À tous ceux qui ces présentes verront, salut.
Article 2.
Ils contribuent indistinctement, dans la proportion de leur fortune,
aux charges de l'État.
Article 3.
Ils sont tous également admissibles aux emplois civils et militaires.
Article 4.
Leur liberté individuelle est également garantie, personne
ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas
prévus par la loi, et dans la forme qu'elle prescrit.
Article 5.
Chacun professe sa religion avec une égale liberté, et
obtient pour son culte la même protection.
Article 6.
Cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion
de l'État.
Article 7.
Les ministres de la religion catholique, apostolique et romaine, et
ceux des autres cultes chrétiens, reçoivent seuls des traitements
du trésor royal.
Article 8.
Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs
opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus
de cette liberté.
Article 9.
Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception
de celles qu'on appelle nationales, la loi ne mettant aucune différence
entre elles.
Article 10.
L'État peut exiger le sacrifice d'une propriété,
pour cause d'intérêt public légalement constaté,
mais avec une indemnité préalable.
Article 11.
Toutes recherches des opinions et votes émis jusqu'à
la restauration sont interdites. Le même oubli est commandé
aux tribunaux et aux citoyens.
Article 12.
La conscription est abolie. Le mode de recrutement de l'armée
de terre et de mer est déterminé par une loi.
Article 14.
Le roi est le chef suprême de l'État, commande les forces
de terre et de mer, déclare la guerre, fait les traités de
paix, d'alliance et de commerce, nomme à tous les emplois d'administration
publique, et fait les règlements et ordonnances nécessaires
pour l'exécution des lois et la sûreté de l'État.
Article 15.
La puissance législative s'exerce collectivement par le roi,
la chambre des pairs, et la chambre des députés des départements.
Article 16.
Le roi propose la loi.
Article 17.
La proposition de la loi est portée, au gré du roi, à
la chambre des pairs ou à celle des députés, excepté
la loi de l'impôt, qui doit être adressée d'abord à
la chambre des députés.
Article 18.
Toute la loi doit être discutée et votée librement
par la majorité de chacune des deux chambres.
Article 19.
Les chambres ont la faculté de supplier le roi de proposer une
loi sur quelque objet que ce soit, et d'indiquer ce qu'il leur paraît
convenable que la loi contienne.
Article 20.
Cette demande pourra être faite par chacune des deux chambres,
mais après avoir été discutée en comité
secret : elle ne sera envoyée à l'autre chambre par celle
qui l'aura proposée, qu'après un délai de dix jours.
Article 21.
Si la proposition est adoptée par l'autre chambre, elle sera
mise sous les yeux du roi ; si elle est rejetée, elle ne pourra
être représentée dans la même session.
Article 22.
Le roi seul sanctionne et promulgue les lois.
Article 23.
La liste civile est fixée pour toute la durée du règne,
par la première législature assemblée depuis l'avènement
du roi.
Article 25.
Elle est convoquée par le roi en même temps que la chambre
des députés des départements. La session de l'une
commence et finit en même temps que celle de l'autre.
Article 26.
Toute assemblée de la chambre des pairs qui serait tenue hors
du temps de la session de la chambre des députés, ou qui
ne serait pas ordonnée par le roi, est illicite et nulle de plein
droit.
Article 27.
La nomination des pairs de France appartient au roi. Leur nombre est
illimité ; il peut en varier les dignités, les nommer à
vie ou les rendre héréditaires, selon sa volonté.
Article 28.
Les pairs ont entrée dans la chambre à vingt-cinq ans,
et voix délibérative à trente ans seulement.
Article 29.
La chambre des pairs est présidée par le chancelier de
France, et, en son absence, par un pair nommé par le roi.
Article 30.
Les membres de la famille royale et les princes du sang sont pairs
par le droit de leur naissance. Ils siègent immédiatement
après le président ; mais ils n'ont voix délibérative
qu'à vingt-cinq ans.
Article 31.
Les princes ne peuvent prendre séance à la chambre que
de l'ordre du roi, exprimé pour chaque session par un message, à
peine de nullité de tout ce qui aurait été fait en
leur présence.
Article 32.
Toutes les délibérations de la chambre des pairs sont
secrètes.
Article 33.
La chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et
des attentats à la sûreté de l'État qui seront
définis par la loi.
Article 34.
Aucun pair ne peut être arrêté que de l'autorité
de la chambre, et jugé que par elle en matière criminelle.
Article 36.
Chaque département aura le même nombre de députés
qu'il a eu jusqu'à présent.
Article 37.
Les députés seront élus pour cinq ans, et de manière
que la chambre soit renouvelée chaque année par cinquième.
Article 38.
Aucun député ne peut être admis dans la chambre,
s'il n'est âgé de quarante ans, et s'il ne paye une contribution
directe de mille francs.
Article 39.
Si néanmoins il ne se trouvait pas dans le département
cinquante personnes de l'âge indiqué, payant au moins mille
francs de contributions directes, leur nombre sera complété
par les plus imposés au-dessous de mille francs, et ceux-ci pourront
être élus concurremment avec les premiers.
Article 40.
Les électeurs qui concourent à la nomination des députés,
ne peuvent avoir droit de suffrage s'ils ne payent une contribution directe
de trois cent francs, et s'ils ont moins de trente ans.
Article 41.
Les présidents des collèges électoraux seront
nommés par le roi et de droit membres du collège.
Article 42.
La moitié au moins des députés sera choisie parmi
les éligibles qui ont leur domicile politique dans le département.
Article 43.
Le président de la chambre des députés est nommé
par le roi, sur une liste de cinq membres présentée par la
chambre.
Article 44.
Les séances de la chambre sont publiques ; mais la demande de
cinq membres suffit pour qu'elle se forme en comité secret.
Article 45.
La chambre se partage en bureaux pour discuter les projets qui lui
ont été présentés de la part du roi.
Article 46.
Aucun amendement ne peut être fait à une loi, s'il n'a
été proposé ou consenti par le roi, et s'il n'a été
renvoyé et discuté dans les bureaux.
Article 47.
La chambre des députés reçoit toutes les propositions
d'impôts ; ce n'est qu'après que ces propositions ont été
admises, qu'elles peuvent être portées à la chambre
des pairs.
Article 48.
Aucun impôt ne peut être établi ni perçu,
s'il n'a été consenti par les deux chambres et sanctionné
par le roi.
Article 49.
L'impôt foncier n'est consenti que pour un an. Les impositions
indirectes peuvent l'être pour plusieurs années.
Article 50.
Le roi convoque chaque année les deux chambres ; il les proroge,
et peut dissoudre celle des députés des départements
; mais, dans ce cas, il doit en convoquer une nouvelle dans le délai
de trois mois.
Article 51.
Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre
un membre de la chambre, durant la session, et dans les six semaines qui
l'auront précédée ou suivie.
Article 52.
Aucun membre de la chambre ne peut, pendant la durée de la session,
être poursuivi ni arrêté en matière criminelle,
sauf le cas de flagrant délit, qu'après que la chambre a
permis sa poursuite.
Article 53.
Toute pétition à l'une ou à l'autre des chambres
ne peut être faite et présentée que par écrit.
La loi interdit d'en apporter en personne et à la barre.
Article 55.
La chambre des députés a le droit d'accuser les ministres,
et de les traduire devant la chambre des pairs, qui seule a celui de les
juger.
Article 56.
Ils ne peuvent être accusés que pour fait de trahison
ou de concussion. Des lois particulières spécifieront cette
nature de délits, et en détermineront la poursuite.
Article 58.
Les juges nommés par le roi sont inamovibles.
Article 59.
Les cours et tribunaux ordinaires actuellement existants sont maintenus.
Il n'y sera rien changé qu'en vertu d'une loi.
Article 60.
L'institution actuelle des juges de commerce est conservée.
Article 61.
La justice de paix est également conservée. Les juges
de paix, quoique nommés par le roi, ne sont point inamovibles.
Article 62.
Nul ne pourra être distrait de ses juges naturels.
Article 63.
Il ne pourra en conséquence être créé de
commissions et tribunaux extraordinaires. Ne sont pas comprises sous cette
dénomination les juridictions prévôtales, si leur rétablissement
est jugé nécessaire.
Article 64.
Les débats seront publics en matière criminelle, à
moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre et les
moeurs ; et, dans ce cas, le tribunal le déclare par un jugement.
Article 65.
L'institution des jurés est conservée. Les changements
qu'une plus longue expérience ferait juger nécessaires, ne
peuvent être effectués que par une loi.
Article 66.
La peine de la confiscation des biens est abolie, et ne pourra pas
être rétablie.
Article 67.
Le roi a le droit de faire grâce, et celui de commuer les peines.
Article 68.
Le code civil et les lois actuellement existantes qui ne sont pas contraires
à la présente charte, restent en vigueur jusqu'à ce
qu'il y soit légalement dérogé.
Article 70.
La dette publique est garantie. Toute espèce d'engagement pris
par l'État avec ses créanciers est inviolable.
Article 71.
La noblesse ancienne reprend ses titres. La nouvelle conserve les siens.
Le roi fait des nobles à volonté ; mais il ne leur accorde
que des rangs et des honneurs, sans aucune exemption des charges et des
devoirs de la société.
Article 72.
La Légion d'honneur est maintenue. Le roi déterminera
les règlements intérieurs et la décoration.
Article 73.
Les colonies seront régies par des lois et des règlements
particuliers.
Article 74.
Le roi et ses successeurs jureront, dans la solennité de leur
sacre, d'observer fidèlement la présente charte constitutionnelle.
Article 76.
Le premier renouvellement d'un cinquième de la chambre des députés
aura lieu au plus tard en l'année 1816, suivant l'ordre établi
entre les séries.
Donné à Paris, le 4 juin, l'an de grâce 1814 et
de notre règne le dix-neuvième.
Signé Louis.
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