Traité de paix entre la France et la Russie
(Tilsit, 7 juillet 1807)
Après Austerlitz, l'Autriche doit signer le traité de Presbourg et renoncer au Saint-Empire, mais les autres puissances, auxquelles se joint la Prusse, continuent le combat (Quatrième coalition). La Prusse est vaincue à Iéna (14 octobre 1867) et la Russie à Friedland (14 juin 1807). Les deux pays signent la paix à Tilsit, les 7 et 9 juillet 1807, après la fameuse rencontre entre Napoléon et Alexandre sur le Niémen.
Sources : de Clercq, Recueil des traités de la France, Paris, 1880, tome 2, p. 207.
Voir le traité de Tilsit entre la France et la Prusse.
S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin et S. M. l'Empereur de toutes les Russies, étant animés d'un égal désir de mettre fin aux calamités de la guerre, ont, à cet effet, nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir :
S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, Protecteur de la Confédération du Rhin, M. Charles-Maurice Talleyrand, Prince de Bénévent, son Grand-Chambellan et Ministre des Relations Extérieures, grand-cordon de la Légion d'honneur, chevalier grand-Croix des ordres de l'Aigle noir et de l'Aigle rouge de Prusse, et de Saint-Hubert.
Et S. M. l'Empereur de toutes les Russies, M. le Prince Alexandre Kourakin, son Conseiller privé actuel, membre du Conseil d'État, Sénateur Chancelier de tous les ordres de l'Empire, Chambellan actuel, Ambassadeur Extraordinaire et Ministre Plénipotentiaire de S. M. l'Empereur de toutes les Russies près S. M. l'Empereur d'Autriche, et chevalier des ordres de Russie, de Saint-André, de Saint-Alexandre, de Sainte-Anne de première classe, et de Saint-Wolodimir de la première classe, de l'Aigle-Noir et de l'Aigle-Rouge de Prusse, de Saint-Hubert de Bavière, du Danebrog et de l'Union parfaite de Danemark, et bailli-grand-croix de l'ordre souverain de Saint-Jean de Jérusalem.
Et M. le Prince Dimitry Labanoff de Rostoff, lieutenant-général des armées de S. M. l'Empereur de toutes les Russies, chevalier des ordres de Saint-Anne de la première classe, de l'ordre militaire de Saint-Georges, et de l'ordre de Wolodimir de la troisième classe.
Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, sont convenus des articles suivants :
Article premier.
Il y aura, à compter du jour de l'échange des ratifications du présent traité, paix et amitié parfaite entre S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, et S. M. l'Empereur de toutes les Russies.
Article 2.
Toutes les hostilités cesseront immédiatement, de part et d'autre, sur terre et sur mer, dans tous les points où la nouvelle de la signature du présent traité sera officiellement parvenue. Les Hautes Parties Contractantes la feront porter, sans délai par des courriers extraordinaires, à leurs généraux et commandants respectifs.
Article 3.
Tous les bâtiments de guerre ou autres appartenant à l'une des Parties Contractantes ou à leurs sujets respectifs, qui auraient été pris postérieurement à la signature du Présent traité, seront restitués, ou, en cas de vente, le prix en sera restitué.Article 4.
S. M. l'Empereur Napoléon, par égard pour S. M. l'Empereur de toutes les Russies, et voulant donner une preuve du désir sincère qu'il a d'unir les deux nations par les liens d'une confiance et d'une amitié inaltérables, consent à restituer à S. M. le Roi de Prusse, allié de S. M. l'Empereur de toutes les Russies, tous les pays, villes et territoires conquis et dénommés ci-après, savoir :
La partie du Duché de Magdebourg située à la droite de l'Elbe : la Marche de Prignitz, l'Uker-Marck, la moyenne et la nouvelle Marche de Brandebourg, à l'exception du Cotbuser-kreys, ou cercle de Cotbus, dans la Basse-Lusace, lequel devra appartenir à S. M. le Roi de Saxe ; le Duché de Poméranie ; la haute, la basse et la nouvelle Silésie, avec le Comté de Glatz ; la partie du district de la Netze, située au Nord de la chaussée allant de Driesen à Schneidemühl, et d'une ligne allant de Schneidemühl à la Vistule par Waldau, en suivant les limites du cercle de Bromberg, la navigation par la rivière de Netze et le canal de Bromberg, depuis Driesen jusqu'à la Vistule, et réciproquement, devant être libre et franche de tout péage ; la Pomérélie, l'île de Nogat, les pays à la droite du Nogat et de la Vistule, à l'ouest de l'ancienne Prusse et au nord du cercle de Culm ; l'Ermeland, et enfin le Royaume de Prusse, tel qu'il était au 1er janvier 1772, avec les places de Spandau, Stettin, Custrin, Glogau, Breslau, Schweidnitz, Neiss, Brieg, Kesel et Glatz, et généralement toutes les places, citadelles, châteaux et forts des pays ci-dessus dénommés, dans l'état où lesdites places, citadelles, châteaux et forts se trouvent maintenant, et, en outre, la ville et la citadelle de Graudentz.
Article 5.
Les provinces qui, au 1er janvier 1772, faisaient partie de l'ancien Royaume de Pologne, et qui ont passé depuis, à diverses époques, sous la domination prussienne, seront, à l'exception des pays qui sont nommés ou désignés au précédent article, et de ceux qui sont spécifiés en l'article 9 ci-après, possédés en toute propriété et souveraineté par S. M. le Roi de Saxe, sous le titre de Duché de Varsovie, et régies par des constitutions qui, en assurant les libertés et les privilèges des peuples de ce Duché, se concilient avec la tranquillité des États voisins.Article 6.
La ville de Dantzick, avec un territoire de deux lieues de rayon autour de son enceinte, sera rétablie dans son indépendance, sous la protection de S. M. le Roi de Prusse et de S. M. le Roi de Saxe et gouvernée par les lois qui la régissaient à l'époque où elle cessa de se gouverner elle-même.Article 7.
Pour les communications entre le Royaume de Saxe et le Duché de Varsovie, S. M. le Roi de Saxe aura le libre usage d'une route militaire à travers les possessions de S. M. le Roi de Prusse. Ladite route, le nombre des troupes qui pourront y passer à la fois, et les lieux d'étapes, seront déterminés par une convention spéciale faite entre leurs dites Majestés, sous la médiation de la France.Article 8.
S. M. le Roi de Prusse, S. M. le Roi de Saxe, ni la ville de Dantzick ne pourront empêcher par aucune prohibition, ni entraver par l'établissement d'aucun péage, droit ou impôt, de quelque nature qu'ils puissent être, la navigation de la Vistule.
Article 9.
Afin d'établir, autant qu'il est possible, des limites naturelles entre la Russie et le duché de Varsovie, le territoire circonscrit par la partie des frontières Russes actuelles, qui s'étend depuis le Bug jusqu'à l'embouchure de la Lossosna, et par une ligne partant de ladite embouchure et suivant le thalweg de cette rivière, le thalweg de la Bobra jusqu'à son embouchure, le thalweg de la Narew, depuis le point susdit jusqu'à Suratz, de la Liza jusqu'à sa source près le village de Mien, de l'affluent de la Nurzeck, prenant sa source près le même village, de la Nurzeck, jusqu'à son embouchure au-dessus de Nurr, et enfin le thalweg du Bug, en le remontant jusqu'aux frontières russes actuelles, sera réuni, à perpétuité, à l'Empire de Russie.
Article 10.
Aucun individu de quelque classe et condition qu'il soit, ayant son domicile ou des propriétés dans le territoire spécifié en l'article précédent, ne pourra, non plus qu'aucun individu domicilié, soit dans les provinces de l'Ancien Royaume de Pologne qui doivent être restituées à S. M. le Roi de Prusse, soit dans le Duché de Varsovie, mais ayant en Russie des biens-fonds, rentes, pensions ou revenus, de quelque nature qu'ils soient, être frappé dans sa personne, dans ses biens, rentes, pensions et revenus de tout genre, dans son rang et ses dignités, ni poursuivi ni recherché en aucune façon quelconque, pour aucune part, ou politique ou militaire, qu'il ait pu prendre aux événements de la guerre présente.
Article 11.
Tous les engagements et toutes les obligations de S. M. le Roi de Prusse, tant envers les anciens possesseurs, soit de charges publiques, soit de bénéfices ecclésiastiques, militaires ou civils qu'à l'égard des créanciers et des pensionnaires de l'ancien Gouvernement de Pologne, restent à la charge de S. M. l'Empereur de toutes les Russies et de S. M. le Roi de Saxe, dans la proportion de ce que chacune de leurs dites Majestés acquiert par les articles 5 et 9, et seront acquittés pleinement, sans restriction, exception ni réserve aucune.
Article 12.
LL. AA. SS. les Ducs de Saxe-Cobourg, d'Oldenbourg et de Mecklenbourg-Schwerin, seront remis chacun dans la pleine et paisible possession de ses États ; mais les ports des Duchés d'Oldenbourg et de Mecklenbourg continueront d'être occupés par des garnisons françaises jusqu'à l'échange des ratifications du futur traité de paix définitive entre la France et l'Angleterre.
Article 13.
S. M. l'Empereur Napoléon accepte la médiation de S. M. l'Empereur de toutes les Russies, à l'effet de négocier et conclure un traité de paix définitive entre la France et l'Angleterre, dans la supposition que cette médiation sera aussi acceptée par l'Angleterre, un mois après l'échange des ratifications du présent traité.
Article 14.
De son côté, S. M. l'Empereur de toutes les Russies, voulant prouver combien il désire établir entre les deux empires les rapports les plus intimes et les plus durables, reconnaît S. M. Le Roi de Naples, Joseph Napoléon, et S. M. le Roi de Hollande, Louis Napoléon.
Article 15.
S. M. l'Empereur de toutes les Russies reconnaît pareillement la Confédération du Rhin, l'état actuel de possession de chacun des Souverains qui la composent, et les titres donnés à plusieurs d'entr'eux soit par l'acte de Confédération, soit par les traités d'accessions subséquents. Sadite Majesté promet de reconnaître, sur les notifications qui lui seront faites de la part de S. M. l'Empereur Napoléon, les Souverains qui deviendront ultérieurement membres de la Confédération, en la qualité qui leur sera donnée par les actes qui les y feront entrer.
Article 16.
S. M. l'Empereur de toutes les Russies, cède, en toute propriété et souveraineté, à S. M. le Roi de Hollande, la Seigneurie de Jever dans l'Ost-Frise.
Article 17.
Le présent traité de paix et d'amitié est déclaré commun à LL. MM. les Rois de Naples et de Hollande, et aux Souverains Confédérés du Rhin, Alliés de S. M. l'Empereur Napoléon.
Article 18.
S. M. l'Empereur de toutes les Russies reconnaît aussi S. A. I. le Prince Jérôme Napoléon comme Roi de Westphalie.Article 19.
Le Royaume de Westphalie sera composé des provinces cédées par S. M. le Roi de Prusse à la gauche de l'Elbe, et d'autres États actuellement possédés par S. M. l'Empereur Napoléon.
Article 20.
S. M. l'Empereur de toutes les Russies promet de reconnaître la disposition qui, en conséquence de l'article 19 ci-dessus et des cessions de S. M. le Roi de Prusse, sera faite par S. M. l'Empereur Napoléon (laquelle devra être notifiée à S. M. l'Empereur de toutes les Russies), et l'état de possession en résultant pour les Souverains au profit desquels elle aura été faite.
Article 21.
Toutes les hostilités cesseront immédiatement, sur terre et sur mer, entre les forces de S. M. l'Empereur de toutes les Russies et celles de Sa Hautesse, dans tous les points où la nouvelle de la signature du présent traité sera officiellement parvenue. Les Hautes Parties Contractantes la feront porter, sans délai, par des courriers extraordinaires, pour qu'elle parvienne, le plus promptement possible, aux généraux et commandants respectifs.
Article 22.
Les troupes Russes se retireront des Provinces de Valachie et de Moldavie, mais lesdites provinces ne pourront être occupées par les troupes de Sa Hautesse jusqu'à l'échange des ratifications du futur traité de paix définitive entre la Russie et la Porte-Ottomane.
Article 23.
S. M. l'Empereur de toutes les Russies accepte la médiation de S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, à l'effet de négocier et conclure une paix avantageuse et honorable aux deux Empires. Les plénipotentiaires respectifs se rendront dans le lieu dont les parties intéressées conviendront, pour y ouvrir et suivre les négociations.
Article 24.
Les délais dans lesquels les H. P. C. devront retirer leurs troupes des lieux qu'elles doivent quitter en conséquence des stipulations ci-dessus, ainsi que le mode d'exécution des diverses clauses que contient le présent traité, seront fixés par une convention spéciale.
Article 25.
S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, et S. M. l'Empereur de toutes les Russies se garantissent mutuellement l'intégrité de leurs possessions et de celles des Puissances comprises au présent traité de paix, telles qu'elles sont maintenant ou seront en conséquence des stipulations ci-dessus.
Article 26.
Les prisonniers de guerre faits par les Parties Contractantes ou comprises au présent traité de paix, seront rendus réciproquement sans échange et en masse.
Article 27.
Les relations de commerce entre l'Empire Français, le Royaume d'Italie, les Royaumes de Naples et de Hollande, et les États Confédérés du Rhin, d'une part, et d'autre part, l'Empire de Russie, seront rétablies sur le même pied qu'avant la guerre.
Article 28.
Le cérémonial des deux Cours des Tuileries et de Saint-Pétersbourg entre elles et à l'égard des Ambassadeurs, Ministres et Envoyés qu'elles accréditeront l'une près de l'autre, sera établi sur le principe d'une réciprocité et d'une égalité parfaites.
Article 29.
Le présent Traité sera ratifié par S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie et par S. M. l'Empereur de toutes les Russies. L'échange des ratifications aura lieu dans cette ville dans le délai de quatre jours.
Fait à Tilsit le 7 Juillet 1807.
Charles Maurice Talleyrand, Prince de Bénévent.
Le Prince Alexandre Kourakin.
Le Prince Dimitry Labanoff de Rostoff.
Articles séparés et secrets.
(A défaut d'un texte dont nous puissions garantir l'authenticité, nous croyons devoir nous borner à reproduire ici l'analyse des 5 articles séparés et secrets qui complètent le traité de Tilsit [de Clercq])
Art. 1er. Stipule la remise aux troupes françaises du pays connu sous le nom de Cattaro.
Art. 2. Les 7 Iles (Ioniennes) seront possédées en toute propriété et souveraineté par l'Empereur Napoléon.
Art. 3. L'empereur Napoléon consent à ne point rechercher les sujets de la Sublime-Porte, prévenus d'avoir pris part à des hostilités contre lui. Il promet en outre, en cas de réunion du Hanovre au Royaume de Westphalie, de restituer à la Prusse sur la rive gauche de l'Elbe un territoire peuplé de 3 à 400 000 habitants (le duché de Magdebourg).
Art. 4. L'Empereur Alexandre s'engage à reconnaître Joseph Napoléon comme Roi de Sicile. Cette reconnaissance aura lieu aussitôt que Ferdinand IV aura reçu une indemnité, telle que les Iles Baléares ou l'île de Candie ou toute autre de même valeur.
Art. 5. Fixe les traitements annuels et viagers dont devront jouir, ainsi que leurs épouses, plusieurs princes souverains dépossédés de leurs États, les chefs des Maisons de Hesse-Cassel, Brunswick, Wolfenbuttel et Nassau-Orange.
Retour à la liste des traités.