Norvège

Constitution du 17 mai 1814

Promulguée le 17 mai 1814 par l'Assemblée constituante réunie à Eidsvoll.

Consulter la version adoptée par le Storting le 4 novembre 1814.
Consulter la version de 1905.
Consulter la version en vigueur.

A. De la forme du Gouvernement et de la religion

Article premier.

Le royaume de Norvège est un État libre, indépendant, indivisible et inaliénable. La forme de son gouvernement est celle d'une monarchie limitée et héréditaire.

Article 2.

La religion évangélique luthérienne demeure la religion officielle de l'État. Les habitants qui la professent sont tenus d'y élever leurs enfants. Les jésuites et les ordres de moine n'y sont point tolérés.

Comme par le passé, les Juifs ne pourront pas s'établir dans le royaume.


B. Du pouvoir exécutif, du Roi et de la famille royale

Article 3.

Le pouvoir exécutif appartient au Roi. Son titre est : Roi de Norvège par la grâce de Dieu et par la Constitution du Royaume.

Article 4.

La personne du Roi est sacrée ; il ne peut être poursuivi ni tenu pour responsable. La responsabilité incombe à son Conseil.

Article 5.

La succession au trône est linéale et agnatique, de sorte que la Couronne se transmet de mâle en mâle et que la ligne la plus proche l'emporte sur la plus éloignée et le plus âgé dans chaque ligne sur le cadet.

Article 6.

Les mâles, engendrés par le roi dans une union légitime, sont les héritiers naturels appelés à la succession au trône, dans l'ordre prescrit à l'article précédent, de telle sorte que le Royaume reste toujours parfaitement uni. Les autres princes appelés à la couronne par hérédité doivent se contenter de l'apanage accordé par le Storting jusqu'à ce que l'ordre de succession les appelle.

Article 7.

A la naissance d'un prince, appelé à l'hérédité de la couronne de Norvège, son nom et la date de sa naissance sont notifiés au premier Storting qui viendra à se tenir et consignés dans ses procès-verbaux.

Article 8.

Parmi les héritiers, se trouve l'enfant à naître qui, lorsqu'il vient au monde après la mort de son père, prend immédiatement le rang qui lui revient dans la ligne héréditaire.

Article 9.

S'il n'existe aucun prince appelé légitimement à la succession, le Roi peut proposer son successeur au Storting, qui accepte la proposition ou la renvoie.

Article 10.

Le Roi est majeur à vingt ans révolus. Dès qu'il est entré dans sa vingt et unième année, il proclame officiellement sa majorité.

Article 11.

Aussitôt que le Roi, devenu majeur, assume le gouvernement, il prête devant le Storting le serment suivant : « Je promets et je jure de gouverner le royaume de Norvège conformément à sa Constitution et à ses lois ; ainsi Dieu tout puissant et omniscient et sa sainte parole me soient en aide. »

Si le Storting ne se trouve pas réuni à cette époque, le serment sera déposé par écrit au Conseil des ministres, et renouvelé solennellement par le Roi à la première session du Storting, soit de vive voix, soit par écrit, par celui que le roi aura délégué à cet effet.

Article 12.

Le couronnement et le sacre du roi se feront, lorsqu'il sera majeur, dans la cathédrale de Trondheim, au moment et avec les cérémonies qu'il fixera lui-même.

Article 13.

Le Roi demeurera dans le royaume et ne pourra, sans le consentement du Storting, séjourner hors de Norvège plus de six mois de suite, sauf à perdre, pour sa personne, le droit à la couronne.

Article 14.

Le Roi ne peut accepter aucune autre couronne ni aucun autre gouvernement sans le consentement du Storting, pour lequel est requise une majorité des deux tiers des voix.

Article 15.

Le Roi devra toujours professer la religion évangélique luthérienne, la maintenir et la protéger.

Article 16.

Le roi règle le culte et les rits, ainsi que toutes les réunions qui ont la religion pour objet. Il veille à ce que les ministres du culte et autres instituteurs publics observent les règles qui auront été prescrites.

Article 17.

Le Roi peut faire et abroger tout règlement concernant le commerce, les douanes, l'industrie et la police ; toutefois ces règlements ne devront pas être contraires à la Constitution ni aux lois promulguées par le Storting. Ils restent provisoirement en vigueur jusqu'à la prochaine session du Storting.

Article 18.

Le Roi fait, en général, lever les impôts ou taxes établis par le Storting. 

Article 19.

Le Roi veille à ce que les droits régaliens et les biens de l'État soient administrés et employés de la manière prescrite par le Storting et la plus utile à l'intérêt du pays.

Article 20.

Le Roi a le droit, en Conseil, de gracier les criminels condamnés par sentence de la Cour suprême, et après avoir pris l'avis de cette Cour. Le condamné a le choix d'accepter la grâce du Roi ou de se soumettre à la peine à laquelle il a été condamné.

Dans les affaires portées par l'Odelsting devant la Haute Cour du royaume (Riksrett), aucune autre grâce ne peut être prononcée que l'exemption de la peine capitale.

Article 21.

Le Roi choisit et nomme, après avis de son Conseil des ministres, tous les hauts fonctionnaires civils, ecclésiastiques et militaires. Les fonctionnaires nommés jurent obéissance et fidélité à la Constitution et au Roi.

Les princes royaux ne peuvent revêtir de fonctions civiles.

Article 22.

Les membres du Conseil des ministres, ainsi que les fonctionnaires attachés à leurs bureaux, les envoyés et les consuls, les magistrats supérieurs civils et ecclésiastiques, les chefs des régiments et autres corps militaires, les commandants des forteresses et les commandants en chef des vaisseaux de guerre peuvent, sans arrêt préalable, être congédiés par le roi, son Conseil entendu. Le Storting, dans sa plus prochaine session, décide s'il y a lieu d'accorder des pensions aux fonctionnaires ainsi révoqués. En attendant, ils jouissent des deux tiers de leur traitement antérieur.

Tous les autres hauts fonctionnaires peuvent seulement être suspendus par le Roi et doivent être aussitôt traduits devant les tribunaux, mais ils ne peuvent être révoqués qu'après jugement et ne peuvent être déplacés contre leur volonté.

Article 23.

Le Roi peut conférer des ordres de chevalerie à qui bon lui semble, en récompense de services signalés qui seront portés à la connaissance du public ; mais il ne peut conférer d'autre rang ni titre que celui qui est attaché à chaque fonction. Un ordre de chevalerie n'affranchit personne des devoirs et charges communs à tous les citoyens, ni n'assure de préférence pour l'admission aux hautes fonctions de l'État. Les fonctionnaires honorablement congédiés conservent le titre et le rang attachés aux fonctions qu'ils ont occupées.

Nul privilège héréditaire, personnel ou mixte, ne pourra être conféré à quiconque dans l'avenir.

Article 24.

Le Roi nomme et révoque, comme bon lui semble, le personnel attaché au service de sa maison ou revêtu de charges à la Cour. Pour leur rémunération et le fonctionnement de sa cour, une somme convenable lui est accordée tous les ans par le Storting.

Article 25.

Le Roi a le commandement suprême des forces de terre et de mer du royaume. Elles ne peuvent être engagées au service de puissances étrangères, et aucune force militaire d'une puissance étrangère, à l'exception des troupes de secours contre une invasion ennemie, ne peut être introduite dans le royaume sans le consentement du Storting.

Article 26.

Le Roi a le droit de rassembler des troupes, de commencer la guerre pour défendre le pays et de conclure la paix, de contracter et de rompre des alliances, de dépêcher et de recevoir des envoyés diplomatiques.

Article 27.

La Gouvernement n'a le droit d'utiliser la puissance militaire contre les membres de l'État que dans les formes déterminées par la législation, à moins qu'un rassemblement ne menace la paix publique et qu'il refuse de se disperser, après lecture des articles de la législation nationale sur les insurrections donnée à haute voix par les autorités civiles pour la troisième fois.

Article 28.

Le Roi choisit lui-même un Conseil parmi les citoyens norvégiens, âgés au moins de trente ans. Ce Conseil doit être composé d'au moins cinq membres.

Dans des circonstances extraordinaires, le Roi, outre les membres ordinaires de son Conseil, peut y appeler d'autres citoyens norvégiens, mais aucun membre du Storting.

Le Roi répartit les affaires de l'État entre les membres du Conseil de la manière qu'il juge convenable.

Le père et le fils, ou deux frères, ne peuvent siéger en même temps au Conseil.

Article 29.

Tous les ministres doivent, quand ils n'ont pas d'empêchement légitime, assister au Conseil ; aucune décision n'y peut être prise si plus de la moitié des membres n'y sont présents.

Article 30.

Les propositions relatives à des nominations de hauts fonctionnaires et à d'autres affaires d'importance, excepté toutefois celles qui concernent la diplomatie et le commandement militaire proprement dit, seront rapportées en Conseil des ministres par celui de ses membres dans les attributions duquel elles rentrent, et ces affaires seront par lui expédiées en conformité avec la décision prise en Conseil par le Roi.

Article 31.

Si un membre du Conseil se trouve légitimement empêché de prendre part à la séance et de faire le rapport des affaires relevant de son département, le rapport en sera fait par un autre membre, désigné provisoirement à cet effet par le Roi.

Si, par suite d'empêchement légitime, plusieurs membres du Conseil sont absents, de manière que tout au plus, la moitié du nombre ordinaire soit présente, d'autres fonctionnaires seront de la même manière appelés à siéger au Conseil.

Article 32.

Un procès-verbal sera établi de toutes les affaires qui seront traitées au Conseil.

Chacun des membres du Conseil doit exprimer son opinion en toute sincérité, et le Roi est tenu de l'entendre. Néanmoins il appartient au Roi de se décider d'après son propre jugement.

Si un des membres du Conseil juge la décision du Roi contraire à la Constitution ou aux lois du royaume ou manifestement préjudiciable au Royaume, il est de son devoir de faire contre cette décision des représentations énergiques et de faire consigner son avis au procès-verbal. Celui qui n'a pas protesté est réputé avoir été d'accord avec le Roi et il encourt la responsabilité, comme déterminé ci-après.

Article 33.

Le Conseil, en ce qui concerne le ministère des affaires étrangères, établit un procès-verbal particulier, dans lequel sont traitées les affaires qui, par leur nature, ne doivent pas être présentées au Conseil des ministres au complet. Par ailleurs, s'appliquent les mêmes dispositions énoncées à l'article 32.

Article 34.

Toutes les décisions et tous les ordres émanant du Gouvernement sont pris au nom du Roi.

Article 35.

Toutes les résolutions et les lettres officielles émanant du Roi, les affaires de commandement militaire exceptées, doivent être contresignées par celui qui a présenté l'affaire, qui demeurera responsable de la conformité de l'expression avec le procès-verbal dans lequel la décision est inscrite. 

Article 36.

Le plus proche héritier du trône, s'il est fils du roi régnant, porte le titre de prince royal. Les autres héritiers légitimes éventuels de la couronne sont appelés princes, et les filles du roi princesses.

Article 37.

Aussitôt que l'héritier du trône a atteint l'âge de 18 ans, il  a le droit de prendre place au Conseil, mais sans voix délibérative ni responsabilité.

Article 38.

Aucun prince du sang ne peut se marier sans le consentement du Roi ni quitter le Royaume ou entrer au service de l'étranger. En cas de contravention, il aura perdu son droit au trône de Norvège.

Article 39.

Les princes royaux et les princesses royales ne sont, pour leur personne, justiciables que du Roi ou de la personne que le Roi nomme pour les juger.

Article 40.

Si le Roi vient à mourir alors que l'héritier du trône est absent, celui-ci doit, si des obstacles insurmontables ne l'interdisent pas, arriver dans le Royaume dans le délai de six mois après que la mort du roi lui a été communiquée, sinon il a perdu le droit à la couronne pour lui-même.

Article 41.

Si le Roi vient à mourir alors que l'héritier du trône est encore mineur, la Reine veuve, si elle est la mère du Roi, conduit le gouvernement, aussi longtemps qu'elle reste veuve, en collaboration avec le Conseil des ministres, jusqu'à ce que le Roi soit majeur.

S'il n'y a pas de reine veuve, le plus proche prince héritier, âgé de plus de 25 ans, conduit le gouvernement de la même manière avec le titre de Régent. Si la régence échoit à un prince éloigné dans l'ordre héréditaire, parce que le plus proche n'est pas majeur, le premier doit remettre la régence au plus proche dès que celui-ci atteint sa vingt-cinquième année.

Dans ce cas, les décisions du Conseil des ministres sont prises à la majorité des voix et la reine veuve ou le régent dispose de deux voix.

Article 42.

S'il n'y a aucun prince majeur, Le Conseil des ministres prend la régence avec les hommes auxquels le Storting juge approprié de déléguer cette responsabilité conformément à l'article 45. Le premier parmi les membres du Conseil des ministres préside et dispose de deux voix.

Article 43. 

Les dispositions de l'article 42 s'appliquent également dans les cas où le Roi ne peut gouverner en raison de la faiblesse de l'esprit ou du corps, ou s'il est absent du Royaume.

Article 44.

Ceux qui sont chargés du gouvernement, pendant la minorité du Roi ou s'il est d'une autre manière absent ou incapable de régner, doivent chacun devant le Storting, prêter le serment suivant : « Je promets et je jure de diriger les affaires du gouvernement conformément à la Constitution et aux lois ; ainsi Dieu Tout-Puissant et omniscient et sa sainte parole me soient en aide ». 

Article 45.

Aussitôt que cessera leur administration, ils doivent en rendre compte au Roi et au Storting.

Article 46.

A la mort du Roi, ou dans les cas où une régence doit être nommée, le Storting doit être immédiatement convoqué en session extraordinaire par le Conseil des ministres ou d'autres parties intéressées. Faute de convocation immédiate du Storting par le Conseil des ministres dans les quatre semaines, la convocation est faite conjointement par le président et les membres de la Cour suprême de justice (Høyesterett).

Article 47.

La direction de l'éducation du Roi durant sa minorité, dans le cas ou son père mourant n'aurait pas laissé des dispositions par écrit, est confiée à des hommes de confiance désignés par le Storting, en collaboration avec la veuve du Roi défunt, si elle est sa mère biologique ; le plus proche héritier du trône et ses héritiers, les membres du Conseil et de la régence sont exclus. 

Article 48.

Si la ligne masculine de la famille royale est éteinte, sans qu'aucun successeur au trône ait été désigné, le Storting est immédiatement convoqué, conformément à l'article 46, pour élire un nouveau Roi. En attendant le pouvoir exécutif est exercé conformément à l'article 42.

C. Des droits des citoyens et du pouvoir législatif

Article 49.

Le peuple exerce le pouvoir législatif par la diète appelée Storting, qui se compose de deux chambres, le Lagting et l'Odelsting.

Article 50.

Le droit de suffrage n'appartient qu'aux citoyens norvégiens, qui ont 25 ans accomplis, qui sont domiciliés dans le pays depuis des années et :
a. Sont ou ont été fonctionnaires publics ;
b. Possèdent à la campagne, ou y ont pris à ferme pour plus de cinq ans, une terre cadastrée ;
c. Ont acquis le droit de bourgeoisie dans une ville, ou possèdent, soit dans une ville, soit dans un port maritime, une propriété dont la valeur est au moins de trois cents écus.

Article 51.

Dans les six mois suivant l'adoption de cette Constitution, il sera dressé, dans chaque ville, par la municipalité, et dans chaque paroisse des campagnes, par le sous-bailli (fogden) et par le pasteur, un registre de tous les habitants ayant droit de vote. On y portera sans délai toutes les mutations qui arriveront successivement. Avant d'être inscrit sur le registre, chacun prêtera publiquement, devant le tribunal, serment de fidélité à la Constitution.

Article 52.

Le droit de vote est suspendu :
a. Par une accusation de crime devant un tribunal ;
b. Par une déclaration d'indignité ;
c. Par la suspension des paiements ou la faillite, jusqu'à ce que les créanciers aient obtenu leur paiement en entier, à moins que la faillite n'ait été causée par un incendie ou par quelque autre malheur constaté, et qui ne pourra être imputé au débiteur.

Article 53.

Le droit de vote se perd :
a. Par une condamnation pour infraction pénale à la prison, aux travaux forcés ou à une peine infamante ;
b. Par l'entrée au service d'une puissance étrangère, sans le consentement du gouvernement ;
c. Par l'obtention des droits de citoyen dans un pays étranger ;
d. Par le fait d'avoir été convaincu d'achat de votes, de vente de son propre vote ou de vote dans plus d'une assemblée électorale.

Article 54.

Les assemblées électorales et celles des districts ont lieu tous les trois ans. Elles doivent être terminées avant la fin du mois de décembre.

Article 55.

Les assemblées électorales se tiennent, pour la campagne, dans l'église principale de la paroisse ; pour les villes, dans l'église, à l'hôtel-de-ville, ou dans quelque autre local destiné à cet usage. Elles seront dirigées, à la campagne, par le pasteur principal de la paroisse, assisté des anciens, et dans les villes, par les maires et leurs adjoints.

Les contestations concernant le droit de vote sont tranchées par les directeurs de l'assemblée, dont la décision peut être déférée en appel devant le Storting.

Article 56.

Avant de procéder aux élections, il sera fait lecture de la Constitution, à haute voix, dans les villes par le premier magistrat, à la campagne, par le pasteur.

Article 57.

Il sera choisi dans les villes, un électeur sur chaque cinquantaine de citoyens ayant le droit de vote.

Ces électeurs s'assembleront dans la huitaine dans un local désigné par l'autorité civile, et choisiront, soit dans leur sein, soit parmi les habitants de leur arrondissement ayant le droit de vote, un quart de leur propre nombre pour siéger à la diète ; de sorte que trois jusqu'à six en choisiront un ; sept jusqu'à dix, deux ; onze jusqu'à quatorze, trois ; quinze jusqu'à dix-huit, quatre ; ce qui est le plus grand nombre qu'il sera permis à une ville d'envoyer.

Si une ville a moins de cent cinquante habitants ayant le droit de vote, elle enverra ses électeurs à la ville la plus voisine, pour voter de concert avec les électeurs de cette dernière ; et alors les deux villes seront censées ne former qu'un district.

Article 58.

Dans chaque paroisse de la campagne, les habitants ayant droit de vote choisiront, en raison de leur nombre, les électeurs, de manière que jusqu'à cent ils en choisiront un ; cent jusqu'à deux cents, deux ; deux cents jusqu'à trois cents, trois ; et ainsi de suite dans la même proportion.

Dans le courant d'un mois, à partir de cette opération, ces électeurs s'assembleront dans l'endroit indiqué par le bailli, et choisiront alors, soit dans leur propre sein, soit parmi les autres habitants du bailliage, ayant droit de vote, un dixième de leur propre nombre pour aller siéger à la diète, de manière que cinq jusqu'à quatorze en choisiront un ; quinze jusqu'à vingt-quatre en choisiront deux ; vingt-cinq jusqu'à trente-quatre, trois ; trente-cinq et au-delà, quatre ; ce qui est le plus grand nombre.

Article 59.

Les dispositions des articles 57 et 58 resteront en vigueur jusqu'à l'époque de la diète prochaine ; si alors on trouve que le nombre des habitants des villes est au-dessous d'un tiers des représentants de tout le royaume, la diète, afin d'établir une règle pour l'avenir, changera les dispositions de manière que les représentants des villes se rapportent à ceux des campagnes comme un à deux ; et le nombre total des représentants ne doit jamais être au-dessous de soixante-quinze, ni au-dessus de cent.

Article 60.

Les votants regnicoles, qui ne pourront pas être présents pour cause de maladie, de service militaire, ou d'empêchement légitime, pourront envoyer leur vote par écrit à ceux qui dirigent les assemblées électorales, avant leur clôture.

Article 61.

Nul ne peut être élu représentant s'il n'est pas âgé de trente ans et s'il n'a pas résidé au moins dix ans dans le royaume.

Article 62.

Les membres du Conseil et les fonctionnaires attachés à leurs bureaux, ainsi que les officiers de la cour et ses pensionnaires ne pourront être élus représentants.

Article 63.

Quiconque est élu représentant est tenu d'accepter l'élection, à moins qu'il n'en soit empêché par des motifs jugés légitimes par les électeurs, dont le jugement pourra être soumis à la décision de la diète. Celui qui aura siégé comme représentant à deux diètes ordinaires consécutives, n'est plus obligé d'accepter sa nomination à la prochaine diète ordinaire.

Si des raisons légitimes empêchent un représentant de se rendre à la diète, il sera remplacé par celui qui, après lui, aura obtenu le plus grand nombre de suffrages.

Article 64.

Aussitôt que les représentants auront été élus, ils seront munis de pleins pouvoirs, signés, à la campagne, par l'autorité supérieure, et dans les villes, par le maire, ainsi que par tous les électeurs, pour constater qu'ils ont été élus de la manière prescrite par la Constitution.

Le Storting jugera de la légalité de ces pleins pouvoirs.

Article 65.

Tout représentant a droit à une indemnité sur le trésor public, pour ses frais de voyage aller et retour à la diète, ainsi qu'à des frais de séjour.

Article 66.

Les représentants, pendant leur voyage aller et retour, et pendant leur séjour au Storting, ne peuvent faire l'objet d'une arrestation, sauf dans le cas de flagrant délit ; ils ne peuvent pas non plus, hors des sessions du Storting, être poursuivis pour les opinions qu'ils y ont exprimées. Chacun est tenu de se conformer au règlement adopté par cette assemblée.

Article 67.

Les représentants élus comme il vient d'être dit constituent la diète ou le Storting du royaume de Norvège.

Article 68.

L'ouverture de la diète se fera ordinairement le premier jour ouvrable du mois de février, tous les trois ans, dans la capitale du royaume, à moins que le Roi, en raison de circonstances extraordinaires comme une invasion ennemie ou une épidémie, ne désigne quelque autre ville du royaume. La décision prise en pareil cas devra être publiée en temps opportun.

Article 69.

Dans les cas extraordinaires, le Roi a le droit de convoquer le Storting en dehors des époques habituelles de session. Alors le roi publie une proclamation qui doit avoir été lue dans toutes les églises des capitales de bailliage, au moins six semaines avant l'époque où les membres de la diète devront être rendus à l'endroit fixé.

Article 70.

Une telle diète extraordinaire pourra être dissoute par le roi, quand bon lui semblera.

Article 71.

Les membres du Storting siègent en cette qualité pendant trois années consécutives, aussi bien aux sessions extraordinaires qu'aux sessions ordinaires tenues pendant cette période.

Article 72.

Si la session d'une diète extraordinaire se prolonge jusqu'à l'époque où la diète ordinaire va s'assembler, la première cessera ses fonctions du moment où la dernière sera réunie.

Article 73.

Aucune des chambres [Ting] ne pourra siéger, à moins que les deux tiers de ses membres ne soient présents.

Article 74

Aussitôt que le Storting s'est constitué, le Roi, ou celui qu'il délègue à cet office, ouvre la session par un discours dans lequel il expose l'état du royaume et indique les objets sur lesquels il désire particulièrement attirer l'attention du Storting. Aucune délibération ne peut avoir lieu en présence du Roi.

Le Storting désigne un quart de ses membres, qui composent la première chambre, ou le Lagting ; les trois autres quarts forment l'Odelsting.

Chacune des deux chambres aura ses assemblées particulières, et nommera son président et son secrétaire.

Article 75.

Il appartient au Storting :
a. de faire et d'abroger les lois, d'établir les impôts, taxes, droits de douane et autres charges publiques, lesquelles pourtant ne restent pas en vigueur au delà du 1er juillet de l'année, où une nouvelle diète ordinaire sera assemblée ;
b. de contracter des emprunts à la charge du royaume ;
c. de contrôler les finances du royaume ;
d. de consentir les crédits nécessaires aux dépenses de l'État ;
e. de déterminer la somme annuelle pour l'entretien de la cour du roi, ainsi que l'apanage de la famille royale, lequel ne pourra toutefois consister en immeubles ;
f. de se faire présenter les procès-verbaux du Conseil des ministres, et tous les rapports ou documents publics officiels (les affaires de pur commandement militaire exceptées) ;
g. de se faire communiquer les alliances et traités que le Roi aura conclus au nom de l'État avec les puissances étrangères, à l'exception des articles secrets, lesquels cependant ne doivent point être en contradiction avec les articles patents ;
h. de citer devant lui, à raison des affaires de l'État, toutes personnes à l'exception du Roi et de la famille  royale ; cette exception ne s'étend pourtant pas aux  princes royaux, lorsqu'il sont revêtus de quelque  fonction d'État ;
i. de réviser les tableaux de traitements et pensions provisoires, et d'y apporter les modifications qu'il juge nécessaires ;
k. de nommer cinq commissaires chargés d'examiner chaque année les comptes de l'État et d'en publier  des  extraits par voie d'impression. Ces comptes leurs seront communiqués, à cet effet, avant le premier juillet de chaque année ;
l. de naturaliser les étrangers.

Article 76.

Toute loi sera d'abord présentée à l'Odelsting, soit par ses propres membres, soit au nom du Gouvernement, par le Conseil des ministres.

Si le projet est adopté, il est adressé au Lagting, qui l'approuve ou le rejette et, dans ce dernier cas, le renvoie avec ses observations. Celles-ci sont examinées par l'Odelsting, qui abandonne le projet ou le renvoie au Lagting avec ou sans changement.

Lorsqu'un projet a été adressé deux fois au Lagting par l'Odelsting et retourné la seconde fois avec refus de le voter, le Storting se réunit en assemblée plénière, et il décide, à la majorité des deux tiers des voix.

Entre chacune des délibérations ci-dessus mentionnées, il devra s'écouler au moins trois jours.

Article 77.

Lorsqu'une résolution de l'Odelsting a été approuvée par le Lagting ou par le Storting en diète plénière, une députation de ces deux chambres de la diète la porte au Roi, avec une requête tendant à obtenir la sanction royale.

Article 78.

Si le Roi approuve la résolution, il y appose sa signature, laquelle lui donne force de loi.

S'il refuse de l'approuver, il la renvoie à l'Odelsting, en déclarant qu'il ne juge pas convenable de la sanctionner pour le moment.

Article 79.

La résolution ne peut plus, en ce cas, être présentée au Roi au cours de la session. Le roi pourra agir de même si la diète ordinaire suivante lui soumet de nouveau la même résolution. Mais si la résolution a été adoptée sans changement par les deux chambres de la troisième diète ordinaire, et portée ensuite au Roi avec une requête priant sa Majesté de ne pas refuser sa sanction à une résolution que le Storting, après mûre réflexion, persiste à croire utile, cette résolution a force de loi, lors même que la sanction du Roi n'interviendrait pas avant la fin de la session.

Article 80.

Le Storting demeure en session aussi longtemps qu'il le juge utile ; cependant pas au-delà de trois mois sans la permission du roi.

Lorsqu'après l'achèvement de ses travaux, ou après avoir été assemblé pendant l'espace de temps fixé, la session de la diète est levée par le roi, celui-ci fait en même temps connaître son intention touchant les résolutions sur lesquelles il ne se sera pas prononcé, soit en les approuvant soit en les rejetant. Toutes celles qu'il n'approuve pas expressément sont considérées comme rejetées par lui.

Article 81.

Toutes les lois (à l'exception de celles visées à l'article 79) seront publiées au nom du Roi, sous le sceau du royaume de Norvège, et dans les termes suivants : « Nous, Roi par la grâce de Dieu et la Constitution du royaume de Norvège, faisons savoir qu'il nous a été présenté une décision du Storting en date du..., ainsi conçue (suit la résolution) ; en conséquence, Nous l'avons approuvée et sanctionnée, ainsi que Nous l'approuvons et sanctionnons comme loi par les présentes, de notre main et sous le sceau du royaume ».

Article 82.

Les dispositions provisoires, prises par le Roi alors que le Storting n'est pas en session, sont comme les autres ordonnances et résolutions du pouvoir exécutif seul, publiées avec la formule suivante : « Nous, faisons savoir que par le pouvoir qui nous a été accordé par la Constitution du Royaume en vigueur, nous avons décidé et décidons ainsi, etc. »

Article 83.

La sanction royale n'est pas requise pour les résolutions de la diète, par lesquelles :
a. Elle se déclare constituée conformément à la Constitution.
b. Elle règle sa police intérieure.
c. Elle approuve ou rejette des pleins pouvoirs des membres présents.
d. Elle confirme ou rejette des décisions relatives à des contestations électorales.
e. Elle naturalise des étrangers.
f. Enfin, pour la résolution par laquelle l'Odelsting ordonne la mise en accusation de quelque ministre ou autre.

Article 84.

Le Storting peut demander l'avis de la Cour suprême de justice sur des questions de droit.

Article 85.

Les séances du Storting sont publiques ; ses débats sont publiés par voie d'impression, sauf dans les cas où une décision contraire est prise à la majorité des voix.

Article 86.

Quiconque obéit à un ordre tendant à troubler la liberté et la sûreté du Storting se rend coupable de trahison envers la patrie.

D. Du pouvoir judiciaire

Article 87.

Les membres ordinaires du Lagting et les membres de la Cour suprême de justice composent la Haute Cour du royaume. La Haute Cour du royaume juge en premier et dernier ressort dans les actions que l'Odelsting entame soit contre des membres du Conseil ou de la Cour suprême de justice, pour des délits commis dans l'exercice de leurs fonctions, soit contre des membres du Storting pour des crimes commis par eux en leur qualité de représentants.

La présidence de la Haute Cour du royaume appartient au président du Lagting.

Article 88.

L'accusé pourra, sans alléguer aucun motif, récuser jusqu'à un tiers des membres de la Haute Cour du royaume, de manière cependant que cette cour soit toujours composée de quinze membres au moins.

Article 89.

Pour juger en dernier ressort, la Cour suprême doit, autant que possible, être composée d'un président et de six assesseurs au moins. 

Article 90.

En temps de paix, la Cour suprême, conjointement avec deux officiers supérieurs désignés par le roi, jugera en seconde et dernière instance toutes les causes jugées en première instance par un conseil de guerre, et qui emporteront soit peine capitale ou infamante, soit la perte de la liberté pour une durée supérieure à trois mois.

Article 91.

Les arrêts de la Cour suprême de justice ne peuvent en aucun cas être frappés de recours, ni soumis à révision.

Article 92.

Nul ne peut être nommé membre de la Cour suprême de justice avant l'âge de 30 ans.

E. Dispositions générales

Article 93. 

Ne peuvent être nommés aux emplois de l'État que les citoyens norvégiens qui professent la religion évangélique luthérienne, qui ont juré fidélité à la Constitution et au roi, qui parlent la langue du pays, et qui :
a. sont nés dans le royaume de parents qui étaient alors sujets de l'État ;
b. ou sont nés en pays étranger de parents norvégiens qui n'étaient pas sujets à cette époque d'un autre État ;
c. ou possèdent maintenant un domicile fixe dans le royaume, et n'ont pas refusé de prêter serment de maintenir l'indépendance de la Norvège ;
d. ou, à l'avenir, séjourneront pendant dix ans dans le royaume ;
e. ou qui ont été naturalisés par le Storting.

Toutefois, des étrangers peuvent être nommées aux fonctions de professeur à l'Université et dans les collèges, ainsi qu'à celles de médecin et de consul à l'étranger.

Personne ne pourra être nommé à une magistrature supérieure, avant d'avoir atteint l'âge de trente ans ; ni à une magistrature inférieure, de juge en première instance, ou de receveur public, avant d'être parvenu à l'âge de vingt-cinq ans.

Article 94.

Un nouveau code civil et criminel sera présenté au premier ou, en cas d'impossibilité, au deuxième Storting ordinaire. Cependant, les lois actuelles de l'État resteront en vigueur, pour autant qu'elles n'entrent pas en contradiction avec la présente Constitution ou les dispositions provisoires qui pourront être promulguées dans l'intervalle.

Les impôts permanents actuellement existants seront de même maintenus jusqu'au prochain Storting.

Article 95.

Aucune dispense, aucun sauf-conduit, aucun moratoire ni aucune réparation ne pourront être accordés après la mise en vigueur du nouveau code.

Article 96.

Nul ne peut être jugé que conformément à la loi, ni puni que d'après un jugement. La torture en cours d'instruction ne peut être appliquée.

Article 97.

Aucune loi ne peut avoir d'effet rétroactif.

Article 98.

Les épices qui reviennent aux officiers de justice ne seront pas combinées avec les redevances payables au trésor de l'État.

Article 99.

Nul ne peut être détenu en prison, si ce n'est dans les cas légalement déterminés, et de la manière prescrite par les lois. Toute arrestation injustifiée ou détention illégale entraînera la responsabilité de celui qui l'aura ordonnée envers la personne qui en aura été victime.

Article 100.

La presse sera libre. Nul ne peut être puni du chef d'un écrit, quel qu'en soit le contenu, qu'il a fait imprimer ou publier, à moins qu'il n'ait sciemment et ouvertement fait acte de désobéissance aux lois, de mépris pour la religion, les bonnes moeurs ou les pouvoirs constitutionnels, de résistance à leurs injonctions, ou qu'il y ait provoqué autrui, ou qu'il n'ait allégué contre autrui des imputations fausses et diffamatoires. Il est permis à chacun de s'exprimer librement sur le Gouvernement et sur tout autre sujet.

Article 101.

Aucun restriction nouvelle et permanente à la liberté du commerce ne sera à l'avenir accordée à quiconque.

Article 102.

Aucune visite domiciliaire ne pourra avoir lieu qu'en matière criminelle.

Article 103.

Aucun asile ne sera accordé à ceux qui désormais feront faillite.

Article 104.

Ni la terre ni les biens communs ne pourront en aucun cas être confisqués.

Article 105.

Lorsque les besoins de l'État exigeront qu'une propriété privée, mobilière ou immobilière, soit cédée pour l'usage public, le propriétaire recevra une indemnité complète sur le trésor de l'État.

Article 106.

Le prix de vente et les revenus des biens affectés aux bénéfices ecclésiastiques ne pourront être employés que dans l'intérêt du clergé et pour le développement de l'instruction. Les propriétés des institutions charitables ne seront employées qu'au profit de ces institutions.

Article 107.

Les droits allodiaux (Odel) et de primogéniture (Åsæte) ne sont pas abolis. Les conditions spéciales dans lesquelles ils continueront à subsister pour le plus grand bien de l'État et le profit général des habitants de la campagne seront déterminées par le prochain Storting ou par le suivant.

Article 108.

Il ne sera plus institué à l'avenir de comtés, baronnies, majorats ni fidéicommis.

Article 109.

Tous les citoyens de l'État sont, en général, tenus également de servir, pendant un certain temps, pour la défense de la patrie, sans distinction de naissance ou de fortune.

L'application de ce principe et les restrictions dont il est susceptible, ainsi que la question jusqu'à quel point il est utile au royaume que l'obligation qu'impose cette défense cesse à l'âge de vingt-cinq ans, seront soumises à la décision de la prochaine diète ordinaire, après qu'on aura obtenu tous les renseignements nécessaires par le moyen d'un comité. En attendant, les dispositions existantes seront maintenues.

Article 110.

Lorsque l'Assemblée nationale aura adopté cette Constitution, elle deviendra la loi fondamentale du Royaume. S'il résulte de l'expérience qu'une partie quelconque de la présente Constitution du royaume de Norvège doit être révisée, toute proposition à cet effet devra être soumise à la session ordinaire du Storting et être publiée par voie d'impression. Mais il n'appartiendra qu'à la diète ordinaire suivante de décider si le changement proposé sera effectué, ou non. Une telle révision ne doit toutefois jamais contrevenir aux principes de la présente Constitution, mais seulement apporter à certaines dispositions des modifications qui ne changent pas l'esprit de ladite Constitution. Une majorité des deux tiers des membres du Storting devra donner son approbation aux modifications proposées.


Nous, soussignés, députés du Royaume de Norvège, proclamons ainsi la présente Constitution, qui est adoptée par l'Assemblée nationale pour être la loi fondamentale du Royaume de Norvège, à laquelle chacun et tous doivent se conformer.

Ceci est confirmé de notre main et de notre sceau.

Eidsvoll, le 17 mai 1814.

[Suivent les noms de 104 députés.]

Les soussignés, députés élus par le peuple norvégien, dont ils expriment par les délibérations de leur Assemblée la volonté expresse, attestent que la présente loi fondamentale du Royaume de Norvège reproduit textuellement les procès-verbaux de l'Assemblée nationale.

Christiania, le 31 mai 1814.


Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Norvège.
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Jean-Pierre Maury