États-Unis d'Amérique

Proclamation du président Lincoln relative à l'émancipation des esclaves des rebelles.

(22 septembre 1862)

    Le président Lincoln, dans le message prononcé pour l'inauguration de son mandat, s'efforçait de rassurer les Sudistes en rappelant que son programme électoral ne  prévoyait pas l'abolition de l'esclavage, et, de toute manière, que la Constitution ne lui permettait pas de l'abolir. Il prenait même position en faveur de la restitution à leurs maîtres des esclaves fugitifs. En revanche, il disait sa détermination à maintenir l'Union.
    Un an plus tard, la guerre se poursuit et le président Lincoln se prononce, le 6 mars 1862, en faveur d'une émancipation graduelle, assortie d'une indemnisation convenable et d'un programme de colonisation pour installer ailleurs les « Africains » libérés. Il défendra encore son projet lors du message sur l'état de l'Union prononcé en décembre 1862.

    Mais la logique de la guerre avait déjà conduit le Congrès à confisquer les propriétés employées dans un but insurrectionnel (loi du 6 août 1861), puis a interdire la restitution des esclaves fugitifs (loi du 13 mars 1862), enfin à déclarer libres les esclaves appartenant à des propriétaires rebelles, qui seraient tombés aux mains des troupes des États-Unis, soit lors de la progression de ces troupes, soit après s'être enfuis pour les rejoindre ( loi du 17 juillet).
    La proclamation du 22 septembre rappelle ainsi le projet d'émancipation graduelle et compensée, dont le président pense encore qu'il pourrait permettre un compromis avec les États du Sud, mais annonce une nouvelle mesure de guerre : l'émancipation de tous les esclaves dans les États qui seront encore en rébellion le 1er janvier suivant. A cette date, une nouvelle proclamation annonce cette émancipation qui sera effectivement réalisée par la victoire militaire des forces du Nord. 



Moi, Abraham Lincoln, Président des États-Unis d'Amérique et commandant en chef de l'armée et de la marine des dits États, je proclame et déclare par la présente qu'à l'avenir comme jusqu'à présent la guerre sera poursuivie dans le but de rétablir pratiquement les relations constitutionnelles entre les États-Unis et les populations des dits États dans lesquels ces relations sont ou peuvent être suspendues ou troublées ; que je me propose, à la prochaine réunion du Congrès, de recommander de nouveau l'adoption d'une mesure pratique offrant une compensation pécuniaire à la libre acceptation ou au rejet libre de tous les États à esclaves, ainsi appelés, dont les populations pourront alors n'être pas en rébellion contre les États-Unis : lesquels États pourront avoir volontairement adopté ou pourront ensuite adopter volontairement l'abolition immédiate ou graduelle de l'esclavage dans leurs limites respectives. Je déclare que les efforts tendant à coloniser les individus d'origine africaine, avec leur consentement, sur le continent ou ailleurs, avec l'adhésion préalablement obtenue des gouvernements qui y sont établis, seront continués ; que le premier jour de janvier, en l'an de Notre-Seigneur 1863, tous les individus possédés comme esclaves, en quelque État que ce soit ou en quelque partie que ce soit d'un État dont la population sera alors en rébellion contre les États-Unis, seront désormais et pour toujours libres, et le gouvernement exécutif des États-Unis, y compris l'autorité militaire et maritime des dits États reconnaîtra et maintiendra la liberté des dits individus, et ne fera aucun acte tendant à entraver ces dits individus ou aucun d'eux dans les efforts qu'ils pourront faire pour conserver leur liberté absolue. 

Que le 1er janvier susdit, le pouvoir exécutif désignera les États et parties des États, s'il en est, où les populations, respectivement, seront en état de rébellion contre les États-Unis : et le fait qu'un État quelconque ou le peuple dudit État sera ce jour-là loyalement représenté au Congrès des États-Unis par des membres choisis à cet effet aux élections où une majorité des votants remplissant les conditions de l'électorat dans ledit État y aura participé, ce fait sera, en l'absence de tout témoignage expressément contraire, considéré comme une preuve concluante que cet État et sa population n'ont pas été en rébellion contre les États-Unis. Qu'en vertu de la présente proclamation, soit fait attention à un acte du Congrès, intitulé Acte pour faire un article additionnel de guerre, approuvé le 13 mars 1862 duquel voici la teneur :

Qu'il soit ordonné par le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis assemblés en Congrès qu'à l'avenir l'article suivant sera promulgué comme article additionnel de guerre pour le gouvernement de l'armée des États-Unis, et qu'à ce titre on s'y conformera et on l'observera. 

Article. Il est interdit à tous les officiers ou personnes au service de terre ou de mer des États-Unis d'employer aucune des troupes placées sous leur commandement respectif pour rendre les fugitifs qui peuvent s'être soustraits aux personnes qui prétendent avoir droit de propriété sur leurs services ou leur travail, et tout officier qui sera déclaré coupable par une cour martiale d'avoir violé cet article, sera destitué. 

Section 2. Et qu'il soit en outre ordonné que cet acte aura, selon la teneur de ce passage, son plein et entier effet.

Qu'il soit fait également attention aux 9e et 10e sections d'un acte intitulé : Acte pour réprimer l'insurrection, pour punir la trahison et la rébellion, pour saisir et confisquer les biens des rebelles et pour toutes autres fins, approuvé le 17 juillet 1862. 

Voici la teneur des dites sections :

Section 9. Et qu'il soit de plus ordonné que tous les esclaves de personnes qui à l'avenir prendront part à la rébellion contre le gouvernement des États-Unis et qui la favoriseront en aucune manière, lesquels esclaves se soustrayant à ces personnes et se réfugiant dans les lignes de l'armée ; tous les esclaves enlevés à ces dites personnes venant se placer sous l'autorité du gouvernement des États-Unis, et tous les esclaves des dites personnes trouvés sur un point quelconque occupé par les forces rebelles, et ensuite occupé par les forces des États-Unis, seront considérés comme prises de guerre ; ils seront pour jamais affranchis de leur servitude et ne seront plus réputés esclaves. 

Section 10. Qu'il soit en outre ordonné que nul esclave s'échappant d'aucun des États et se réfugiant dans un autre État ou territoire ou dans le district de Colombie, ne sera livré , et qu'il ne sera mis aucun obstacle à sa liberté, si ce n'est pour crime ou violation des lois, et à moins que celui qui réclamera le fugitif ne prouve qu'il est son légitime propriétaire, et que dans la révolte actuelle il n'a point porté les armes contre les États-Unis, et qu'il n'a pas non plus en aucune façon favorisé la rébellion. 

Qu'il soit ordonné que nulle personne au service de terre ou de mer des États-Unis ne devra, sous quelque prétexte que ce soit, prendre sur elle de décider de la validité du droit d'un individu quelconque au service ou au travail de tout autre, ni livrer qui que ce soit au réclamant, sous peine d'être destitué. 

Et j'enjoins par la présente et j'ordonne à toutes les personnes au service militaire et naval des États-Unis d'obéir à l'acte et aux sections ci-dessus relatés, de les observer et de les faire observer dans la sphère de leurs attributions respectives. 

Et le pouvoir exécutif recommandera en temps convenable que tous les citoyens des États-Unis qui leur seront restés fidèles pendant tout le cours de cette rébellion soient, au rétablissement des relations constitutionnelles entre les États-Unis et leurs États et peuples respectifs, si ces relations ont été répandues et troublées, dédommagés de toutes pertes par actes des États-Unis, y compris les pertes d'esclaves. 

En foi de quoi j'ai apposé ma signature et fait mettre le sceau des États-Unis.

Abraham Lincoln.

Fait en la cité de Washington, ce 22e jour de septembre, en l'an de Notre-Seigneur 1862 et de l'indépendance des États-Unis le 87e.


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Jean-Pierre Maury