Grande Guerre.


Traité de paix entre l'Autriche et les États-Unis.

(Vienne, 24 août 1921)
    La Grande Guerre, ouverte par le bombardement de Belgrade le 28 juillet 1914, un mois après l'attentat de Sarajevo, s'achève en 1918 par les armistices de Salonique avec la Bulgarie (29 septembre), de Moudros avec la Turquie (30 octobre), de Villa Giusti avec l'Autriche-Hongrie (3 novembre), de Rethondes avec l'Allemagne (11 novembre) et avec la convention de Belgrade avec la Hongrie (13 novembre).
    Les principaux traités de paix, qui ont mis fin à la Grande Guerre sont :
- le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 entre  les Puissances alliées et associées et l'Allemagne ;
- le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le 10 septembre 1919 entre les Puissances alliées et associées et l'Autriche ;
- le traité de Neuilly-sur-Seine, signé le 27 novembre 1919 entre les Puissances alliées et associées et la Bulgarie ;
- le traité de Trianon, signé le 4 juin 1920 entre les Puissances alliées et associées et la Hongrie ;

- le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Puissances alliées et associées et la Turquie, non ratifié et remplacé par le traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923.
    Des traités complémentaires sont signés par les Principales Puissances alliées avec les autres Puissances alliées, bénéficiaires de territoires transférés : Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie, État serbe-croate-slovène, Grèce, afin de confirmer la reconnaissance de l'indépendance du pays, de garantir les droits des minorités et d'assurer l'ouverture du pays au commerce international.

    Sur le front de l'Est européen, la Révolution russe permet à la guerre de s'interrompre plus tôt qu'à l'Ouest. L'Allemagne et ses alliés signent les traités de Brest-Litovsk avec l'Ukraine le 9 février 1918, et avec la Russie soviétique le 3 mars 1918 ; avec la Finlande, qui vient de se séparer de la Russie, le 7 mars 1918 ; puis, le traité de Bucarest avec la Roumanie, isolée, le 7 mai 1918. Mais la guerre se poursuit en Russie même avec les forces qui contestent le pouvoir soviétique, tandis que différents groupes nationaux proclament leur indépendance.
    La nouvelle République fédérative des soviets de Russie reconnaît ainsi l'indépendance de plusieurs nouveaux États et signe avec eux des traités de paix  : avec l'éphémère République socialiste finlandaise des travaileurs dès le 10 mars 1918 ; avec l'Estonie, le 2 février 1920 ; la Lituanie, le 12 juillet ; la Lettonie, le 11 août ; la Finlande, le 14 octobre 1920 ; et enfin la Pologne, le 18 mars 1921. Mais, elle parvient à établir des gouvernements soviétiques en Ukraine, en Biélorussie, en Géorgie, en Azerbaïdjan et en Arménie, et elle refuse de reconnaître le rattachement de la Bessarabie à la Roumanie.

    Le président Wilson, dont les troupes ont joué un rôle décisif dans les derniers mois de la Grande Guerre, s'efforce d'imposer ses objectifs (les Quatorze points), négligeant les conséquences de la défaite du parti démocrate lors des élections au Congrès. Au cours de la conférence qui s'ouvre le 18 janvier 1919, à Paris, conseillé par Lansing, White et House, il se pose parfois en arbitre et offre des garanties à l'Allemagne, qu'il pense convertie à la démocratie. Alors que la France voudrait encourager le séparatisme en Bavière et en Rhénanie, il souhaite le maintien de l'unité de l'Allemagne, qui doit être forte pour constituer un rempart contre le bolchevisme, et prospère pour redevenir un partenaire commercial.
    Ce souci de ménager l'Allemagne, provoquera des tensions avec les alliés, dont il écarte les revendications territoriales. Ainsi la Belgique qui souhaite réaliser son programme de 1831 et récupérer Maestricht, Luxembourg et les bouches de l'Escaut, reçoit seulement Eupen et Malmédy. L'Italie obtient la frontière du Brenner, mais se voit refuser Fiume et la Dalmatie. La France demande la frontière de 1814, mais doit se contenter de celle de 1871. Menaçant de quitter la conférence, Wilson refuse la Sarre à la France pour la soumettre à l'administration de la SDN, puis à un plébiscite. La complexité du règlement de la question polonaise est lourde de dangers pour l'avenir.
    Acceptant d'inclure les pensions aux victimes à la la demande du Royaume-Uni dans les réparations exigées de l'Allemagne, mais incapables d'en fixer le montant (800 milliards de marks or pour les Français, 120 seulement selon les experts des États-Unis), la conférence retient une formule complexe de règlement dont le montant serait proportionné à la capacité de paiement de l'Allemagne, ce qui encouragera celle-ci à organiser son insolvabilité.
    Enfin la France exige des garanties militaires contre une nouvelle agression, Lloyd George et Wilson les refusent et proposent un pacte tripartite d'alliance que le Sénat des États-Unis n'examinera même pas et le système de garantie collective fondé sur le pacte de la SDN, qu'il repoussera. Finalement ce règlement complexe, mais dépourvu de garanties réelles d'exécution et devenu inapplicable lorsque les États-Unis en refusent la ratification, a marqué une simple pause dans une Grande Guerre de Trente Ans, qui ne s'est terminée que par la capitulation allemande de 1945.
    En dépit du rôle joué par le président Wilson lors de la conférence, les États-Unis, bien qu'ils fussent mentionnés en tête du traité, qui leur attribuait un rôle d'arbitre dans certaines circonstances, ne l'ont pas ratifié. Le Sénat, hostile au système de garanties prévu et à la Société des Nations, a désavoué le président Wilson, en refusant, par deux fois, l'autorisation de ratification : le 19 novembre 1919 :38 pour et 53 contre ; et le 19 mars 1920 : 49 pour et 35 contre. Deux ans plus tard, afin de rétablir des relations normales, les États-Unis signent avec l'Autriche le traité de paix de Vienne, qui leur permet de bénéficier des « droits et avantages » du traité de Saint-Germain, ainsi que le dit sans ambages l'article 2 ci-dessous, sans assumer aucune contrainte et en participant aux organes ou commissions de leur choix. Et le lendemain, ils signent un traité de paix avec l'Allemagne.

Sources : Société des Nations, Recueil des traités, n° 184, vol 7, p. 155.



Attendu que les États-Unis, agissant d'accord avec leurs co-belligérants, ont conclu un armistice avec l'Autriche-Hongrie, le 3 novembre 1918, en vue de permettre la conclusion d'un traité de paix ;

Attendu que l'ancienne monarchie austro-hongroise a cessé d'exister et a été remplacée en Autriche par un Gouvernement républicain ;

Attendu que le traité de Saint-Germain-en-Laye auquel l'Autriche est partie a été signé le 10 septembre 1919 et est entré en vigueur suivant les termes de l'article 381 du dit Traité, mais n'a pas été ratifié par les États-Unis ;

Attendu que le Congrès des États-Unis a adopté une résolution commune, approuvée par le président, le 2 juillet 1921, et qui dit notamment :

« Il a été résolu par le Sénat et la Chambre des représentants des États-Unis d'Amérique réunis en Congrès,

« Que l'état de guerre proclamé entre le gouvernement impérial et royal austro-hongrois et les États-Unis d'Amérique, par la résolution commune du Congrès approuvée le 7 décembre 1917, est déclaré par les présentes terminé. »

« Section 4. Que, en faisant cette dernière déclaration, et comme partie intégrante de ladite déclaration, sont expressément réservés en faveur des États-Unis d'Amérique, pour eux-mêmes et pour leurs ressortissants, tous droits, privilèges, indemnités, réparations et avantages détaillés ci-après, ainsi que le droit de les faire respecter ou exécuter, savoir : tous droits, privilèges, indemnités, réparations et avantages auxquels les États-Unis ou leurs ressortissants auraient droit, aux termes de l'armistice signé le 3 novembre 1918, ou de toute extension ou modification de ces termes ; tous droits, privilèges, indemnités, réparations et avantages qui ont été acquis par les États-Unis d'Amérique ou sont en leur possession en raison de leur participation à la guerre, ou auxquels leurs ressortissants ont, de par leur participation à la guerre, acquis un titre légitime ; ou qui auraient été stipulés en faveur des États-Unis ou de leurs ressortissants aux termes du Traité de Saint-Germain ou du Traité de Trianon ; ou auxquels les États-Unis ont droit en leur qualité d'une des Principales Puissances alliées et associées ; ou auxquels ils auraient droit en vertu de tout acte ou actes du Congrès voté par le Congrès américain ; ou de tout autre manière.

« Section 5. Tous les biens du Gouvernement impérial allemand ou de son ou ses successeurs, et de tous les ressortissants allemands, biens qui, à la date du 6 avril 1917 ou postérieurement se sont trouvés dans la possession ou sous le contrôle des États-Unis d'Amérique, ou de leurs fonctionnaires, agents ou employés, ou qui ont fait l'objet d'une réclamation de leur part, quelle que soit l'origine ou l'intermédiaire ; et tous biens du Gouvernement impérial austro-hongrois ou de son ou ses successeurs, et de tous les ressortissants austro-hongrois, biens qui, à la date du 7 décembre 1917 ou postérieurement, se sont trouvés dans la possession ou sous le contrôle des États-Unis d'Amérique ou de leurs fonctionnaires, agents ou employés ou qui ont fait l'objet d'une réclamation de leur part, quelle que soit l'origine ou l'intermédiaire ; seront gardés par les États-Unis d'Amérique, et il n'en sera disposé d'aucune manière, ainsi qu'il a été jusqu'ici et qu'il sera dans la suite spécifiquement stipulé par la loi, jusqu'à ce que le Gouvernement impérial allemand et le Gouvernement impérial et royal austro-hongrois, ou le ou les successeurs de ces gouvernements, aient respectivement pris des dispositions appropriées en vue de satisfaire toutes les réclamations portées contre chacun de ces gouvernements par toutes personnes, — quel que soit le lieu de leur domicile, — qui doivent allégeance d'une manière permanente aux États-Unis d'Amérique et qui, par les actes du Gouvernement impérial allemand ou de ses agents, et par les actes du Gouvernement impérial et royal austro-hongrois ou de ses agents, ont, depuis le 31 juillet 1914, subi directement ou indirectement des pertes, dommages ou préjudices affectant leur personne ou leurs biens, soit en raison de la possession d'actions de sociétés allemandes, austro-hongroises, américaines ou autres, ou comme conséquence d'hostilités, ou de quelques opérations de guerre que ce soit, ou autrement, et de plus, lesdits gouvernements aient accordé aux personnes devant une allégeance permanente aux États-Unis d'Amérique le traitement de la nation la plus favorisée, que ce soit le traitement national ou non pour toutes les questions relatives à la résidence, aux affaires, à la profession, au métier, à la navigation, au commerce et aux droits de la propriété industrielle ; et jusqu'au moment où le Gouvernement impérial allemand et le Gouvernement impérial et royal austro-hongrois ou son ou ses successeurs auront respectivement confirmé aux États-Unis toutes les amendes, confiscations, dommages-intérêts et saisies imposés ou effectués par les États-Unis d'Amérique au cours de la guerre, soit relativement aux biens du Gouvernement impérial allemand ou des ressortissants allemands, soit relativement aux biens du Gouvernement impérial et royal austro-hongrois ou des ressortissants austro-hongrois ; et jusqu'au moment où ils auront renoncé à toutes leurs créances sur les États-Unis d'Amérique.

Désireux d'établir des relations vraiment amicales qui existaient entre les deux nations, ont, à cet effet, désigné comme plénipotentiaires :

Le président de la République d'Autriche :
Johann Schober ;
Le président des États-Unis d'Amérique :
Arthur Hugh Frazier ;

Qui, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs et les avoir trouvés en bonne et due forme, sont convenus d'adopter les articles suivants :

Article premier.

L'Autriche s'engage à accorder aux États-Unis qui en auront la possession et la jouissance, tous les droits, privilèges, indemnités, réparations ou avantages, spécifiés dans la résolution commune précitée et votée par le Congrès des États-Unis le 2 juillet 1921, y compris tous les droits et avantages stipulés en faveur des États-Unis par le traité de Saint-Germain-en-Laye, droits et avantages et dont les États-Unis auront pleine jouissance, nonobstant le fait que ledit traité n'a pas été ratifié par les États-Unis.

Les États-Unis, en profitant des droits et avantages stipulés par ledit Traité, respecteront les droits accordés à l'Autriche, aux termes du même Traité.

Article 2.

A l'effet de définir, d'une manière plus particulière, les obligations incombant à l'Autriche, aux termes de l'article précédent, et conformément à certaines dispositions du Traité de St-Germain, les Hautes Parties contractantes s'entendent et se mettent d'accord sur les points suivants :
1. Les droits et avantages que le Traité attribue aux États-Unis, et dont les États-Unis doivent avoir la possession et la jouissance, sont ceux définis dans les parties V, VI, VIII, IX, X, XI, XII et XIV.
2. Les États-Unis ne seront pas liés par les stipulations de la Partie I dudit Traité, ni par aucune des stipulations — y compris celles figurant au § 1 du présent article — qui se rapportent au Pacte de la Société des Nations ; de même les États-Unis ne seront liés par aucune action de la Société des Nations, du Conseil ou de l'Assemblée de ladite Société, à moins que les États-Unis n'aient, d'une manière expresse, donné leur assentiment à pareille action.
3. Les États-Unis n'assument aucune obligation aux termes des parties Il, III, IV et XIII dudit Traité ou relativement à ce Traité.
4. Les États-Unis ont le droit de faire partie de la Commission des Réparations, conformément à la partie VIII dudit Traité, et dans toute autre commission constituée aux termes de ce Traité ou de tout autre accord additionnel ; d'autre part, les États-Unis ne sont pas tenus de faire partie de ces commissions, à moins qu'ils n'en décident autrement.
5. Les délais stipulés h l'article 381 du Traité de St-Germain courront en ce qui concerne tout acte ou toute décision de la part des États-Unis depuis la date de la mise en vigueur du présent Traité.

Article 3.

Le présent Traité sera ratifié dans les formes prévues par les constitutions des Hautes Parties contractantes ; il sera mis en vigueur dès l'échange des ratifications, qui aura lieu à Vienne dans le plus bref délai possible.

En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs ont signé ce Traité et y ont apposé leur sceau.

Fait en double expédition, à Vienne, le vingt-quatre août mil neuf cent vingt et un.

Schober.
Arthur Hugh Frazier.


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Jean-Pierre Maury