n'importe quel moment, a commis un crime capital en Écosse,
en Irlande ou dans toute autre île ou colonie soumise au Roi, à
ses héritiers ou ses successeurs, si elle doit être jugée
pour ce crime, cette personne pourra y être envoyée pour être
jugée, de la même manière qu'avant la présente
loi, nonobstant tout disposition contraire.
Section 17.
Sous réserve aussi qu'il soit édicté que nulle personne
ne sera poursuivie, impliquée, importunée ou inquiétée
pour violation de la présente loi, à moins que le contrevenant
soit poursuivi ou impliqué pour cela dans les deux ans qui suivent
la commission de l'infraction, dans le cas où la partie lésée
n'est plus en prison ; et, si elle est en prison, dans le délai
de deux ans après le décès de la personne emprisonnée
ou après sa sortie de prison, s'il s'agit de la première
infraction.
Section 18.
Et afin que nul ne puisse échapper à son procès lors
des assises ou des sessions d'élargissement général,
en obtenant son transfert avant les assises, de telle sorte qu'il soit
alors impossible de la ramener avant que le procès ait eu lieu ;
(2) qu'il soit édicté que dès que les assises
auront été annoncées dans le comté où
le prisonnier est détenu, nul ne peut être transféré
de la prison commune, sur un habeas corpus établi en application
de la présente loi, que pour être conduit selon cet habeas
corpus devant le juge de l'assise en pleine Cour, qui est compétent
à ce sujet.
Section 19.
Sous réserve néanmoins que, les assises closes, aucune personne
détenue ne peut obtenir son habeas corpus conformément au
but et à l'intention de la présente loi.
Section 20.
Et qu'il soit aussi édicté par l'autorité susdite
que si une information, une poursuite ou une action est conduite ou intentée
contre une ou plusieurs personne pour une violation de la présente
loi, les défendeurs peuvent légalement plaider la question
générale, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas coupables,
ou qu'ils ne doivent rien, et témoigner sur cette question particulière
pour le jury qui la jugera, afin de relaxer ledit ou lesdits défendeurs
de ces informations, poursuites ou actions et ladite question sera alors
à leur disposition pratiquement comme s'ils avaient suffisamment
plaidé, exposé et soutenu la même question en défense
et relaxe de ces informations, poursuites ou actions.
Section 21.
Et parce que, bien des fois, des personnes accusées de petite
trahison (petty treason) ou de crime ou de complicité
de ces actes, ont été incarcérées sur de simples
soupçons, après quoi elles ont été mises en
liberté sous caution, ou non, selon les circonstances qui faisaient
que les soupçons étaient plus ou moins lourds, ce qui est
bien connu des juges d'instance qui incarcèrent les personnes et
procèdent aux interrogatoires ou des autres juges du comté
;
(2) qu'il soit édicté par conséquent que lorsqu'une
personne comparaît pour être incarcérée par un
juge ou un juge de paix et est accusée de complicité pour
petite trahison ou crime, ou soupçonnée de tels actes, ou
soupçonnée de petite trahison ou de crime, lesquels sont
clairement et spécialement mentionnés dans le mandat de dépôt,
que cette personne ne peut être transférée ou libérée
sous caution, en vertu de la présente loi, ou d'une autre manière
qui aurait pu être avant l'adoption de la présente loi.
Notes :
Habeas corpus (ad subjiciendum) : obligation
de présenter le détenu au juge, afin que celui-ci vérifie,
outre son état physique, la légalité de son arrestation
et procède éventuellement à son élargissement.
Le cas échéant, la liberté est accordée sous
caution.
Le writ est l'ordre écrit, soit
le « bref » ou l'ordonnance, que le représentant du
détenu peut obtenir du juge pour ordonner que le prisonnier lui
soit présenté. Il s'agit d'abord d'éviter les disparitions
et les tortures.
Return of writs : le fonctionnaire qui
reçoit le writ d'habeas corpus doit le renvoyer en indiquant les
mesures qu'il a prises, soit « renvoyer » ou « répondre
».
Officers : il s'agit des officiers au sens de
l'Ancien régime. Comme pour d'autres textes, nous avons préféré
« fonctionnaires ».
warrant of commitment : ordre d'emprisonner une
personne : il doit être écrit, signé, scellé
et préciser le motif de l'emprisonnement afin que tout juge puisse
en apprécier la légalité. Nous avons traduit par mandat
de dépôt.
the barons of the exchequer of the degree of
the coif: il s'agit des barons de la Cour de l'Échiquier (voir
à la section 3). Ces juges auraient été à l'origine
pris parmi les barons. Le terme ici équivaut à celui de juge.
Per statutum tricesimo primo Caroli secundi
Regis : par le statut de la 31e année du roi Charles II. Cette
formule exécutoire doit être mentionnée sur l'ordonnance.
Commission d'Oyer et terminer : la Cour,
souvent itinérante, se réunit deux fois par an dans chaque
comté pour entendre et juger les auteurs de crimes et délits.
La commission d'élargissement général (gaol delivery)
doit examiner la situation de tous les prisonniers qui sont détenus
lorque les juges arrivent dans la ville ; elle a pour fonction de «
vider les prisons ».
the Cinque-Ports : confédération
des ports du Kent et du Sussex qui défendaient l'entrée de
l'Angleterre : Douvres, Hastings, Romney, Hythe et Sandwich.
Berwick sur la Tweed, ville située sur
la frontière avec l'Écosse avait été conquise
en 1482 et bénéficiait de privilèges tenant à
sa situation stratégique.
Tanger avait été conquis en 1661,
avant d'être perdu en 1684, et appartenait donc à l'Angleterre
au moment de la rédaction de la loi d'habeas corpus.
petty treason : crime commis par un inférieur
contre son supérieur, par exemple un domestique contre son maître,
une femme contre son époux...
Pour obtenir davantage d'informations sur le
pays et sur le texte ci-dessus,
voyez la fiche Royaume-Uni.
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Jean-Pierre
Maury