Traité initial d'alliance signé à Vienne, le 20 mai 1882, entre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie et l'Italie.
Version modifiée signée à Berlin le 6 mai 1891.
Ratification échangées le 17 mai 1991.
Accord renouvelé le 28 juin 1902 avec correspondance donnant les mains libres à l'Italie en Tripolitaine et Cyrénaïque.
Renouvelé le 5 décembre 1912
À la fin du XIXe siècle, à la suite de la crise amorcée par les troubles en Herzégovine en 1875, continuée par le traité de San Stefano, mais circonscrite et achevée par le Congrès de Berlin, en 1878, les Puissances centrales forment un réseau d'alliances pour « assurer le maintien de l'ordre social et politique dans leurs États respectifs ».
L'Allemagne et l'Autriche-Hongrie concluent d'abord, le 7 octobre 1879, une solide alliance, la Duplice, dirigée contre la Russie et la France, qui les lie jusqu'en 1914. Les deux pays forment ensuite la Triple Alliance ou Triplice avec l'Italie, le 20 mai 1882, alors que l'Italie craint un conflit avec la France en Afrique du Nord. Cet accord conclu initialement pour cinq ans est confirmé en 1887, avec un traité italo-autrichien relatif à une action concertée dans les Balkans et la mer Égée, et un traité italo-allemand dirigé contre la France. Il est renouvelé et précisé le 6 mai 1891, puis, dans les mêmes termes, le 28 juin 1902 et enfin le 5 décembre 1912. Enfin, une convention maritime (23 juin et 2 août 1913) prévoit les moyens nécessaires pour des opérations communes des trois Puissances en Méditerranée en 1914.
Des accords avec la Roumanie, le 30 octobre 1883, renouvelés le 13/25 juillet 1892, le 30 septembre 1896, le 17 avril 1902 et le 5 février 1913, permettent de former une Quadruplice. L'Alliance est aussi étendue à la Serbie le 16/28 juin 1881, confirmée le 7/19 mars 1889, prévoyant l'extension du territoire serbe en Macédoine ; et à l'Espagne, en ce qui concerne les questions nord-africaines, le 4 mai 1887.
Cependant, par le Traité des 3-Empereurs, le 18 juin 1881, elles tentent de concilier les ambitions russes et autrichiennes dans les Balkans. Mais en 1887, tandis que l'Autriche s'entend avec l'Italie et la Grande-Bretagne (mars et décembre 1887) pour l'indépendance et l'intégrité de l'Empire ottoman et le statu quo en Méditerranée, le traité de réassurance ne lie que l'Allemagne et la Russie. Les ambitions opposées de l'Autriche, de la Russie et bientôt de l'Italie dans les Balkans ruinent ainsi l'édifice de la diplomatie allemande : Après la démission de Bismarck en 1890, le nouvel empereur, Guillaume II, choisit définitivement l'Autriche et tente de se rapprocher de la Grande-Bretagne. La Russie, isolée, se tourne alors vers la France ; en Serbie, à la suite de la révolution de 1903, le nouveau gouvernement recherche la protection de la Russie et de la France ; et l'Italie comme la Roumanie refusent d'entrer en guerre en 1914, puis s'engagent du côté de l'Entente, l'Italie, le 24 mai 1915, et la Roumanie le 27 août 1916.
Sources : Documents , Paris, Imprimerie nationale, 1919. Nouveau recueil général de traités, continuation du Grand Recueil de Martens, tome X, Leipzig, 1920, p. 48.
I.
L. L. M. M. l'Empereur d'Autriche, Roi de Bohème etc. et Roi Apostolique de Hongrie, l'Empereur d'Allemagne, Roi de Prusse, et le Roi d'Italie fermement résolus d'assurer à leurs états la continuation des bienfaits que leur garantit, au point de vue politique aussi bien qu'au point de vue monarchique et social, le maintien de la Triple Alliance, et voulant dans ce but prolonger la durée de cette alliance conclue le 20 mai 1882 et renouvelée, une première fois déjà, par les traités du 20 février 1887 dont l'échéance était fixée au 30 mai 1892 ont, à cet effet, nommé comme leurs plénipotentiaires, savoir:
S. M. l'Empereur d'Autriche. Roi de Bohème etc. et Roi Apostolique de Hongrie : le sieur Emeric Comte Széchényi de
Sàrvari Felsö-Vidék, chambellan et conseiller intime actuel, son ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire près S. M. l'Empereur d'Allemagne, Roi de Prusse,
S. M. l'Empereur d'Allemagne, Roi de Prusse : le sieur Léon de Caprivi, général d'infanterie, chancelier de l'empire, son président du conseil des ministres de Prusse,
S. M. le Roi d'Italie : le sieur Édouard Comte de Launay, son ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire près S. M. l'Empereur d'Allemagne, Roi de Prusse,
lesquels, après échange de leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :
Article I.
Les hautes parties contractantes se promettent mutuellement paix et amitié et n'entreront dans aucune alliance ou engagement dirigé contre l'un de leurs États.
Elles s'engagent à procéder à un échange d'idées sur les questions politiques et économiques d'une nature générale qui pourraient se présenter et se promettent en outre leur appui mutuel dans la limite de leurs propres intérêts.
Article II.
Dans le cas où l'Italie, sans provocation directe de sa part, serait attaquée par la France pour quelque motif que ce soit, les deux autres parties contractantes seront tenues à prêter à la partie attaquée secours et assistance avec toutes leurs forces.
Cette même obligation incombera à l'Italie dans le cas d'une agression non directement provoquée de la France contre l'Allemagne.
Article III.
Si une ou deux des hautes parties contractantes, sans provocation directe de leur part, venaient à être attaquées et à se trouver engagées dans une guerre avec deux ou plusieurs grandes puissances non-signataires du présent traité, le casus foederis se présentera simultanément pour toutes les hautes parties contractantes.
Article IV.
Dans le cas où une grande puissance non signataire du présent traité menacerait la sécurité des états de l'une des hautes parties contractantes et la partie menacée se verrait par là forcée de lui faire la guerre, les deux autres s'obligent à observer à l'égard de leur allié une neutralité bienveillante. Chacune se réserve dans ce cas la faculté de prendre part
à la guerre, si elle le jugeait à propos pour faire cause commune avec son allié.
Article V.
Si la paix de l'une des hautes parties contractantes venait à être menacée dans les circonstances prévues par les articles précédents, les hautes parties contractantes se concerteront en temps utile sur les mesures militaires à prendre en vue d'une coopération éventuelle.
Elles s'engagent dès à présent, dans tous les cas de participation commune à une guerre, à ne conclure ni armistice, ni paix, ni traité que d'un commun accord entre elles.
Article VI.
L'Allemagne et l'Italie, n'ayant en vue que le maintien, autant que possible, du statu quo territorial en Orient, s'engagent à user de leur influence pour prévenir, sur les côtes et îles ottomanes dans la mer Adriatique et dans la mer Egée, toute modification territoriale qui porterait dommage à l'une ou à l'autre des puissances signataires du présent traité.
Elles se communiqueront, à cet effet, tous les renseignements de nature à s'éclairer mutuellement sur leurs propres dispositions, ainsi que sur celles d'autres puissances.
Article VII.
L'Autriche-Hongrie et l'Italie, n'ayant en vue que le maintien, autant que possible, du statu quo territorial en Orient, s'engagent à user de leur influence pour prévenir toute modification territoriale qui porterait dommage à l'une ou à l'autre des puissances signataires du présent traité. Elles se communiqueront, à cet effet, tous les renseignements de nature
à s'éclairer mutuellement sur leurs propres dispositions, ainsi que sur celles d'autres puissances.
Toutefois dans le cas, où, par suite des événements, le maintien du statu quo dans les régions des Balkans ou des côtes et îles ottomanes dans l'Adriatique et dans la mer Egée deviendrait impossible, et que soit en conséquence de l'action d'une puissance tierce soit autrement, l'Autriche-Hongrie ou l'Italie se verraient dans la nécessité de le modifier par une occupation temporaire ou permanente de leur part, cette occupation n'aura lieu qu'après un accord préalable entre les deux puissances, basé sur le principe d'une compensation réciproque pour tout avantage, territorial ou autre que chacune d'elles obtiendrait en sus du statu quo actuel, et donnant satisfaction aux intérêts et aux prétentions bien fondées des deux parties.
Article VIII.
Les stipulations des articles VI et VII ne s'appliqueront d'aucune manière à la question égyptienne au sujet de laquelle les hautes parties contractantes conservent respectivement leur liberté d'action, eu égard toujours aux principes sur lesquels repose le présent traité.
Article IX.
L'Allemagne et l'Italie s'engagent à s'employer pour le maintien du statu quo territorial dans les régions nord-africains sur la Méditerranée à savoir la Cyrénaïque, la Tripolitaine et la Tunisie. Les représentants des deux puissances dans ces régions auront pour instruction de se tenir dans la plus étroite intimité de communications et assistance mutuelles.
Si malheureusement, en suite d'un mûr examen de la situation l'Allemagne et l'Italie reconnaissaient l'une et l'autre que le maintien du statu quo devenait impossible, l'Allemagne s'engage, après un accord formel et préalable, à appuyer l'Italie en toute action sous la forme d'occupation ou autre prise de garantie que cette dernière devrait entreprendre dans ces mêmes régions en vue d'un intérêt d'équilibre et de légitime compensation.
Il est entendu que pour pareille éventualité les deux puissances chercheraient à se mettre également d'accord avec l'Angleterre.
Article X.
S'il arrivait que la France fît acte d'étendre son occupation ou bien son protectorat ou sa souveraineté, sous une forme quelconque, sur les territoires nord- africains, et qu'en conséquence de ce fait l'Italie crût devoir, pour sauvegarder sa position dans la Méditerranée, entreprendre elle-même une action sur les dits territoires nord-africains ou bien recourir
sur le territoire français en Europe aux mesures extrêmes, l'état de guerre qui s'ensuivrait entre l'Italie et la France constituerait ipso facto, sur la demande de l'Italie, et à la charge commune de l'Allemagne et de l'Italie, le casus foederis prévu par les articles II et V du présent traité, comme si pareille éventualité y était expressément visée.
Article XI.
Si les chances de toute guerre entreprise en commun contre la France par les deux puissances amenaient l'Italie à rechercher des garanties territoriales à l'égard de la France, pour la sécurité des frontières du royaume et de sa position maritime, ainsi qu'en vue de la stabilité de la paix, l'Allemagne n'y mettra aucun obstacle, et au besoin, et dans une mesure compatible avec les circonstances, s'appliquera à faciliter les moyens d'atteindre un semblable but.
Article XII.
Les hautes parties contractantes se promettent mutuellement le secret sur le contenu du présent traité.
Article XIII
Les puissances signataires se réservent d'y introduire ultérieurement sous forme de protocole et d'un commun accord, les modifications dont l'utilité serait démontrée par les circonstances.
Article XIV.
Le présent traité restera en vigueur pour l'espace de six ans à partir de l'échange des ratifications ; mais s il n'avait pas été dénoncé un an à l'avance par l'une ou l'autre des hautes parties contractantes, il restera en vigueur pour la même durée de six autres années.
Article XV.
Les ratifications du présent traité seront échangées à Berlin, dans un délai de quinze jours ou plus tôt si faire se peut.
En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs ont signé le présent traité, et y ont apposé le cachet de leurs armes.
Fait à Berlin, en triple exemplaire, le sixième jour du mois de mai mil huit cent quatre-vingt-onze.
(L. S.) Széchényi.
(L. S.) v. Caprivi.
(L. S.) Launay.
Protocole.
Au moment de procéder à la signature du traité de ce jour entre l'Autriche-Hongrie, l'Allemagne et l'Italie, les plénipotentiaires soussignés de ces trois puissances, à ce dûment autorisée se déclarent mutuellement ce qui suit :
1° Sauf réserve d'approbation parlementaire pour les stipulations effectives qui découleraient de la présente déclaration de principe les hautes parties contractantes se promettent, dès ce moment, en matière économique (finances, douanes, chemins de fer) en sus du traitement de la nation la plus favorisée, toutes les facilités et tous les avantages particuliers
qui seraient compatibles avec les exigences de chacun des trois états et avec leurs engagements respectifs avec les tierces puissances.
2° L'accession de l'Angleterre étant déjà acquise, en principe, aux stipulations du traité de ce jour qui concernent l'Orient, proprement dit, à savoir les territoires de l'empire ottoman, les hautes parties contractantes s'emploieront au moment opportun, et pour autant que les circonstances le comporteraient, à provoquer une accession analogue à l'égard des territoires nord-africains de la partie centrale et occidentale de la Méditerranée, le Maroc compris. Cette accession pourrait se réaliser moyennant acceptation, de la part de l'Angleterre, du programme établi aux articles IX et X du traité de ce jour.
En foi de quoi les trois plénipotentiaires ont signé, en triple exemplaire, le présent protocole.
Fait à Berlin, le sixième jour du mois de mai mil huit cent quatre-vingt-onze.
Széchényi.
v. Caprivi.
Launay.
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