France


Les États généraux se constituent en Assemblée nationale

Après l'échec de plusieurs tentatives de réforme (Maupéou, Turgot, Necker), la crise des finances s'aggrave, ainsi que le conflit entre la Cour et la haute magistrature.
Hostiles aux réformes proposées par le roi Louis XVI, l'Assemblée des notables (réunie du 22 février au 25 mai 1787), puis le Parlement de Paris (le 19 novembre) demandent la convocation des États généraux, qui n'ont plus été réunis depuis 1614 ! Le Parlement de Paris par l'arrêt du 3 mai 1788 esquisse les traits d'une monarchie limitée en énonçant les lois fondamentales du royaume et en rappelant le rôle des états généraux.
Le roi par un arrêt du conseil d'État en date du 5 juillet ordonne des recherches dans tout le royaume afin de s'assurer des formes anciennement usitées de convocation et d'élection des états généraux dont il souhaite se rapprocher, puis, le 8 août, il fixe au 1er mai suivant la tenue de ces états. Le rapport présenté au conseil d'État du roi le 27 décembre 1788 accorde le doublement de la représentation du tiers état, ce qui permet la publication du règlement électoral du 24 janvier 1789.
La séance inaugurale a lieu le 5 mai 1789 dans l'hôtel des Menus-Plaisirs à Versailles. Durant un mois, les députés du tiers état refusent de siéger séparément et proposent aux deux autres ordres de se joindre à eux pour délibérer en commun. Ils décident le 12 juin de procéder seuls à la vérification des pouvoirs des élus des trois ordres.
Finalement le 17 juin, rejoints par quelques curés et inspirés par l'abbé Sieyès, ils se proclament assemblée nationale par 491 voix contre 90. La souveraineté change de titulaire, la représentation change de nature, c'est la fin de l'Ancien Régime !
L'Assemblée fait immédiatement acte de souveraineté en autorisant provisoirement la perception des contributions dont elle constate l'illégalité du fait qu'elles n'ont point été autorisées par la nation. Le 19 juin, le clergé décide de rejoindre l'assemblée tandis que la noblesse s'y refuse. Le 20 juin, le roi ayant fait fermer la salle des séances, les députés se réunissent dans la salle du Jeu de Paume où ils affirment leur volonté de fixer la Constitution du royaume et prêtent le fameux serment.

L'Assemblée, délibérant après la vérification des pouvoirs, reconnaît que cette assemblée est déjà composée des représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la Nation.

Une telle masse de députation ne saurait rester inactive par l'absence des députés de quelques bailliages ou de quelques classes de citoyens ; car les absents qui ont été appelés ne peuvent point empêcher les présents d'exercer la plénitude de leurs droits, surtout lorsque l'exercice de ces droits est un devoir impérieux et pressant.

De plus, puisqu'il n'appartient qu'aux représentants vérifiés de concourir à former le voeu national et que tous les représentants vérifiés doivent être dans cette assemblée, il est encore indispensable de conclure qu'il lui appartient et qu'il n'appartient qu'à elle d'interpréter et de présenter la volonté générale de la nation ; il ne peut exister entre le trône et cette assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif.

L'Assemblée déclare donc que l'oeuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard, par les députés présents, et qu'ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle.

La dénomination d'Assemblée nationale est la seule qui convienne à l'Assemblée dans l'état actuel des choses, soit parce que les membres qui la composent sont les seuls représentants légitimement et publiquement connus et vérifiés, soit parce qu'ils sont envoyés directement par la presque totalité de la Nation, soit enfin parce que la représentation étant une et indivisible aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions séparément de la présente Assemblée.

L'Assemblée ne perdra jamais l'espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd'hui absents ; elle ne cessera de les appeler à remplir l'obligation qui leur est imposée de concourir à la tenue des États généraux. À quelque moment que les députés absents se présentent dans le cours de la session qui va s'ouvrir, elle déclare d'avance qu'elle s'empressera de les recevoir et de partager avec eux, après la vérification de leurs pouvoirs, la suite des grands travaux qui doivent procurer la régénération de la France. L'Assemblée nationale arrête que les motifs de la présente délibération seront incessamment rédigés pour être présentés au Roi et à la Nation.

Versailles, le 17 juin 1789.


Décret pour autoriser la perception des impôts et le paiement de la dette publique

L'Assemblée nationale,

Considérant que le premier usage qu'elle doit faire du pouvoir dont la nation recouvre l'exercice, sous les auspices d'un monarque qui, jugeant la véritable gloire des rois, a mis la sienne à reconnaître les droits de son peuple, est d'assurer, pendant la durée de la présente session, la force de l'administration publique ;

Voulant prévenir les difficultés qui pourraient traverser la perception et l'acquit des contributions, difficultés d'autant plus dignes d'une attention sérieuse qu'elles auraient pour base un principe constitutionnel et à jamais sacré, authentiquement reconnu par le roi, et solennellement proclamé par toutes les assemblées de la nation, principe qui s'oppose à toute levée de deniers de contributions dans le royaume, sans le consentement formel des représentants de la nation ;

Considérant qu'en effet les contributions, telles qu'elles se perçoivent actuellement dans le royaume, n'ayant point été consenties par la nation, sont toutes illégales et par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation ;

Déclare, à l'unanimité des suffrages, consentir provisoirement pour la nation, que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuent d'être levés de la même manière qu'ils l'ont été précédemment, et ce, jusqu'au jour seulement de la première séparation de cette assemblée, de quelque cause qu'elle puisse provenir ; passé lequel jour, l'Assemblée nationale entend et décrète que toute levée d'impôts et contributions de toute nature qui n'auraient pas été nommément, formellement et librement accordés par l'Assemblée, cessera entièrement dans toutes les provinces du royaume, quelle que soit la forme de leur administration. L'Assemblée s'empresse de déclarer qu'aussitôt qu'elle aura, de concert avec sa majesté, fixé les principes de la régénération nationale, elle s'occupera de l'examen et de la consolidation de la dette publique, mettant dès à présent les créanciers de l'État sous la garde de l'honneur et de la loyauté de la nation française.