Grands traités politiques


Traité d'Utrecht

Traité de paix et d'amitié entre la France et la Grande-Bretagne

Date : 31 mars/11 avril 1713.
Objet : Traité de paix et d'amitié entre la France et la Grande-Bretagne pour conclure la guerre de Succession d'Espagne.

[Les traités d'Utrecht mettent fin à la guerre de Succession d'Espagne, provoquée par le testament du roi Charles II en faveur du prince Philippe, petit-fils de Louis XIV. Guillaume III, craignant l'ouverture de l'empire colonial espagnol au commerce français, forme une coalition réunissant l'Angleterre, les Provinces-Unies et l'Empire qui soutient d'abord les prétentions de l'archiduc Charles de Habsbourg. Mais ce dernier parvenant au trone impérial, l'Angleterre accepte de reconnaître Philippe comme roi d'Espagne, à la condition essentielle que les couronnes de France et d'Espagne fussent à jamais séparées, selon les stipulations de l'article 6 du traité ci-dessous. Louis XIV renonce à plusieurs parties de l'empire français d'Amérique, l'Acadie notamment (voir la carte).
L'Angleterre obtient aussi de l'Espagne Gibraltar et Minorque.
L'original du texte est en latin et en français.]


D'autant qu'il a plu à Dieu tout-puissant et miséricordieux, pour la gloire de son saint nom, et pour le salut du genre humain, d'inspirer en son temps aux Princes le désir réciproque d'une réconciliation qui fît cesser les malheurs qui désolent la terre depuis si longtemps, qu'il soit notoire à tous, et à un chacun à qui il appartiendra, que par la direction de la providence divine, le sérénissime et très-puissant Prince Louis XIV, par la grâce de Dieu Roy T.C. de France et de Navarre, et la sérénissime et très-puissante Princesse Anne, par la grâce de Dieu, Reine de la Grande-Bretagne, remplis du désir de procurer (autant qu'il est possible à la prudence humaine de le faire) une tranquillité perpétuelle à la chrétienté, et portés par la considération de l'intérest de leurs sujets, sont enfin demeurés d'accord de terminer cette guerre, si cruelle par le grand nombre de combats, si funeste par la quantité du sang chrétien qu'on y a versée, laquelle, après s'être malheureusement allumée il y a plus de dix ans, a toujours continué depuis avec opiniâtreté. Leurs susdites majestés, afin de poursuivre un projet si digne d'elles, ont nommé et constitué de leur propre mouvement, et par le soin paternel qu'elles ont de leurs sujets et pour la chrétienté, leurs ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires respectifs, sçavoir : S.M.T.C. les très-nobles, illustres et excellents seigneurs Nicolas, marquis d'Huxelles, maréchal de France, chevalier de ses ordres et lieutenent général du duché de Bougogne, et Nicolas Mesnager, chevalier de l'ordre du Roi de Saint-Michel ; et la sacrée Majesté de la Grande-Bretagne, le très-révérend Jean, par la permission divine évêque de Bristol, garde du sceau privé, membre du conseil privé de S.M., comme aussi le très-noble, très-illustre et très-excellent seigneur Thomas, comte de Strafford, vicomte de Wenworth, etc. ; son ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire vers les hauts puissants seigneurs les Etats généraux des Provinces-unies des Pays-Bas, etc. ; et ont muni lesdits ambassadeurs extraordinaires de pleins et amples pouvoirs pour traiter, convenir et conclure une paix ferme et stable. C'est purquoi les susdits ambassadeurs, après diverses et graves consultations dans le congrez qui s'est tenu à Utrecht à cette fin, ayant enfin surmonté, sans l'intervention d'aucun médiateur, tous les obstacles qui s'opposaient à l'accomplissement d'un dessein si salutaire, et après avoir demandé à Dieu qu'il daignât conserver à jamais leur ouvrage entier et inviolable, et qu'il en fît ressentir le fruit à la postérité la plus reculée, et s'être communiqué respectivement leurs pleins pouvoirs, dont les copies seront insérées de mot à mot à la fin du présent traité, et en avoir duement fait l'échange, ils sont convenus des conditions de paix et d'amitié réciproques entre leurs susdites majestez et leurs peuples et sujets comme il s'ensuit.

Article 1.

Il y aura une paix universelle et perpétuelle, une vraye et sincère amitié entre le sérénissime et très-puissant Prince Louis XIV, Roy très-chrétien et la sérénissime et très-puissante Princesse Anne, Reine de la Grande-Bretagne, leurs héritiers et successeurs, leurs royaumes, états et sujets, tant en dedans qu'au dehors de l'Europe ; cette paix sera inviolablement observée entre eux si religieusement et sincèrement qu'ils feront mutuellement tout ce qui pourra contribuer au bien, à l'honneur et à l'avantage l'un de l'autre, vivant en tout comme de bons voisins et avec une telle confiance et si réciproque que cette amitié soit de jour en jour fidellement cultivée, affermie, et augmentée.

Article 2.

Toutes inimitiez, hostilitez, guerres et discordes entre le Roi très-chrétien et ladite Reine de la Grande-Bretagne et pareillement entre leurs sujets, cesseront et demeureront éteintes et abolies, en sorte qu'ils éviteront soigneusement à l'avenir de se faire de part ni d'autre aucun tort, injure ou préjudice, et qu'ils s'abstiendront de s'attaquer, piller, troubler, ou inquiéter en quelque manière que ce soit, par terre, par mer ou autre eaux, dans tous les endroits du monde, et particulièrement dans toute l'étendue des royaumes, terres et seigneuries dudit Roy et de ladite Reine sans aucune exception.

Article 3.

Tous les torts, dommages, injures, offenses que ledit Roy T.C. et ladite Reine de la Grande-Bretagne et leurs sujets auront soufferts et receus les uns des autres pendant cette guerre, seront absolument oubliez ; et leurs Majestez et leurs sujets, pour quelque cause ou occasion que ce puisse être, ne feront désormais, ni commanderont, ou ne souffriront qu'il soit réciproquement fait de part ni d'autre, aucun acte d'hostilité ou injustice, trouble ou préjudice, de quelque nature ou manière que ce puisse être, par autruy ou par soi-même, en public ou en secret, directement ou indirectement, par voye de fait ou sous prétexte de justice.

Article 4.

Et pour affermir de plus en plus l'amitié fidelle et inviolable qui est établie par cette paix, et pour prévenir tous prétextes de défiance qui pourraient naistre, en quelque temps que ce soit, à l'occasion de l'ordre et droit de succession héréditaire établie dans le royaume de la G.B. de la manière qu'elle a été limitée par les loix de la G.B. tant sous le règne du Roy Guillaume III de très-glorieuse mémoire, que sous le présent règne de ladite Reine, en faveur de ses descendants, et au défaut d'iceux, en faveur de la sérénissime Princesse Sophie, douairière de Brunswick Hanover, et ses héritiers dans la ligne protestante d'Hanover ; et afin que cette succession demeure ferme et stable, le Roy T.C. reconnaist sincèrement et solennellement ladite succession au royaume de la G.B. limitée comme dessus, et déclare et promet en foy et parole de Roy, tant pour luy que pour ses héritiers et successeurs, de l'avoir pour agréable à présent et à toujours, engageant à cet effet son honneur et celuy de ses successeurs, promettant en outre sur le même foy et parole de Roy et sur le même engagement d'honneur, tant pour lui que pour ses héritiers et successeurs, de ne reconnaistre jamais qui que ce soit pour Roy ou Reine de la G.B., si ce n'est ladite Reine et ses successeurs selon l'ordre de ladite limitation ; et afin de donner encore plus de force à cette reconnaissance et promesse, le Roy T.C. promet que luy et ses successeurs et héritiers apporteront tous leurs soins pour empêcher que la personne qui du vivant du Roy Jacques II avait pris le titre de Prince de Galles, et au décès dudit Roy celui de Roy de la G.B., et qui depuis peu est sortie volontairement du royaume de France pour aller demeurer ailleurs, ne puisse y rentrer, ni dans aucune des provinces de ce Royaume, en quelque temps et sous quelque prétexte que ce puisse être.

Article 5.

Le Roy T.C. promet de plus tant en son nom que pour ses héritiers et successeurs, de ne jamais troubler, ni molester la Reine de la G.B., ses héritiers et successeurs, issus de la ligne protestante, qui posséderont la couronne de la G.B. et les Etats qui en dépendent ; et de ne donner, ni luy, ni aucun de ses successeurs, directement ou indirectement, par terre ou par mer, en argent, armes, munitions, appareils de guerre, vaisseaux, soldats, matelots, en quelque manière et en quelque temps que ce soit, aucune assistance, secours, faveur ni conseil à aucune personne ou personnes quelles qu'elles puissent être qui, sous quelque prétexte que ce soit, voudraient s'opposer à l'avenir à ladite succession soit ouvertement ou en fomentant des séditions et formant des conjurations contre tel Prince ou Princes qui en vertu des actes du parlement occuperont le trosne de la G.B., ou contre le Prince ou la Princesse en faveur de qui ladite succession à la couronne de la G.B. sera ouverte par lesdits actes du parlement.

Article 6.

D'autant que la guerre, que la présente paix doit éteindre, a été allumée principalement, parce que la seureté et la liberté de l'Europe ne pouvaient absolument souffrir que les couronnes de France et d'Espagne fussent réunies sur une même teste, et que sur les instances de Sa Majesté Britannique et du consentement tant de S.M.T.C. que de S.M. Cath. ont est enfin parvenu, par un effet de la providence divine, à prévenir ce mal pour tous les temps à venir, moïennant des renonciations conçues dans la meilleure forme, et faites en la manière la plus solennelle dont la teneur suit ci-après...
(S'ensuivent ici les actes concernant les renonciations réciproques du Roy Philippe d'une part, et de M. le Duc de Berry et de M. le Duc d'Orléans de l'autre, etc.)
Etant suffisamment pourvû par le renonciation ci relative, laquelle doit être éternellement une loi inviolable et toujours observée, à ce que le Roy catholique, ni aucun Prince de sa postérité puisse jamais aspirer ni parvenir à la couronne de France ; et d'un autre costé les renonciations réciproques à la couronne d'Espagne faites par la France, ainsi que les autres actes qui établissent la succession héréditaire à la couronne de France, lesquelles tendent à une même fin, ayant aussi suffisamment pourvu à ce que les couronnes de France et d'Espagne demeurent séparées et désunies, de manière que, les sudites renonciations, et les autres transactions qui les regardent, subsistant dans leur vigueur et étant conservées de bonne foi, ces couronnes ne pourront jamais être réunies, ainsi le sérénissime Roy T.C. et la sérénissime Reine de la G.B. s'engagent solemnellement et par parole de Roy, l'un à l'autre, qu'eux ni leurs héritiers et successeurs ne feront jamais rien, ni ne permettront que jamais il soit rien fait capable d'empêcher les renonciations et autres transactions susdites d'avoir leur plein et entier effet ; au contraire leurs Majestez Royales prendront un soin sincère et feront leurs efforts, afin que rien ne donne atteinte à ce fondement du salut public, ni ne puisse l'ébranler : en outre S.M.T.C. demeure d'accord et s'engage que son intention n'est pas de tâcher d'obtenir, ni même d'accepter à l'avenir, que, pour l'utilité de ses sujets, il soit rien changé, ni innové dans l'Espagne ni dans l'Amérique espagnole, tant en matière de commerce qu'en matière de navigation, aux usages pratiquez en ces païs sous le règne du feu Roy d'Espagne Charles II, non plus que de procurer à ses sujets dans les susdits païs aucun avantage qui ne soit pas accordé de même dans toute son étendue aux autres peuples et nations lesquelles y négotient.

Article 7.

La navigation et le commerce seront libres entre les sujets de leurs dites Majestés, de même qu'ils l'ont toujours été en temps de paix, et avant la déclaration de la dernière guerre, et particulièrement de la manière dont on est convenu entre les deux nations pour un Traité de commerce aujourd'hui conclu.

Article 8.

Les voyes de la justice ordinaire seront ouvertes et le cours en sera libre réciproquement dans tous les royaumes, terres et seigneuries de l'obéissance de leurs Majestez, et leurs sujets de part et d'autre pourront librement y faire valoir leurs droits, actions et prétentions, suivant les loix et statuts de chaque païs.

Article 9.

Le Roy T.C. fera raser toutes les fortifications de la ville de Dunkerque, combler le port, ruiner les écluses, qui servent au nétoiement dudit port, le tout à ses dépends et dans le terme de cinq mois après la paix conclue et signée, scavoir : les ouvrages de mer dans l'espace de deux mois, et ceux de terre avec lesdites écluses dans les trois suivants, à condition encore que lesdites fortifications, ports et écluses ne pourront jamais être rétablis, laquelle démolition toutefois ne commencera qu'après que le Roy T.C. aura été mis en possession généralement de tout ce qui doit être cédé en équivalent de la susdite démolition.

Article 10.

Le Roy très-chrétien restituera au royaume et à la Reine de la G.B. pour les posséder en plein droit et à perpétuité, la baye et le détroit d'Hudson, avec toutes les terres, mers, rivages, fleuves et lieux qui en dépendent, et qui y sont situés, sans rien excepter de l'étendue desdites terres et mers possédées présentement par les François, le tout aussi bien que tous les édifices et forts construits, tant avant que depuis que les François s'en sont rendus maîtres, seront délivrés de bonne foy en leur entier, et en l'état où ils sont présentement sans en rien démolir, avec toute l'artillerie, boulets, la quantité de poudre, proportionnée à celle des boulets (si elle s'y trouve), et autres choses servant à l'artillerie, à ceux des sujets de la Reine de la G.B., munis de ses commissions pour les demander et recevoir, dans l'espace de six mois, à compter du jour de la ratification de présent Traité, ou plus tôt si faire se peut, à condition toutefois qu'il sera permis à la compagnie de Québec et à tous autres sujets quelconques du Roy T.C. de se retirer desdites terres et détroits, par terre ou par mer, avec tous leurs biens, marchandises, armes, meubles et effets de quelque nature ou espèce qu'ils soient, à la réserve de ce qui a été excepté cy dessus. Quant aux limites entre la baye d'Hudson et les lieux appartenant à la France, on est convenu réciproquement qu'il sera nommé incessamment des commissaires de part et d'autre, qui les détermineront dans le terme d'un an, et il ne sera pas permis aux sujets des deux nations de passer lesdites limites pour aller les uns aux autres, ni par mer, ni par terre. Les mêmes commissaires auront le pouvoir de régler pareillement les limites entre les autres colonies françaises et britanniques dans ces païs là.

Article 11.

Le Roy très-chrétien fera donner une juste et équitable satisfaction aux intéressez de la compagnie anglaise de la baye d'Hudson, des pertes et dommages qu'ils peuvent avoir soufferts pendant la paix, de la part de la nation française par des courses ou déprédations tant en leurs personnes que dans leurs colonies, vaisseaux et autres biens, dont l'estimation sera faite par des commissaires qui seront nommés à la réquisition de l'une ou l'autre des parties, les mêmes commissaires prendront connaissance des plaintes qui pourront être faites, tant de la part des sujets de la G.B. touchant les vaisseaux pris par les François durant la paix, et des dommages qu'ils pourront avoir soufferts l'année dernière dans l'Isle de Monserrat ou autre, que de la part des sujets de la France touchant les capitulations faites dans l'isle de Névis et au fort de Gambie, et des vaisseaux françois qui pourraient avoir été pris par les sujets de la G.B. en temps de paix et toutes autres contestations de cette nature meues entre les deux nations, et qui n'ont point encore été réglées ; et il en sera fait de part et d'autre bonne et prompte justice.

Article 12.

Le Roy T.C. fera remettre à la Reine de la G.B. le jour de l'échange des ratifications du présent traité de paix, des lettres et actes authentiques qui feront foi de la cession faite à perpétuité à la Reine et à la couronne de la G.B. de l'isle de Saint-Christophe que les sujets de Sa Majesté B. désormais posséderont seuls, de la nouvelle Ecosse autrement dite Acadie, en son entier conformément à ses anciennes limites, comme aussi de la ville de Port-Royal, maintenant appelée Annapolis-Royale, et généralement de tout ce qui dépend desdites terres et isles de ce païs là, avec la souveraineté, propriété, possession et tous droits acquis par traitez ou autrement que le Roi T.C., la couronne de France ou ses sujets quelconques ont eus jusqu'à présent sur lesdits isles, terres, lieux et leurs habitants, ainsi que le Roi T.C. cède et transporte le tout à ladite Reine et à la couronne de la G.B., et cela d'une manière et d'une forme si ample qu'il ne sera pas permis à l'avenir aux sujets du Roy T.C. d'exercer la pêche dans lesdites mers, bayes, et autres endroits à trente lieues près des costes de la nouvelle Ecosse, au Sud-Est en commençant par l'isle appelée vulgairement de Sable inclusivement et en tirant au Sud-Ouest.

Article 13.

L'isle de Terreneuve, avec les isles adjacentes, appartiendront désormais et absolument à la G.B., et à cette fin le Roy T.C. fera remettre à ceux qui se trouveront à ce commis en ce païs là, dans l'espace de sept mois à compter du jour de l'échange des ratifications de ce Traité, ou plus tôt si faire se peut, la ville et le fort de Plaisance, et autres lieux que les François pourraient encore posséder dans ladite isle sans que ledit Roy T.C., ses héritiers et successeurs, ou quelques-uns de ses sujets, puissent désormais prétendre quoi que ce soit, et en quelque temps que ce soit, sur ladite isle et les isles adjacentes, en tout ou en partie. Il ne leur sera pas permis non plus d'y fortifier aucun lieu, ni d'y établir aucune habitation en façon quelconque, si ce n'est des échafauts et cabanes nécessaires et usités pour sécher le poisson, ni aborder dans ladite isle dans d'autres temps que celui qui est propre pour pêcher et nécessaire pour sécher le poisson. Dans ladite isle, il ne sera pas permis auxdits sujets de la France de pêcher et de sécher le poisson en aucune autre partie que depuis le lieu appelé Cap-de-Bona-Vista, jusqu'à l'extrémité septentrionale de ladite isle, et de là en suivant la partie occidentale jusqu'au lieu appelé Pointe-Riche. Mais l'isle dite Cap-Breton, et toutes les autres quelconques, situées dans l'embouchure et dans le golphe de Saint-Laurent, demeureront à l'avenir à la France, avec l'entière faculté au Roy T.C. d'y fortifier une ou plusieurs places.

Article 14.

Il a esté expressément convenu que dans tous les lieux et colonies qui doivent être cédées ou restituées en vertu de ce Traité par le Roy T.C., les sujets dudit Roy auront la liberté de se retirer ailleurs dans l'espace d'un an avec tous leurs effets mobiliaires, qu'ils pourront transporter où il leur plaira. Ceux néanmoins qui voudront y demeurer et rester sous la domination de la G.B. doivent jouir de l'exercice de la religion catholique romaine, en tant que le permettent les loix de la G.B.

Article 15.

Les habitants du Canada et autres sujets de la France, ne molesteront point à l'avenir les cinq nations ou cantons des Indiens soumis à la G.B., ni les autres nations de l'Amérique amies de cette couronne. Pareillement, les sujets de la Grande-Bretagne se comporteront pacifiquement envers les Américains amis ou sujets de la France, et les uns et les autres jouiront d'une pleine liberté de se fréquenter pour le bien du commerce, et avec la même liberté les habitants de ces régions pourront visiter les colonies françoises et britanniques pour l'avantage réciproque du commerce sans aucune molestation, ni empêchement de part ni d'autre. Au surplus, les commissaires règleront exactement et distinctement, quels seront ceux qui seront ou devront être conservés sujets et amis de la France et de la Grande-Bretagne.

Article 16.

Toutes les lettres, tant de représailles que de marque et de contremarque qui ont été déclarées jusqu'à présent pour quelque cause et occasion que ce puisse être, demeureront et seront réputées nulles, inutiles et sans effet, et, à l'avenir, aucune desdites Majestés n'en délivrera de semblables contre les sujets de l'autre, s'il n'apparaist auparavant d'un délay ou d'un dény de justice manifeste, ce qui ne pourra être tenu pour constant à moins que la requête de celuy qui demandera des lettres de représailles n'ait été apportée ou représentée au ministre ou ambassadeur qui sera dans le païs de la part du Prince contre les sujets duquel on poursuivra lesdites lettres, afin que, dans l'espace de quatre mois, il puisse s'éclaircir du contraire, ou faire en sorte que le deffendeur satisfasse incessament le demandeur ; et s'il ne se trouve sur le lieu aucun ministre ou ambassadeur du Prince contre les sujets duquel on demandera lesdites lettres, lui ne les expédiera encore qu'après quatre mois expirez, à compter du jour où la requeste de celuy qui demandera lesdites lettres aura été présentée au Prince contre les sujets duquel on les demandera, où à son conseil privé.

Article 17.

D'autant que dans les articles de la suspension d'armes conclue le 11 aoust et prorogée ensuite pour quatre mois entre les parties contractantes, il est expressément stipulé en quels cas les vaisseaux, marchandises et autres effets pris de part et d'autre, doivent demeurer à celui qui s'en est rendu maistre, ou être restituez à leur premier propriétaire, il a été convenu que, dans lesdits cas, les conditions de la suspension d'armes demeureront en toute vigueur, et que tout ce qui concernera ces sortes de prises faites, soit dans les mers britanniques et septentrionale ou partout ailleurs, sera exécuté de bonne foy selon leur teneur.

Article 18.

Que s'il arrivait par hazard, inadvertance ou autre cause quelle qu'elle puisse être, qu'aucun des sujets desdites Majestez fît ou entreprît quelque chose, par terre, par mer ou autres eaux, en quelque lieu du monde que ce soit, qui pût contrevenir au présent traité, et en empêcher l'entière exécution, ou de quelqu'un de ses articles en particulier, la paix et bonne correspondance rétablie entre ledit Roy T.C. et ladite Reine de la G.B. ne sera pas troublée, ni censée interrompue à cette occasion, et elle demeurera toujours au contraire en son entière et première force et vigueur ; mais seulement celuy desdits sujets qui l'aura troublée, répondra de son fait particulier, et en sera puni conformément aux loix et suivant les règles établies par le droit des gens.

Article 19.

Et s'il arrivait aussi (ce qu'à Dieu ne plaise) que les mésintelligences et inimitiez éteintes par cette paix, se renouvelassent entre leurs dites Majestez et qu'elles en vinssent à une guerre ouverte, tous les vaisseaux, marchandises et effets mobiliaires des sujets de l'une des parties qui se trouveront engagez dans les ports et lieux de la domination de l'autre n'y seront point confisqués, ni en aucune façon endommagés. Mais l'on donnera aux sujets desdites Majestez le terme de six mois entiers à compter du jour de la rupture, pendant lesquels ils pourront, sans qu'il leur soit donné aucun trouble ni empêchement, vendre, enlever et transporter où bon leur semblera, leurs biens de la nature cy-dessus exprimée et tous leurs autres effets, et se retirer eux-mêmes.

Article 20.

Il sera donné à tous et à chacun des hauts alliez de la Reine de la G.B. une satisfaction juste et équitable, sur ce qu'ils peuvent demander légitimement à la France.

Article 21.

Le Roy T.C. en considération de la Reine de la G.B. consentira que dans le traité à faire avec l'empire, tout ce qui regarde dans ledit empire l'état de la religion, soit conforme à la teneur des traitez de Westphalie, en sorte qu'il paraisse manifestement que l'intention de Sa Majesté T.C. n'est point et n'a point esté, qu'il y ait rien de changé auxdits traitez.

Article 22.

Le Roy T.C. promet encore qu'il fera incessament après la paix faite, faire droit à la famille d'Hamilton au sujet du duché de Châtelleraut, au duc de Richemont sur les prétentions qu'il a en France, comme au seigneur Charles Douglas touchant quelques terres en fonds qu'il répète, et à d'autres particuliers.

Article 23.

Du consentement réciproque du Roy T.C. et de la Reine de la G.B., les sujets de part et d'autre faits prisonniers pendant la guerre, seront remis en liberté sans distinction et sans rançon, en payant les dettes qu'ils auront contractées durant leur captivité.

Article 24.

Le traité de paix signé aujourd'huy entre Sa Majesté T.C. et Sa Majesté Portugaise fera partie du présent traité, comme s'il estait inséré icy mot à mot ; Sa Majesté la Reine de la G.B. déclarant qu'elle a offert sa garantie, laquelle elle donne dans les formes les plus solennelles, pour la plus exacte observation et exécution de tout le contenu dans ledit traité.

Article 25.

Le traité de paix de ce jourd'huy entre Sa Majesté T.C. et son Altesse Royale de Savoye est spécialement compris et confirmé par le présent, comme partie essentielle d'iceluy, et comme si ledit traité estait inséré icy mot à mot, Sa Majesté la Reine de la G.B. s'engageant expressément aux mêmes promesses de maintenance et de garantie stipulées par ledit traité ou celles par elle cy-devant promises.

Article 26.

Le Sérénissime Roy de Suède, ses royaumes, territoires, provinces et droits, comme aussi le grand duc de Toscane, la république de Gennes et duc de Parme, sont inclus dans ce traité dans la meilleure manière.

Article 27.

Leurs Majestez ont aussi bien voulu comprendre dans ce traité les villes Anséatiques, nommément Lubeck, Brême et Hambourg, et la ville de Dantzick, à cet effet, qu'après que la paix générale aura été faite, elles puissent jouir à l'avenir, comme amis communs, des mêmes émoluments dans le commerce avec l'un et l'autre royaume dont ils ont cy-devant joui en vertu des traitez ou usages.

Article 28.

Seront en outre compris dans le présent Traité de paix, ceux qui avant l'échange des ratifications qui en seront fournies, ou dans l'espace de six mois après, seront nommes à cet effet de part et d'autre, et dont on conviendra réciproquement.

Article 29.

Enfin les ratifications solennelles du présent traité, expédiées en bonne et due forme, seront rapportées ou échangées de part et d'autre à Utrecht, dans l'espace de quatre semaines, ou plus tôt s'il est possible, à compter du jour de la signature.

Article 30.

En foy de quoy, nous soussignez ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires du Roy T.C. et de la Reine de la G.B., avons apposé nos sceaux au présent acte signé de nos propres mains.

A Utrecht le 11e jour d'avril 1713.

UXELLES.
MESNAGER.
JEAN BRISTOL.
C.P.S. STRAFFORD.


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Jean-Pierre Maury