[Le président de la République, peu après son élection, donne des signes de fatigue, qui se manifestent par un comportement excentrique, en privé et parfois en public ; sa disparition en pyjama du train présidentiel est notamment restée célèbre. Le 16 septembre 1920, il annonce sa démission au président du Conseil, Alexandre Millerand.
Les chambres, qui étaient en vacances, sont convoquées et le 20 septembre reçoivent le message de démission du président. L'Assemblée nationale est réunie à Versailles le 23, et dès le premier tour porte à la présidence Alexandre Millerand. Celui-ci, qui avait exprimé publiquement, avant son élection, sa conception du rôle du président de la République, tentera de l'appliquer et ne pourra achever son mandat.]Voir la fiche concernant l'élection du 17 janvier 1920.
Voir la fiche concernant l'élection du 23 septembre 1920.
Messieurs les sénateurs,Mon état de santé ne me permet plus d'assumer les hautes fonctions dont votre confiance m'avait investi lors de la réunion de l'Assemblée nationale du 17 janvier dernier.
Messieurs les députés,L'obligation absolue qui m'est imposée de prendre un repos complet me fait un devoir de ne pas tarder plus longtemps à vous annoncer la décision à laquelle j'ai dû me résoudre. Elle m'est infiniment douloureuse, et c'est avec un déchirement profond que je renonce à la noble tâche dont vous m'aviez jugé digne.
La charge de président de la République implique en tous temps des devoirs graves. Elle réclame une activité et une énergie au-dessus de toute défaillance pendant les années où la France victorieuse est appelée à reconstruire ses forces à l'intérieur, en même temps qu'à assurer à l'extérieur l'application intégrale du traité de paix si glorieusement, mais si chèrement acquis.
J'ai persévéré jusqu'à la dernière extrémité. L'heure est venue où je manquerais à ce que je vous dois en ne résignant pas mes fonctions entre vos mains.
A l'instant où je me retire, j'ose émettre le voeu que les représentants de la nation dont la concorde patriotique fut le puissant auxiliaire de la victoire, maintiennent dans la paix leur union pour la grandeur et la prospérité de cette France adorée au service de laquelle j'avais voué ma vie et qui sera ma dernière pensée.
Ce sera le rôle et l'enviable privilège de mon successeur de glorifier, dans quelques jours, devant le monde, l'oeuvre de la République qui, après avoir, il y a cinquante ans, sauvé l'honneur, a ramené sous nos drapeaux l'Alsace et la Lorraine.
Certain de remplir le plus impérieux comme le plus cruel des devoirs, je dépose sur le bureau du Sénat et sur celui de la Chambre des députés ma démission de président de la République.
Paul Deschanel