[La création du Comité
national français donne à la France libre une meilleur
visibilité et place à sa tête un organe politique,
qui est l'embryon d'un véritable Gouvernement. La nouvelle organisation
de la France libre entre en vigueur à la suite de la première
réunion du Comité national, le samedi 27 septembre 1941,
sous la présidence du général de Gaulle.
L'action du Comité national est alors tournée
dans deux directions :
- l'unification, sous la direction du Comité national,
de la France libre et de la résistance intérieure, la France
captive, ce qui renforcerait sa légitimité. Cette volonté
se traduit en particulier par la nouvelle dénomination de France
combattante, mais plus concrètement par la multiplication des
liens entre le Comité de Londres et les organisations de la Résistance,
tandis que plusieurs personnalités venues du continent sont cooptées
au Comité national (André Philip, Massigli) tandis que d'autres
rendent leur soutien public (Blum, Jeanneney... ) ;
- l'obtention d'une certaine reconnaissance internationale
et l'insertion dans l'alliance des pays qui combattent
l'Allemagne, en participant à des réunions internationales
avec l'accord du gouvernement britannique. Mais après l'entrée
en guerre des États-Unis, l'hostilité de Roosevelt, qui maintien
son ambassadeur à Vichy jusqu'en novembre 1942, se traduira par
la mise à l'écart de la France libre, notamment lors de la
déclaration
des Nations unies qui stipule les principes et les objectifs des alliés.
Les organisations de la Résistance multiplient
en 1942 les contacts avec Londres dont elles attendent une aide militaire
et un soutien politique. Le Comité national agit en faveur de l'unité
de ces organisations. Jean Moulin est chargé de cette tâche
par le général de Gaulle. Il parvient, le 26 janvier 1943,
à rassembler Combat, Franc-Tireur et Libération dans
les Mouvements unis de Résistance (MUR), puis le Conseil
national de la Résistance, le 14 mai, dont il prend la direction,
peu avant son arrestation.
À la même époque, le débarquement
anglo-américain en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, provoque
une grande confusion. Un sous-marin est allé chercher en France
le général Giraud dont Roosevelt pense que le prestige entraînera
le ralliement des troupes françaises d'Afrique. Mais les responsables
français, dont l'amiral Darlan, présent par hasard en Algérie,
donnent l'ordre de combattre les troupes américaines, tandis qu'ils
laissent les Allemands s'emparer de la Tunisie. Les Anglo-Saxons reconnaissent
alors l'amiral Darlan comme Haut Commissaire français en Afrique
du Nord, puis le général Giraud.
Dès le 25 décembre
1942, de Gaulle propose à Giraud de rassembler toutes les forces
françaises « sous un pouvoir central provisoire ». Mais
il faudra près de six mois de tractations pour y parvenir. Le 26
mai, l'ordonnance n° 55 habilite à cet effet
le général de Gaulle qui le 30 mai gagne Alger afin de conclure
avec Giraud les accords qui instituent le Comité
français de la Libération nationale.
Ordonnons,
Considérant que la situation résultant de l'état de guerre continue à empêcher toute réunion et toute expression libre de la représentation nationale ;
Considérant que la Constitution et les lois de la République française ont été et demeurent violées sur tout le territoire métropolitain et dans l'Empire, tant par l'action de l'ennemi que par l'usurpation des autorités qui collaborent avec lui ;
Considérant que de multiples preuves établissent que l'immense majorité de la Nation française, loin d'accepter un régime imposé par la violence et la trahison, voit dans l'autorité de la France libre l'expression de ses voeux et de ses volontés ;
Considérant qu'en raison de l'importance croissante des territoires
de l'Empire français et des territoires sous mandat français
ainsi que des forces armées françaises qui se sont ralliés
à nous pour continuer la guerre aux côtés des alliés
contre l'envahisseur de la Patrie, il importe que les autorités
de la France libre soient mises en mesure d'exercer, en fait et à
titre provisoire, les attributions normales des pouvoirs publics ;
Le général de Gaulle, chef des Français libres, est président du Comité national.
Les dispositions de nature législative feront l'objet d'ordonnances délibérées en Comité national, signées et promulguées par le Chef des Français libres, président du Comité national, contresignées et certifiées conformes par l'un ou plusieurs des commissaires nationaux. Ces ordonnances seront obligatoirement, et dès que possible, soumises à la ratification de la représentation nationale.
Les dispositions de nature réglementaire feront l'objet de décrets rendus par le Chef des Français libres, président du Comité national, sur la proposition ou le rapport de l'un ou de plusieurs des commissaires nationaux et contresignés par ce ou ces commissaires nationaux.
La compétence et les limites de chaque département administratif seront déterminées par décret.
L'un des commissaires nationaux est chargé par décret de la coordination générale entre les départements administratifs civils. Il est assisté par un secrétaire général, nommé par décret.
Les commissaires nationaux sont responsables devant le Chef des Français libres, président du Comité national.
Les représentants de la France libre à l'étranger sont nommés par décret et accrédités par le Chef des Français libres, président du Comité national.
La composition de ce Conseil est fixée par décret.
Il émet des avis consultatifs sur les questions relatives à la défense des territoires de l'Empire et à la participation des dits territoires à l'action de guerre. Ces avis font l'objet de consultations écrites ou télégraphiées soit collectives, à l'instigation du Chef des Français libres, soit individuelles à l'initiative des membres du Conseil.
Le général de Gaulle, Chef des Français libres,Vu l'ordonnance n° 16 du 24 septembre 1941 portant organisation nouvelle des pouvoirs publics de la France libre,
Président du Comité national,Vu le décret du 24 septembre 1941 relatif à la constitution du Comité national ;
Décrète :
Article premier.
Sont nommés :
Commissaire national à l'Économie, aux finances et aux colonies : M. Pleven ;
Commissaire national aux Affaires étrangères : M. Déjean ;
Commissaire national à la Guerre : M. le général Legentilhomme ;
Commissaire national à la Marine et à la marine marchande : M. le vice-amiral Muselier ;
Commissaire national à la Justice et à l'instruction publique : M. le professeur Cassin ;
Commissaire national à l'Intérieur, au travail et à l'information : M. Diethelm ;
Commissaire national à l'Air : M. le général Valin ;
Commissaire national sans département : M le capitaine de vaisseau Thierry d'Argenlieu.Article 2.
M. Pleven, commissaire national à l'Économie, aux finances et aux colonies est chargé de la coordination des départements administratifs civils.Article 3.
Le présent décret sera publié au Journal officiel de la France libre.Fait à Londres, le 24 septembre 1941.
Ch. de Gaulle.
Par décret n° 168 du 4 mars 1942, le contre-amiral Auboyneau est nommé commissaire national à la marine en remplacement du vice-amiral Muselier démissionnaire
Par décret n° 171 du 4 mars 1942, le général d'armée Catroux, délégué général et Commandant en chef au Levant est nommé Commissaire national en mission tous en conservant ses fonctions.
Le comité national est réorganisé par décret n° 362 du 28 juillet 1942, et par décret n° 363 :
René Pleven est nommé commissaire national à l'économie, aux colonies et à la marine marchande,
André Philip, député, commissaire national à l'intérieur et au travail,
André Diethelm, commissaire national aux finances et aux pensions,
Jacques Soustelle commissaire national à l'information.
Par décret n° 381 du 3 août 1942, René Pleven est nomme vice-président du Comité national en l'absence du général de Gaulle.Nouvelle organisation par décret n° 518 du 17 octobre 1942 et nominations par décret n° 519 :
Pleven commissaire national aux affaires étrangères et aux colonies,
Diethelm commissaire national aux finances, à l'économie et à la marine marchande.Nouvelle organisation par décret n° 726 et nominations par décret n° 727 du 5 février 1943 :
René Pleven, commissaire national aux colonies,
René Massigli, commissaire national aux affaires étrangères.
L'excitation mondiale provoquée par l'entreprise américaine en Afrique du Nord française et les nouvelles lancées en tous sens à ce sujet, surtout de Washington, ne doivent pas nous empêcher de voir clair.
Voici quelles sont, à ma connaissance, les données de cette affaire :Pour préparer leur arrivée, les Américains avaient noué des intelligences sur place tout en tenant la France combattante en dehors de leur action. Les gaullistes ont aidé les Américains, croyant que ceux-ci étaient d'accord avec nous. Certaines autorités locales ont eu, avant l'attaque, des rapports avec eux calculant qu'en tout cas cela pourrait être utile.
Pour influencer l'armée et la détourner de résister et aussi pour susciter une autorité française qui serait dans leurs mains, les Américains ont fait apparaître le général Giraud. En même temps, ils négociaient avec Darlan qui était à Alger.
En fait les troupes d'Afrique et la marine ont résisté partout aux Américains. Au Maroc, leur résistance a même été acharnée. L'influence de Giraud s'est révélée inefficace. D'autant plus que, d'une part, il s'était handicapé par une lettre écrite naguère au Maréchal et par laquelle il s'engageait sur l'honneur à l'obéissance et que, d'autre part, il n'avait fait aucun accord avec nous. Enfin, tous les partis trouvent fâcheux qu'il tienne ses pouvoirs uniquement du bon plaisir américain.
C'est alors que Darlan est entré en scène. S'étant laissé faire, pour commencer, prisonnier des Américains, il a négocié avec eux la reddition d'Alger. Puis, il vient d'ordonner de cesser le combat en proclamant qu'il exerçait l'autorité en Afrique du Nord au nom du Maréchal, que tous les chefs actuels restaient en place et que les troupes devaient garder la neutralité. Les Américains, pressés d'en finir, et espérant qu'un jour Darlan se joindra activement à eux, inclinent maintenant à trouver cette solution satisfaisante. D'ailleurs la flotte de la Méditerranée est restée à Toulon dont les Allemands sont tout près. Il en résulte que les Américains jugent bon de ne pas négliger Darlan, croyant qu'éventuellement il pourrait empêcher la flotte de marcher avec les Allemands.
Tout se passe donc comme si une sorte de nouveau Vichy était en train de se reconstituer en Afrique du Nord, sous la coupe des États-Unis.
Naturellement, j'ai eu comme souci dominant de ne pas nous diminuer ou salir dans cette affaire. Nous sommes soutenus, d'ailleurs discrètement, par le gouvernement britannique, que le comportement américain inquiète et blesse. Quant aux Russes, il sont, bien entendu, furieux de l'action de Washington. D'autre part, toutes nos associations de résistance en France m'ont fait savoir que le peuple français n'admettrait pas de combinaison politique Giraud ou Darlan qui désorienterait et irriterait les patriotes et qui les jetterait dans les bras des communistes.
Je suis convaincu, qu'après qu'aura passé ce fleuve de boue, nous apparaîtrons comme la seule organisation française propre et efficace.
Je vous prie d'orienter votre propagande, notamment par radio, et éventuellement vos déclarations dans le sens de ce qui précède et avec la discrétion convenable.
Londres, le 12 novembre 1942
Au moment où vous vous rendez en Afrique du Nord pour sceller par un accord formel la réunion des territoires français maintenus dans la lutte par vous-même et par le Comité national et des parties de l'Empire qui sont rentrées dans la guerre depuis novembre dernier, et pour procéder à l'unification de toutes les forces résistantes et combattantes de la Nation, à l'intérieur comme à l'extérieur, vous devez pouvoir prendre sur place et sans retard toutes les mesures nécessitées par la nouvelle situation.Rapport au Président du Comité national
Il est donc nécessaire de vous habiliter, par dérogation aux prescriptions de l'ordonnance n° 16, du 24 septembre 1941, à prendre ces mesures sur la seule délibération des membres du Comité national présente à vos côtés.
Il va sans dire que la nouvelle organisation devra représenter l'unité française et garantir la souveraineté nationale. Elle assurera la continuité des pouvoirs publics en reprenant à son compte tous les actes, tous les droits et tous les engagements de la France combattante.
C'est dans ces conditions que j'ai l'honneur de soumettre l'ordonnance ci-jointe à la discussion du Comité national et à votre signature.
Le Commissaire national à la justice et à l'instruction publique
René Cassin
Le Général de Gaulle,Vu les ordonnances des 27 octobre et 12 novembre 1940 ;
Chef de la France combattante,
Président du Comité national,
Vu l'ordonnance n° 16 du 24 septembre 1941, portant organisation nouvelle des pouvoirs publics de la France libre ;Le Comité national en ayant délibéré le 30 avril 1943,
Ordonne,Article premier.
Le Général de Gaulle, Président du Comité national, est habilité à prendre par ordonnance, sur la délibération des seuls commissaires nationaux présents en Afrique du Nord, toutes les mesures nécessaires pour adapter à la situation nouvelle existant en Afrique du Nord et en Afrique occidentale françaises l'organisation des pouvoirs publics de la France combattante, actuellement régie par l'ordonnance n° 16 du 24 septembre 1941 et les textes qui en découlent.Article 2.
L'organisation modifiée ou nouvelle aura pour but de représenter l'unité française et d'assurer l'exercice de la souveraineté nationale. Elle devra être conforme aux principes fondamentaux de la République.Article 3.
Elle assurera la continuité des pouvoirs publics et ménagera les dispositions propres à permettre à la Nation d'exprimer sa volonté dans le plus bref délai possible.Article 4.
La présente ordonnance sera publiée au Journal officiel de la France libre.Fait à Londres, le 26 mai 1943.
C. de Gaulle.Par le Chef de la France combattante, Président du Comité national :
Le Commissaire national à la justice et à l'instruction publique
R. Cassin
Le Commissaire national sans département
G. Catroux
Le Commissaire national aux affaires étrangères
R. Massigli
Le Commissaire national aux colonies
R. Pleven
Le Commissaire national à l'intérieur et au travail
A. Philip
Le Commissaire national à l'économie, aux finances et à la marine marchande
A. Diethelm
Le Commissaire national à la marine p.i.
G. d'Argenlieu
Le Commissaire national à la guerre p.i.
Commissaire à l'air
M. Valin
Le Commissaire national à l'information
J. Soustelle
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