Organisation de l'unité africaine


Charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

Première partie. Des droits et des devoirs.
Deuxième partie. Des mesures de sauvegarde.
Troisième partie. Dispositions diverses.
La Charte a été adoptée par la dix-huitième conférence des chefs d'État et de Gouvernement de l'Organisation de l'unité africaine, le 18 juin 1981, à Nairobi, Kenya.

Les États africains membres de l'OUA, parties à la présente Charte qui porte le titre de « Charte africaine des droits de l'homme et des peuples » ;

Rappelant la décision 115 (XVI) de la conférence des chefs d'État et de Gouvernement, en sa seizième session ordinaire tenue à Monrovia (Liberia) du 17 au 20 juillet 1979, relative à l'élaboration d'un avant-projet de Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, prévoyant notamment l'institution d'organes de promotion et de protection des droits de l'homme et des peuples ;

Considérant la Charte de l'Organisation de l'unité africaine, aux termes de laquelle « la liberté, l'égalité, la justice et la dignité sont des objectifs essentiels à la réalisation des aspirations légitimes des peuples africains » ;

Réaffirmant l'engagement qu'ils ont solennellement pris à l'article 2 de ladite Charte, d'éliminer sous toutes ses formes le colonialisme de l'Afrique, de coordonner et d'intensifier leur coopération et leurs efforts pour offrir de meilleures conditions d'existence aux peuples d'Afrique, de favoriser la coopération internationale en tenant dûment compte de la Charte des Nations unies et de la Déclaration universelle des doits de l'homme ;

Tenant compte des vertus de leurs traditions historiques et des valeurs de civilisation africaine qui doivent inspirer et caractériser leurs réflexions sur la conception des droits de l'homme et des peuples ;

Reconnaissant que, d'une part, les droits fondamentaux de l'être humain sont fondés sur les attributs de la personne humaine, ce qui justifie leur protection internationale et que, d'autre part, la réalité et le respect des droits du peuple doivent nécessairement garantir les droits de l'homme ;

Considérant que la jouissance des droits et libertés implique l'accomplissement des devoirs de chacun ;

Convaincus qu'il est essentiel d'accorder désormais une attention particulière au droit au développement ; que les droits civils et politiques sont indissociables des droits économiques, sociaux et culturels, tant dans leur conception que dans leur universalité, et que la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels garantit la jouissance des droits civils et politiques ;

Conscients de leur devoir de libérer totalement l'Afrique dont les peuples continuent à lutter pour leur indépendance véritable et leur dignité et s'engagent à éliminer le colonialisme, le néocolonialisme, l'apartheid, le sionisme, les bases militaires étrangères d'agression et toutes formes de discrimination, notamment celles fondées sur la race, l'ethnie, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'opinion politique ;

Réaffirmant leur attachement aux libertés et aux droits de l'homme et des peuples contenus dans les déclarations, conventions et autres instruments adoptés dans le cadre de l'Organisation de l'unité africaine, du Mouvement des pays non-alignés et de l'Organisation des Nations unies ;

Sont convenus de ce qui suit :

Première partie.
Des droits et des devoirs.

Chapitre premier.
Des droits de l'homme et des peuples

Article premier.

Les États membres de l'OUA, parties à la présente Charte, reconnaissent les droits, devoirs et libertés énoncés dans cette Charte et s'engagent à adopter des mesures législatives ou autres pour les appliquer.

Article 2.

Toute personne a droit à la jouissance des droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte sans distinction aucune, notamment de race, d'ethnie, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.

Article 3.

1. Toutes les personnes bénéficient d'une totale égalité devant la loi.

2. Toutes les personnes ont droit à une égale protection de la loi.

Article 4.

La personne humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit.

Article 5.

Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d'exploitation et d'avilissement de l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdits.

Article 6.

Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement.

Article 7.

1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend :
a) le droit de saisir les juridictions nationales compétentes de tout acte violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus et garantis par les conventions, les lois, règlements et coutumes en vigueur ;
b) le droit à la présomption d'innocence, jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une juridiction compétente ;
c) le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix ;
d) le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par une juridiction impartiale.

2. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui ne constituait pas, au moment où elle a eu lieu, une infraction légalement punissable. Aucune peine ne peut être infligée si elle n'a pas été prévue au moment où l'infraction a été commise. La peine est personnelle et ne peut frapper que le délinquant.

Article 8.

La liberté de conscience, la profession et la pratique libre de la religion sont garanties. Sous réserve de l'ordre public, nul ne peut être l'objet de mesures de contrainte visant à restreindre la manifestation de ces libertés.

Article 9.

1. Toute personne a droit à l'information.

2. Toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser ses opinions dans le cadre des lois et règlements.

Article 10.

1. Toute personne a le droit de constituer librement des associations avec d'autres, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi.

2. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association sous réserve de l'obligation de solidarité prévue à l'article 29.

Article 11.

Toute personne a le droit de se réunir librement avec d'autres. Ce droit s'exerce sous la seule réserve des restrictions nécessaires édictées par les lois et règlements, notamment dans l'intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté d'autrui, de la santé, de la morale ou des droits et libertés des personnes.

Article 12.

1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi.

2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Ce droit ne peut faire l'objet de restrictions que si celles-ci sont prévues par la loi,  nécessaires pour protéger la sécurité nationale, l'ordre public, la santé ou la moralité publiques.

3. Toute personne a le droit, en cas de persécution, de rechercher et de recevoir asile en territoire étranger conformément à la loi de chaque pays et aux conventions internationales.

4. L'étranger légalement admis sur le territoire d'un État partie à la présente Charte ne pourra en être expulsé qu'en vertu d'une décision conforme à la loi.

5. L'expulsion collective d'étrangers est interdite. L'expulsion collective est celle qui vise globalement des groupes nationaux, raciaux, ethniques et religieux.

Article 13.

1. Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi.

2. Tous les citoyens ont également le droit d'accéder aux fonctions publiques de leur pays.

3. Toute personne a le droit d'user des biens et services publics dans la stricte égalité de tous devant la loi.

Article 14.

Le droit de propriété est garanti. Il ne peut y être porté atteinte que par nécessité publique ou dans l'intérêt général de la collectivité, ce, conformément aux dispositions des lois appropriées.

Article 15.

Toute personne a le droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes et de percevoir un salaire égal pour un travail égal.

Article 16.

1. Toute personne a le doit de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre.

2. Les États parties à la présente Charte s'engagent à prendre les mesures nécessaires en vue de protéger la santé de leurs populations et de leur assurer l'assistance médicale en cas de maladie.

Article 17.

1. Toute personne a droit à l'éducation.

2. Toute personne peut prendre part librement à la vie culturelle de la Communauté.

3. La promotion et la protection de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la Communauté constituent un devoir de l'État dans le cadre de la sauvegarde des droits de l'homme.

Article 18.

1. La famille est l'élément naturel et la base de la société. Elle doit être protégée par
l'État qui doit veiller à sa santé physique et morale.

2. L'État a l'obligation d'assister la famille dans sa mission de gardienne de la morale et des valeurs traditionnelles reconnues par la Communauté.

3. L'État a le devoir de veiller à l'élimination de toute discrimination contre la femme et d'assurer la protection des droits de la femme et de l'enfant tels que stipulés dans les déclarations et conventions internationales.

4. Les personnes âgées ou handicapées ont également droit à des mesures spécifiques de protection en rapport avec leurs besoins physiques ou moraux.

Article 19.

Tous les peuples sont égaux ; ils jouissent de la même dignité et ont les mêmes droits. Rien ne peut justifier la domination d'un peuple par un autre.

Article 20.

1. Tout peuple a droit à l'existence. Tout peuple a un droit imprescriptible et inaliénable à l'autodétermination. Il détermine librement son statut politique et assure son développement économique et social selon la voie qu'il a librement choisie.

2. Les peuples colonisés ou opprimés ont le droit de se libérer de leur état de domination en recourant à tous moyens reconnus par la communauté internationale.

3. Tous les peuples ont droit à l'assistance des États parties à la présente Charte, dans leur lutte de libération contre la domination étrangère, qu'elle soit d'ordre politique, économique ou culturel.

Article 21.

1. Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles. Ce droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé.

2. En cas de spoliation, le peuple spolié a droit à la légitime récupération de ses biens ainsi qu'à une indemnisation adéquate.

3. La libre disposition des richesses et des ressources naturelles s'exerce sans préjudice de l'obligation de promouvoir une coopération économique internationale fondée sur le respect mutuel, l'échange équitable, et les principes du droit international.

4. Les États parties à la présente Charte s'engagent, tant individuellement que collectivement à exercer le droit de libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles, en vue de renforcer l'unité et la solidarité africaine.

5. Les États parties à la présente Charte s'engagent à éliminer toutes les formes d'exploitation économique étrangère, notamment celle qui est pratiquée par des monopoles internationaux, afin de permettre à la population de chaque pays de bénéficier pleinement des avantages provenant de ses ressources nationales.

Article 22.

1. Tous les peuples ont droit à leur développement économique, social et culturel, dans le respect strict de leur liberté et de leur identité, et à la jouissance égale du patrimoine commun de l'humanité.

2. Les États ont le devoir séparément ou en coopération, d'assurer l'exercice du droit au développement.

Article 23.

1. Les peuples ont droit à la paix et à la sécurité tant sur le plan national que sur le plan international. Le principe de solidarité et de relations amicales affirmé implicitement par la Charte de l'Organisation des Nations unies et réaffirmé par celle de l'OUA doit présider aux rapports entre les États.

2. Dans le but de renforcer la paix, la solidarité et les relations amicales, les États parties à la présente Charte s'engagent à interdire :
a) qu'une personne jouissant du droit d'asile aux termes de l'article 12 de la présente Charte entreprenne une activité subversive dirigée contre son pays d'origine ou contre tout autre pays, partie à la présente Charte ;
b) que leurs territoires soient utilisés comme base de départ d'activités subversives ou terroristes dirigées contre le peuple de tout autre État, partie à la présente Charte.

Article 24.

Tous les peuples ont droit à un environnement satisfaisant et global, propice à leur développement.

Article 25.

Les États, parties à la présente Charte ont le devoir de promouvoir et d'assurer, par l'enseignement, l'éducation et la diffusion, le respect des droits et des libertés contenus dans la présente Charte, et de prendre des mesures afin de veiller à ce que ces libertés et droits soient compris de même que les obligations et devoirs correspondants.

Article 26.

Les États, parties à la présente Charte ont le devoir de garantir l'indépendance des tribunaux et de permettre l'établissement et le perfectionnement d'institutions nationales appropriées chargées de la promotion et de la protection des droits et libertés garantis par la présente Charte.

Chapitre II.
Des devoirs.

Article 27.

1. Chaque individu a des devoirs envers la famille et la société, envers l'État et les autres collectivités également et envers la Communauté internationale.

2. Les droits et les libertés de chaque personne s'exercent dans le respect du droit d'autrui, de la sécurité collective, de la morale et de l'intérêt commun.

Article 28.

Chaque individu a le devoir de respecter et de considérer ses semblables sans discrimination aucune, et d'entretenir avec eux des relations qui permettent de promouvoir, de sauvegarder et de renforcer le respect et la tolérance réciproques.

Article 29.

L'individu a en outre le devoir :

1. De préserver le développement harmonieux de la famille et d'oeuvrer en faveur de la cohésion et du respect de cette famille ; de respecter à tout moment ses parents, de les nourrir et de les assister en cas de nécessité ;

2. De servir sa communauté nationale, en mettant ses capacités physiques et intellectuelles à son service ;
3. De ne pas compromettre la sécurité de l'État dont il est national ou résident ;

4. De préserver et de renforcer la solidarité sociale et nationale, singulièrement lorsque celle-ci est menacée ;

5. De préserver et de renforcer l'indépendance nationale et l'intégrité territoriale de la patrie et, d'une façon générale, de contribuer à la défense de son pays, dans les conditions fixées par la loi ;

6. De travailler, dans la mesure de ses capacités et de ses possibilités, et de s'acquitter des contributions fixées par la loi pour la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la société ;

7. De veiller, dans ses relations avec la société à la préservation et au renforcement des valeurs culturelles africaines positives, dans un esprit de tolérance, de dialogue et de concertation et, d'une façon générale, de contribuer à la promotion de la santé morale de la société ;

8. De contribuer au mieux de ses capacités, à tout moment et à tous les niveaux, à la promotion et à la réalisation de l'unité africaine.


Deuxième partie.
Des mesures de sauvegarde.

Chapitre premier. 
De la composition et de l'organisation de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.

Article 30.

Il est créé auprès de l'Organisation de l'unité africaine une Commission africaine des droits de l'homme et des peuples ci-dessous dénommée « la Commission », chargée de promouvoir les droits de l'homme et des peuples et d'assurer leur protection en Afrique.

Article 31.

1. La Commission se compose de onze membres qui doivent être choisis parmi les
personnalités africaines jouissant de la plus haute considération, connues pour leur plus haute moralité, leur intégrité et leur impartialité, et possédant une compétence en matière de droits de l'homme et des peuples, un intérêt particulier devant être donné à la participation de personnes ayant une expérience en matière de droit.

2. Les membres de la Commission siègent à titre personnel.

Article 32.

La Commission ne peut comprendre plus d'un ressortissant du même État.

Article 33.

Les membres de la Commission sont élus au scrutin secret par la conférence des chefs d'État et de Gouvernement, sur une liste de personnes présentées à cet effet, par les États parties à la présente Charte.

Article 34.

Chaque État, partie à la présente Charte peut présenter deux candidats au plus. Les candidats doivent avoir là nationalité d'un des États parties à la présente Charte. Quand deux candidats sont présentés par un État, l'un des deux ne peut être national de cet État.

Article 35.

1. Le secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine invite les États, parties à la présente Charte à procéder, dans un délai d'au moins quatre mois avant les élections, à la présentation des candidats à la Commission.

2. Le secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine dresse la liste alphabétique des personnes ainsi présentées et la communique un mois au moins avant les élections, aux chefs d'État et de Gouvernement.

Article 36.

Les membres de la Commission sont élus pour une période de six ans renouvelable. Toutefois, le mandat de quatre des membres élus lors de la première élection prend fin au bout de deux ans, et le mandat de trois autres au bout de quatre ans.

Article 37.

Immédiatement après la première élection, les noms des membres visés à l'article 36 sont tirés au sort par le président de la conférence des chefs d'État et de Gouvernement de l'OUA.

Article 38.

Après leur élection, les membres de la Commission font la déclaration solennelle de bien et fidèlement remplir leurs fonctions en toute impartialité.

Article 39.

1. En cas de décès ou de démission d'un membre de la Commission, le président de la Commission en informe immédiatement le secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine qui déclare le siège vacant à partir de la date du décès ou de celle à laquelle la démission prend effet.

2. Si de l'avis unanime des autres membres de la Commission, un membre a cessé de remplir ses fonctions pour toute autre cause qu'une absence de caractère temporaire, ou se trouve dans l'incapacité de continuer à les remplir, le président de la Commission en informe le secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine qui déclare alors le siège vacant.

3. Dans chacun des cas prévus ci-dessus la conférence des chefs d'État et de Gouvernement procède au remplacement du membre dont le siège est devenu vacant pour la portion du mandat restant à courir, sauf si cette portion est inférieure à six mois.

Article 40.

Tout membre de la Commission conserve son mandat jusqu'à la date d'entrée en fonction de son successeur.

Article 41.

Le secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine désigne un secrétaire de la Commission et fournit en outre le personnel et les moyens et services nécessaires à l'exercice effectif des fonctions attribuées à la Commission. L'OUA prend à sa charge le coût de ce personnel et de ces moyens et services.

Article 42.

1. La Commission élit son président et son vice-président pour une période de deux ans renouvelable.

2. Elle établit son règlement intérieur.

3. Le quorum est constitué par sept membres.

4. En cas de partage des voix au cours des votes, la voix du président est prépondérante.

5. Le secrétaire général de l'OUA peut assister aux réunions de la Commission. Il ne participe ni aux délibérations, ni aux votes. Il peut toutefois être invité par le président de la Commission à y prendre la parole.

Article 43.

Les membres de la Commission, dans l'exercice de leurs fonctions, jouissent des privilèges et immunités diplomatiques prévus par la Convention sur les privilèges et immunités de l'Organisation de l'unité africaine.

Article 44.

Les émoluments et allocations des membres de la Commission sont prévus au budget régulier de l'Organisation de l'unité africaine.

Chapitre II.
Des compétences de la Commission.

Article 45.

La Commission a pour mission de :

1. Promouvoir les droits de l'homme et des peuples et notamment :
a) Rassembler de la documentation, faire des études et des recherches sur les problèmes africains dans le domaine des droits de l'Homme et des peuples, organiser des séminaires, des colloques et des conférences, diffuser des informations, encourager les organismes
nationaux et locaux s'occupant des droits de l'homme et des peuples et, le cas échéant, donner des avis ou faire des recommandations aux Gouvernements ;
b) Formuler et élaborer, en vue de servir de base à l'adoption de textes législatifs par les
Gouvernements africains, des principes et règles qui permettent de résoudre les problèmes juridiques relatifs à la jouissance des droits de l'homme et des peuples et des libertés fondamentales ;
c) coopérer avec les autres institutions africaines ou internationales qui s'intéressent à la promotion et à la protection des droits de l'homme et des peuples.

2. Assurer la protection des droits de l'homme et des peuples dans les conditions fixées par la présente Charte.

3. Interpréter toute disposition de la présente Charte à la demande d'un État partie, d'une institution de l'OUA ou d'une organisation africaine reconnue par l'OUA.

4. Exécuter toutes autres tâches qui lui seront éventuellement confiées par la Conférence
des chefs d'État et de Gouvernement.

Chapitre III.
De la procédure de la Commission.

Article 46.

La Commission peut recourir à toute méthode d'investigation appropriée ; elle peut notamment entendre le secrétaire général de l'OUA et toute personne susceptible de
l'éclairer.

I. Des communications émanant des États parties à la présente Charte.

Article 47.

Si un État partie à la présente Charte a de bonnes raisons de croire qu'un autre État également partie à cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut appeler, par communication écrite, l'attention de cet État sur la question. Cette communication sera
également adressée au secrétaire général de l'OUA et au président de la Commission. Dans
un délai de trois mois à compter de la réception de la communication, l'État destinataire fera tenir à l'État qui a adressé la communication, des explications ou déclarations écrites élucidant la question, qui devront comprendre dans toute la mesure du possible, des indications sur les lois et règlements de procédure applicables ou appliqués et sur les moyens de recours, soit déjà utilisés, soit en instance, soit encore ouverts.

Article 48.

Si dans un délai de trois mois à compter de la date de réception de la communication originale par l'État destinataire, la question n'est pas réglée à la satisfaction des deux États intéressés, par voie de négociation bilatérale ou par toute autre procédure pacifique, l'un comme l'autre auront le droit de la soumettre à la Commission par une notification adressée à son président, à l'autre État intéressé et au secrétaire général de l'OUA.

Article 49.

Nonobstant les dispositions de l'article 47, si un État, partie à la présente Charte estime qu'un autre État également partie à cette Charte a violé les dispositions de celle-ci, il peut saisir directement la Commission par une communication adressée à son président, au secrétaire général de l'OUA et à l'État intéressé.

Article 50.

La Commission ne peut connaître d'une affaire qui lui est soumise qu'après s'être assurée que tous les recours internes, s'ils existent, ont été épuisés, à moins qu'il ne soit manifeste pour la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale.

Article 51.

1. La Commission peut demander aux États intéressés de lui fournir toute information pertinente.

2. Au moment de l'examen de l'affaire, des États parties intéressés peuvent se faire représenter devant la Commission et présenter des observations écrites ou orales.

Article 52.

Après avoir obtenu, tant des États parties intéressés que d'autres sources, toutes les informations qu'elle estime nécessaires et après avoir essayé par tous les moyens appropriés de parvenir à une solution amiable fondée sur le respect des droits de l'homme et des peuples, la Commission établit, dans un délai raisonnable à partir de la notification visée à l'article 48, un rapport relatant les faits et les conclusions auxquelles elle a abouti. Ce rapport est envoyé aux États concernés et communiqué à la conférence des chefs d'État et de Gouvernement.

Article 53.

Au moment de la transmission de son rapport, la Commission peut faire à la conférence des chefs d'État et de Gouvernement, telle recommandation qu'elle jugera utile.

Article 54.

La Commission soumet à chacune des sessions ordinaires de la conférence des chefs d'État et de Gouvernement un rapport sur ses activités.

II. Des autres communications.

Article 55.

1. Avant chaque session, le secrétaire de la Commission dresse la liste des communications autres que celles des États parties à la présente Charte et les communique aux membres de la Commission qui peuvent demander à en prendre connaissance et en saisir la Commission.

2. La Commission en sera saisie, sur la demande de la majorité absolue de ses membres.

Article 56.

Les communications visées à l'article 55 reçues à la Commission et relatives aux droits de l'homme et des peuples doivent nécessairement, pour être examinées, remplir les conditions ci-après :

1. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la Commission de garder
l'anonymat ;

2. Être compatibles avec la Charte de l'Organisation de l'unité africaine ou avec la présente
Charte ;

3. Ne pas contenir des termes outrageants ou insultants à l'égard de l'État mis en cause, de
ses institutions ou de l'OUA ;

4. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées par des moyens de
communication de masse ;

5. Être postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils existent, à moins qu'il ne soit
manifeste à la Commission que la procédure de ces recours se prolonge d'une façon anormale ;

6. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis l'épuisement des voies de recours internes ou depuis la date retenue par la Commission comme faisant commencer à courir le délai de sa propre saisine ;

7. Ne pas concerner des cas qui ont été réglés conformément soit aux principes de la Charte des Nations unies, soit de la Charte de l'OUA et soit des dispositions de la présente Charte.

Article 57.

Avant tout examen au fond, toute communication doit être portée à la connaissance de l'État intéressé par les soins du président de la Commission.

Article 58.

1. Lorsqu'il apparaît à la suite d'une délibération de la Commission qu'une ou plusieurs communications relatent des situations particulières qui semblent révéler l'existence d'un ensemble de violations graves ou massives des droits de l'homme et des peuples, la Commission attire l'attention de la conférence des chefs d'État et de Gouvernement sur ces situations.

2. La conférence des chefs d'État et de Gouvernement peut alors demander à la Commission de procéder sur ces situations à une étude approfondie et de lui rendre compte dans un rapport circonstancié accompagné de ses conclusions et recommandations.

3. En cas d'urgence dûment constatée par la Commission, celle- ci saisit le président de la conférence des chefs d'État et de Gouvernement qui pourra demander une étude approfondie.

Article 59.

1. Toutes les mesures prises dans le cadre du présent chapitre resteront confidentielles jusqu'au moment où la conférence des chefs d'État et de Gouvernement en décidera autrement.

2. Toutefois, le rapport est publié par le président de la Commission sur décision de la conférence des chefs d'État et de Gouvernement.

3. Le rapport d'activités de la Commission est publié par son président après son examen
par la conférence des chefs d'État et de Gouvernement.

Chapitre IV.
Des principes applicables.

Article 60.

La Commission s'inspire du droit international relatif aux droits de l'homme et des peuples, notamment des dispositions des divers instruments africains relatifs aux droits de l'homme et des peuples, des dispositions de la Charte des Nations unies, de la Charte de l'Organisation de l'unité africaine, de la Déclaration universelle des droits de l'homme, des dispositions des autres instruments adoptés par les Nations unies et par les pays africains dans le domaine des droits de l'homme et des peuples ainsi que des dispositions de divers instruments adoptés au sein d'institutions spécialisées des Nations unies dont sont membres les parties à la présente Charte.

Article 61.

La Commission prend aussi en considération comme moyens auxiliaires de détermination des règles de droit, les autres conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les États membres de l'OUA, les pratiques africaines conformes aux normes internationales relatives aux droits de l'homme et des peuples, les coutumes généralement acceptées comme étant le droit, les principes généraux de droit reconnus par les nations africaines ainsi que la jurisprudence et la doctrine.

Article 62.

Chaque État partie s'engage à présenter tous les deux ans à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente Charte, un rapport sur les mesures d'ordre législatif ou autre, prises en vue de donner effet aux droits et libertés reconnus et garantis dans la présente Charte.

Article 63.

1. La présente Charte sera ouverte à la signature, à la ratification ou à l'adhésion des autres membres de l'OUA.

2. Les instruments de ratification ou d'adhésion de la présente Charte seront déposés auprès du secrétaire général de l'OUA.

3. La présente Charte entrera en vigueur trois mois après la réception par le secrétaire général des instruments de ratification ou d'adhésion de la majorité absolue des États membres de l'OUA.


Troisième partie.
Dispositions diverses.

Article 64.

1. Dès l'entrée en vigueur de la présente Charte, il sera procédé à l'élection des membres de la Commission dans les conditions fixées par les dispositions des articles pertinents de la présente Charte.

2. Le secrétaire général de l'OUA convoquera la première réunion de la Commission au siège de l'Organisation. Par la suite, la Commission sera convoquée chaque fois qu'il sera nécessaire et au moins une fois par an par son président.

Article 65.

Pour chacun des États qui ratifieront la présente Charte ou y adhéreront après son entrée en vigueur, ladite Charte prendra effet trois mois après le dépôt par cet État, de son instrument de ratification ou d'adhésion.

Article 66.

Des protocoles ou accords particuliers pourront, en cas de besoin, compléter les dispositions de la présente Charte.

Article 67.

Le secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine informera les États membres de l'Organisation de l'unité africaine du dépôt de chaque instrument de ratification ou d'adhésion.

Article 68.

La présente Charte peut être amendée ou révisée si un État partie envoie à cet effet une demande écrite au secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine. La conférence des chefs d'État et de Gouvernement n'est saisie du projet d'amendement que lorsque tous les États parties en auront été dûment avisés et que la Commission aura donné son avis à la diligence de l'État demandeur. L'amendement doit être approuvé par la majorité absolue des États parties. Il entre en vigueur pour chaque État qui l'aura accepté conformément à ses règles constitutionnelles, trois mois après la notification de cette acceptation au secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine.

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Jean-Pierre Maury