Tunisie


Établissement du protectorat de la France sur la Tunisie.

Au XIXe siècle, la Régence de Tunis parvient à échapper à la domination ottomane, mais c'est seulement pour tomber sous la dépendance des puissances européennes. En 1869, ses finances en déroute, elle est placée sous la tutelle d'une commission financière internationale. L'influence française se heurte aux ambitions anglaises et italiennes, mais prenant prétexte des fréquentes incursions de bandes nomades en Algérie, Jules Ferry, en avril 1881, fait envahir la Tunisie. Le Bey doit accepter le 12 mai 1881 le traité de garantie, connu comme le traité du Bardo, qui établit le protectorat français. Devant les réactions hostiles des tribus, l'intervention militaire de la France s'accroît et la convention de La Marsa, le 8 juin 1883, précise le régime du protectorat, qui évoluera vers l'administration directe du pays au début du XXe siècle.

Traité de garantie
conclu à Kasr Saïd, entre la France et Tunis.

Le Gouvernement de la République française et celui de Son Altesse le Bey de Tunis,

Voulant empêcher à jamais le renouvellement des désordres qui se sont produits récemment sur les frontières des deux États et sur le littoral de la Tunisie, et désireux de resserrer leurs anciennes relations d'amitié et de bon voisinage, ont résolu de conclure une Convention à cette fin, dans l'intérêt des deux Hautes Parties contractantes,

En conséquence, le Président de la République française a nommé pour son plénipotentiaire M. le Général Bréart, qui est tombé d'accord avec son Altesse le Bey sur les stipulations suivantes :

Article premier.

Les Traités de paix, d'amitié et de commerce et toutes autres Conventions existant actuellement entre la République française et Son Altesse le Bey de Tunis sont expressément confirmés et renouvelés.

Article 2.

En vue de faciliter au Gouvernement de la République française l'accomplissement des mesures qu'il doit prendre pour atteindre le but que se proposent les Hautes Parties contractantes, Son Altesse le Bey de Tunis consent à ce que l'Autorité militaire française fasse occuper les points qu'elle jugera nécessaires pour assurer le rétablissement de l'ordre et la sécurité des frontières et du littoral.

Cette occupation cessera lorsque les Autorités militaires françaises et tunisiennes auront reconnu, d'un commun accord, que l'administration locale est en état de garantir le maintien de l'ordre.

Article 3.

Le Gouvernement de la République française prend l'engagement de prêter un constant appui à Son Altesse le Bey de Tunis, contre tout danger qui menacerait la personne ou la dynastie de Son Altesse ou qui compromettrait la tranquillité de ses États.

Article 4.

Le Gouvernement de la République française se porte garant de l'exécution des traités actuellement existants entre le Gouvernement de la Régence et les diverses Puissances européennes.

Article 5.

Le Gouvernement de la République française sera représenté auprès de Son Altesse le Bey de Tunis par un Ministre Résident, qui veillera à l'exécution du présent Acte, et qui sera l'intermédiaire des rapports du Gouvernement français avec les Autorités tunisiennes pour toutes les affaires communes aux deux pays.

Article 6.

Les Agents diplomatiques et consulaires de la France en pays étrangers seront chargés de la protection des intérêts tunisiens et des nationaux de la Régence.

En retour, Son Altesse le Bey s'engage à ne conclure aucun acte ayant un caractère international sans en avoir donné connaissance au Gouvernement de la République française et sans s'être entendu préalablement avec lui.

Article 7.

Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Son Altesse le Bey de Tunis se réservent de fixer, d'un commun accord, les bases d'une organisation financière de la Régence, qui soit de nature à assurer le service de la Dette publique et à garantir les droits des créanciers de la Tunisie.

Article 8.

Une contribution de guerre sera imposée aux tribus insoumises de la frontière et du littoral. Une convention ultérieure en déterminera le chiffre et le mode de recouvrement, dont le Gouvernement de Son Altesse le Bey se porte responsable.

Article 9.

Afin de protéger contre la contrebande des armes et des munitions de guerre les possessions algériennes de la République française, le Gouvernement de son Altesse le Bey de Tunis s'engage à prohiber toute introduction d'armes ou de munitions de guerre par l'île de Djerba, le port de Gabès ou les autres ports du sud de la Tunisie.

Article 10.

Le présent Traité sera soumis à la ratification du Gouvernement de la République française, et l'instrument de ratification sera soumis à Son Altesse le Bey de Tunis dans le plus bref délai possible.

Kasr Saïd, le 12 mai 1881.

Mohammed es-Saddok Bey.

Général Bréart.


Convention conclue à La Marsa entre la France et la Tunisie pour régler les rapports respectifs des deux pays.

Son Altesse le Bey de Tunis, prenant en considération la nécessité d'améliorer la situation intérieure de la Tunisie, dans les conditions prévues par le Traité du 12 mai 1881, et le Gouvernement de la République ayant à coeur de répondre à ce désir et de consolider ainsi les relations d'amitié heureusement existantes entre les deux pays, sont convenus de conclure une Convention spéciale à cet effet ; en conséquence, le Président de la République française a nommé pour son Plénipotentiaire M. Pierre-Paul Cambon, son Ministre résident à Tunis, officier de la Légion d'honneur, décoré de l'Haid et grand-croix du Nichan Iftikar, etc., lequel, après avoir communiqué ses pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, a arrêté, avec son Altesse le Bey de Tunis, les dispositions suivantes:

Article premier.

Afin de faciliter au Gouvernement français l'accomplissement de son Protectorat, Son Altesse le Bey de Tunis s'engage à procéder aux réformes administratives, judiciaires et financières que le Gouvernement français jugera utiles.

Article 2.

Le Gouvernement français garantira, à l'époque et sous les conditions qui lui paraîtront les meilleures, un emprunt à émettre par Son Altesse le Bey, pour la conversion ou le remboursement de la dette consolidée s'élevant à la somme de 125 millions de francs et de la dette flottante jusqu'à concurrence d'un maximum de 17.550.000 francs.

Son Altesse le Bey s'interdit de contracter, à l'avenir, aucun emprunt pour le compte de la Régence sans l'autorisation du Gouvernement français.

Article 3.

Sur les revenus de la Régence, Son Altesse le Bey prélèvera :
1° les sommes nécessaires pour assurer le service de l'emprunt garanti par la France ;
2° la somme de 2 millions de piastres (1.200.000 fr.) montant de sa liste civile, le surplus des revenus devant être affecté aux dépenses d'administration de la Régence et au remboursement des charges du Protectorat.

Article 4.

Le présent arrangement confirme et complète, en tant que de besoin, le Traité du 12 mai 1881. Il ne modifiera pas les dispositions précédemment intervenues pour le règlement des contributions de guerre.

Article 5.

La présente Convention sera soumise à la ratification du Gouvernement de la République française, et l'instrument de ladite ratification sera remis à Son Altesse le Bey de Tunis dans le plus bref délai possible.

En foi de quoi, les soussignés ont dressé le présent acte et l'ont revêtu de leurs cachets.

Fait à La Marsa, le 8 juin 1883.

Mohammed es-Saddok Bey.

Paul Cambon.


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