Digithèque
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Le Comité français de la libération nationale
À la suite du débarquement anglo-américain
en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, une période
de confusion s'ensuit, les États-Unis ne reconnaissant pas la
France combattante. Un sous-marin est allé chercher en France le
général Giraud dont ils escomptent que le prestige entraînera
le ralliement des troupes françaises d'Afrique. Mais les responsables
français au Maroc (le général Noguès) et en
Algérie (l'amiral Darlan, présent par hasard) donnent l'ordre
de combattre les Anglo-Américains, tandis qu'ils laissent les Allemands
s'emparer de la Tunisie (amiral Esteva). Les États-Unis négocient
avec Darlan (un cessez le feu est conclu le 10 novembre) et le reconnaissent
comme Haut Commissaire de l'Afrique du
Nord, acceptant ainsi un « Vichy africain ». Mais Darlan
est assassiné (24 décembre).
Dès le 25 décembre,
de Gaulle propose à Giraud de rassembler toutes les forces françaises
« sous un pouvoir central provisoire ». Mais, Giraud, qui a
remplacé Darlan avec le soutien des responsables des territoires
d'Afrique du Nord, bénéficie également de l'appui
de Roosevelt qui équipe les troupes françaises engagées
dans la campagne de Tunisie.
Convoqué à Anfa par Roosevelt et Churchill
(23 janvier 1943), de Gaulle refuse tout compromis, d'autant que son délégué,
Jean Moulin, est parvenu à unifier
la résistance intérieure et fonde le Conseil national de
la Résistance (CNR).
Giraud devient, après l'échec de la conférence
d'Anfa, Commandant en chef français civil
et militaire (2 février 1943), mais, influencé par Jean
Monnet, mentor désigné par Roosevelt, il se rallie le 14
mars aux « principes démocratiques » et abolit le une
grande partie de la législation de Vichy. Cependant, il revendique
le pouvoir militaire et envisage l'application de la loi
Tréveneuc à la Libération, ce qui laisserait la
France sans autorité politique jusque-là.
Après plusieurs mois de tractations, le général
de Gaulle, habilité par l'ordonnance n°
55 du Comité national français,
gagne Alger le 30 mai, accompagné par Philip et Massigli, où
il rejoint le général Catroux qui l'avait précédé,
afin de conclure avec Giraud, accompagné lui-même de Monnet,
envoyé par Roosevelt, et du général Georges, récupéré
en France par les Anglais, les accords qui permettent de créer un
organe incarnant l'unité française.
Le pas décisif est accompli lorsque l'ordonnance
du 3 juin 1943 institue le Comité français de la Libération
nationale. Il convient de noter qu'elle est publiée dans le premier
numéro du Journal officiel de la République française,
renaissant à Alger le 10 juin 1943, alors que le JO publié
à Vichy est devenu, depuis le 4 janvier 1941, le Journal officiel
de l'État français. Cette parution souligne la renaissance
d'une autorité politique souveraine, même si ce CFLN établit
une dyarchie entre de Gaulle et Giraud qui le président alternativement
et confie à ce dernier le commandement militaire
selon le voeu des États-Unis.
Rapidement (voir la fiche CFLN2),
l'unité du pouvoir et la primauté du politique seront établies.]
Déclaration du 3 juin 1943
Les généraux de Gaulle et Giraud comme présidents,
Le général Catroux, le général Georges,
MM. Massigli, Monnet et Philip comme membres constituent le Comité
français de la Libération nationale, qui sera ultérieurement
complété par l'adjonction d'autres membres.
Le Comité national ainsi créé est le pouvoir central
français.
En conséquence, le Comité dirige l'effort français
dans la guerre sous toutes ses formes et en tous lieux. Il exerce la souveraineté
française sur tous les territoires placés hors du pouvoir
de l'ennemi. Il assure la gestion et la défense de tous les intérêts
français dans le monde. Il assume l'autorité sur les territoires
et les forces militaires, terrestres, navales et aériennes, relevant,
jusqu'à présent, soit du Comité national français,
soit du Commandement en chef civil et militaire. Toutes les mesures nécessaires
pour réaliser la fusion des administrations dépendant de
ces deux organismes seront prises sans délai par le Comité.
Conformément aux lettres échangées entre les généraux
Giraud et de Gaulle, le Comité remettra ses pouvoirs au gouvernement
provisoire qui sera constitué, conformément aux lois de la
République, dès la libération totale du territoire.
Le Comité de la libération nationale poursuivra, en étroite
collaboration avec tous les alliés, la lutte commune en vue de la
libération intégrale des territoires français et des
territoires alliés et jusqu'à la victoire totale sur toutes
les puissances ennemies.
Le Comité s'engage solennellement à rétablir toutes
les libertés françaises, les lois de la République
et le régime républicain, en détruisant entièrement
le régime d'arbitraire et de pouvoir personnel imposé aujourd'hui
au pays. Le Comité national est au service du peuple de France dont,
dans le présent, l'effort de guerre, la résistance et les
épreuves, dans l'avenir la rénovation nécessaire,
exigent l'union de toutes les forces nationales.
Il appelle tous les Français à le suivre pour rendre
à la France, par la lutte et par la victoire, sa liberté,
sa grandeur et sa place traditionnelle parmi les grandes puissances alliées.
Ordonnance du 3 juin 1943
portant institution du Comité français de la Libération
nationale
Le général Giraud, agissant en vertu de la déclaration
et des ordonnances du 14 mars 1943,
Le général de Gaulle, agissant en vertu du mandat à
lui délivré le 25 mai 1943 par le Comité national
français,
Considérant que, du fait de l'occupation du territoire français
par l'ennemi, l'exercice de la souveraineté du peuple français,
fondement de tout pouvoir légal, est suspendu ;
Que le Comité national français et le Commandement en
chef civil et militaire ont décidé d'unifier leur action
pour assurer la direction de l'effort français dans la guerre, la
défense des intérêts permanents de la France et la
gestion des affaires concernant les territoires et les forces relevant
jusqu'à présent de leur autorité respective,
Ordonnent :
Article premier.
Il est institué un pouvoir central français unique qui prend
le nom de Comité français de la Libération nationale.
Article 2.
Le Comité français de la Libération nationale dirige
l'effort français dans la guerre, sous toutes ses formes et en tous
lieux.
Article 3.
Le Comité français de la Libération nationale exerce
la souveraineté française sur tous les territoires placés
hors du pouvoir de l'ennemi ; il assure la gestion et la défense
de tous les intérêts français dans le monde ; il assume
l'autorité sur les territoires et les forces terrestres, navales
et aériennes relevant jusqu'à présent soit du Comité
national français, soit du Commandement en chef civil et militaire.
Le Comité conclut les traités et accords avec les puissances
étrangères, les deux présidents accréditent
les représentants diplomatiques auprès des puissances étrangères,
les représentants étrangers sont accrédités
auprès d'eux.
Article 4.
Conformément aux documents échangés antérieurement
entre le Comité national français et le Commandement en chef
civil et militaire et, notamment la lettre du général Giraud
du 17 mai 1943 et la réponse du général de Gaulle
du 25 mai, le Comité français de la Libération nationale
exercera ses fonctions jusqu'à la date où l'état de
libération du territoire permettra la formation, conformément
aux lois de la République, d'un Gouvernement provisoire auquel il
remettra ses pouvoirs. Cette date sera, au plus tard, celle de la libération
totale du territoire.
Article 5.
Des décrets détermineront l'organisation et le fonctionnement
du Comité français de la Libération nationale.
Article 6.
La présente ordonnance sera exécutée comme loi.
Alger, le 3 juin 1943.
Giraud de Gaulle
Décret du 3 juin 1943
fixant l'organisation et le fonctionnement
du Comité français de la Libération nationale
Le Comité français de la Libération nationale,
Vu l'ordonnance en date du 3 juin 1943 portant institution du Comité
français de la Libération nationale,
Décrète :
Article premier.
Le Comité français de la Libération nationale est
présidé alternativement par les généraux Giraud
et de Gaulle. Les affaires qui entrent dans la compétence du Comité
français de la Libération nationale sont réparties
entre des Commissaires. Le Comité nomme les commissaires, fixe leur
nombre et leurs attributions.
Article 2.
Au sein du Comité français est constitué un Comité
de guerre groupant les commissaires qui, soit par leur compétence,
soit par leurs attributions, peuvent particulièrement contribuer
à la poursuite de l'effort de guerre sous toutes ses formes.
Ce Comité de guerre assure la conduite générale
de la guerre et prend les décisions qui s'y rapportent. En cas d'empêchement
ou d'absence, un membre du Comité de guerre se fait représenter
par un commissaire, non membre du Comité de guerre.
Article 3.
En séance plénière du Comité français
de la Libération nationale, les commissaires, non membres du Comité
de guerre, présentent les affaires relevant de leur département
et sont mis au courant de la situation générale.
Le Comité en séance plénière peut, à
la demande de l'un des présidents, être saisi, pour décision,
de toute affaire délibérée en Comité de guerre.
Article 4.
Les décisions du Comité français de la Libération
nationale prennent la forme soit d'ordonnances, soit de décrets.
L'ordonnance est nécessaire pour toutes les matières qui,
sous la République ou antérieurement, ont été
l'objet d'une loi ou d'un acte ayant la valeur d'une loi. Elle est délibérée
en séance plénière du Comité français
de la Libération nationale. Elle est signée par les deux
présidents et contresignée par le ou les commissaires intéressés.
Les décisions, prises en en exécution d'une loi ou d'une
ordonnance antérieures, font l'objet d'un décret, signé
par les deux présidents et contresigné par le ou les commissaires
intéressés. Les décrets qui engagent la politique
générale, ceux qui intéressent plusieurs commissariats,
les décisions concernant les hauts fonctionnaires et officiers généraux
sont délibérés en Comité français, statuant
en Comité de guerre ou en séance plénière.
Les décrets d'intérêt administratif qui n'intéressent
qu'un commissariat sont pris par les deux présidents, sur proposition
du commissaire intéressé et contresignés par lui.
Alger, le 3 juin 1943.
Giraud de Gaulle
Composition du Comité
Les membres du Comité français de
la Libération nationale sont nommés par décrets du
3 juin 1943 ; le général Georges Catroux, le général
Alphonse Georges, René Massigli, Jean Monnet et André Philip.
Le 7 juin sont nommés : le docteur Jules
Abadie, Henri Bonnet, Couve de Murville, Diethelm, René Mayer, René
Pleven, André Tixier.
Les membres du CFLN se voient attribuer un secteur
ministériel :
Le 3 juin, le général Catroux est
nommé commissaire à la coordination des affaires musulmanes.
Le 7 juin sont nommés :
le docteur Abadie, commissaire à la justice, à l'éducation
nationale et à la santé publique,
René Massigli, commissaire aux affaires étrangères,
André Philip, commissaire à l'intérieur,
Couve de Murville, commissaire aux finances,
Jean Monnet, commissaire à l'armement, à l'approvisionnement
et à la reconstruction,
André Diethelm, commissaire à la production et au commerce,
René Mayer, commissaire aux communications et à la marine
marchande,
René Pleven, commissaire aux colonies,
Adrien Tixier, commissaire au travail et à la prévoyance
sociale,
Henri Bonnet, commissaire à l'information.
Par décret du 15 juin, Louis Joxe est nommé secrétaire
du Comité français de la Libération nationale et Raymond
Offroy secrétaire adjoint.
Par décret du 9 octobre 1943, il est nommé secrétaire
général du CFLN.
Organisation des forces armées
Un décret du 22 juin règle l'organisation des
forces armées et nomme :
- le général d'armée Henri Giraud, commandant
en chef des forces françaises d'Afrique du Nord et d'AOF,
- le général Charles de Gaulle, commandant en chef des
forces françaises des autres territoires de l'Empire,
- le général d'armée Juin, chef d'état-
major général des forces terrestres françaises d'Afrique
du Nord et d'AOF,
- le général de division de Larminat, chef d'état-
major général des forces terrestres françaises des
autres territoires de l'Empire.
Par décret
du 1er juillet, sont nommés :
- le vice-amiral Collinet, chef d'état- major général
des forces maritimes françaises d'Afrique du Nord et d'AOF,
- le contre-amiral Auboyneau, chef d'état- major général
des forces maritimes françaises des autres territoires de l'Empire,
- le général de corps aérien Bouscat, chef d'état-
major général des forces aériennes françaises.
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