Le président Lincoln, dans le message prononcé pour l'inauguration de son mandat, s'efforçait de rassurer les Sudistes en rappelant que son programme électoral ne prévoyait pas l'abolition de l'esclavage, et, de toute manière, que la Constitution ne lui permettait pas de l'abolir. Il prenait même position en faveur de la restitution à leurs maîtres des esclaves fugitifs. En revanche, il disait sa détermination à empêcher la rupture de l'Union. Le Congrès pour sa part, dans l'espoir de mettre fin à la sécession, avait approuvé un amendement à la Constitution, qui était proposé aux États dès le 2 mars 1861: « Aucun amendement ne peut être fait à la Constitution, pour autoriser ou donner au Congrès le pouvoir d'abolir ou de porter atteinte, dans un État quelconque, aux institutions domestiques existantes, y compris celle par laquelle des personnes sont tenues à labeur ou service par les lois dudit État ».
Un an plus tard, la guerre se poursuit et le président Lincoln se prononce, le 6 mars 1862, en faveur d'une émancipation graduelle, assortie d'une indemnisation convenable et d'un programme de colonisation pour installer ailleurs les « Africains » libérés. Le Congrès approuve cette position le 10 avril et le président présente un projet de loi au Congrès. Dans le message sur l'état de l'Union prononcé le 1er décembre 1862, le président plaide longuement en faveur de ce plan d'émancipation graduelle.
Pourtant, une autre ligne politique se dessine, suivie par la majorité du Congrès : dès le 6 aout 1861, le Congrès passe une loi de « confiscation des propriétés employées dans un but insurrectionnel ». L'article 4 concerne spécialement les esclaves : « Si un individu ayant droit, en vertu des lois d'un État quelconque, au service ou au travail dune autre personne, emploie cette personne à soutenir et avancer l'insurrection ou la résistance aux lois des États-Unis, ou si cet individu permet que l'on emploie dans ce but les services de la personne en question, il perdra tout droit au service ou au travail de ladite personne, et la personne dont le travail ou le service aura été requis dans ce but, en sera dès ce moment dispensée, nonobstant toute loi contraire. »
Croyant appliquer cette loi, le 31 août 1861, à Saint-Louis, le général Frémont proclame la loi martiale dans tout l'État du Missouri et confisque les propriétés des insurgés, y compris leurs esclaves, qui « sont déclarés désormais hommes libres». Mais il est aussitôt désavoué par Lincoln qui, le 2, puis le 11 septembre, lui écrit pour condamner cette initiative. De même, le 19 mai 1862, le président annule la proclamation du général Hunter déclarant libres les esclaves de Georgie, Floride et Caroline du Sud, tandis que, le 22 juillet, le ministre de la guerre, Stanton, autorise les commandants militaires à employer « les personnes d'origine africaine qui pourront être avantageusement appliquées à des objets militaires ou maritimes, en leur donnant des salaires raisonnables pour leur travail », mais en prévoyant en même temps l'indemnisation des propriétaires. Entre temps, dans un message du 16 avril 1862, Lincoln approuve, « excepté quant à la question de l'opportunité », la loi du Congrès sur l'émancipation des esclaves dans le district de Colombie, jugeant que le moment et la méthode sont mal choisis. C'est le 22 septembre 1862 que Lincoln propose l'émancipation des esclaves des États rebelles qui est effectivement proclamée le 1er janvier 1863.
Concitoyens sénateurs et représentants,Je recommande aux deux honorables corps auxquels vous appartenez d'adopter de concert la résolution suivante :
« Résolu que les États-Unis doivent coopérer avec tout État qui adoptera l'abolition graduelle de l'esclavage, en lui donnant une aide pécuniaire dont cet État usera à son gré pour compenser les dommages publics ou privés produits par un tel changement de système. »
Si la proposition contenue dans cette résolution ne reçoit pas l'approbation du Congrès et du pays, qu'elle soit écartée tout de suite ; mais si elle obtient la sanction du Congrès, je crois important que les États et les gens qu'elle intéresse directement en reçoivent immédiatement notification, afin qu'ils puissent considérer s'ils doivent l'accepter ou la rejeter.
Le Gouvernement fédéral a le plus grand intérêt à voir adopter cette mesure, qu'il considère comme un des plus puissants moyens de conservation. Les chefs de l'insurrection actuelle nourrissent l'espoir que le Gouvernement finira par être forcé de reconnaître l'indépendance de quelque partie de la région désaffectionnée et que tous les États à esclaves, situés au nord de cette partie, diront alors : « Puisque l'Union pour laquelle nous avons combattu n'existe plus, nous préférons maintenant nous joindre à la section du Sud. » Leur enlever cet espoir, c'est en réalité mettre fin à la rébellion, et le commencement de l'émancipation le leur ravit entièrement pour ce qui concerne les États qui entreront dans cette voie. L'important n'est pas que tous les États à esclaves inaugurent immédiatement l'émancipation, mais que lorsque les mêmes offres seront faites à tous les États, ceux qui sont le plus au nord soient les premiers à l'inaugurer, pour prouver par là à ceux qui sont plus au sud qu'en aucun cas ils ne se joindront à eux dans la Confédération qu'ils projettent.
Je dis « commencement » d'émancipation, parce que l'avis général est qu'il vaut mieux pour tous qu'elle soit graduelle que soudaine.
Au point de vue purement financier et pécuniaire, chaque membre du Congrès, avec les tableaux de recensement et les rapports du Trésor sous les yeux pourra facilement se convaincre par lui-même que les dépenses courantes de cette guerre suffiraient pour acheter bien vite et à bon prix tous les esclaves des États susdits.
Une telle proposition du Gouvernement fédéral n'implique de la part des autorités fédérales aucune prétention d'avoir le droit d'intervenir dans la question de l'esclavage dans les limites d'aucun État, vu qu'elle laisse le contrôle exclusif de cette question aux États et aux citoyens qui y ont un intérêt immédiat. C'est simplement une offre qui leur est faite, et qu'ils sont parfaitement libres d'accepter ou de refuser.
Dans mon message annuel de décembre dernier [message du 3 décembre 1861], je disais, il faut sauver l'Union, et pour cela tous les moyens nécessaires seront employés. Je n'ai parlé ainsi qu'après mure réflexion. La guerre a été et est encore un des moyens indispensables pour arriver à ce but. Une reconnaissance effective de l'autorité nationale pourrait seule la rendre inutile, et elle cesserait immédiatement. Mais, si la résistance continue, il faut que la guerre continue aussi, et il est impossible de prévoir tous les incidents qui peuvent en résulter et tous les désastres qui peuvent s'ensuivre. Toutes les mesures qui paraîtront efficaces pour mettre fin à la lutte devront être et seront employées.
Bien que la proposition que je fais aujourd'hui ne soit qu'une offre, je crois pouvoir demander si l'indemnité pécuniaire qu'elle promet aux États et aux particuliers intéressés ne leur serait pas plus avantageuse , dans l'esprit actuel des affaires, que l'institution actuelle de l'esclavage et les propriétés qui en dérivent. Bien qu'il soit vrai que l'adoption de la résolution que je propose ne serait qu'une mesure préparatoire et nullement effective par elle-même, je vous la recommande néanmoins, dans l'espoir qu'elle sera bientôt suivie de résultats importants. C'est en songeant à l'immense responsabilité que j'ai envers mon Dieu et mon pays que j'appelle avec instance sur ce sujet l'attention du Congrès et du peuple.
Abraham Lincoln.
Message adressé au Congrès le 14 juillet 1862.
Concitoyens du Sénat et de la Chambre des représentants,
Voici le projet de loi ayant pour but d'indemniser tout État qui voudra abolir l'esclavage ; je vous demande respectueusement et sérieusement d'adopter ce projet de loi.
Abraham Lincoln.
Projet de loi.
Il est ordonné par le Sénat et la Chambre des représentants des États-unis, assemblés en Congrès, que dans tous les cas où le Président des États-Unis aura acquis la conviction qu'un État a légalement aboli l'esclavage, soit immédiatement, soit graduellement, le Président, avec l'assistance du secrétaire de la Trésorerie, devra remettre à cet État des obligations portant 6 pour cent d'intérêt, pour un chiffre représentant la valeur totale à ... dollars par tête de tous les esclaves dont l'existence dans cet État aura été constatée par le recensement de 1860. Si l'abolition est immédiate, toute la somme sera payée par annuités égales. L'intérêt sur chaque obligation courra du jour où elle aura été remise.
Il est en outre ordonné que si un État, ayant reçu ces obligations, voulait plus tard par une loi particulière, rétablir ou tolérer l'esclavage contrairement à la loi en vertu de laquelle ces obligations auront été remises, ces obligations seront instantanément annulées en quelques mains qu'elles se trouvent, et l'État rendra aux États-Unis les intérêts qui auront été payés.
Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
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