Grande Guerre


Les alliances.

L'alliance anglo-japonaise.

Traité signé à Londres, le 30 janvier 1902.
Traité signé à Londres, le 12 août 1905.

    À la fin du XIXe siècle, à la suite de la crise amorcée par les troubles en Herzégovine en 1875, continuée par le traité de San Stefano, mais circonscrite et achevée par le Congrès de Berlin, en 1878, les Puissances centrales forment un réseau d'alliances pour « assurer le maintien de l'ordre social et politique dans leurs États respectifs ».
    L'Allemagne et l'Autriche-Hongrie concluent d'abord, le 7 octobre 1879, une solide alliance, la Duplice, dirigée contre la Russie et la France, qui les lie jusqu'en 1914. 
Les deux pays forment ensuite la Triple Alliance ou Triplice avec l'Italie, le 20 mai 1882, alors que l'Italie craint un conflit avec la France en Afrique du Nord. Cet accord conclu initialement pour cinq ans est confirmé en 1887, avec un traité italo-autrichien relatif à une action concertée dans les Balkans et la mer Égée, et un traité italo-allemand dirigé contre la France. Il est renouvelé et précisé le 6 mai 1891, puis, dans les mêmes termes, le 28 juin 1902 et enfin le 5 décembre 1912. Enfin, une convention maritime (23 juin et 2 août 1913) prévoit les moyens nécessaires pour des opérations communes des trois Puissances en Méditerranée en 1914.
    Des accords avec la Roumanie,
le 30 octobre 1883, renouvelés le 13/25 juillet 1892, le 30 septembre 1896, le 17 avril 1902 et le 5 février 1913, permettent de former une Quadruplice. L'Alliance est aussi étendue à la Serbie le 16/28 juin 1881, confirmée le 7/19 mars 1889, prévoyant l'extension du territoire serbe en Macédoine ; et à l'Espagne, en ce qui concerne les questions nord-africaines, le 4 mai 1887.
    Cependant, par le Traité des 3-Empereurs, le 18 juin 1881, elles tentent de concilier les ambitions russes et autrichiennes dans les Balkans. Mais en 1887,  tandis que l'Autriche s'entend avec l'Italie et la Grande-Bretagne (mars et décembre 1887) pour l'indépendance et l'intégrité de l'Empire ottoman et le statu quo en Méditerranée, le traité de réassurance ne lie que l'Allemagne et la Russie. Les ambitions opposées de l'Autriche, de la Russie et bientôt de l'Italie dans les Balkans ruinent ainsi l'édifice de la diplomatie allemande : Après la démission de Bismarck en 1890, le nouvel empereur, Guillaume II, choisit définitivement l'Autriche et tente de se rapprocher de la Grande-Bretagne. La Russie, isolée, se tourne alors vers la France ; en Serbie, à la suite de la révolution de 1903, le nouveau gouvernement recherche la protection de la Russie et de la France ; et l'Italie comme la Roumanie refusent d'entrer en guerre en 1914, puis s'engagent du côté de l'Entente, l'Italie, le 24 mai 1915, et la Roumanie le 27 août 1916.

    À la suite de la montée sur le trône de Guillaume II et de la démission de Bismarck, le resserrement des liens entre l'Allemagne et l'Autriche, le rapprochement avec la Grande-Bretagne et le renouvellement de la Triple Alliance, conduisent la Russie et la France, également menacées, à se rapprocher, en dépit de l'absence d'affinités idéologiques. Dès 1888, la Russie emprunte sur le marché français, et obtient des armements en échange de blé. Une escadre française est accueillie triomphalement à Cronstadt le 25 juillet 1891, puis le ministre russe des affaires étrangères, de Giers, est accueilli en France pour des pourparlers qui établissent les fondements de l'Entente cordiale entre les deux pays. Défavorable à un traité formel, le Tsar propose un échange de lettres confirmant les vues diplomatiques communes des deux Gouvernements. Une convention militaire est proposée un an plus tard et ratifiée en décembre 1893.
    C'est au début du XXe siècle que la situation évolue favorablement pour les deux pays. L'entente cordiale entre la France et la Grande-Bretagne en 1904, les arrangements de 1907 conclus par la Grande-Bretagne avec la Russie, et son alliance avec le Japon, préparent la coalition qui se formera en 1914 contre les Puissances centrales.


    L'alliance anglo-japonaise, conclue le 30 janvier 1902, pour contrer les visées russes en Mandchourie, fait l'objet d'un nouvel accord le 12 août 1905,  alors que le Japon et la Russie sont en guerre. Les gouvernements français et russe sont aussitôt informés par le gouvernement britannique de la conclusion de ce nouvel accord « ayant des buts purement pacifiques ». L'alliance est renouvelée en 1911, et oblige le Japon à s'engager dans la Grande guerre, avant d'être rompue en 1921, par suite de l'opposition des États-Unis.

Sources : RGDIP, 1905, p. 258 et d 17.


I. Traité d'alliance du 30 janvier 1902.

Les gouvernements de la Grande-Bretagne et du Japon, poussés uniquement par le désir de maintenir le statu quo et la paix générale en Extrême-Orient, étant de plus spécialement intéressés à maintenir l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Empire chinois et de l'Empire de Corée et à favoriser également dans ces pays le commerce et l'industrie de toutes les nations, ont décidé ce qui suit :

Article premier.

Les Hautes Parties contractantes, ayant mutuellement reconnu l'indépendance de la Chine et de la Corée, déclarent qu'elles ne sont aucunement influencées par des tendances agressives dans aucun de ces deux pays. Ayant cependant en vue les intérêts spéciaux, dont ceux de la Grande-Bretagne se réfèrent principalement à la Chine, tandis que le Japon, outre les intérêts qu'il possède en Chine, est intéressé particulièrement, aussi bien politiquement que commercialement et industriellement en Corée, les Hautes Parties contractantes reconnaissent qu'il leur sera loisible de prendre telles mesures qui peuvent être indispensables pour sauvegarder ces intérêts s'ils sont menacés, ou par l'action agressive d'une autre puissance, ou par des troubles nés en Chine ou en Corée et nécessitant l'intervention de l'une ou de l'autre des Hautes Parties contractantes pour la protection de l'existence et des propriétés de ses sujets.

Article 2.

Si le Japon ou la Grande-Bretagne, pour défendre leurs intérêts respectifs, tels qu'ils sont décrits ci-dessus, est impliqué dans une guerre avec une autre puissance, l'autre Partie contractante gardera une stricte neutralité et emploiera ses efforts à empêcher les autres puissances de se joindre aux hostilités contre son allié.

Article 3.

Si, dans le cas ci-dessus, une autre puissance ou d'autres puissances se joignent aux hostilités contre cet allié, l'autre Partie contractante viendra à son secours et conduira la guerre en commun, fera la guerre en mutuel accord avec lui.

Article 4.

Les Hautes Parties contractantes sont d'accord que ni l'une ni l'autre d'entre elles n'entrera sans consulter l'autre, dans un arrangement spécial avec une autre puissance au préjudice des intérêts ci-dessus spécifiés.

Article 5.

Si, dans l'opinion du Japon ou de la Grande-Bretagne, les intérêts ci-dessus mentionnés étaient en danger, les deux gouvernements s'entendraient complètement et franchement.

Article 6.

Le présent accord viendra à effet aussitôt après la date de sa signature et demeurera en vigueur pendant cinq ans à partir de sa date. Dans le cas où ni l'une ni l'autre des Hauts Parties contractantes n'aurait notifié douze mois avant l'expiration desdites cinq années l'intention de le dénoncer, l'accord les liera jusqu'à l'expiration d'une année depuis le jour où l'une ou l'autre des Hautes Parties contractantes l'aura dénoncé. Mais si, quand la date fixée pour son expiration arrivera, l'un ou l'autre des alliés est actuellement engagé dans une guerre, l'alliance continuera ipso facto jusqu'à ce que la paix soit conclue.

En foi de quoi, les soussignés, dûment autorisés par leurs gouvernements respectifs, ont signé cet accord et y ont apposé leurs sceaux.

Fait en double, à Londres, le 30 janvier 1902.

Lansdowne.
Hayashi.


II. Traité du 12 août 1905

Les gouvernements de la Grande-Bretagne et du Japon, désireux de remplacer l'accord conclu entre eux, le 30 janvier 1902, par de nouvelles stipulations, ont accepté, d'un commun accord, les articles suivants, qui ont pour but :
a) Le raffermissement (consolidation) et le maintien de la paix générale dans les régions de l'Asie orientale et des Indes :
b) Le maintien des intérêts communs de toutes les Puissances en Chine, en assurant l'indépendance et l'intégrité de l'Empire chinois et le principe de l'égalité (equal opportunities) pour le commerce et pour l'industrie de toutes les nations en Chine ;
c) Le maintien des droits territoriaux des Hautes Parties contractantes dans les régions de l'Asie orientale et des Indes, et la défense de leurs intérêts spéciaux dans lesdites régions.

Article premier.

Il est convenu que, toutes les fois que la Grande-Bretagne ou le Japon croiront voir les intérêts plus haut cités en danger, les deux gouvernements s'en feront part en toute franchise et étudieront, d'un commun accord, les mesures à prendre pour sauvegarder lesdits intérêts.

Article 2.

Si, par suite d'une attaque ou d'une agression non provoquée d'une ou de plusieurs puissances quelconques, une des Hautes Parties contractantes se trouvait en état de guerre pour la défense de ses intérêts territoriaux ou d'un des intérêts spéciaux mentionnés dans le préambule ci-dessus, l'autre Partie contractante se portera immédiatement au secours de son alliée au titre de belligérante et ne signera la paix que d'un commun accord avec elle.

Article 3.

Le Japon ayant en Corée des intérêts prépondérants aux points de vue politique, militaire et économique, la Grande-Bretagne lui reconnaît le droit de prendre toutes dispositions de contrôle, de protection ou de direction qu'il jugera convenable de prendre pour sauvegarder ses intérêts dans la mesure où lesdites dispositions ne seront pas contraires au principe des facilités égales pour le commerce et l'industrie de toutes les nations.

Article 4.

La Grande-Bretagne ayant des intérêts tout particuliers sur toute la frontière des Indes, le Japon lui reconnaît le droit de prendre dans les environs de cette frontière telles mesures qu'elle jugera nécessaire pour la protection de ses possessions dans l'Inde.

Article 5.

Ni l'une ni l'autre des Hautes Parties contractantes ne conclura, sans consulter l'autre Partie contractante, avec une autre puissance quelconque des arrangements indépendants préjudiciables aux buts qu'expose le préambule de cet accord.

Article 6.

En ce qui concerne la guerre actuelle entre le Japon et la Russie, la Grande-Bretagne continuera de maintenir une stricte neutralité, à moins qu'une autre puissance quelconque ou d'autres puissances quelconques ne prennent part à des hostilités contre le Japon. Dans ce cas, la Grande-Bretagne viendra en aide au Japon, conduira la guerre de concert avec le Japon et fera la paix d'un commun accord avec le Japon.

Article 7.

Les conditions auxquelles l'une des deux puissances devra accorder à l'autre des secours militaires dans des circonstances auxquelles il est fait allusion dans cet accord, ainsi que les moyens par lesquels les secours devront être rendus disponibles, seront réglés par les autorités navales et militaires des Parties contractantes , qui se consulteront de temps en temps l'une l'autre, pleinement et librement, au sujet de toutes les questions ayant un intérêt commun.

Article 8.

Compte tenu des termes de l'article 6, l'accord actuel doit entrer en vigueur immédiatement après la date de sa signature et demeurera en vigueur pendant une période de dix ans à partir de cette date. Dans le cas où ni l'une ni l'autre des Hautes Parties contractantes n'aurait signalé, douze mois avant l'expiration desdites dix années, l'intention de le terminer, l'accord doit demeurer en vigueur jusqu'à l'expiration d'un an, à partir du jour où l'un ou l'autre des Hautes Parties contractantes l'aura dénoncé. Cependant, dans le cas où, au moment où la date fixée pour l'expiration sera arrivée, l'un ou l'autre des alliés sera en train de faire la guerre, l'alliance sera maintenue ipso facto jusqu'à conclusion de la paix.

En foi de quoi, les soussignés, autorisés par leurs gouvernements respectifs, ont signé cet accord et y ont apposé leurs sceaux.

Fait en double, à Londres, le douzième jour d'août 1905.

Lansdowne, principal secrétaire d'État de Sa Majesté britannique pour les affaires étrangères.

Tadasu Hayashi, Envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de Sa Majesté l'Empereur du Japon près la Cour de Saint-James.





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Jean-Pierre Maury