(10 février 1701)
La loi de 1689 (Bill of Rights) avait réglé provisoirement la succession à la couronne en écartant les princes catholiques au profit des deux filles de Jacques II, mais Marie, désignée comme reine avec son époux Guillaume d'Orange, décède prématurément sans descendance, et le dernier survivant des enfants d'Anne de Danemark décède en 1700, en bas âge. Il convient donc d'établir de nouvelles règles ; c'est l'objet de la loi d'établissement de 1701. C'est ainsi que fut désignée une petite-fille de Jacques 1er, Sophie, épouse de l'Électeur de Hanovre, dont le fils, Georges, devint effectivement roi en 1714.
La loi de 1701 a établi les règles de succession au trône jusqu'à nos jours. Cependant, le 28 octobre 2011, à l'initiative du gouvernement britannique, le principe d'une modification de ces dispositions a été acceptée par les gouvernements des 16 pays dont la reine Élisabeth est alors chef de l'État. Le processus est en cours, mais des difficultés pourraient survenir dans certains pays.
La loi de 1701 permet également au Parlement d'accroître son autorité en établissant huit clauses limitant l'autorité royale (article III) : clause d'anglicanisme ; union personnelle avec les États ou territoires que le roi possèderait personnellement (l'Angleterre ne devait pas être mêlée aux affaires d'Allemagne intéressant le Hanovre) ; clause de résidence (le roi ne peut sortir du royaume sans l'autorisation du Parlement) ; clause de nationalité (pas de nomination d'étrangers même naturalisés) ; clause de publicité des débats du cabinet ; clause de non cumul entre fonction dépendant du roi et fonction élective ; clause d'indépendance des juges ; et clause prohibant le pardon royal pour les personnes mises en accusation (impeachment) devant le Parlement. Cette dernière clause notamment, en interdisant aux collaborateurs du roi d'invoquer l'obéissance à ses ordres, a permis le développement du contrôle parlementaire sur les ministres et l'évolution vers le régime parlementaire.
Source de la traduction : Dumont, Corps diplomatique, tome VIII, 1re partie, p. 3. J'ai simplement modernisé l'orthographe et corrigé la traduction de la clause 5 de l'article III. On peut consulter une traduction plus moderne, due à notre collègue André Émond, de l'Université laurentienne, tirée de son excellent ouvrage sur la Constitution du Royaume-Uni, Wilson et Lafleur, 2009.
Texte anglais original : William III, 1700 & 1701: An Act for the further Limitation of the Crown and better securing the Rights and Liberties of the Subject [Chapter II. Rot. Parl. 12 & 13 Gul. III. p. 1. n. 2.], Statutes of the Realm : volume 7: 1695-1701 (1820), pp. 636-638 ; British History Online, au BAILLI, ou à Wikisource.
Loi en vigueur : UK Statute Law Database.
I. Attendu que dans la première année du règne de V. M. et de feue notre très-gracieuse souveraine, la reine Marie, d'heureuse mémoire, un acte du parlement avait été fait et intitulé Acte pour déclarer les droits et les libertés des sujets, et pour établir la succession à la couronne ; acte dans lequel, entre autres choses, il avait été établi, déclaré et passé en loi, que la couronne et le gouvernement royal des royaumes d'Angleterre, de France et d'Irlande, et des domaines qui en dépendent, seraient et continueraient dans V. M. et ladite feue reine, pendant qu'ils vivraient conjointement, et pendant la vie de celle qui survivrait, et qu'après le décès de V. M. et de ladite reine, ladite couronne et gouvernement royal seraient et demeureraient aux héritiers issus de ladite feue reine, et au défaut d'une telle lignée, à son altesse royale la princesse Anne de Danemark et à ses descendants ; et au défaut d'une telle lignée, aux héritiers descendants de V. M. Qu'il fut d'ailleurs par là, passé en loi, que toutes et chaque personne ou personnes qui seraient alors, ou dans la suite, réconciliées, ou qui auraient communication avec le Siège ou l'église dé Rome, ou qui feraient profession de la religion papiste, ou qui se marieraient à des papistes, seraient exclues et rendues incapables pour toujours d'hériter, posséder, ou tenir la couronne et le gouvernement de ce royaume, de l'Irlande et des domaines qui en dépendent, ou d'aucune partie d'iceux ; et d'avoir, ou exercer aucun pouvoir, autorité ou juridiction royale dans iceux. Et que dans tous et chacun desdits cas, les peuples de ces royaumes seraient et sont, par là, absous de leur fidélité et ladite couronne et gouvernement descendraient successivement et seraient possédés par telles personnes ou personnes qui, étant protestantes, auraient hérité et joui d'iceux, en cas que ladite personne pu personnes ainsi réconciliées, ayant communion, professant ou se mariant, comme dessus, fussent naturellement mortes.
Qu'après avoir fait un tel statut, et l'établissement qui y est contenu, les bons sujets de V. M. qui ont été rétablis dans l'entière et libre possession et jouissance de leur religion, de leurs lois et de leurs libertés, par la providence de Dieu, qui a béni d'un heureux succès les justes entreprises et les infatigables efforts que V. M. a faits pour cela, n'avaient point à espérer ou à souhaiter un plus grand bonheur temporel que celui de voir une royale lignée venant de V. M. à laquelle, après Dieu, ils doivent leur tranquillité, et dont les ancêtres ont été, pendant une longue suite d'années, les principaux appuis de la religion réformée et des libertés de l'Europe, et de notre dite très-gracieuse souveraine la reine Marie, dont la mémoire sera toujours précieuse aux sujets de ces royaumes. Et comme il a depuis plu au Tout-Puissant de prendre à lui notre dite souveraine, comme aussi le prince Guillaume, duc de Gloucester, qui faisait toute notre espérance, et qui était le seul rejeton vivant de son altesse royale la princesse Anne de Danemark, au déplaisir et au regret inexprimable de V. M. et de vos dits bons sujets, qui réfléchissant avec douleur, par de telles pertes, qu'il dépend entièrement du bon plaisir du Tout-Puissant de prolonger la vie de V. M. et celle de son altesse royale, et d'accorder à V. M. ou à son altesse royale une lignée qui puisse hériter de la couronne et du gouvernement royal, comme dessus, selon les établissements respectifs contenus dans l'acte ci-dessus mentionné, implorent la miséricorde, divine pour obtenir ces bénédictions. Et lesdits sujets de V. M. ayant une expérience journalière du soin et de l'intérêt que V. M. prend pour la prospérité présente et future de ces royaumes, et particulièrement par la recommandation que V. M. a faite, étant assise sur son trône, pour étendre la succession de la couronne dans la ligne protestante, pour le bonheur de la nation et la sûreté de notre religion et étant absolument nécessaire pour la sûreté, la paix et la tranquillité de ce royaume, de prévenir en icelui, tous les doutes et disputes qui pourraient y survenir, à cause de quelques prétendus titres à la couronne, et de maintenir une certitude dans la succession d'icelle, à laquelle vos sujets puissent sûrement avoir recours pour leur protection, au cas que la succession établie par l'acte sus-mentionné vînt à finir.A ces causes, pour une plus ample disposition de la succession de la couronne dans la ligne protestante, nous, les très obéissants et très fidèles sujets de V. M., les seigneurs spirituels et temporels et les communes assemblées, en ce présent parlement, supplions V. M. qu'il soit établi et déclaré, ainsi qu'il est établi et déclaré par S. M. le roi, par et avec l'avis et consentement des seigneurs spirituels et temporels, et des communes assemblées en ce présent parlement, et par l'autorité d'iceux, que la très-excellente princesse Sophie, électrice et duchesse douairière de Hanovre, fille de la feue très-excellente princesse Élisabeth, reine de Bohême, fille de feu notre souverain seigneur le roi Jacques 1er d'heureuse mémoire, soit, et est par celle-ci, déclarée être la plus proche à la succession, dans la ligne protestante, à la couronne impériale et à la dignité desdits royaumes d'Angleterre, de France et d'Irlande, et des domaines qui en dépendent, après S. M. et la princesse Anne de Danemark ; et à défaut respectivement de lignée de ladite princesse Anne et de S. M. Et que dès et après le décès de sadite Majesté, à présent notre souverain seigneur et de son altesse royale la princesse Anne de Danemark, et à défaut respectivement de lignée de ladite princesse Anne de Danemark et de S. M., la couronne et le gouvernement royal desdits royaumes d'Angleterre, de France et d'Irlande et des domaines qui en dépendent, avec l'état et dignité royale desdits royaumes, et avec tous les honneurs, qualités, titres, régales, prérogatives, pouvoirs, juridictions et autorités qui en dépendent et qui leurs appartiennent, seront et continueront à ladite très-excellente princesse Sophie et aux héritiers issus de son corps, étant protestants. Et c'est à quoi lesdits seigneurs spirituels et temporels et les communes au nom de tout le peuple de ce royaume, se soumettent très-humblement et loyalement, tant eux que leurs héritiers et postérité et promettent fidèlement qu'après le décès de S. M. et de son altesse royale et à défaut d'héritiers issus de leurs respectifs corps, ils soutiendront, maintiendront et défendront ladite princesse Sophie et les héritiers issus de son corps, étant protestants, selon la limitation et la succession à la couronne ci-spécifiée et contenue, de tout leur pouvoir, et aux dépens de leur vie et de leurs biens, contre toute personne que ce soit qui attentera quelque chose au contraire.
II. Bien entendu toujours, ainsi qu'il est établi par celle-ci, que toutes et chacune personne ou personnes qui hériteront ou pourront hériter de ladite couronne, en vertu de la limitation de ce présent acte, qui est, sont ou seront réconciliées ou qui auront communion avec le Siège ou l'église de Rome, ou qui feront profession de la religion papiste, seront sujettes aux incapacités ; lesquelles, dans tous et chacun desdits cas, sont déclarées, statuées et établies par ledit acte sus-mentionné. Et que chaque roi ou reine de ce royaume, qui viendra ou succédera à ce royaume et à la couronne impériale de ce royaume, en vertu de ce présent acte, prêtera le serment du couronnement qui sera administré à lui, à elle, ou à eux, à leurs respectifs couronnements, selon l'acte de parlement fait en la première année du règne de S. M. et de ladite feue reine Marie, intitulé Acte pour établir le serment du couronnement [An Act for establishing the Coronation Oath] ; et fera, souscrira et répétera la déclaration mentionnée dans ledit acte, et rapportée en premier lieu ci-dessus, en la manière et forme qui y est prescrite.
III. Et d'autant qu'il est requis et nécessaire de pourvoir plus amplement à la sûreté de notre religion, de nos lois et de nos libertés, dès et après le décès de S. M. et de la princesse Anne de Danemark, et à défaut de lignée respective, issue du corps de ladite princesse ou de S. M. le roi. Il est établi par et avec l'avis et consentement des seigneurs spirituels et temporels, et des communes assemblées en parlement, et par l'autorité d'iceux.
Que quiconque viendra ci-après à la possession de cette couronne, se conformera à la communion de l'église Anglicane,
ainsi qu'elle est établie par les lois.Qu'au cas que la couronne et la dignité impériale de ce royaume viennent à tomber à quelque personne qui ne sera
pas native de ce royaume d'Angleterre, la nation ne sera point obligée de s'engager dans aucune guerre pour la défense de quelques États ou territoires qui n'appartiendront point à la couronne d'Angleterre, sans le consentement du parlement.Que nulle personne qui viendra ci-après à la possession de cette couronne, ne sortira des domaines d'Angleterre, d'Écosse ou d'Irlande sans le consentement du parlement.
Que dès et après le temps que cette plus ample limitation faite par cet acte aura lieu, toutes les matières et affaires relatives au bon gouvernement de ce royaume, qui sont proprement, par les lois et coutumes de ce royaume, du ressort du conseil privé, y seront traitées ; et toutes les résolutions qui y seront prises, seront signées par ceux du conseil privé, qui y donneront leur avis et leur consentement.
Qu'après que ladite limitation aura lieu, nulle personne née hors des royaumes d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande ou des domaines qui en dépendent (quoiqu'elle soit naturalisée ou [ait obtenu le droit de cité] excepté celles qui seront nées de père et mère Anglais) ne sera capable d'être du conseil privé ou membre de l'une ou l'autre des chambres du parlement, ou de jouir d'aucun office ou poste de confiance, soit civil ou militaire, ou d'avoir aucune concession de terres, maisons ou héritages
de la couronne pour elle-même ou pour aucun autre ou autres en commission pour elle.Que nulle personne qui a un office ou charge de profit sous le roi, ou qui reçoit une pension de la couronne, ne sera capable de servir comme membre de la chambre des communes.
Qu'après que ladite limitation aura lieu, ainsi que dessus, les commissions des juges seront faites, tandis qu'ils se comporteront bien, et leurs salaires assurés et établis mais il sera loisible de les déplacer sur une adresse de l'une et de l'autre chambre du parlement.
Que nul pardon, sous le grand-sceau d'Angleterre, ne sera reçu contre une accusation des communes en parlement.
IV. Et comme les lois d'Angleterre sont les droits naturels du peuple d'icelle, et que tous les rois et reines qui monteront sur le trône de ce royaume doivent le gouverner conformément aux dites lois et que tous leurs officiers et ministres doivent respectivement les servir selon les mêmes lois ; à ces causes, lesdits seigneurs spirituels et temporels et les communes supplient aussi avec humilité que toutes les lois et statuts de ce royaume qui tendent à assurer la religion établie et les droits et les libertés du peuple d'icelui, et tous autres lois et statuts dudit royaume qui sont à présent en force puissent être ratifiés et confirmés et suivant cela, les mêmes sont par S. M., par, et avec l'avis et consentement desdits lords spirituels et temporels et des communes, et par l'autorité d'iceux, ratifiés et confirmés.
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