Digithéque, Jean-Pierre Maury

Convention des Détroits (1923).


    La Convention des Détroits est négociée au cours de la conférence de Lausanne en 1923, entre les Puissances alliées et la Turquie, après l'échec du traité de paix de Sèvres (1920) dont la Grande Assemblée nationale de Turquie avait refusé la ratification. Elle est signée à Lausanne, le 24 juillet 1923, en même temps que le nouveau traité de paix et d'autres conventions. Elle entre en vigueur le 30 août 1924. Le principe de la liberté de navigation et de passage dans les Détroits — Dardanelles, mer de Marmara et Bosphore — est affirmé, la zone est démilitarisée, mais replacée sous la souveraineté de la Turquie.

Sources : Journal officiel de la République française, 31 août 1924, p. 8049 et s.


 
L'Empire Britannique, la France, l'Italie, le Japon, la Bulgarie, la Grèce, la Roumanie, la Russie, l'État Serbe-Croate-Slovène et la Turquie,

Soucieux d'assurer dans les Détroits à toutes les nations la liberté de passage et de navigation entre la Mer Méditerranée et la Mer Noire, conformément au principe consacré par l'Article 23 du Traité de Paix en date de ce jour,

Et considérant que le maintien de cette liberté est nécessaire à la paix générale et au commerce du monde,

Ont résolu de conclure une Convention à cet effet et ont nommé pour leurs plénipotentiaires respectifs, savoir :

Sa Majesté le Roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires britanniques au delà des mers, Empereur des Indes :
Le Très Honorable Sir Horace George Montagu Rumbold, Baronet, G. C. M. G., Haut-Commissaire à Constantinople ;

Le Président de la République française :
M. le Général de division Maurice Pellé, Ambassadeur de France, Haut-Commissaire de la République en Orient, Grand Officier de l'Ordre national de la Légion d'Honneur ;

Sa Majesté le Roi d'Italie :
L'Honorable Marquis Camille Garroni, Sénateur du Royaume, Ambassadeur d'Italie, Haut-Commissaire à Constantinople, Grand-Croix des Ordres des Saints Maurice et Lazare et de la Couronne d'Italie ;
M. Jules César Montagna, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire à Athènes, Commandeur de l'Ordre des Saints Maurice et Lazare, Grand Officier de la Couronne d'Italie ;

Sa Majesté l'Empereur du Japon :
M. Kentaro Otchiai, Jusammi, Première classe de l'Ordre du Soleil Levant, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Rome ;

Sa Majesté le Roi des Bulgares :
M. Bogdan Morphoff, ancien Ministre des Chemins de fer, Postes et Télégraphes ;
M. Dimitri Stancioff, Docteur en Droit, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire à Londres, Grand-Croix de l'Ordre de Saint Alexandre ;

Sa Majesté le Roi des Hellènes :
M. Eleftherios K. Vénisélos, ancien Président du Conseil des Ministres, Grand-Croix de l'Ordre du Sauveur ;
M. Démètre Caclamanos; Ministre plénipotentiaire à Londres, Commandeur de l'Ordre du Sauveur ;

Sa Majesté le Roi de Roumanie :
M. Constantin I. Diamandy, Ministre plénipotentiaire.
M. Constantin Contzesco, Ministre plénipotentiaire.

La Russie :
M. Nicolas Ivanovitch lordanski.

Sa Majesté le Roi des Serbes, des Croates, et des Slovènes :
M. le Docteur Miloutine Yovanovitch. Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire à Berne.

Le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de Turquie :
Isimet Pacha, Ministre des Affaires étrangères, Député d'Andrinople.
Le Docteur Riza Nour Dey, Ministre des Affaires sanitaires et de l'Assistance sociale, Député de Sinope.
Hassan Bey, ancien Ministre, Député de Trébizonde.

Lesquels, après avoir exhibé leurs pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont convenu des dispositions suivantes :

Article premier.

Les Hautes Parties contractantes sont d'accord pour reconnaître et déclarer le principe de la liberté de passage et de navigation par mer et dans les airs dans le détroit des Dardanelles, la Mer de Marmara et le Bosphore, ci-après compris sous la dénomination générale de « Détroits ».

Article 2.

Le passage et la navigation des navires et aéronefs de commerce et des bâtiments et aéronefs de guerre dans les Détroits, en temps de paix et en temps de guerre, seront dorénavant réglés par les dispositions de l'Annexe ci-jointe.
 

ANNEXE

RÈGLES POUR LE PASSAGE DES NAVIRES ET AÉRONEFS DE COMMERCE ET DES BÂTIMENTS ET AÉRONEFS DE GUERRE DANS LES DÉTROITS.

Paragraphe premier. Navires de commerce, y compris les navires hôpitaux, yachts et bateaux de pêche, ainsi que les aéronefs non militaires.

a) En temps de paix :

Complète liberté de navigation et de passage, de jour et de nuit quels que soient le pavillon et le chargement, sans aucune formalité, taxe ou charge quelconques, sous réserve des dispositions sanitaires internationales et si ce n'est pour services directement rendus, telles que taxes de pilotage, phares, remorquage ou autres de même nature, et sans qu'il soit porté atteinte aux droits exercés à cet égard par les services et entreprises actuellement concédés par le Gouvernement turc.

Pour faciliter la perception de ces droits, les navires de commerce franchissant les Détroits devront signaler aux postes indiqués par le Gouvernement turc, leur nom, leur nationalité, leur tonnage et leur destination.

Le pilotage reste facultatif.

b) En temps de guerre, la Turquie restant neutre :

Complète liberté, de navigation et de passage, de jour et de nuit, dans les mêmes conditions que ci-dessus. Les droits et devoirs de la Turquie, comme Puissance neutre, ne sauraient l'autoriser à prendre aucune mesure susceptible d'entraver la navigation dans les Détroits, dont les eaux et l'atmosphère doivent rester entièrement libres, en temps de guerre, la Turquie étant neutre, aussi bien qu'en temps de paix.

Le pilotage reste facultatif.

c) En temps de guerre, la Turquie étant belligérante :

Liberté de navigation pour les navires neutres et les aéronefs non militaires neutres, si le navire ou l'aéronef n'assistent pas l'ennemi notamment en transportant de la contrebande, des troupes ou des ressortissants ennemis. La Turquie aura le droit de visiter lesdits navires et aéronefs, et, à cette fin, les aéronefs devront atterrir ou amerrir dans telles zones qui seront fixées et aménagées à cet effet par la Turquie. Il n'est pas porté atteinte aux droits de la Turquie d'appliquer aux navires ennemis les mesures admises par le droit international.

La Turquie aura pleine faculté de prendre telles dispositions qu'elle jugera nécessaires pour empêcher les navires ennemis d'utiliser les Détroits. Toutefois, ces dispositions ne seront pas de nature à interdire le libre passage des navires neutres, et, à cet effet, la Turquie s'engage à fournir à ceux-ci les instructions ou pilotes nécessaires.

§ 2. Bâtiments de guerre, y compris les navires auxiliaires, les transports de troupes, les bâtiments porte-avions, et aéronefs militaires.

a) En temps de paix :

Complète liberté de passage, de jour et de nuit, quel que soit le pavillon, sans aucune formalité, taxe ou charge quelconque, mais sous les réserves ci-après concernant le total des forces.

La force maxima qu'une Puissance pourra faire passer par les Détroits à destination de la Mer Noire ne dépassera pas celle de la flotte la plus forte appartenant aux Puissances riveraines de la Mer Noire et existant dans cette mer au moment du passage ; toutefois, les Puissances se réservent le droit d'envoyer en Mer Noire, en tout temps et en toute circonstance, une force n'excédant pas trois bâtiments dont aucun ne dépassera 10.000 tonnes.

Aucune responsabilité n'incombera à la Turquie en ce qui concerne le nombre des bâtiments qui traversent les Détroits.

Pour permettre l'observation de la présente règle, la Commission des Détroits prévue à l'Article 10 demandera à chaque Puissance riveraine de la Mer Noire, le 1er janvier et le 1er juillet de chaque année, le nombre de cuirassés, de croiseurs de bataille, de bâtiments porte-avions, de croiseurs, de destroyers, de sous-marins ou de tous autres types de bâtiments ainsi que d'aéronefs navals qu'elle possède en Mer Noire, en distinguant les bâtiments armés des bâtiments à effectifs réduits, en réserve, en réparation ou modification.

La Commission des Détroits informera alors les Puissances intéressées du nombre de cuirassés, croiseurs de bataille, bâtiments porte-avions, croiseurs, destroyers, sous-marins, aéronefs et éventuellement d'unités d'autres types, que comprend la force navale la plus forte dans la Mer Noire ; en outre, tout changement résultant soit de l'entrée en Mer Noire soit de la sortie de la Mer Noire, d'un bâtiment appartenant à ladite force sera immédiatement porté à la connaissance des Puissances intéressées.

Le nombre et le type des bâtiments armés seront seuls pris en considération pour le calcul d'une force navale à faire passer par les Détroits à destination de la Mer Noire.

b) En temps de guerre, la Turquie étant neutre :

Complète liberté de passage, de jour et de nuit, quel que soit le pavillon, sans aucune formalité, taxe ou charge quelconques, sous les mêmes limitations que celles prévues au paragraphe 2a).

Toutefois, ces limitations ne sont pas applicables aux Puissances belligérantes au préjudice de leurs droits de belligérants en Mer Noire.

Les droits et devoirs de la Turquie comme Puissance neutre ne sauraient l'autoriser à prendre aucune mesure susceptible d'entraver la navigation dans les Détroits, dont les eaux et l'atmosphère doivent rester entièrement libres, en temps de guerre, la Turquie étant neutre, aussi bien qu'en temps de paix. Il sera interdit aux bâtiments de guerre et aéronefs militaires des belligérants de procéder à aucune capture, d'exercer le droit de visite et de se livrer à aucun autre acte d'hostilité dans les Détroits.

En ce qui concerne le ravitaillement et les réparations, les bâtiments de guerre seront régis par les dispositions de la Convention XIII de la Haye 1907, concernant la neutralité maritime.

En attendant la conclusion d'une Convention internationale établissant les règles de neutralité pour les aéronefs, les aéronefs militaires jouiront dans les Détroits d'un traitement analogue à celui accordé aux bâtiments de guerre par la Convention XIII de la Haye 1907.

c) En temps de guerre, la Turquie étant belligérante :

Complète liberté de passage pour les bâtiments de guerre neutres sans aucune formalité, taxe ou charge quelconques, mais sous les mêmes limitations que celles prévues au paragraphe 2 a).

Les mesures à prendre par la Turquie pour empêcher les bâtiments et aéronefs ennemis d'utiliser les Détroits ne seront pas de nature à interdire le libre passage des bâtiments et aéronefs neutres et, à cet effet, la Turquie s'engage à fournir auxdits bâtiments et aéronefs les instructions ou pilotes nécessaires.

Les aéronefs militaires neutres effectueront le passage des Détroits à leurs risques et périls et seront soumis au droit d'enquête quant à leur caractère. A cette fin, les aéronefs devront atterrir ou amerrir dans telles zones qui seront fixées et aménagées à cet effet par la Turquie.

§ 3.

a) Les sous-marins des Puissances en état de paix avec la Turquie ne devront traverser les Détroits qu'en surface.

b) Le commandant d'une force navale étrangère venant soit de la Méditerranée, soit de la Mer Noire, communiquera, sans avoir à s'arrêter, à une station de signaux à l'entrée des Dardanelles ou du Bosphore le nombre et le nom des bâtiments sous ses ordres qui doivent entrer dans les Détroits.

La Turquie fera connaître ces stations de signaux et jusqu'à ce que cette notification soit faite, la liberté de passage dans les Détroits pour les bâtiments de guerre étrangers n'en subsistera pas moins, l'entrée dans les Détroits ne devant pas être retardée.

c) L'autorisation pour les aéronefs militaires et non militaires de survoler les Détroits dans les conditions prévues par les présentes règles, implique pour lesdits aéronefs ;
1° La liberté de survoler une bande de territoire de cinq kilomètres au-dessus de chaque côté des parties resserrées des Détroits ;
2° La faculté, en cas de panne, d'atterrir sur le littoral ou d'amerrir dans les eaux territoriales de la Turquie.

§ 4. Limitation de la durée de passage des bâtiments de guerre.

En aucun cas, les bâtiments de guerre en transit dans les Détroits ne devront, sauf en cas d'avaries ou de fortune de mer, y séjourner au delà du temps qui leur est nécessaire pour effectuer leur passage, y compris la durée du mouillage pendant la nuit si la sécurité de la navigation l'exige.

§ 5. Séjour dans les ports des Détroits et de la Mer Noire

a) Les paragraphes 1er, 2 et 3 de la présente Annexe s'appliquent au passage des navires, bâtiments de guerre et aéronefs au travers et au-dessus des Détroits et ne portent pas atteinte au droit de la Turquie d'édicter tels règlements qu'elle jugera nécessaires, en ce qui concerne le nombre des bâtiments de guerre et aéronefs militaires d'une même Puissance, qui pourront visiter simultanément les ports et les aérodromes turcs, ainsi que la durée de leur séjour.

b) Les Puissances riveraines de la Mer Noire auront le même droit en ce qui concerne leurs ports et leurs aérodromes.

c) Les bâtiments légers, que les Puissances actuellement représentées à la Commission européenne du Danube entretiennent comme stationnaires aux embouchures de ce fleuve et jusqu'à Galatz, s'ajouteront à ceux prévus au paragraphe 2 et pourront être remplacés en cas de besoin.

§ 6. Dispositions spéciales relatives à la protection sanitaire.

Les bâtiments de guerre ayant à bord des cas de peste, de choléra ou de typhus, ou en ayant eu depuis sept jours, ainsi que les bâtiments ayant quitté un port contaminé depuis moins de cinq fois 24 heures, devront passer les Détroits en quarantaine et appliquer par les moyens du bord les mesures prophylactiques nécessaires pour éviter toute possibilité de contamination des Détroits.

Il en sera de même des navires de commerce ayant à bord un médecin et passant en droiture les Détroits sans faire escale ou rompre charge.

Les navires de commerce n'ayant pas de médecin à bord devront, avant de pénétrer dans les Détroits, même s'ils n'y doivent pas faire escale, satisfaire aux prescriptions sanitaires internationales.

Les bâtiments de guerre et les navires de commerce touchant dans un des ports des Détroits seront soumis dans ce port aux prescriptions sanitaires internationales qui y sont applicables.

Article 3.

En vue de maintenir libres de toute entrave le passage et la navigation dans les Détroits, les mesures stipulées aux Articles 4 à 9 seront appliquées à leurs eaux et rives, ainsi qu'aux îles qui s'y trouvent ou qui les avoisinent.

Article 4.

Seront démilitarisées les zones et îles désignées ci-après :

1° Les deux rives du détroit des Dardanelles et du détroit du Bosphore sur l'étendue des zones délimitées ci-dessous (voir la carte ci-jointe) :
Dardanelles : Au Nord-Ouest, presqu'île de Gallipoli et région au Sud-Est d'une ligne partant d'un point du golfe de Xeros situé à 4 kilomètres Nord-Est de Bakla-Burnu aboutissant sur la Mer de Marmara à Kumbaghi et passant au Sud de Kavak (cette localité exclue) ;
Au Sud-Est, région comprise entre la côte et une ligne tracée à 20 kilomètres de la côte, partant du cap Eski-Stamboul en face de Tenedos et aboutissant sur la Mer de Marmara en un point de la côte situé immédiatement au Nord de Karabigha.

Bosphore (sans préjudice du régime particulier de Constantinople, Art. 8) : A l'Est, zone s'étendant jusqu'à une ligne tracée à 15 kilomètres de la côte orientale du Bosphore ;
A l'Ouest, zone s'étendant jusqu'à une ligne tracée à 15 kilomètres de la côte occidentale du Bosphore.

2° Toutes les îles de la Mer de Marmara, sauf l'île d'Emir-Ali-Adasi.

3° Dans la Mer Égée, les îles de Samothrace, Lemnos, Imbros, Tenedos et les îles aux Lapins.

Article 5.

Une commission composée de quatre membres respectivement nommés par les Gouvernements de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie et de la Turquie se réunira dans les quinze jours après la mise en vigueur de la présente convention pour fixer sur place les limites des zones prévues à l'article 4 - 1° .

Il appartiendra aux Gouvernements représentés dans cette commission de pourvoir aux indemnités, auxquelles pourront avoir droit leurs représentants respectifs.

Tous frais généraux auxquels donnera lieu le fonctionnement de la Commission seront, par parts égales, supportés par les Puissances représentées.

Article 6.

Sous réserve des dispositions de l'Article 8 concernant Constantinople, il ne devra y avoir, dans les zones et îles démilitarisées, aucune fortification, aucune installation permanente d'artillerie, d'engins d'action sous-marine autres que les bâtiments sous-marins, ni aucune installation d'aéronautique militaire, ni aucune base navale.

Aucune force armée ne devra y stationner en dehors des forces de police et de gendarmerie qui sont nécessaires au maintien de l'ordre, et dont l'armement ne comportera que le revolver, le sabre, le fusil et quatre fusils mitrailleurs par cent hommes à l'exclusion de toute artillerie.

Dans les eaux territoriales des zones et îles démilitarisées, il ne devra y avoir aucun engin d'action sous-marine, autre que des bâtiments sous-marins.

Nonobstant les alinéas qui précèdent, la Turquie gardera le droit de faire passer en transit ses forces armées dans les zones et îles démilitarisées du territoire turc, ainsi que dans leurs eaux territoriales où la flotte turque aura le droit de mouiller.

En outre, en ce qui concerne les Détroits, le gouvernement turc aura la faculté de faire observer, au moyen d'avions ou de ballons, la surface et le fond de la mer. Les aéronefs turcs pourront toujours survoler les eaux des Détroits et les zones démilitarisées du territoire turc et y atterrir ou amerrir partout en toute liberté.

La Turquie et la Grèce pourront également dans les zones et îles démilitarisées et dans leurs eaux territoriales, effectuer les mouvements de personnel nécessités par l'instruction, hors de ces zones et îles, des hommes qui y seront recrutés.

La Turquie et la Grèce auront la liberté d'organiser dans lesdites zones et îles de leurs territoires respectifs, tout système d'observation et de communications télégraphiques, téléphoniques et optiques. La Grèce pourra faire passer sa flotte dans les eaux territoriales des îles grecques démilitarisées, mais ne pourra user de ces eaux comme base d'opérations contre la Turquie ou pour une concentration navale ou militaire dans ce but.

Article 7.

Aucun engin d'action sous-marine, autre que les bâtiments sous-marins, ne pourra être installé dans les eaux de la Mer de Marmara.

Le Gouvernement turc n'installera ni dans la région côtière européenne de la Mer de Marmara, ni dans la partie de la région côtière d'Anatolie située à l'Est de la zone démilitarisée du Bosphore, jusqu'à Daridje aucune batterie permanente de canons ou de lance-torpilles susceptible d'entraver le passage des Détroits.

Article 8.

A Constantinople, y compris ici Stamboul, Péra, Galata, Scutari ainsi que les îles des Princes, et dans ses environs immédiats, une garnison de 12.000 hommes au maximum pourra être stationnée pour les besoins de la capitale. Un arsenal et une base navale pourront être maintenus à Constantinople.

Article 9.

Si, en cas de guerre, la Turquie ou la Grèce, usant de leur droit de Puissances belligérantes, étaient amenées à apporter des modifications à l'état de démilitarisation prévu ci-dessus, elles seraient tenues de rétablir, dès la conclusion de la paix, le régime prévu par la présente Convention.

Article 10.

Il sera institué à Constantinople une Commission internationale, composée comme il est dit à l'Article 12, qui prendra le titre de « Commission des Détroits ».

Article 11.

La Commission exercera ses attributions sur les eaux des Détroits.

Article 12.

La Commission sera composée, sous la présidence d'un représentant de la Turquie, de représentants de la France, de la Grande-Bretagne, de l'Italie, du Japon, de la Bulgarie, de la Grèce, de la Roumanie, de la Russie et de l'État Serbe-Croate-Slovène, en tant que Puissances signataires de la présente convention et au fur et à mesure de la ratification de celle-ci par ces Puissances.

L'adhésion à la présente Convention comportera pour les États-Unis le droit d'avoir également un représentant dans la Commission.

Le même droit sera réservé, dans les mêmes conditions, aux États indépendants riverains de la Mer Noire non mentionnés dans le premier alinéa du présent Article.

Article 13.

Il appartiendra aux Gouvernements représentés à la Commission de pourvoir aux indemnités auxquelles pourront avoir droit leurs représentants. Toutes dépenses supplémentaires de la Commission seront supportées par lesdits Gouvernements dans la proportion fixée pour la répartition des frais de la Société des Nations.

Article 14.

La Commission sera chargée de s'assurer que sont dûment observées les dispositions concernant le passage des bâtiments de guerre et aéronefs militaires, dispositions faisant l'objet des paragraphes 2, 3 et 4 de l'Annexe jointe à l'Article 2.

Article 15.

La Commission des Détroits exercera sa mission sous les auspices de la Société des Nations, à laquelle elle adressera chaque année un rapport rendant compte de l'accomplissement de sa mission et fournissant, par ailleurs, tous renseignements utiles au point de vue du commerce et de la navigation ; à cet effet, la Commission se mettra en relations avec les services du Gouvernement turc s'occupant de la navigation dans les Détroits.

Article 16.

Il appartiendra à la Commission d'élaborer les règlements qui seraient nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

Article 17.

Les dispositions de la présente Convention ne porteront pas atteinte au droit de la Turquie de faire circuler librement sa flotte dans les eaux turques.

Article 18.

Désireuses que la démilitarisation des Détroits et des zones avoisinantes ne devienne pas, au point de vue militaire, une cause de danger injustifié pour la Turquie et que des actes de guerre ne viennent pas mettre en péril la liberté des Détroits ou la sécurité des zones démilitarisées, les Hautes Parties contractantes conviennent des dispositions suivantes :

Si une violation des dispositions sur la liberté de passage, une attaque inopinée ou quelque acte de guerre ou menace de guerre venaient à mettre en péril la liberté de la navigation des Détroits, ou la sécurité des zones démilitarisées, les Hautes Parties contractantes et, dans tous les cas, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et le Japon les empêcheront conjointement par tous les moyens que le Conseil de la Société des Nations décidera à cet effet.

Dès que les actes ayant motivé l'action prévue par l'alinéa qui précède, auront pris fin, le Statut des Détroits, tel qu'il est réglé par les dispositions de la présente Convention, sera de nouveau strictement appliqué.

La présente disposition, qui constitue une partie intégrante de celles qui sont relatives à la démilitarisation et à la liberté des Détroits, ne porte pas atteinte aux droits et obligations que les Hautes Parties contractantes peuvent avoir en vertu du Pacte de la Société des Nations.

Article 19.

Les Hautes Parties contractantes feront tous leurs efforts pour amener les Puissances non signataires à adhérer à la présente Convention.

Cette adhésion sera signifiée, par la voie diplomatique, au Gouvernement de la République française et par celui-ci à tous les États signataires ou adhérents. Elle portera effet à dater du jour de la signification au Gouvernement français.

Article 20.

La présente Convention sera ratifiée.

Les ratifications en seront déposées à Paris aussitôt que faire se pourra.

Elle entrera en vigueur dans les mêmes conditions que le Traité de Paix en date de ce jour ; pour les Puissances non signataires de ce Traité, qui à ce moment n'auraient pas encore ratifié la présente Convention, celle-ci entrera en vigueur au fur et à mesure du dépôt de leurs ratifications, qui sera notifié aux autres Puissances contractantes par le Gouvernement de la République
française.

En foi de quoi, les Plénipotentiaires susnommés ont signé la présente Convention.

Fait à Lausanne, le 24 juillet 1923, en un seul exemplaire, qui sera déposé dans les archives du Gouvernement de la République française, lequel en remettra une expédition authentique à chacune des Puissances contractantes.

(L. S.) HORACE RUMBOLD.
(L. S.) PELLÉ.
(L. S.) GARRONI.
(L. S.) G.-C. MONTAGNA.
(L. S.) K. OTCHIAÏ.
(L. S.) B. MORPHOFF.
(L. S.) STANCIOFF.
(L. S.) E.-K. VÉNISÉLOS.
(L. S.) D. CACLAMANOS.
(L. S.) CONST. DIAMANDY.
(L. S.) CONST. CONTZESCO.
(L. S.) IORDANSKI.

(L. S.) M. ISMET.
(L. S.) DR. RIZA NOUR.
(L. S.) HASSAN.