Royaume-Uni

Loi du 11 août 1876, 
relative à la juridiction d'appel de la Chambre des lords.

    La Chambre des lords a présenté jusqu'en 2009 la particularité d'être aussi la juridiction suprême du Royaume-Uni. Cependant, ces pouvoirs judiciaires, jadis exercés par tous les Lords, n'ont été exercés depuis la Restauration que par les juristes membres de la chambre... à condition qu'il y en ait, sous la présidence du lord chancelier, qui s'est trouvé parfois seul pour les exercer. Le système a été critiqué au XIXe siècle pour sa lenteur et son coût. Il entraînait aussi une dualité de juridiction, les appels des colonies ressortissant au Conseil privé.
    Une loi de 1873 créant une cour d'appel indépendante pour l'Angleterre ne fut jamais appliquée, et les pouvoirs judiciaires de la Chambre des Lords ont été rétablis pour les trois royaumes par la loi du 11 août 1876, qui en a modifié profondément l'exercice. Ainsi, la loi autorise la nomination de lords d'appel en service ordinaire qui sont barons à titre viager, la tenue des audiences en dehors des sessions parlementaires, et l'extension de la compétence de la Chambre des lords aux appels des colonies et dominions après l'extinction des juges salariés du Conseil privé de la Reine.
    Le système a ainsi fonctionné jusqu'au début du XXIe siècle où le lord chancelier a disparu et une Cour suprême a été créée.
Source de la traduction : Annuaire de législation étrangère, Cotillon et C° éd., 1877.

Article premier. 
Titre abrégé.

Le présent acte peut être cité en toute circonstance sous ce titre : The appellate jurisdiction act, 1876.

Article 2. 
Mise en vigueur.

A moins d'exception formelle, les dispositions du présent acte seront exécutoires à partir du 1er novembre 1876.

Article 3. 
Compétence de la Chambre des lords. 

Les Cours dont les jugements et les ordonnances peuvent être déférés en appel à la Chambre des lords, sont la Cour d'appel d'Angleterre, et toute Cour d'Écosse ou d'Irlande dont les décisions seront susceptibles d'appel devant la Chambre des lords, en vertu de la coutume ou des lois en vigueur, au moment où le présent acte deviendra exécutoire.

Article 4. 
Introduction de l'appel.

L'appel devra être interjeté par voie de requête adressée à la Chambre des lords et demandant que l'affaire soit examinée de nouveau devant la Reine en son Parlement, pour être jugée conformément aux lois et coutumes
du royaume.

Article 5. 
Audiences de la Chambre des lords.

La Chambre des lords ne peut ni siéger ni statuer comme Cour d'appel sans la présence de trois au moins des juges désignés dans le présent acte sous le nom de lords d'appel. Ces juges sont :
1° le lord chancelier d'Angleterre ;
2° les lords d'appel en service ordinaire, nommés par la Reine ;
3° les pairs qui exercent ou ont exercé l'une des hautes fonctions judiciaires.

Article 6.
Nomination des lords d'appel en service ordinaire.

Pour aider la Chambre des lords dans l'exercice de sa juridiction d'appel, la Reine pourra, par lettres patentes, nommer deux lords d'appel en service ordinaire, dès que le présent acte aura été voté, mais ces nominations n'auront d'effet qu'au moment où il entrera en vigueur.

La Reine ne peut nommer lord d'appel en service ordinaire quiconque n'a pas rempli pendant deux ans au moins l'une des hautes fonctions judiciaires, ou exercé pendant quinze ans au moins la profession d'avocat en Angleterre, en Écosse ou, en Irlande.

Les lords d'appel en service ordinaire sont inamovibles, à moins de forfaiture, et conservent leurs fonctions, même en cas de changement de règne, mais ils peuvent être destitués sur la demande des deux Chambres du Parlement.

Ils jouissent d'un traitement annuel de 6.000 livres.

Tout lord d'appel en service ordinaire que sa charge seule autorise à siéger à la Chambre des lords, sera baron à vie en vertu et à dater de sa nomination ; tant qu'il remplira les fonctions de lord d'appel, mais seulement pendant ce temps, il peut siéger et voter comme membre de la Chambré des lords ; sa pairie ne passe pas à ses héritiers.

[Tout lord d'appel en service ordinaire, qui est en même temps membre du Conseil privé, doit siéger dans la section judiciaire du Conseil.]

Article 7. 
Pension de retraite des lords d'appel en service ordinaire.

La Reine peut, par lettres patentes, accorder à tout lord d'appel, après quinze ans de service, où en cas d'infirmités permanentes qui le rendraient incapable de remplir ses fonctions, une pension annuelle et viagère égale à celle que l'acte de 1873 permet d'accorder en pareille circonstance au maître des rôles.

Quiconque aura exercé l'une des hautes fonctions judiciaires sera assimilé, au point de vue de la pension de retraite, aux anciens lords d'appel en service ordinaire.

Le traitement et la pension des lords en service ordinaire seront à la charge du fonds consolidé du Royaume-Uni et se compteront par jours. Le payement en pourra être demandé par le titulaire (ou par les administrateurs de sa succession) aux époques fixées par le Trésor ; les termes fixés ne devront pas excéder trois mois.

Article 8. 
Des audiences et des jugements de la Chambre des lords pendant la prorogation du Parlement.

En vue d'éviter tout retard dans l'administration de la justice, la Chambre des lords peut tenir audience, statuer sur les appels, procéder à l'installation des nouveaux lords d'appel en service ordinaire et recevoir leur serment, dans l'intervalle des séances du Parlement, aux époques et de la manière déterminées par la Chambre pendant la précédente session. Toutes décisions ou mesures ainsi prises en matière judiciaire pendant la prorogation, seront aussi valables que si le Parlement était réuni, mais la Chambre ne pourra s'occuper d'aucune affaire d'autre nature.

La Chambre des lords pourra faire des règlements pour l'application de la présente loi.

Article 9. 
Des audiences et des jugements de la Chambre des lords après dissolution du Parlement.

[Lorsque le Parlement est dissous, la Reine peut, en vue d'éviter tout retard dans l'administration de la justice, autoriser les lords d'appel, au nom de la Chambre des lords, à entendre et à juger les appels dans le lieu ordinaire des séances jusqu'à la réunion du Parlement et aux époques qui seront déterminées.]

Article 10.

Il n'est point dérogé aux prescriptions, en vigueur avant la présente loi, qui interdisent, dans certains cas, d'agir en appel devant la Chambre des lords sans le consentement de l'attorney général ou d'un autre fonctionnaire de l'ordre judiciaire.

Article 11.

Les procédures d'erreur ou d'appel ne seront désormais admises devant la Chambre des lords que de la manière prescrite par la présente loi, et aux conditions que la Chambre déterminera elle-même par ordonnances pour tout ce qui concerne la procédure, et notamment la valeur du litige, la caution judicatum solvi, et les délais d'appel.

Article 12.

Sous réserve des autorisations qui peuvent être accordées par ordonnance de la Chambre, les appels d'Écosse ou d'Irlande ne seront portés devant la Chambre des lords que dans les cas où la pratique actuelle en aurait permis l'examen devant cette juridiction.

Article 13.

Les affaires, pendantes devant la Chambre des lords au moment de la mise en vigueur de la présente loi, seront entièrement conduites et jugées comme si cette loi n'avait pas été passée.

Articles portant modification de différentes lois antérieures.

Article 14. 
Modification des actes 34 et 35 Victoria, c. 91, sur le Conseil privé.

Attendu que, par l'acte passé pendant la session qui a eu lieu sous la 34e et la 35e année du règne de la reine Victoria, Sa Majesté a été autorisée à nommer, et a nommé en effet, sous le nom de juges salariés, quatre membres du comité judiciaire du Conseil privé ; attendu que Sa Majesté n'a plus le pouvoir de remplir les vacances qui se produiront, par décès ou autrement, dans lesdits emplois : il est ordonné que, dès le décès ou la démission de deux des présents juges salariés du comité judiciaire du Conseil privé, Sa Majesté pourra nommer un troisième lord d'appel en service ordinaire, qui jouira des mêmes droits, traitement et pension que les lords d'appel dont la fonction est créée par le présent acte ; un quatrième lord pourra être nommé après le décès ou la démission des autres juges salariés du Conseil privé. Les lords ainsi nommés seront remplacés au fur et à mesure des vacances qui se produiront dans leurs emplois.

Article 15. 
Modification des actes sur la Cour suprême.

[Est abrogé l'article 4 de la loi de 1875 sur la Cour suprême, en tant qu'il limite à trois le nombre des juges ordinaires de la Cour d'appel. La Reine est autorisée à nommer trois juges de plus : les trois premières nominations s'effectueront par le transfert de trois juges de la haute Cour de justice à la Cour d'appel ; les vacances qui en résulteront ne pourront être remplies que dans le cas prévu par l'article 18.

Les juges qui seront transférés à la Cour d'appel devront avoir siégé deux ans au moins comme juges du Banc de la Reine, des Plaids communs ou de l'Échiquier. Ils ne pourront être transférés sans leur consentement.

Ils conserveront les fonctions que les articles 37 et 39 de la loi de 1873 attribuent aux juges de la haute Cour de justice, et, notamment, ils iront tenir les assises dans les comtés, comme s'ils étaient encore membres de cette Cour.

Ils auront les mêmes droits, traitement et pension que les autres juges de la Cour d'appel.]

Article 16.

[Le président de la Cour d'appel, assisté de trois au moins des juges ordinaires de la Cour, règle tout ce qui concerne la division de la Cour en chambres et la tenue des audiences.]

Article 17. 
Disposition relative à la Cour supérieure de première instance (High Court of justice).

[A dater du 1er décembre 1876, toute affaire portée devant la haute Cour de justice, sera, autant que possible, jugée par un seul juge, et toute question soulevée au cours du procès sera, autant que possible, laissée à la décision du juge devant lequel l'affaire aura été portée. Cependant, les juges pourront être réunis dans certains cas qui seront déterminés par les règlements de la Cour, mais les sections ainsi formées ne devront jamais comprendre plus de deux juges, à moins que le président de la Cour dont elles dépendent ne décide, sur l'avis de la majorité des membres de cette Cour, qu'il y a lieu de former une section plus nombreuse. En tous cas, les décisions des sections n'en seront pas moins valables pour avoir été rendues par plus de deux juges.]

Article 18. 
Augmentation éventuelle du nombre des juges de la Cour de première instance.

Lorsque deux membres rétribués du comité judiciaire du Conseil privé seront décédés ou auront donné leur démission, Sa Majesté pourra, si le Parlement lui représente que le nombre des affaires exige la nomination d'un juge supplémentaire à la Cour de première instance, remplir les vides qui résultent du transfert prescrit ci-dessus (art. 15), en nommant un nouveau juge à l'une des Chambres de cette Cour. Lorsque les deux autres membres rétribués du comité judiciaire du Conseil privé seront décédés ou auront donné leur démission, Sa Majesté pourra, sur la demande du Parlement, nommer un autre juge à l'un des sièges vacants.

Articles 19-25.

[Ces articles ne renferment que des détails sans intérêt et des dispositions transitoires.]