Défense


La France et l'OTAN

    Après la conclusion de l'Alliance atlantique, la France participe à l'organisation intégrée mise en place à partir de 1950 et, enlisée dans les guerres coloniales, elle doit accepter le réarmement de l'Allemagne. Mais dès son retour au pouvoir, le général de Gaulle propose la mise en place d'un directoire à trois (mémorandum du 17 septembre 1958 ci-dessous), avant de dire à Eisenhower ses doutes quant à la garantie de sécurité américaine (visite du président Eisenhower à Paris en septembre 1959), et de déclarer publiquement dans le discours fameux du 3 novembre 1959 à l'École militaire : « Il faut que la défense de la France soit française. »  En rappelant que la France a déjà repris ses forces navales (le 7 mars 1959), il précise lors de la conférence de presse du 5 septembre 1960 : « Le second point sur lequel la France souhaite un changement, c'est celui de l'intégration à propos de la défense de l'Europe. »
La sortie de l'OTAN était donc envisagée, bien avant de devenir effective (voir l'aide-mémoire du 10 mars 1966).

Mémorandum du général de Gaulle au président des États-Unis d'Amérique et au premier ministre du Royaume-Uni

Les événements récents au Moyen-Orient et dans le détroit de Formose ont contribué à montrer que l'organisation actuelle de l'alliance occidentale ne répond plus aux conditions nécessaires de la sécurité, pour ce qui concerne l'ensemble du monde libre. À la solidarité des risques encourus, ne correspond pas la coopération indispensable quant aux décisions prises et aux responsabilités. Le Gouvernement français est amené à en tirer des conclusions et à faire des propositions.

1° L'Alliance atlantique a été conçue et sa mise en oeuvre est préparée en vue d'une zone d'action éventuelle qui ne répond plus aux réalités politiques et stratégiques. Le monde étant tel qu'il est , on ne peut plus considérer comme adaptée à on objet une organisation telle que l'OTAN qui se limite à a sécurité de l'Atlantique Nord, comme si ce qui se passe, par exemple, au Moyen-Orient ou en Afrique n'intéressait pas et immédiatement l'Europe, et comme si les responsabilités indivisibles de la France ne s'étendaient pas à l'Afrique, à l'océan Indien et au Pacifique, au même titre que celles de la Grande-Bretagne et des États-Unis. D'autre part, le rayon d'action des navires et des avions et la portée des engins rendent périmé un système aussi étroit. Il est vrai qu'on avait d'abord admis que l'armement atomique, évidemment capital, resterait pour longtemps le monopole des États-Unis, ce qui pouvait paraître justifier qu'à l'échelle mondiale les décisions concernant la défense fussent également déléguées au Gouvernement de Washington. Mais sur ce point, également, on doit reconnaître qu'un pareil fait admis au préalable ne vaut pus désormais dans la réalité.

2° La France ne saurait donc considérer que l'OTAN, sous sa forme actuelle, satisfasse aux conditions de sécurité du monde libre et, notamment, de la sienne propre. Il lui paraît nécessaire qu'à l'échelon politique et stratégique, mondial soit constituée une organisation comprenant : les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Cette organisation aurait, d'une part, à prendre les décisions communes dans les questions politiques touchant à la sécurité mondiale, d'autre part à établir et, le cas échéant, à mettre en application les plans d'action stratégique, notamment en ce qui concerne l'emploi des armes nucléaires. Il serait alors possible de prévoir et d'organiser des théâtres éventuels d'opérations subordonnés à l'organisation générale (tels que l'Afrique, l'Atlantique, le Pacifique, l'océan Indien) qui pourraient être, le cas échéant, subdivisés en sous-théâtres.

3° Le Gouvernement français considère comme indispensable une telle organisation de la sécurité. Il y subordonne dès à présent tout développement de sa participation actuelle à l'OTAN, et se propose, si cela paraissait nécessaire pour aboutir, d'invoquer la procédure de révision du traité de l'Atlantique Nord, conformément à l'article 12.

4° Le Gouvernement français suggère que les questions soulevées dans cette note fassent le plus tôt possible l'objet de consultations entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Il propose que ces consultations aient lieu à Washington et, pour commencer, par la voie des ambassades et du Groupe permanent.


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Jean-Pierre Maury