Grande Guerre


Les alliances.

Accords entre l'Autriche-Hongrie, la Grande-Bretagne et l'Italie.

    À la fin du XIXe siècle, à la suite de la crise amorcée par les troubles en Herzégovine en 1875, continuée par le traité de San Stefano, mais circonscrite et achevée par le Congrès de Berlin, en 1878, les Puissances centrales forment un réseau d'alliances pour « assurer le maintien de l'ordre social et politique dans leurs États respectifs ».
    L'Allemagne et l'Autriche-Hongrie concluent d'abord, le 7 octobre 1879, une solide alliance, la Duplice, dirigée contre la Russie et la France, qui les lie jusqu'en 1914. 
Les deux pays forment ensuite la Triple Alliance ou Triplice avec l'Italie, le 20 mai 1882, alors que l'Italie craint un conflit avec la France en Afrique du Nord. Cet accord conclu initialement pour cinq ans est confirmé en 1887, avec un traité italo-autrichien relatif à une action concertée dans les Balkans et la mer Égée, et un traité italo-allemand dirigé contre la France. Il est renouvelé et précisé le 6 mai 1891, puis, dans les mêmes termes, le 28 juin 1902 et enfin le 5 décembre 1912. Enfin, une convention maritime (23 juin et 2 août 1913) prévoit les moyens nécessaires pour des opérations communes des trois Puissances en Méditerranée en 1914.
    Des accords avec la Roumanie,
le 30 octobre 1883, renouvelés le 13/25 juillet 1892, le 30 septembre 1896, le 17 avril 1902 et le 5 février 1913, permettent de former une Quadruplice. L'Alliance est aussi étendue à la Serbie le 16/28 juin 1881, confirmée le 7/19 mars 1889, prévoyant l'extension du territoire serbe en Macédoine ; et à l'Espagne, en ce qui concerne les questions nord-africaines, le 4 mai 1887.
    Cependant, par le Traité des 3-Empereurs, le 18 juin 1881, elles tentent de concilier les ambitions russes et autrichiennes dans les Balkans. Mais en 1887,  tandis que l'Autriche s'entend avec l'Italie et la Grande-Bretagne (mars et décembre 1887) pour l'indépendance et l'intégrité de l'Empire ottoman et le statu quo en Méditerranée, le traité de réassurance ne lie que l'Allemagne et la Russie. Les ambitions opposées de l'Autriche, de la Russie et bientôt de l'Italie dans les Balkans ruinent ainsi l'édifice de la diplomatie allemande : Après la démission de Bismarck en 1890, le nouvel empereur, Guillaume II, choisit définitivement l'Autriche et tente de se rapprocher de la Grande-Bretagne. La Russie, isolée, se tourne alors vers la France ; en Serbie, à la suite de la révolution de 1903, le nouveau gouvernement recherche la protection de la Russie et de la France ; et l'Italie comme la Roumanie refusent d'entrer en guerre en 1914, puis s'engagent du côté de l'Entente, l'Italie, le 24 mai 1915, et la Roumanie le 27 août 1916.

   
Les intentions des trois puissances sont exprimées d'abord dans des lettres italienne et britannique du 12 février puis par trois lettres du 24 mars. L'accord est conclu sous la forme d'un échange de notes identiques entre les trois gouvernements, concernant le maintien du statu quo en Orient, des 12 et 16 décembre 1887. Il vise clairement la Russie.

Sources :  Nouveau recueil général de traités, continuation du Grand Recueil de Martens, tome X, Leipzig, 1920, p. 26 et 41.


I. Note du 12 février 1887.

Le soussigné ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. le Roi d'Italie a reçu de son gouvernement l'ordre de porter à la connaissance de S. E. le Marquis de Salisbury, principal secrétaire d'État de S. M. Britannique pour les affaires étrangères, ce qui suit :

Le Gouvernement de S. M. le Roi, animé du désir d'établir avec celui de S. M. la reine une entente sur diverses questions concernant leurs intérêts, est d'avis que ce but pourrait être atteint par l'adoption des bases suivantes :

1° On maintiendra autant que possible le statu quo dans la Méditerranée ainsi que dans l'Adriatique, la mer Egée et la mer Noire.

On aura par conséquent soin de surveiller et au besoin d'empêcher tout changement qui, sous la forme d'annexion, occupation, protectorat ou d'une toute autre manière quelconque, porterait atteinte à la situation actuelle au détriment des deux puissances.

2° Si le maintien du statu quo devient impossible, on fera en sorte qu'il ne se produise une modification quelconque qu'à la suite d'un accord préalable entre les deux puissances.

3° L'Italie est toute prête à appuyer l'oeuvre de la Grande-Bretagne en Égypte. La Grande-Bretagne à son tour est disposée à appuyer, en cas d'envahissements de la part d'une tierce puissance, l'action de l'Italie sur tout autre point quelconque du littoral nord d'Afrique et notamment dans la Tripolitaine et la Cyrenaïque.

4° En général et pour autant que les circonstances le comporteront, l'Italie et l'Angleterre se promettent appui mutuel dans la Méditerranée pour tout différend qui surgirait entre l'une d'elles et une tierce puissance.

En exprimant la confiance que ces bases recevront l'assentiment du Gouvernement de S. M. la Reine, le soussigné saisit etc.

II.

A Son Excellence Monsieur le Marquis de Salisbury.

Londres, le 12 décembre 1887.

A la suite de l'entente établie entre les Gouvernements de S. M. l'Empereur d'Autriche, Roi de Hongrie et de L. L. M. M. la Reine du royaume uni de la Grande Bretagne et d'Irlande et le Roi d'Italie par l'échange de notes opéré à Londres le mois de mars 1887, le Gouvernement de S. M. I. et R. A. est tombé d'accord avec le Gouvernement de l'Italie de proposer au Gouvernement de la Grande Bretagne l'adoption des points suivants, destinés à confirmer les principes établis par l'échange de notes précité, et à préciser l'attitude commune des trois puissances en prévision des éventualités qui pourraient se produire en Orient.

1°. Maintien de la paix et exclusion de toute politique agressive.

2°. Maintien du status quo en Orient fondé sur les traités à l'exclusion de toute politique de compensation.

3°. Maintien des autonomies locales établies par ces mêmes traités.

4°. Indépendance de la Turquie gardienne d'intérêts européens importants (indépendance du khalifat, liberté des détroits etc.) de toute influence étrangère prépondérante.

5°. Par conséquent la Turquie ne peut ni céder, ni déléguer ses droits suzerains sur la Bulgarie à une autre puissance, ni intervenir pour y établir une administration étrangère, ni tolérer des actes de coercition entrepris dans ce dernier but, sous forme soit d'occupation militaire soit d'envoi de volontaires. De même la Turquie, constituée par les traités gardienne des détroits, ne pourrait non plus céder aucune portion de ses droits souverains, ni déléguer ses pouvoirs à une autre puissance en Asie Mineure.

6°. Désir des trois puissances de s'associer la Turquie pour la défense commune de ces principes.

7°. En cas de résistance de la Turquie à des entreprises illégales, telles qu'elles se trouvent indiquées dans l'article 5, les trois puissances se mettront aussitôt d'accord sur les mesures à prendre pour faire respecter l'indépendance de l'empire ottoman et l'intégrité de son territoire, telles qu'elles sont consacrées par les traités antérieurs.

8°. Si cependant la conduite de la Porte de l'avis des trois puissances prenait le caractère de complicité ou de connivence avec une pareille entreprise illégale, les trois puissances se considéreront comme justifiées par les traités existants à procéder, soit conjointement, soit séparément à l'occupation provisoire par leurs forces de terre ou de mer de tels points

du territoire ottoman qu'elles reconnaîtront d'accord nécessaire d'occuper à l'effet d'assurer les buts déterminés par les traités antérieurs.

9°. L'existence et le contenu du présent accord entre les trois puissances ne devront être révélés à la Turquie ni à d'autres puissances qui n'en auraient déjà été informées sans le consentement antérieur de toutes et de chacune des trois puissances susdites.

Le soussigné ambassadeur extraordinaire et ministre plénipotentiaire de S. M. I. et R. A. a été chargé par son gouvernement de signer la présente note et de l'échanger contre une note analogue du gouvernement de S. M. Britannique.

Le soussigné saisit cette occasion pour renouveler à S. Exe. monsieur le Marquis de Salisbury, principal secrétaire d'état pour les affaires étrangères de S. M. la Reine, l'expression de sa plus haute considération.

(Signé) Kàrolyi.

[La note britannique est signée : Salisbury. La note italienne : Nigra.]


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Jean-Pierre Maury