Grande Guerre.


Traité de Paix entre l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie d'une part, et la Roumanie, d'autre part.

(Bucarest, 7 mai 1918)
    La Grande Guerre, ouverte par le bombardement de Belgrade le 28 juillet 1914, un mois après l'attentat de Sarajevo, s'achève en 1918 par les armistices de Salonique avec la Bulgarie (29 septembre), de Moudros avec la Turquie (30 octobre), de Villa Giusti avec l'Autriche-Hongrie (3 novembre), de Rethondes avec l'Allemagne (11 novembre) et avec la convention de Belgrade avec la Hongrie (13 novembre).
    Les principaux traités de paix, qui ont mis fin à la Grande Guerre sont :
- le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 entre  les Puissances alliées et associées et l'Allemagne ;
- le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le 10 septembre 1919 entre les Puissances alliées et associées et l'Autriche ;
- le traité de Neuilly-sur-Seine, signé le 27 novembre 1919 entre les Puissances alliées et associées et la Bulgarie ;
- le traité de Trianon, signé le 4 juin 1920 entre les Puissances alliées et associées et la Hongrie ;

- le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Puissances alliées et associées et la Turquie, non ratifié et remplacé par le traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923.
    Des traités complémentaires sont signés par les Principales Puissances alliées avec les autres Puissances alliées, bénéficiaires de territoires transférés : Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie, État serbe-croate-slovène, Grèce, afin de confirmer la reconnaissance de l'indépendance du pays, de garantir les droits des minorités et d'assurer l'ouverture du pays au commerce international.

    Sur le front de l'Est européen, la Révolution russe permet à la guerre de s'interrompre plus tôt qu'à l'Ouest. L'Allemagne et ses alliés signent les traités de Brest-Litovsk avec l'Ukraine le 9 février 1918, et avec la Russie soviétique le 3 mars 1918 ; avec la Finlande, qui vient de se séparer de la Russie, le 7 mars 1918 ; puis, le traité de Bucarest avec la Roumanie, isolée, le 7 mai 1918. Mais la guerre se poursuit en Russie même avec les forces qui contestent le pouvoir soviétique, tandis que différents groupes nationaux proclament leur indépendance.
    La nouvelle République fédérative des soviets de Russie reconnaît ainsi l'indépendance de plusieurs nouveaux États et signe avec eux des traités de paix  : avec l'éphémère République socialiste finlandaise des travaileurs dès le 10 mars 1918 ; avec l'Estonie, le 2 février 1920 ; la Lituanie, le 12 juillet ; la Lettonie, le 11 août ; la Finlande, le 14 octobre 1920 ; et enfin la Pologne, le 18 mars 1921. Mais, elle parvient à établir des gouvernements soviétiques en Ukraine, en Biélorussie, en Géorgie, en Azerbaïdjan et en Arménie, et elle refuse de reconnaître le rattachement de la Bessarabie à la Roumanie.

    La Roumanie, après des pourparlers avec l'Entente, déclare la guerre à l'Autriche-Hongrie, le 27 août 1916, mais à la suite de la défaite russe et du traité de paix de Brest-Litovsk, isolée et occupée (elle dispose seulement de l'aide de la mission du général Berthelot), elle doit demander l'armistice (Buftéa, 5 mars) et accepter les conditions sévères d'un traité de paix, qui en fait un pays vassal des Empires centraux. Cependant, ceux-ci acceptent l'union à la Roumanie de la Bessarabie, qui vient de proclamer son indépendance à l'égard de la Russie (République moldave), le 24 janvier 1918 (deux jours après l'Ukraine), et demande l'Union avec la Roumanie, le 27 mars/9 avril suivant.
    Le traité ne fut jamais ratifié, seules ses dispositions politiques et militaires étant appliquées durant quelques mois, et la Roumanie reprit le combat le 31 octobre 1918, afin de figurer au rang des vainqueurs.

Sources : Revue générale de droit international public, 1919, Partie documentaire, p. 92-138. Le même jour sont signés un traité additionnel relatif au relations consulaires, aux dommages, aux relations juridiques, à l'amnistie, aux prises, etc. ; deux traités économiques avec l'Allemagne et l'Autriche-Hongrie ; deux traités avec l'Autriche et avec la Hongrie relatifs aux chemins de fer ; un traité relatif aux chantiers de Turn-Severin.



L'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie d'une part, et la Roumanie d'autre part, animées du désir de mettre fin à l'état de guerre entre elles et de rétablir les rapports amicaux de leurs sujets, dans le domaine politique. juridique et économique, ont décidé de transformer les préliminaires de paix signes, à Buftea le 6 mars 6 mars 1918, en un traité définitif. En conséquence, les plénipotentiaires des gouvernements des puissances sus-nommées, [liste]
se sont réunis à Bucarest, pour poursuivre les négociations de paix, et, après présentation de leurs pleins pouvoirs trouvés en bonne et due forme, sont tombés d'accord sur les stipulations suivantes :

Chapitre premier. Rétablissement de la paix et de l'amitié.

Article premier.

L'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie d'une part, et la Roumanie d'autre part, déclarent que l'état de guerre est terminé entre elles. Les parties contractantes sont décidées à vivre entre elles en paix et amitié.

Article 2.

Les relations diplomatiques et consulaires entre les parties contractantes seront rétablies aussitôt après la ratification du traité de paix. L'acceptation réciproque des consuls est réservée à des accords ultérieurs.

Chapitre II. Démobilisation des forces roumaines.

Article 3.

La démobilisation de l'armée roumaine, qui a déjà commencé, sera poursuivie immédiatement après la signature de la paix, selon les clauses contenues dans les articles 4 à 7.

Article 4.

Les services généraux de l'armée, les autorités supérieures du commandement et les institutions militaires seront maintenus comme il est prévu dans le dernier budget antérieur à la guerre.

Les divisions 11 à 15 continuent leur démobilisation, ainsi qu'il a été décidé dans l'accord de Focsani, du 8 mars 1918.

Des divisions roumaines portant les numéros 1 a 10, les deux divisions d'infanterie actuellement employées en Bessarabie restent sur le pied de guerre, ainsi que les bataillons de chasseurs provenant des divisions de chasseurs dissoutes, et les deux divisions de cavalerie de l'armée roumaine, jusqu'à ce que, par suite des opérations militaires conduites par les puissances alliées en Ukraine, il n'y ait plus de danger pour les frontières de la Roumanie.

Les huit autres divisions demeureront en Moldavie, avec un effectif de paix réduit, en conservant leurs états.majors et les cadres du commandement. Elles comprendront chacune 4 régiments d'infanterie, à 8 bataillons ; 2 régiments de cavalerie, à 4 escadrons ; 2 régiments d'artillerie de campagne, à 7 batteries ; un bataillon de pionniers, ainsi que les troupes techniques et le train des équipages nécessaires, dont les effectifs restent à déterminer par un accord ; le total de l'ensemble des troupes d'infanterie de ces huit divisions ne dépassera pas le chiffre de 20.000 hommes ; celui de la cavalerie 3.200 hommes. Toute l'artillerie de l'armée roumaine, non compris les divisions qui restent mobilisées, ne dépassera pas le chiffre de 9.000 hommes.

Les divisions qui restent mobilisées en Bessarabie devront, en cas de démobilisation, être ramenées aux mêmes effectifs de paix réduits que les huit divisions mentionnées au paragraphe 4.

Toutes les autres formations de l'armée roumaine, qui n'existaient pas en temps de paix, seront dissoutes.

La durée du service actif demeure la même qu'en temps de paix. Les réservistes, y compris les hommes des régiments de Calarasch, ne doivent pas être appelés pour accomplir des périodes, jusqu'à la conclusion de la paix générale.

Article 5.

Les canons, les mitrailleuses, les armes, les chevaux, les voitures et les munitions devenus disponibles par suite de la réduction ou de la dissolution des troupes roumaines seront, jusqu'à la conclusion de la paix générale, placés sous le commandement supérieur des forces militaires alliées des territoires roumains occupes, pour être gardés par lui. Ce matériel sera conservé et administré, sous la haute surveillance du commandement supérieur, par les troupes roumaines des dépôts.

Les munitions à laisser à l'armée roumaine de Moldavie sont fixées aux chiffres de 250 cartouches par fusil, de 2500 cartouches par mitrailleuse, et de 150 coups par canon.

L'armée roumaine est autorisée à échanger, d'accord avec le commandement supérieur des armées alliées, le matériel inutilisable dans les dépôts des territoires occupés, et à demander aux dépôts de munitions le remplacement des munitions consommées.

Les divisions restant mobilisées en Bessarabie reçoivent les munitions réglementaires pour l'état de guerre.

Article 6.

Les troupes roumaines démobilisées doivent rester en Moldavie, jusqu'à l'évacuation des territoires roumains occupés, exception faite pour les services et les effectifs, mentionnés à l'article 5, paragraphe 1, nécessaires à l'entretien des armes et du matériel déposés dans des territoires.
Les troupes démobilisées et les officiers de réserve peuvent retourner dans les territoires occupés, Les officiers de l'armée active et les officiers qui ont appartenu à cette armée ont besoin, pour retourner dans ces régions, de l'autorisation du commandement supérieur des forces militaires alliées.

Article 7.

Un officier de l'État-major général des puissances alliées est affecté avec un état-major au commandant en chef de l'armée roumaine de Moldavie ; un officier de l'État-major général roumain, avec un état-major, est affecté comme officier de liaison au commandement supérieur des forces alliées dans les territoires roumains occupés.

Article 8.

Les forces fluviales et navales roumaines conserveront leurs équipages et leur armement intacts, jusqu'à ce que la situation soit éclaircie en Bessarabie, et dans la mesure où ces équipages ne doivent pas être réduits, conformément à l'article 9. Ces forces devront ensuite être ramenées au pied de paix habituel.
Sont exceptées de cette mesure les forces fluviales nécessaires à la police du fleuve et les forces navales utilisables dans la mer Noire pour la protection de la navigation de commerce et pour l'établissement de routes navigables libres de mines. Aussitôt après la signature du traité de paix, ces forces fluviales seront, sur la base d'un accord spécial, mises à la disposition des organes chargés de la police du fleuve. La Commission navale technique de la mer Noire a le droit de disposer des forces navales. Un officier de marine roumain sera affecté à cette Commission, pour établir la liaison.

Article 9.

Tous les hommes des forces de terre et de mer, qui en temps de paix étaient employés dans les ports ou sur les navires, doivent être licenciés les première, lors de la démobilisation, afin de pouvoir être utilisés de nouveau dans leurs fonctions
antérieures.

Chapitre III. Cessions territoriales.

Article 10.

Les dispositions suivantes sont prises en ce qui concerne la Dobroudja que doit céder la Roumanie, conformément au paragraphe 1 des préliminaires de paix :

a) La Roumanie restitue à la Bulgarie le territoire bulgare qui lui était échu à la suite du traité de paix de Bucarest de 1913, avec une rectification de frontière en faveur de la Bulgarie, de telle sorte que la nouvelle frontière bulgare de la Dobroudja, marquée à l'encre rouge sur la carte annexée au traité, aura désormais le tracé suivant :  [ce tracé n'a jamais été établi et la disposition fut abrogé par le traité de Neuilly du 27 novembre 1919, qui rétablît la frontière antérieure : art. 27, 5°].

La carte mentionnée au début forme partie intégrante du traité de paix.

Une Commission constituée par les délégués des puissances alliées doit aussitôt après la signature du traité de paix fixer et marquer sur les lieux la nouvelle frontière de la Dobroudja. La frontière du Danube entre les territoires cédés à la Bulgarie et la Roumanie suit le thalweg du fleuve. Aussitôt après la signature du traité de paix, des stipulations détaillées seront établies entre les deux puissances pour la délimitation du thalweg. Le bornage se fera dans l'automne de 1918, au moment des basses eaux.

b) La Roumanie cède aux puissances alliées la partie de la Dobroudja située au Nord de la nouvelle ligne frontière décrite dans l'alinéa a) jusqu'au Danube et notamment entre le sommet du delta du fleuve et la mer Noire, jusqu'au bras de Saint.Georges.

La frontière du Danube entre les territoires cédés aux puissances alliées et la Roumanie est formée par le thalweg du fleuve. Aussitôt après la signature du traité de paix, les stipulations détaillées seront établies entre les puissances intéressées pour la délimitation du thalweg. Le bornage se fera dans l'automne de 1918, au moment des basses eaux.

Les puissances alliées auront soin que la Roumanie reçoive une route commerciale assurée vers la mer Noire par Cernavoda - Constanza.

Article 11.

La Roumanie consent à une rectification de sa frontière en faveur de l'Autriche-Hongrie, de telle sorte que la nouvelle frontière portée à l'encre rouge sur la carte annexée au traité ait désormais le tracé suivant : [ici encore ce tracé n'a jamais été établi et la disposition fut abrogée par le traité de Trianon du 4 juin 1920, ou par le traité de Saint-Germain du 10 septembre 1919, en ce qui concerne la Bukovine].

La carte mentionnée au début forme partie intégrante du traité de paix.

Deux Commissions mixtes, composées d'un nombre égal de délégués des puissances intéressées, devront aussitôt après la ratification du traité de paix fixer sur les lieux la nouvelle ligne frontière et procéder à son bornage.

Article 12.

Les biens de l'État dans les territoires roumains cédés, passent sans indemnité et sans charges aux États qui les acquièrent, en réservant cependant les droits privés sur ces régions. Aucune obligation d'aucune sorte ne résulte ni pour ces territoires eux-mêmes, ni pour les États qui les acquièrent du fait que ces territoires ont appartenu à la Roumanie.

Au surplus, les États auxquels reviennent les territoires cédés concluront avec la Roumanie des accords notamment sur les points suivants :
1) Dépendance au point de vue de la nationalité des anciens habitants roumains de ces territoires, en leur accordant en tous cas un droit d'option et le droit d'émigration ;
2) Attribution des biens des communes dont le territoire est partagé par tes nouvelles frontières ;
3) Attribution des archives, des actes judiciaires et administratifs, des tribunaux et des administrations, ainsi que des registres de l'état civil ;
4) Le régime des nouvelles frontières ;
5) Répercussion des modifications territoriales sur les circonscriptions des diocèses ;
6) Répercussion des modifications territoriales sur les traités politiques.

Après la signature du traité de paix, la Roumanie licenciera, sur leur demande, les officiers et les hommes originaires des territoires cédés et leur permettra de retourner dans leurs foyers.

Chapitre IV. Indemnité de guerre.

Article 13.

Les parties contractantes renoncent réciproquement au remboursement de leurs frais de guerre, c'est-à-dire des dépenses faites par l'État pour les opérations de guerre.

Des accords particuliers sont réservés pour régler les questions des dommages de guerre.

Chapitre V. Évacuation des territoires occupés.

Article 14.

Les territoires roumains occupés par les forces des puissances alliées seront évacués à une date qui sera arrêtée plus tard, sous réserve des dispositions contenues dans le chapitre III sur les cessions territoriales. Pendant la durée de l'occupation, les forces de l'armée d'occupation ne dépasseront pas six divisions, abstraction faite des formations employées aux services de l'exploitation économique.

Article 15.

Jusqu'à la ratification du traité de paix, l'administration actuelle d'occupation subsistera avec les attributions qu'elle a exercées jusqu'à présent. Cependant le gouvernement roumain pourra, aussitôt après la signature du traité de paix, procéder aux nominations ou aux renvois qui lui paraitront nécessaires en vue de compléter le corps des fonctionnaires.

Article 16.

Après la ratification du traité de paix, l'administration civile des territoires occupés sera de nouveau confiée aux autorités roumaines, dans la mesure indiquée par les articles 17 à 23.

Article 17.

Conformément au voeu du gouvernement roumain, et jusqu'à l'évacuation des territoires occupés, sera adjoint à chaque ministre roumain un fonctionnaire civil de l'administration d'occupation, afin de faciliter, autant que possible, la transmission de l'administration civile aux autorités roumaines.

De plus, les autorités roumaines auront à se conformer aux règlements que les commandants de l'armée d'occupation jugeront nécessaires de prendre dans l'intérêt de la sécurité publique dans les territoires occupés, ainsi que de la sécurité de l'entretien et de la répartition de leurs troupes.

Les moyens de communication, notamment les chemins de fer, la poste et tes télégraphes, demeureront jusqu'à nouvel ordre placés sous l'administration militaire ; ils seront à la disposition des autorités et de la population roumaines, en vertu d'accords à intervenir sur ce point.

Un accord particulier est réservé, au sujet de la coopération du commandement supérieur dans le règlement du mouvement des fonds et des payements, et en particulier dans la direction de la Banque nationale roumaine et de la Caisse centrale des banques populaires.

Article 18.

La juridiction dans les territoires occupés est entièrement restituée aux tribunaux roumains, sous réserve des dispositions contenues dans les paragraphes 2 et 3.
Les puissances alliées conservent la pleine juridiction sur les personnes appartenant à l'armée d'occupation, aussi bien en matière correctionnelle qu'en matière civile, ainsi que le droit de police sur ces personnes.
Les infractions commises contre l'armée d'occupation seront jugées par la juridiction militaire de cette armée, ainsi que les contraventions aux ordonnances de l'administration d'occupation, en tant que celles-ci resteront encore en vigueur, selon l'article 22, paragraphe 1. Enfin, les affaires dont les tribunaux institués par l'administration d'occupation ont été saisis avant la ratification du traité de paix seront terminées par ces tribunaux.

Article 19.

Le commandement supérieur de l'armée d'occupation prendra, d'accord avec le gouvernement roumain, les arrangements nécessaires pour régler les relations entre les territoires occupés et les territoires non occupés. En conséquence, le retour dans les territoires occupés notamment ne se fera que dans la mesure ou le gouvernement
roumain pourvoira à l'entretien des personnes qui reviendront, par une importation de vivres correspondante en provenance de la Moldavie ou de la Bessarabie.

Article 20.

Après la ratification du traité de paix, l'armée d'occupation ne procédera plus à des réquisitions, soit en espèces, soit en nature, sous réserve des stipulations du paragraphe 2.

Le commandement supérieur de l'armée d'occupation conserve le droit de réquisitionner les céréales, les légumes secs ou féculents, les fourrages, la laine, le bétail et la viande provenant des ressources de l'année 1918, ainsi que le bois, le naphte et les produits dérivés du naphte ; il conserve le droit de prendre les mesures nécessaires pour l'acquisition, la manutention, le transport et la répartition de ces produits. Il s'attachera, à cet égard, ainsi qu'il convient, à estimer la production d'une manière normale et à donner satisfaction aux besoins de l'industrie roumaine ; des accords détaillés à cet égard demeurent réservés entre le commandement supérieur et le gouvernement roumain.

Pour le reste, le gouvernement roumain devra donner satisfaction aux demandes du commandement supérieur au sujet des réquisitions à faire pour les besoins de l'armée d'occupation, de même qu'en ce qui concerne les réquisitions des denrées que la Roumanie devra livrer, suivant les accords passés avec elle d'autre part.

Article 21.

A partir de la ratification du traité de paix, l'entretien de l'armée d'occupation, y compris les réquisitions faites dans ce but, est à la charge de la Roumanie.

Les objets réquisitionnés pour d'autres besoins que ceux de l'armée d'occupation seront payés par les puissances alliées sur leurs propres ressources, à partir de la ratification du traité de paix.

Article 22.

Un accord particulier interviendra pour régler les détails de la transmission des pouvoirs à l'administration civile prévue à l'article 16, ainsi que la suppression des prescriptions édictées par l'administration d'occupation. Aucune demande en dommages intérêts ne pourra être présentée au sujet de ces prescriptions ; de plus les droits des tiers acquis à la suite de ces prescriptions demeurent réservés.

Les administrateurs d'office ou les liquidateurs institués par ordre de l'administration d'occupation ne peuvent être appelés à rendre compte, devant les tribunaux correctionnels ou civils, de manquements à leurs devoirs, qu'avec l'autorisation du commandement supérieur de l'armée d'occupation. Aucune peine ou aucun préjudice ne pourra résulter pour eux de leur activité dans les limites de leurs fonctions.

Article 23.

Les dépenses faites par les puissances alliées dans les territoires occupés pour des travaux publics, y compris les entreprises industrielles, seront remboursées à ces puissances, lors de la remise des territoires.

Jusqu'à l'évacuation des territoires occupés, les entreprises industrielles mentionnées dans le paragraphe 1 demeureront sous l'administration militaire. Dans l'utilisation de leur production on tiendra compte également de la satisfaction à donner aux besoins intérieurs de la Roumanie.

Chapitre VI. Règlement de la navigation du Danube.

Article 24.

La Roumanie conclura avec l'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Bulgarie et la Turquie une nouvelle convention de navigation sur le Danube, réglant les questions de droit relatives au Danube, à partir du point où il est navigable, en tenant compte des stipulations énumérées ci-dessous de A à D, et en tenant également compte du fait que les stipulations comprises sous B valent également pour tous les participants à la convention du Danube. Les négociations concernant la convention de navigation du Danube doivent commencer à Munich, aussitôt que possible après la ratification du traité de paix.

A) Pour la partie du fleuve en aval de Braïla, y compris ce port, la Commission européenne du Danube sera maintenue comme institution permanente, sous le nom de « Commission des bouches du Danube » avec ses attributions, privilèges et obligations antérieurs, dans les conditions suivantes :
1) La Commission ne comprendra plus désormais que des représentants des États riverains du Danube ou des côtes européennes de la mer Noire.
2) La compétence de la Commission s'étend, à partir de Braïla, en aval, à tous les bras et à toutes les bouches du Danube, et aux parties adjacentes de la mer Noire ; les prescriptions édictées par la commission pour le bras de Soulina doivent être appliquées d'une manière conforme, également aux bras ou parties de bras, pour lesquels la Commission jusqu'ici n'était pas ou n'était pas exclusivement compétente.

B) La Roumanie garantit aux navires des autres parties contractantes la libre circulation sur la partie roumaine du Danube, y compris les ports qui en dépendent. La Roumanie ne percevra sur les navires et trains de bois de flottage des parties contractantes, et sur leurs cargaisons, aucun droit basé sur le seul fait qu'ils naviguent sur le fleuve. La Roumanie ne percevra pas non plus, à l'avenir, sur le fleuve d'autres droits ou taxes que ceux admis par la nouvelle convention de navigation du Danube.

C) La taxe roumaine d'un demi pour cent sur la valeur des marchandises entrées ou sorties par les ports du pays sera supprimée après l'entrée en vigueur de la nouvelle convention de navigation du Danube, et dès que la Roumanie aura introduit des taxes conformes à cette nouvelle convention, pour l'usage des installations servant au développement de la navigation et du transport des marchandises ; et au plus tard du reste, cinq ans après la ratification du présent traité de paix. Les marchandises et trains de bois de flottage qui arriveront par le Danube, pour être transportés, ne seront pas soumis en Roumanie, du fait de ce transport à une taxe de passage.

D) La section des cataractes et des Portes de Fer, visée par les dispositions de l'article VI du traité de Londres du 13 mars1871 et de l'article LVII du traité de Berlin du 13 juillet 1878, comprend le parcours du fleuve depuis Moldova jusqu'à Turnu-Severin dans toute sa largeur, d'une rive à l'autre, y compris tous les bras du fleuve et les îles situés entre les rives,

Par suite, les obligations concernant l'entretien de la navigabilité de la section des cataractes et des Portes de Fer, qui ont été assumées par l'Autriche-Hongrie en vertu des stipulations mentionnées au paragraphe 1 et dont l'exécution a été confiée à la Hongrie, de même que les droits particuliers qui en découlent pour la Hongrie, s'appliqueront désormais à la partie du Danube plus explicitement désignée au paragraphe 1.

Les États riverains de cette partie du fleuve accorderont à la Hongrie toutes les facilités que cet État pourrait réclamer dans l'intérêt des travaux qu'il a à y accomplir.

Article 25.

Jusqu'à la réunion de la Commission des bouches du Danube, la Roumanie administrera convenablement et préservera de tout dommage tous les biens de la Commission européenne du Danube qui se trouvent sur son territoire. Aussitôt après la signature du traité de paix, une Commission, se composant de deux représentants de chacune des parties contractantes, examinera l'état du matériel confié à la garde de la Roumanie. Un accord spécial réglera les obligations de la Roumanie en ce qui concerne la restitution immédiate de ce matériel.

Article 26.

L'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Bulgarie, la Turquie et la Roumanie ont le droit d'avoir sur le Danube des navires de guerre ; ces navires ont le droit de naviguer, en aval, jusqu'à la mer ; en amont, jusqu'à la frontière supérieure du territoire
de l'État auquel ils appartiennent ; mais ils n'ont le droit d'entrer en communication avec la rive d'un autre État, ou d'y aborder, hormis le cas de force majeure, qu'avec l'approbation de cet État, sollicitée par voie diplomatique.
Chacune des puissances représentées dans la Commission des bouches du Danube a le droit d'avoir aux bouches du Danube deux bâtiments de guerre légers comme stationnaires. Ces bâtiments peuvent, sans autorisation spéciale, remonter jusqu'à Braïla.

Les bâtiments mentionnés dans les paragraphes 1 et 2 jouissent dans les ports et dans les eaux du Danube de tous les droits et avantages des navires de guerre.

Chapitre VII. Égalité des confessions en Roumanie.

Article 27.

La liberté et la protection légale et administrative, dont jouit la confession roumaine-orthodoxe, sont accordées également en Roumanie aux confessions catholique-romaine, grecque-uniate, bulgare, orthodoxe, protestante, musulmane et juive. Elles doivent avoir notamment le droit de fonder des paroisses ou des communautés de caractère religieux, ainsi que des écoles qui seront considérées comme écoles privées et ne seront entravées dans leur activité que dans le cas où elles mettront en danger la sécurité de l'État ou l'ordre public.

Dans toutes les écoles publiques et privées, les élèves ne peuvent être astreints à prendre part à l'enseignement religieux qu'autant qu'il est donné par un maître qualifié de leur religion.

Article 28.

La différence des confessions religieuses ne doit exercer en Roumanie aucune influence sur la situation des habitants au point de vue de leurs droits, notamment de leurs droits civiques et politiques.

Le principe posé au paragraphe 1 recevra sa pleine application même en ce qui concerne la reconnaissance des droits de citoyens aux populations sans nationalité de Roumanie, y compris les Juifs considérés jusqu'alors en Roumanie comme étrangers. Dans ce but, il sera promulgué en Roumanie, avant la ratification du traité de paie, une loi d'après laquelle toutes les personnes sans nationalité, qui auront participé à la guerre, soit dans le service militaire actif, soit dans le service auxiliaire, ou celles qui sont nées dans le pays et y sont établies, et dont les parents y sont, doivent être considérées, sans plus, comme sujets de l'État roumain. en ayant tous les droits, et peuvent sa faire inscrire comme tels par les tribunaux. L'acquisition de la nationalité roumaine s'étendra également aux femmes légitimes, aux veuves et aux enfants mineurs de ces personnes.

Chapitre VIII. Dispositions finales.

Article 29.

Les rapports économiques entre les puissances alliées et la Roumanie sont réglés par des conventions séparées, formant partie constitutive du traité de paix, et qui entreront en vigueur en même temps que ce dernier, en tant qu'il n'en est pas autrement spécifié.

Il en est de même en ce qui concerne le rétablissement des relations de droit, publiques ou privées, le règlement des dommages de guerre ou des dommages civils, l'échange des prisonniers de guerre et des internés civils, la publication d'amnisties, et le traitement à appliquer aux bâtiments fluviaux et aux autres moyens de transport tombés au pouvoir de l'adversaire.

Article 30.

Pour l'interprétation de ce traité, le texte allemand et le texte roumain feront foi dans les rapports entre l'Allemagne et la Roumanie ; le texte allemand, le texte hongrois et le texte roumain, dans les rapports entre l'Autriche-Hongrie et la Roumanie ; te texte bulgare et le texte roumain, dans les rapports entre la Bulgarie et la Roumanie et le texte turc et le texte roumain dans les rapports entre la Turquie et la Roumanie.

Article 31.

Ce traité de paix sera ratifié et les ratifications en seront échangées à Vienne aussi vite que possible.

Le traité de paix entrera en vigueur à partir de sa ratification, en tant qu'il n'en est pas autrement spécifié.

En foi de quoi, les plénipotentiaires ont signé ce traité de paix et y ont apposé leurs sceaux officiels.

Fait en quintuple exemplaire, à Bucarest, le 7 mai 1918.


[signatures]


© - 2014 - Pour toute information complémentaire, pour signaler une erreur, pour correspondre avec nous,
adressez-nous un message électronique.

[ Haut de la page ]
Jean-Pierre Maury