Traité instituant la Communauté européenne de défense
Déclaration tripartite[La Convention ci-dessous n'a pas été ratifiée par la France à la suite du rejet du traité CED par l'Assemblée nationale française. Elle a été amendée pour servir de base aux relations entre les Trois puissances et la République fédérale d'Allemagne, à la suite de la conclusion du Protocole sur la cessation du régime d'occupation dans la République fédérale d'Allemagne, lors de la Conférence des Quatre (Paris, 23 octobre 1954).]
La République française, les États-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, d'une part, etLa République fédérale d'Allemagne, d'autre part,
Considérant qu'une communauté européenne pacifique et prospère, étroitement liée aux autres nations libres du monde par un attachement commun aux principes de la Charte des Nations unies, ne peut être réalisée que par l'union des efforts des nations d'Europe en vue de défendre leur liberté et leur patrimoine communs ;
Considérant que les États signataires ont pour objectif commun d'intégrer la République fédérale sur une base d'égalité dans la Communauté européenne, elle-même incluse dans une communauté atlantique en développement ;
Considérant que l'établissement par les moyens pacifiques d'une Allemagne pleinement libre et unifiée et la conclusion d'un règlement de paix librement négocié, bien qu'ils soient actuellement empêchés par des mesures qui échappent à leur action, demeurent pour les États signataires des objectifs communs essentiels ;
Considérant que le maintien du Statut d'occupation qui comporte le pouvoir d'intervenir dans les affaires domestiques de la République fédérale est incompatible avec l'objectif que constitue l'intégration de la République fédérale dans la Communauté européenne ;
Considérant que la République française, les États-Unis d'Amérique et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (ci-après dénommés "les Trois Puissances") sont décidés en conséquence à se réserver seulement les droits spéciaux dont le maintien est nécessaire dans l'intérêt commun des États signataires eu égard à la situation internationale particulière de l'Allemagne ;
Considérant que la République fédérale s'est donnée des institutions politiques libres et fondées sur le principe de la responsabilité et qu'elle est décidée à maintenir la constitution libérale, démocratique et fédérale, garantissant les droits de l'homme, qui a trouvé sa consécration dans sa Loi fondamentale ;
Considérant que les trois puissances et la République fédérale reconnaissent que les nouvelles relations qui vont être établies entre elles par la présente Convention et les Conventions qui lui sont rattachées ainsi que les traités relatifs à la création d'une Communauté européenne intégrée, notamment le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier et le traité instituant la Communauté européenne de défense, constituent des étapes essentielles sur la voie qui conduit à leur but commun : une Allemagne unifiée, intégrée dans la Communauté européenne ;
Ont conclu la Convention suivante qui définit les bases de leurs nouvelles relations :
Article premier
1. La République fédérale a pleine autorité sur ses affaires intérieures et extérieures, sous réserve des exceptions figurant dans la présente Convention.2. Les Trois Puissances abrogeront le Statut d'Occupation et aboliront la Haute Commission alliée et les Commissariats de Land dès l'entrée en vigueur de la présente Convention et des Conventions énumérées à l'article 8 (ci-après dénommées "conventions rattachées").
3. Les Trois Puissances conduiront dorénavant leurs relations avec la République fédérale par l'intermédiaire d'ambassadeurs, qui agiront conjointement dans les domaines que les Trois Puissances considéreront comme étant d'intérêt commun aux termes de la présente Convention et des conventions rattachées.
Article 2
1. Les Trois Puissances se réservent, en raison de la situation internationale, les droits antérieurement exercés ou détenus par elles en ce qui concerne : a) le stationnement des forces armées en Allemagne et la protection de leur sécurité, b) Berlin, et c) l'Allemagne dans son ensemble, y compris l'unification de l'Allemagne et un règlement de paix.2. La République fédérale, pour sa part, s'abstiendra de toute action préjudiciable à ces droits et coopérera avec les Trois Puissances en vue d'en faciliter l'exercice.
Article 3
1. La République fédérale convient qu'elle se conformera dans la conduite de sa politique aux principes inscrits dans la Charte des Nations unies et aux buts définis dans le Statut du Conseil de l'Europe.2. La République fédérale affirme son intention de s'associer pleinement à la communauté des Nations libres en devenant membre des organisations internationales destinées à promouvoir les objectifs communs du monde libre. Les Trois puissances soutiendront aux moments appropriés la candidature de la République fédérale à de telles organisations.
3. Lorsque les Trois Puissances mèneront des négociations avec des États avec lesquels la République fédérale n'entretient pas de relations, elles consulteront la République fédérale au sujet des questions mettant directement en cause ses intérêts politiques.
4. À la demande du gouvernement fédéral, et dans tous les cas où celui-ci ne sera pas en mesure de le faire lui-même, les Trois Puissances prendront les dispositions nécessaires pour représenter les intérêts de la République fédérale dans ses rapports avec d'autres États et dans certaines organisations ou conférences internationales.
Article 4
1. La mission des forces armées stationnées par les Trois Puissances sur le territoire fédéral sera la défense du monde libre, dont la République fédérale et Berlin font partie.2. Les Trois Puissances consulteront la République fédérale dans la mesure où la situation militaire le permettra, en ce qui concerne le stationnement de ces forces armées sur le territoire fédéral. La République fédérale apportera sa pleine coopération à la présente Convention et aux conventions rattachées, en facilitant à ces forces armées l'exécution de leurs tâches.
3. Les Trois Puissances devront obtenir le consentement de la République fédérale avant de faire venir sur le territoire fédéral, pour faire partie de leurs propres forces, des contingents appartenant aux forces armées de toute nation qui ne fournit pas actuellement de contingents. Toutefois, ces contingents pourront être amenés sur le territoire fédéral sans le consentement de la République fédérale en cas d'attaque extérieure ou de menace extérieure d'une telle attaque, mais ne pourront être maintenus après disparition du danger qu'avec son consentement.
4. La République fédérale participera à la Communauté européenne de défense en vue de contribuer à la défense commune du monde libre.
Article 5
1. Dans l'exercice de leur droit de protéger la sécurité des forces armées stationnées sur le territoire fédéral, les Trois Puissances se conformeront aux dispositions des paragraphes suivants du présent article.2. Au cas où la République fédérale et la Communauté européenne ne seraient pas à même de faire face à une situation qui serait créée par :
une attaque contre la République fédérale ou Berlin,
un renversement de l'ordre libéral et démocratique fondamental,
une atteinte grave portée à l'ordre public, ou
une menace sérieuse de l'un de ces événements,
et qui, de l'avis des Trois Puissances, mettrait en danger la sécurité de leurs forces, les Trois Puissances pourront, après avoir consulté le Gouvernement fédéral dans la plus large mesure possible, déclarer l'état de crise sur tout ou partie du territoire fédéral.3. Dès la déclaration de l'état de crise, les Trois Puissances pourront prendre toute mesure nécessaire en vue de maintenir ou rétablir l'ordre et d'assurer la sécurité de leurs forces.
4. La déclaration précisera le territoire auquel elle s'applique. L'état de crise ne sera pas maintenu plus longtemps qu'il n'est nécessaire pour faire face à la crise.
5. Les Trois Puissances consulteront le Gouvernement fédéral dans la plus large mesure possible, tant que durera l'état de crise. Elles feront appel dans la plus large mesure possible au concours du Gouvernement fédéral et des autorités allemandes compétentes.
6. Si les Trois Puissances ne mettent pas fin à l'état de crise dans un délai de trente jours après une demande du Gouvernement fédéral à cet effet, le Gouvernement fédéral peut saisir le Conseil de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord d'une requête tendant à ce qu'il examine la situation et émette un avis sur le point de savoir s'il devrait être mis fin à l'état de crise. Si le Conseil aboutit à la conclusion que la prolongation de l'état de crise n'est plus justifiée, les Trois Puissances rétabliront la situation normale aussi rapidement que possible.
7. Indépendamment de l'état de crise, tout chef militaire peut, si ses forces sont sous le coup d'une menace imminente, prendre, pour leur protection, toutes les mesures immédiates appropriées (y compris le recours à la force armée) qui sont nécessaires pour écarter le danger.
8. Sous tous ses autres aspects, la protection de la sécurité de ces forces est régie par les dispositions de la Convention relative aux droits et obligations des Forces étrangères et de leurs membres sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne, visée à l'article 8 de la présente Convention.
Article 6
1. Les Trois puissances consulteront la République fédérale au sujet de l'exercice de leurs droits en ce qui concerne Berlin.2. La République fédérale, pour sa part, coopérera avec les Trois Puissances en vue d'aider celles-ci à s'acquitter de leurs responsabilités à l'égard de Berlin. La République fédérale continuera à apporter son concours à la reconstruction politique, culturelle, économique et financière de Berlin. Elle lui accordera, notamment, son aide dans les conditions définies par la Déclaration de la République fédérale ci-annexée (Annexe A à la présente Convention).
Article 7
1. Les Trois Puissances et la République fédérale conviennent qu'un but essentiel de leur politique commune est un règlement de paix pour l'ensemble de l'Allemagne, librement négocié entre l'Allemagne et ses anciens ennemis et qui devrait poser les bases d'une paix durable. Elles conviennent aussi que la fixation définitive des frontières de l'Allemagne doit attendre ce règlement.2. En attendant le règlement de paix, les Trois puissances et la République fédérale coopéreront en vie d'atteindre, par des moyens pacifiques, leur but commun : une Allemagne unifiée, dotée d'une Constitution libérale et démocratique, telle que celle de la République fédérale, et intégrée dans la Communauté européenne.
3. Dans l'éventualité d'une unification de l'Allemagne, les Trois Puissances étendront à une Allemagne unifiée, sous réserve des modifications sur lesquelles un accord serait intervenu, les droits de la République fédérale résultant de la présente Convention et des conventions rattachées, et donneront leur accord à ce que les droits résultant des traités instituant une Communauté européenne intégrée lui soient également étendus, étant admis que cette Allemagne unifiée assumera les obligations de la République fédérale envers les Trois puissances ou l'une d'entre elles, résultant de ces conventions et traités. Sauf avec le consentement commun de tous les États signataires, la République fédérale ne conclura aucun accord et n'entrera dans aucun arrangement qui porterait préjudice aux droits des Trois Puissances résultant de ces conventions et traités, ou qui diminuerait les obligations en résultant pour la République fédérale.
4. Les Trois Puissances consulteront la République fédérale sur toutes les autres questions mettant en cause l'exercice de leurs droits en ce qui concerne l'Allemagne dans son ensemble.
Article 8
1. Les Trois puissances et la République fédérale ont conclu les conventions rattachées suivantes qui entreront en vigueur en même temps que la présente Convention :- Convention relative aux droits et obligations des Forces étrangères et de leurs membres sur le territoire de la République fédérale d'Allemagne ;2. Pendant la période transitoire prévue au paragraphe 4 de l'article 6 du chapitre premier de la Convention sur le règlement de questions issues de la Guerre et de l'Occupation, les droits des Trois Puissances visées dans ce paragraphe seront considérés comme inclus dans les exceptions mentionnées au paragraphe 1 de l'article premier de la présente Convention.
- Convention financière ;
- Convention sur le règlement de questions issues de la Guerre et de l'Occupation.Article 9
1. Il est institué un tribunal d'arbitrage dont le fonctionnement sera régi par les dispositions de la Charte ci-annexée (Annexe B à la présente Convention).2. Sous réserve es exceptions prévues au paragraphe 3 du présent article, dans la Charte ci-annexée ou dans les conventions rattachées, le Tribunal d'arbitrage est seul compétent pour régler tout litige entre les Trois Puissances et la République fédérale, résultant de l'application de la présente Convention, de la Charte ci-annexée ou des conventions rattachées, que les parties ne parviennent pas à régler par des négociations.
3. Aucun litige mettant en cause les droits des Trois Puissances visées à l'article 2 ou des mesures prises en application de ces droits, ou mettant en cause les dispositions des paragraphes 1 à 7 inclus de l'article 5 ne relève de la compétence du Tribunal d'arbitrage ou de tout autre tribunal ou instance judiciaire.
Article 10
Les Trois Puissances et la République fédérale reconsidéreront les termes de la présente Convention et des conventions rattachées :a) à la demande de l'une d'entre elles, en cas de rétablissement de l'unité de l'Allemagne ou en cas de création d'une fédération européenne, ouElles modifieront, alors, d'un commun accord, la présente Convention et les conventions rattachées, dans la mesure où cette modification sera rendue nécessaire ou appropriée par le changement fondamental intervenu dans la situation.
b) dès que se produira tout autre événement auquel les États signataires de la présente Convention seront unanimes à reconnaître un caractère fondamental similaire.Article 11
1. La présente Convention et les conventions rattachées seront ratifiées ou approuvées par les États signataires conformément à leurs procédures constitutionnelles respectives. Les instruments de ratification seront déposés par les États signataires auprès du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne.2. La présente Convention entrera en vigueur dès que :
a) les instruments de sa ratification et la ratification de toutes les conventions énumérées à l'article 8 auront été déposés par tous les États signataires ;3. La présente Convention et les conventions rattachées seront déposées dans les archives du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne qui en remettra les copies certifiées conformes à chacun des États signataires et qui notifiera à chacun de ces États la date d'entrée en vigueur de la Convention et des conventions rattachées.
b) le traité instituant le Communauté européenne de défense sera entré en vigueur.En foi de quoi, les plénipotentiaires soussignés, dûment autorisés à cet effet par leurs gouvernements, ont apposé leurs signatures au bas de la présente Convention.
Fait à Bonn, le vingt-sixième jour du mois de mai 1952, en trois textes, en langues française, anglaise et allemande, les trois versions faisant également foi.
Pour la République française,
Robert Schuman.Pour le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord,
Anthony Eden.Pour les États-Unis d'Amérique,
Dean AchesonPour la République fédérale d'Allemagne,
Konrad Adenauer
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