Angleterre

Loi d'Habeas Corpus

Le Parlement anglais a tenté à diverses reprises de se poser en défenseur des libertés individuelles ou collectives face à l'arbitraire royal. Les arrestations sans motif et sans contrôle d'un juge ont ainsi été prohibées par divers textes depuis la Magna Carta. La réitération de ces prohibitions témoigne ainsi du non respect par le roi de ses engagements antérieurs.
    Sous les Stuart, le conflit entre le Parlement  et le roi s'est aggravé. La Pétition de 1628 interdit les arrestations et les emprisonnements sans motif, rappelle le droit au juge, le principe de la légalité des peines et dénonce d'autres violations par le roi des droits et libertés de ses sujets. Après la restauration de 1660, les whigs reprochent à Charles II son absolutisme et sa tolérance à l'égard des catholiques, ainsi que la répression politique et les diverses exactions dont ils sont victimes. C'est à la fin de la session parlementaire de 1679 que le leader whig lord Shaftesbury parvient à faire voter la loi d'habeas corpus qui établit une nouvelle procédure, très détaillée, pour éviter les arrestations arbitraires et mettre fin à certaines pratiques qui permettaient d'éviter de présenter les prisonniers aux juges, en les changeant régulièrement de prison, ou même en les déportant dans les colonies. La section 2 fixe un délai bref pour la présentation de tout prisonnier à son juge et la section 3 impose la libération sous caution du détenu dans l'attente de son jugement, à l'exception des auteurs des crimes les plus graves. Des sanctions sévères doivent punir les fonctionnaires et les magistrats qui ne respecteraient pas la nouvelle loi. La loi d'habeas corpus de 1679 a été rapidement considérée comme un modèle tant sur le continent qu'aux colonies, même si les abus continuèrent au point de provoquer le changement dynastique et la déclaration des droits de 1689.
    On trouve généralement dans les recueils français la traduction de Laferrière (1869) qui résume les dispositions les plus importantes du texte, mais reste très lacunaire. On propose ici une traduction complète, reprenant en partie la traduction de Dufau (1821) et à partir du texte anglais que l'on trouve sur le site de l'université de Chicago : http://press-pubs.uchicago.edu/founders/documents/a1_9_2s2.html. Nous avons ajouté quelques notes suite à des demandes de correspondants.

Loi pour mieux garantir la libertés du sujet et éviter les déportations outre-mer

n° 31, Charles II, ch. 2, 27 mai 1679

1.

Attendu qu'il y a eu de grands retards de la part des shérifs, des geôliers et des autres fonctionnaires à la garde desquels un sujet du roi a été confié pour une affaire criminelle ou supposée criminelle, pour répondre aux ordonnances d'habeas corpus qui leur ont été adressées, tant par l'attente d'une seconde ou d'une troisième ordonnance d'habeas corpus et parfois davantage, que par d'autres moyens pour éviter d'obéir de bonne grâce à ces ordonnances, contrairement à leur devoir et aux lois connues du pays, en conséquence de quoi beaucoup de sujets du roi ont été et peuvent encore être longtemps retenus en prison, à leur grand dam et vexation, dans des cas où la loi autorise leur mise en liberté sous caution.

Section 2.

Pour prévenir de tels faits, et porter rapidement secours à toutes les personnes emprisonnées pour une affaire criminelle ou supposée criminelle ;
(2) qu'il soit édicté par sa très excellente Majesté le roi, sur l'avis et avec le consentement des Lords spirituels et temporels et des Communes, réunis dans le présent Parlement, et par l'autorité de ce dernier, que lorsqu'une personne présente ou que des personnes  présentent une ordonnance d'habeas corpus adressée à un shérif, à un geôlier, à un lieutenant de justice ou à un autre personne, en faveur d'une personne confiée à leur garde, et que cette ordonnance est remise audit fonctionnaire, ou déposée à la geôle ou à la prison entre les mains de subordonnés de ces fonctionnaires ou gardiens, ou d'un représentant de ces fonctionnaires ou gardiens, ledit fonctionnaire, subordonné ou représentant, dans les trois jours qui suivent la présentation de ladite ordonnance (à moins que l'emprisonnement ait eu lieu pour cause de trahison ou de crime grave, clairement et spécialement désignée dans le mandat de dépôt), sous réserve de paiement des frais nécessaires pour emmener le prisonnier, fixés par le juge ou par le tribunal qui a pris la décision et mentionnés sur l'ordonnance, frais qui ne pourront excéder douze deniers par mille, et après sûreté donnée par écrit de payer également les frais nécessaires pour ramener le prisonnier, si le juge ou le tribunal le demande, conformément au véritable esprit de la présente loi, et après garantie que le prisonnier ne s'évadera pas en route, doit renvoyer ladite ordonnance ;
(3) et conduire ou faire conduire le détenu ou le prisonnier en personne devant le lord chancelier ou le lord gardien du Grand Sceau d'Angleterre, alors en fonction, ou devant les juges ou barons du tribunal ayant délivré l'ordonnance, ou devant telles autres personnes qui doivent connaître l'affaire, selon ce que celle-ci indique ;
(4) et ils devront alors énoncer les raisons sincères de la détention ou de l'emprisonnement ; ce délai de trois jours est applicable à moins que le lieu de la prison soit éloigné de plus de vingt miles du lieu où réside le tribunal ou la personne ; si la distance est supérieure à vingt miles et inférieure à cent, le délai sera de dix jours, et si la distance est supérieure à cent miles le délai ne sera pas supérieur à vingt jours.

Section 3.

Et pour qu'aucun shérif, geôlier ou autre fonctionnaire ne puisse prétendre ignorer l'importance de telles ordonnances ;
(2) Qu'il soit édicté par l'autorité susdite que toutes les ordonnances d'habeas corpus porteront ces mots : per statutum tricesimo primo Caroli secundi Regis, et seront signées par celui de qui elles émanent ;
(3) Et si une ou plusieurs personnes sont, pendant les vacances judiciaires, emprisonnées ou détenues pour quelque crime, excepté pour ceux de crime grave ou de trahison mentionnés dans les mandats de dépôt, ces personnes ainsi emprisonnées ou détenues pourront (à moins qu'elles ne soient déjà déclarées coupables ou condamnées), ou tout autre agissant en leur nom, s'adresser ou se plaindre au lord chancelier, au lord gardien ou à tout autre juge de tel ou tel tribunal, ou aux barons de la cour de l'Échiquier ;
(4) et le lord chancelier, le lord gardien du Grand Sceau, les juges ou barons au vu des copies des mandats d'emprisonnement ou de dépôt, ou sur le serment que ces copies ont été refusées par les personnes qui ont la garde du ou des prisonniers, sont par la présente autorisés et requis, après requête par écrit des détenus, ou de toutes autres personnes agissant à leur place, attestée alors par deux témoins présents lorsqu'elle leur a été remise, de délivrer et d'accorder une ordonnance d'habeas corpus, sous le sceau de la Cour à laquelle appartient l'un des juges ;
(5) adressé au fonctionnaire à la garde duquel est soumis le détenu, ledit habeas corpus doit être renvoyé immédiatement devant le lord chancelier, le lord gardien ou tel juge ou baron desdites Cours ;
(6) et après que l'ordonnance leur aura été présentée, le fonctionnaire ou son subordonné, le gardien ou leur délégué, à la garde desquels le prisonnier est confié, doivent, dans les délais indiqués ci-dessus, présenter le prisonnier devant le lord chancelier, le lord gardien du Grand Sceau ou tels autres juges ou barons, ou devant celui d'entre eux désigné par ladite ordonnance, et, dans le cas d'absence de ce dernier, devant tout autre d'entre eux, en représentant toutefois ladite ordonnance, et en faisant connaître les véritables causes de l'emprisonnement ou de la détention ;
(7) après quoi, dans l'espace de deux jours après que le prisonnier leur ait été présenté, le lord chancelier, le lord gardien du Grand Sceau ou tel autre juge ou baron devant qui le prisonnier a été présenté comme indiqué ci-dessus, libéreront ledit prisonnier de son emprisonnement en recevant son engagement, avec une ou plusieurs cautions, d'une somme telle qu'ils la jugeront à propos, eu égard à la qualité du prisonnier ou à la nature de l'infraction, pour s'assurer qu'il comparaîtra à la session prochaine devant la Cour du Banc du Roi, ou aux plus proches assises, ou sessions, ou tournées de la Cour d'élargissement général (gaol delivery) dans le comté, la cité ou le lieu où il a été emprisonné, ou celui où l'infraction a été commise, ou devant telle autre Cour qui doit en connaître, ladite ordonnance et la réponse, ainsi que l'engagement, seront présentés à la Cour où doit avoir lieu la comparution ;
(8) Tout ceci n'a pas lieu s'il est constant pour lesdits lord chancelier, lord gardien du Grand Sceau, juges ou barons, que le prisonnier est détenu sur une action légale, d'après une ordonnance ou un mandat émanant d'un tribunal ayant juridiction pour les affaires criminelles, ou un mandat signé et scellé de la main ou du sceau de l'un desdits juges ou barons, ou de quelque juge de paix, pour une affaire ou une infraction pour laquelle la loi ne permet pas au prisonnier d'être libéré sous caution.

Section 4.

Sous réserve qu'il soit édicté que si une personne a volontairement négligé, pendant le délai de deux sessions entières depuis son emprisonnement, de demander un habeas corpus pour être libérée, elle ne pourra plus obtenir un tel habeas corpus dans le temps des vacances judiciaires, conformément à la présente loi.

Section 5.

Et qu'il soit de plus édicte par l'autorité susdite que si un fonctionnaire, ou son subordonné, un gardien ou leur délégué, néglige ou refuse de répondre à l'ordonnance d'habeas corpus, ou de présenter le prisonnier, conformément à cette ordonnance, dans les délais susdits, ou s'il refuse, à la demande du prisonnier ou de toute autre personne agissant pour lui, de délivrer copie des mandats d'emprisonnement et de dépôt, ou s'il ne délivre pas dans le délai de six heures de la demande les mandats qu'il est requis de délivrer par la présente, chacun de ces geôliers ou gardien en chef de la prison dans laquelle le prisonnier est détenu payera à la partie lésée 100 livres pour la première infraction,
(2) et 200 livres pour la seconde, et il sera par la présente déclaré incapable de remplir et d'exécuter son office ;
(3) lesdites pénalités seront recouvrées par le prisonnier ou la partie lésée, ses exécuteurs ou ses administrateurs contre le délinquant, ses exécuteurs ou ses administrateurs, par forme d'action en dettes, action, requête, plainte ou information devant l'une des cours du roi à Westminster, devant laquelle aucun privilège, injonction, suspension des poursuites par Non vult ulterius prosequi ou autrement, ne peut être accepté ou autorisé ;
(4) toute condamnation à la requête d'une partie lésée sera une preuve suffisante d'une première infraction, et une seconde condamnation pour toute infraction survenue depuis le premier jugement, une preuve pour la seconde infraction.

Section 6.

Et pour la prévention des injustes désagréments provoqués par des emprisonnements répétés pour la même infraction ;
(2) qu'il soit édicté par l'autorité susdite, qu'aucune personne, élargie en vertu d'un habeas corpus, ne peut être emprisonnée ou détenue de nouveau pour la même infraction par la même personne, autrement que par l'ordre ou l'action légale de la Cour devant laquelle elle est obligée de reparaître par son engagement, ou de toute autre Cour compétente ;
(3) et si une autre personne emprisonne ou détient à nouveau sciemment, ou fait emprisonner à nouveau ou écrouer sciemment pour la même infraction ou prétendue infraction, quelque personne élargie comme on vient de le dire, ou y contribue ou y participe, elle sera condamnée à payer la somme de 500 livres au prisonnier ou à la partie lésée ; nonobstant tout prétexte fallacieux ou modification dans le mandat de dépôt comme rappelé ci-dessus ;

Section 7.

Sous réserve qu'il soit en outre édicté que si une personne emprisonnée pour cause de haute trahison ou crime grave, clairement et spécialement exprimée dans le mandat de dépôt, demande en pleine Cour, la première semaine de la session ou le premier jour de la session des commissions d'oyer et terminer ou d'élargissement général, à être mise en jugement, elle ne pourra être ajournée à la prochaine session ou aux sessions d'oyer et terminer ou d'élargissement général, après son emprisonnement. Les juges de la cour du banc du roi, de la commission d'oyer et terminer ou d'élargissement général, où tous autres ci-dessus désignés sont tenus par la présente de mettre le prisonnier en liberté sous caution, sur une requête présentée à la Cour le dernier jour de la période des assises ou de la commission d'élargissement général, par le prisonnier ou celui qui agit en son nom, à moins qu'il ne paraisse aux juges, sur serment, que les témoins pour le roi ne peuvent être produits pour la même session ;
(2) et si une personne emprisonnée, comme on vient de le dire, n'est pas, sur sa demande d'être mise en jugement, exprimée en pleine Cour, la première semaine des assises ou le premier jour de la session des commissions d'oyer et terminer ou d'élargissement général,  poursuivie et jugée à la seconde session des assises ou des commissions d'oyer et terminer ou  d'élargissement général après son emprisonnement, ou si elle est acquittée à son procès, elle doit être mise en liberté.

Section 8.

Sous réserve en outre que les dispositions de cette loi ne sont pas applicables pour l'élargissement d'une personne chargée de dettes, ou à d'autres actions ou aux procès en matière civile, mais que, après avoir été élargie pour une infraction pénale, elle peut être mise en garde à vue, conformément à la loi, pour toute autre affaire.

Section 9.

Sous réserve qu'il soit édicté par l'autorité susdite que si un sujet de ce royaume est détenu dans quelque prison ou commis à la garde de quelque fonctionnaire, pour une affaire criminelle ou supposée criminelle, il ne doit pas être changé de prison ou commis à la garde d'un autre fonctionnaire ;
(2) si ce n'est en vertu d'un habeas corpus ou d'une autre ordonnance légale, ou lorsque le prisonnier est livré au constable ou à tout autre fonctionnaire subalterne, pour le conduire à quelque prison commune ;
(3) ou lorsqu'il est envoyé par ordre de quelque juge, des assises ou d'un juge de paix à quelque maison de travail ou de correction ;
(4) ou lorsqu'il est transféré d'une prison ou d'un lieu à un autre du même comté pour être jugé ou acquitté en temps utile ;
(5) ou dans le cas d'un incendie soudain, d'une épidémie ou de tout autre cas de force majeure ;
(6) et si quelque personne, après la détention susmentionnée, a rédigé, signé ou contresigné un mandat pour le transfert susmentionné contraire à la présente loi ; aussi bien celui qui a rédigé, signé ou contresigné un tel mandat, que le fonctionnaire qui l'a observé et exécuté, doivent subir et encourir les peines et déchéances ci-dessus mentionnées dans la présente loi, tant pour la première que pour la seconde infraction respectivement, pour être recouvrées de la manière susdite en faveur de la partie lésée.

Section 10.

Sous réserve aussi qu'il soit en outre édicté par l'autorité susdite que tout prisonnier comme indiqué ci-dessus peut légalement demander et obtenir son habeas corpus soit de la haute cour de la chancellerie ou de la cour de l'Échiquier, soit de la cour du banc du roi ou de la Cour des plaids communs, ou de n'importe laquelle ;
(2) et si le lord chancelier ou le lord gardien du grand sceau ou tout juge ou baron alors en fonction, de l'une des cours susmentionnées, alors en congé, sur le vu des copies de l'ordonnance d'emprisonnement ou de dépôt, ou sur le serment que ces copies ont été refusées comme il est dit ci-dessus, refuse lui-même l'habeas corpus exigé par la présente loi pour être accordé comme il est dit ci-dessus, il sera condamné personnellement à payer la somme de 500 livres envers la partie lésée, qui seront recouvrées de la manière susdite.

Section 11.

Et qu'il soit déclaré et édicté par l'autorité susdite qu'un habeas corpus conformément à la véritable intention et signification de la présente loi est valide sur les terres d'un comte palatin, comme dans les cinq ports et autres lieux privilégiés du royaume d'Angleterre, du Pays de Galles, ou dans la cité de Berwick sur la Tweed, de même que dans les îles de Jersey et de Guernesey, nonobstant toute loi ou usage contraire.

Section 12.

Et pour prévenir les détentions illégales dans des prisons outre-mer ;
(2) qu'il soit édicté en outre, par l'autorité susdite, qu'aucun sujet de ce royaume, qui maintenant ou à l'avenir habite ou réside dans le royaume d'Angleterre, le Pays de Galles, ou  la cité de Berwick sur la Tweed, ne peut être envoyé en détention en Écosse, en Irlande, à Jersey, à Guernesey, à Tanger ou dans tout autre lieu, garnison, île ou place au delà des mers ; cela maintenant et à l'avenir dans et hors des territoires de Sa Majesté, de ses héritiers ou successeurs ;
(3) et que tout emprisonnement semblable est, par la présente, déclaré illégal ;
(4) et que si l'un ou l'autre de ces sujets, maintenant ou à l'avenir, est ainsi emprisonné, chacune des personnes emprisonnées peut, en application de la présente loi, engager une action en détention arbitraire (false emprisonnement) devant tout tribunal de Sa Majesté, contre la ou les personnes par qui elle a été arrêtée, détenue ou emprisonnée, envoyée ou transportée, contrairement au véritable sens de la présente loi, et contre toute personne qui a conçu, provoqué, écrit, scellé ou contresigné un mandat ou un ordre écrit pour son arrestation, sa détention, son emprisonnement ou son transfert, ou a conseillé, aidé ou concouru à ces choses ou à l'une d'elles ;
(5) et le plaignant peut obtenir le triple de ses frais, et en outre des dommages intérêts qui ne pourront être fixés à moins de 500 livres ;
(6) dans ladite action, aucun délai, sursis ou arrêt des poursuites ne peut être accordé par règlement, ordre ou commandement, ni aucune injonction, protection ni privilège quelconque, à l'exception du règlement de la Cour dont l'action relève, en pleine cour, pour certains cas spéciaux prévus par ce règlement ;
(7) et toute personne qui sciemment conçoit, provoque, écrit, scelle ou contresigne un mandat pour un tel emprisonnement, détention, ou transfert, ou qui emprisonne, détient, incarcère ou transfère quelqu'un contrairement à la présente loi, ou qui y a consenti, aidé ou concouru, légalement convaincue de cela, sera déclarée dès lors incapable de remplir une charge de confiance ou lucrative, dans ce royaume d'Angleterre, au Pays de Galles, ou dans la cité de Berwick sur la Tweed, ou les îles, territoires et dominions qui en dépendent ;
(8) et elle encourra et subira les peines, amendes et déchéances, prescrites, ordonnées et prévues par le statut de provision et praemunire fait dans la seizième année du règne de Richard II ;
(9) et elle ne pourra être absoute par le Roi, ses héritiers et successeurs, desdites déchéances, pertes et incapacités, ou de l'une d'elles.

Section 13.

Sous réserve que rien dans la présente loi ne peut profiter à une personne qui s'est engagée par écrit avec un négociant ou un propriétaire d'une colonie, ou une autre personne quelconque, pour être transportée outre-mer et a reçu le gage de son accord, à moins que plus tard cette personne renonce à son contrat.

Section 14.

Sous réserve qu'il soit édicté que si une personne légalement convaincue de crime grave demande, en pleine cour, à être transportée outre-mer, et que la Cour juge convenable de la laisser en prison à cette fin, cette personne pourra être transportée outre-mer, nonobstant toute disposition contraire de la présente loi.

Section 15.

Sous réserve aussi qu'il soit édicté que rien de ce qui est contenu ici ne peut être jugé, interprété ou compris de manière à prolonger la détention d'une personne qui, avant le premier jour de juin 1679, a été informée, fixée, quant à sa détention ; nonobstant toute disposition contraire.

Section 16.

Sous réserve aussi que si une personne résidant dans ce royaume, à n'importe quel moment, a commis un crime capital en Écosse, en Irlande ou dans toute autre île ou colonie soumise au Roi, à ses héritiers ou ses successeurs, si elle doit être jugée pour ce crime, cette personne pourra y être envoyée pour être jugée, de la même manière qu'avant la présente loi, nonobstant tout disposition contraire.

Section 17.

Sous réserve aussi qu'il soit édicté que nulle personne ne sera poursuivie, impliquée, importunée ou inquiétée pour violation de la présente loi, à moins que le contrevenant soit poursuivi ou impliqué pour cela dans les deux ans qui suivent la commission de l'infraction, dans le cas où la partie lésée n'est plus en prison ; et, si elle est en prison, dans le délai de deux ans après le décès de la personne emprisonnée ou après sa sortie de prison, s'il s'agit de la première infraction.

Section 18.

Et afin que nul ne puisse échapper à son procès lors des assises ou des sessions d'élargissement général, en obtenant son transfert avant les assises, de telle sorte qu'il soit alors impossible de la ramener avant que le procès ait eu lieu ;
(2) qu'il soit édicté que dès que les assises auront été annoncées dans le comté où le prisonnier est détenu, nul ne peut être transféré de la prison commune, sur un habeas corpus établi en application de la présente loi, que pour être conduit selon cet habeas corpus devant le juge de l'assise en pleine Cour, qui est compétent à ce sujet.

Section 19.

Sous réserve néanmoins que, les assises closes, aucune personne détenue ne peut obtenir son habeas corpus conformément au but et à l'intention de la présente loi.

Section 20.

Et qu'il soit aussi édicté par l'autorité susdite que si une information, une poursuite ou une action est conduite ou intentée contre une ou plusieurs personne pour une violation de la présente loi, les défendeurs peuvent légalement plaider la question générale, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas coupables, ou qu'ils ne doivent rien, et témoigner sur cette question particulière pour le jury qui la jugera, afin de relaxer ledit ou lesdits défendeurs de ces informations, poursuites ou actions et ladite question sera alors à leur disposition pratiquement comme s'ils avaient suffisamment plaidé, exposé et soutenu la même question en défense et relaxe de ces informations, poursuites ou actions.

Section 21.

Et parce que, bien des fois, des personnes accusées de petite trahison (petty treason) ou de crime ou de complicité de ces actes, ont été incarcérées sur de simples soupçons, après quoi elles ont été mises en liberté sous caution, ou non, selon les circonstances qui faisaient que les soupçons étaient plus ou moins lourds, ce qui est bien connu des juges d'instance qui incarcèrent les personnes et procèdent aux interrogatoires ou des autres juges du comté ;
(2) qu'il soit édicté par conséquent que lorsqu'une personne comparaît pour être incarcérée par un juge ou un juge de paix et est accusée de complicité pour petite trahison ou crime, ou soupçonnée de tels actes, ou soupçonnée de petite trahison ou de crime, lesquels sont clairement et spécialement mentionnés dans le mandat de dépôt, que cette personne ne peut être transférée ou libérée sous caution, en vertu de la présente loi, ou d'une autre manière qui aurait pu être avant l'adoption de la présente loi.

Notes :

Habeas corpus (ad subjiciendum) : obligation de présenter le détenu au juge, afin que celui-ci vérifie, outre son état physique, la légalité de son arrestation et procède éventuellement à son élargissement. Le cas échéant, la liberté est accordée sous caution.
Le writ est l'ordre écrit, soit le « bref » ou l'ordonnance, que le représentant du détenu peut obtenir du juge pour ordonner que le prisonnier lui soit présenté. Il s'agit d'abord d'éviter les disparitions et les tortures.
Return of writs : le fonctionnaire qui reçoit le writ d'habeas corpus doit le renvoyer en indiquant les mesures qu'il a prises, soit « renvoyer » ou « répondre ».
Officers : il s'agit des officiers au sens de l'Ancien régime. Comme pour d'autres textes, nous avons préféré « fonctionnaires ».
warrant of commitment : ordre d'emprisonner une personne : il doit être écrit, signé, scellé et préciser le motif de l'emprisonnement afin que tout juge puisse en apprécier la légalité. Nous avons traduit par mandat de dépôt.
the barons of the exchequer of the degree of the coif: il s'agit des barons de la Cour de l'Échiquier (voir à la section 3). Ces juges auraient été à l'origine pris parmi les barons. Le terme ici équivaut à celui de juge.
Per statutum tricesimo primo Caroli secundi Regis : par le statut de la 31e année du roi Charles II. Cette formule exécutoire doit être mentionnée sur l'ordonnance.
Commission d'Oyer et terminer : la Cour, souvent itinérante, se réunit deux fois par an dans chaque comté pour entendre et juger les auteurs de crimes et délits. La commission d'élargissement général (gaol delivery) doit examiner la situation de tous les prisonniers qui sont détenus lorque les juges arrivent dans la ville ; elle a pour fonction de « vider les prisons ».
the Cinque-Ports : confédération des ports du Kent et du Sussex qui défendaient l'entrée de l'Angleterre : Douvres, Hastings, Romney, Hythe et Sandwich.
Berwick sur la Tweed, ville située sur la frontière avec l'Écosse avait été conquise en 1482 et bénéficiait de privilèges tenant à sa situation stratégique.
Tanger avait été conquis en 1661, avant d'être perdu en 1684, et appartenait donc à l'Angleterre au moment de la rédaction de la loi d'habeas corpus.
petty treason : crime commis par un inférieur contre son supérieur, par exemple un domestique contre son maître, une femme contre son époux...

Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voyez la fiche Royaume-Uni.
© - 2007 - Pour toute information complémentaire, pour signaler une erreur ou correspondre avec nous,
adressez-nous un message électronique.

Jean-Pierre Maury