Togo


Mandat français sur l'ancien Togo allemand.

Arrêté du 2 février 1915 créant au Togo un commandement militaire territorial.

Décret du 23 mars 1921 déterminant les attributions du Commissaire de la République française au Togo.

Mandat français sur le Togo (Acte de Londres du 20 juillet 1922).

Déclaration franco-britannique du 10 juillet 1919.

    Le Togo, colonie allemande depuis 1884, fut occupé durant la Grande Guerre par les forces françaises et britanniques. À la suite de la reddition des troupes allemandes, dès le 27 août 1914, une convention entre le gouverneur du Dahomey (aujourd'hui Bénin) et celui de la Gold Coast (aujourd'hui Ghana) pour partager le territoire, en fonction de l'avancée des troupes, et en organiser l'occupation civile et militaire est signée à Lomé, et approuvée le 7 septembre par les gouvernements français et britannique.

    La France crée, le 2 février 1915, un commandement territorial militaire fixé à Petit-Popo ; puis, un commissaire de la République est nommé le 4 septembre 1916, chargé de l'administration des territoires occupés. Lorsque l'Allemagne, par le traité de Versailles, doit renoncer à ses colonies, France et Royaume-Uni se partagent le Togo, selon la déclaration Milner-Simon du 10 juillet 1919, qui étend la zone française à Lomé et à certaines lignes de chemin de fer. Le Togo britannique (30 000 km2), qui sera annexé à la Gold Coast, devenue indépendante en 1957 sous le nom de Ghana, et le Togo français (56 000 km2), qui formera une République indépendante en 1960, sont définitivement séparés.
    La remise officielle des territoires est effective le 30 septembre 1920. Et le 1er octobre, paraît le premier numéro du Journal officiel des territoires occupés de l'ancien Togo. Le partage est confirmé par le Conseil de la Société des Nations qui, le 20 juillet 1922, attribue à chacun des deux pays un mandat de type B sur les territoires qu'ils occupent respectivement.

Sources : Document de la SDN, C. 449 (1) d. M. 345 (d) 1922. VI.
Journal officiel des territoires occupés de l'Ancien Togo, n° 1, 1er octobre 1920. Les J.O. sont consultables sur legitogo,
http://legitogo.gouv.tg/journaux-officiels


Arrêté du 2 février 1915 créant au Togo un commandement militaire territorial

Le Gouverneur Général de l’Afrique Occidentale Française, Commandeur de la Légion d’Honneur,
Vu le Décret du 8 octobre 1904, portant réorganisation du Gouvernement Général de l’Afrique Occidentale Française ;
Vu l’état de guerre entre la France et l’Allemagne ;
Vu la reddition sans condition du Gouvernement et des troupes allemandes à Kamina ;
Vu le Décret du 2 décembre 1910 sur l’occupation des territoires conquis ;
Vu le câblogramme N° 1082 du Ministre des colonies en date du 7 septembre 1914 ;
Sur la proposition du Général Commandant Supérieur des troupes et sous réserve de l’approbation ultérieure du Ministre des colonies ;
arrête :
ART. premier. – Il est créé au Togo, à compter du 1er janvier 1915, dans la région occupée par nos troupes, un commandement territorial militaire limité par le Dahomey, le Haut-Sénégal-Niger et la frontière provisoire franco-anglaise.
ART. 2. – Le commandement de ce territoire sera exercé par l’officier supérieur commandant les troupes d’occupation.
ART. 3. – Le siège du commandement territorial sera à Petit-Popo.
ART. 4. – L’autorité française au Togo s’exercera dans les conditions fixées par le décret du 2 décembre 1910, sous l’occupation des territoires ennemis et les lois et coutumes de la guerre et celui du 8 décembre 1913 sur le service de l’arrière.
ART. 5. – Les indemnités pour supplément de fonction à allouer au Commandant militaire et aux officiers seront celles fixées par l’arrêté du 30 avril 1913.
L’arrêté du Gouverneur Général en date du 1er octobre 1914 promulguant les décrets du 29 août 1914 et du 12 août 1914 sur les cumuls de solde sera applicable aux fonctionnaires mobilisés mis à la disposition du Commandant militaire du Togo.
La région du Togo entrera dans la cinquième catégorie des subdivisions militaires territoriales.
ART. 6. – Le droit de réquisition et les opérations de Trésorerie font l’objet d’arrêtés spéciaux.
ART. 7. – Le Général Commandant supérieur des troupes de l’Afrique Occidentale Française et le Commandant militaire du Togo sont chargés, chacun en ce qui le concerne de l’exécution du présent arrêté.
Dakar, le 2 février 1915.
Signé : W. PONTY.

Décret du 23 mars 1921 déterminant les attributions du Commissaire de la République française au Togo

Rapport au Président de la République française

Paris, le 23 mars 1921

Monsieur le Président,

Les Territoires du Togo allemand dont l’administration est assurée par la France sont toujours placés sous le régime de l’occupation.

Les conditions de mandat de la Société des Nations sous lequel ces territoires doivent être administrés par la France, conformément aux articles 22 et 119 du Traité de Versailles du 28 juin 1919, ne devant être définitivement fixées que par des décisions ultérieures, il m’est apparu qu’il convenait, dans l’intérêt même des populations indigènes, de ne pas retarder d’avantage une détermination plus précise des pouvoirs de nos représentants.

C’est pourquoi j’ai l’honneur de soumettre à votre signature un Décret qui définit les attributions du Commissaire de la République dans les territoires du Togo placés sous l’autorité de la France.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’hommage de mon profond respect.

Le Ministre des colonies,
A. SARRAUT

* * *

Le Président de la République française.

Vu le Décret du 7 avril 1917 ;
Sur le rapport du Ministre des colonies.

DÉCRÈTE :

ART. 1er. – Les pays dépendant du Togo, occupés par la France, forment un Territoire spécial placé sous l’autorité d’un Commissaire de la République nommé par décret sur la proposition du Ministre des colonies.
Le siège de la résidence de ce haut fonctionnaire est à Lomé.
ART. 2. – Le Commissaire de la République est le dépositaire des pouvoirs de la République. Tous les services civils relèvent de son autorité. Il exerce à l’égard des services militaires les pouvoirs conférés au Gouverneur des colonies autonomes. Il correspond seul avec le Gouvernement. Il détermine les circonscriptions administratives et prend les mesures nécessaires pour assurer leur développement et leur organisation.
ART. 3. – Le Commissaire de la République est assisté d’un Conseil d’administration dont la composition et les attributions sont réglées par le décret du 5 août 1920.
ART. 4. – Le Territoire du Togo jouit de l’autonomie administrative et financière. Il possède un budget propre qu’alimentent les recettes de toute nature effectuées sur le territoire.
Le budget du Togo pourvoit à toutes les dépenses sauf celles de l’occupation militaire. Il peut être appelé à servir une contribution, dont le montant sera fixé par le Ministre, au budget des colonies françaises voisines avec lesquelles il aurait des services d’intérêt commun.
Le budget peut comporter des annexes pour les services d’exploitation industrielle et pour l’emploi des fonds spéciaux (emprunts, avances, …).
Le budget et ses annexes arrêtés par le Commissaire de la République sont approuvés par le Ministre des colonies. Le Commissaire de la République est ordonnateur du budget du Togo et des budgets annexes. Il a la facilité de confier ce pouvoir par délégation spéciale au chef de service placé sous ses ordres.
ART. 5. – La perception des impôts, taxes et redevances, autres que ceux afférant aux droits d’entrée et de sortie perçus actuellement est établie conformément aux dispositions de l’article 74 paragraphe C du décret du 30 décembre 1912 sur le régime financier des colonies.
ART. 6. – Le personnel européen en service au Togo est placé hors cadre par le Ministre des Colonies pour celui appartenant aux cadres généraux, par les chefs des colonies intéressés pour celui appartenant aux services locaux.
Le Commissaire de la République organise les cadres du personnel indigène.
ART. 7. – Le Commissaire de la République peut être appelé à siéger à son rang de préséance parmi les Gouverneurs au Conseil de Gouvernement de l’Afrique Occidentale Française pour participer aux délibérations sur les affaires d’intérêt général ayant pour objet d’assurer la liaison politique et économique entre les deux territoires. Il transmet au Gouverneur Général de l’Afrique Occidentale Française la copie des rapports qu’il adresse sur ces questions au Ministre des colonies.
ART. 8. – Toutes les dispositions contraires au présent décret sont abrogées, et toutes les attributions conférées à l’autorité administrative par le Décret du 5 août 1920, sur le Conseil d’administration, sauf celles qui sont réservées au pouvoir central, sont dévolues au Commissaire de la République.
ART. 9. – Le Ministre des colonies est chargé de l’exécution du présent décret, qui sera inséré aux Journaux Officiels de la République française et du Togo, aux Bulletins des Lois et aux Bulletins officiels du ministère des colonies.

Fait à Paris, le 23 mars 1921.
A. MILLERAND

[Décret promulgué au Togo par arrêté du 30 Avril 1921]



Mandat français sur le Togo (Acte de Londres du 20 juillet 1922)


Le Conseil de la Société des Nations :
Considérant que, par l’article 119 du Traité de paix avec l’Allemagne, signé à Versailles, le 28 juin 1919, l’Allemagne a renoncé en faveur des Principales Puissances alliées et associées à tous ses droits sur ses possessions d’outre-mer, y compris le Togo ;
Considérant que les Principales Puissances alliées et associées sont tombées d’accord que les Gouvernements de France et de Grande-Bretagne feraient une recommandation concertée à la Société des Nations sur le statut à donner auxdits territoires ;
Considérant que les Gouvernements de France et de Grande-Bretagne ont fait une recommandation concertée au Conseil de la S.D.N. tendant à ce qu’un mandat soit conféré à la République française pour administrer, en conformité avec l’article 22 du Pacte de la S.D.N., la partie du Togo s’étendant à l’Est de la ligne tracée d’un commun accord par la Déclaration du 10 juillet 1919 ci-annexée ;
Considérant que les Gouvernements de France et de Grande-Bretagne ont proposé que le mandat soit formulé ainsi que suit ;
Considérant que la République française s’est engagée à accepter le mandat sur ledit territoire et a entrepris de l’exercer au nom de la S.D.N :
Confirmant ledit mandat, a statué sur ses termes comme suit :

Article premier

Les territoires dont la France assume l’administration sous le régime du mandat comprennent la partie du Togo qui est située à l’Est de la ligne fixée dans la Déclaration du 10 juillet 1919, dont une copie est ci-annexée.

Cette ligne pourra toutefois être légèrement modifiée par accord intervenant entre le Gouvernement de Sa Majesté britannique et le Gouvernement de la République française, sur les points où, soit dans l’intérêt des habitants, soit par suite de l’incertitude de la carte Sprigade au 1/200 000e, annexée à la Déclaration, l’examen des lieux ferait reconnaître comme indésirable de s’en tenir exactement à la ligne indiquée.

La délimitation sur le terrain de ces frontières sera effectuée conformément aux dispositions de la dite Déclaration.

Le rapport final de la Commission mixte donnera la description exacte de la frontière telle que celle-ci aura été déterminée sur le terrain ; les cartes signées par les commissaires seront jointes au rapport. Ce document, avec ses annexes, sera établi en triple exemplaire ; l’un des originaux sera déposé dans les archives de la S.D.N, le deuxième sera conservé par le Gouvernement de la République et la troisième par le Gouvernement de sa Majesté britannique.

Article 2

Le Mandataire sera responsable de la paix, du bon ordre et de la bonne administration du territoire, accroîtra par tous les moyens en son pouvoir le bien-être matériel et moral, et favorisera le progrès social des habitants.

Article 3

Le Mandataire ne devra établir sur le territoire aucune base militaire ou navale, ni édifier aucune fortification, ni organiser aucune force militaire indigène sauf pour assurer la police locale et la défense du territoire.
Toutefois, il est entendu que les troupes ainsi levées peuvent, en cas de guerre générale, être utilisées pour repousser une agression ou pour la défense du territoire en dehors de la région soumise au mandat.

Article 4

La Puissance mandataire devra :
1. pourvoir à l’émancipation éventuelle de tous esclaves et, dans un délai aussi court que les conditions sociales le permettront, faire disparaître tout esclavage domestique ou autre ;
2. supprimer toute forme de commerce d’esclaves ;
3. interdire tout travail forcé ou obligatoire, sauf pour les travaux et services publics essentiels et sous condition d’une équitable rémunération ;
4. protéger les indigènes contre la fraude et la contrainte par une surveillance attentive des contrats de travail et du recrutement des travailleurs ;
5. exercer un contrôle sévère sur le trafic d’armes et munitions, ainsi que sur le commerce des spiritueux.

Article 5

La Puissance mandataire devra, dans l’établissement des règles relatives à la tenure du sol et au transfèrt de la propriété foncière, prendre en considération les lois et les coutumes indigènes, respecter les droits et sauvegarder les intérêts des indigènes.

Aucune propriété foncière indigène ne pourra faire l’objet d’un transfert, excepté entre indigènes, sans avoir reçu au préalable l’approbation de l’autorité publique. Aucun droit réel ne pourra être constitué sur un bien foncier indigène en faveur d’un non-indigène, si ce n’est avec la même approbation.

La Puissance mandataire éditera des règles sévères contre l’usure.

Article 6

La Puissance mandataire assurera à tous les ressortissants des Etats membres de la S.D.N. les mêmes droits qu’à ses propres ressortissants, en ce qui concerne leur accès et leur établissement dans le territoire, la protection de leur personne et leur bien, l’acquisition des propriétés mobilières et immobilières, l’exercice de leur profession ou de leur industrie, sous réserve des nécessités d’ordre public ou de législation locale.

La Puissance mandataire pratiquera en outre, à l’égard de tous les ressortissants des Etats membres de la S.D.N. et dans les mêmes conditions qu’à l’égard de ses propres ressortissants, la liberté de transit et de navigation, et une complète égalité économique, commerciale et industrielle, excepté pour les travaux et services publics essentiels, qu’elle reste libre d’organiser dans les termes et conditions qu’elle estime justes.

Les concessions pour le développement des ressources naturelles des territoires seront accordées par le Mandataire, sans distinction de nationalité entre les ressortissants des Etats membres de la S.D.N. mais de manière à maintenir intacte l’autorité du Gouvernement local.

Il ne sera pas accordé de concession ayant le caractère d’un monopole général. Cette clause ne fait pas obstacle au droit du Mandataire de créer des monopoles d’un caractère purement fiscal dans l’intérêt du territoire soumis au mandat et en vue de procurer au territoire les ressources fiscales paraissant le mieux s’adapter aux besoins locaux, ou, dans certains cas, de développer des ressources naturelles, soit directement par l’Etat, soit par un organisme soumis à son contrôle, sous cette réserve qu’il n’en résultera directement ou indirectement aucun monopole des ressources naturelles au bénéfice du Mandataire ou de ses ressortissants, ni aucun avantage préférentiel qui serait incompatible avec l’égalité économique, commerciale et industrielle ci-dessus garantie.

Les droits conférés par le présent Article s’étendent également aux sociétés et associations organisées suivant les lois des Etats membres de la S.D.N., sous réserve seulement des nécessités d’ordre public et de l’observation de la législation locale.

Article 7

La Puissance mandataire assurera, dans l’étendue du territoire, la pleine liberté de conscience et le libre exercice de tous les cultes, qui ne sont contraires ni à l’ordre public, ni aux bonnes moeurs ; elle donnera à tous les missionnaires ressortissants de tous les Etats membres de la S.D.N., la faculté de pénétrer, de circuler et de résider dans le territoire, d’y acquérir et posséder des propriétés, d’y élever des bâtiments dans un but religieux et d’y ouvrir des écoles, étant entendu, toutefois, que le Mandataire aura le droit d’exercer tel contrôle qui pourra être nécessaire pour le maintien de l’ordre public et d’une bonne administration, et de prendre à cet effet toutes mesures utiles .

Article 8

La Puissance mandataire étendra aux territoires le bénéfice des conventions internationales générales, applicables à ses territoires limitrophes.

Article 9

La Puissance mandataire aura pleins pouvoirs d’administration et de législation sur les contrées faisant l’objet du mandat. Ces contrées seront administrées selon la législation de la Puissance mandataire comme partie intégrante de son territoire et sous réserve des dispositions qui précèdent.

La Puissance mandataire est, en conséquence, autorisée à appliquer aux régions soumises au mandat sa législation, sous réserve des modifications exigées par les conditions locales, et à constituer ces territoires en unions ou fédérations douanières, fiscales ou administratives avec les territoires avoisinants, relevant de sa propre souveraineté ou placés sous son contrôle, à condition que les mesures adoptées à ces fins ne portent pas atteintes aux dispositions du présent mandat.

Article 10

La Puissance mandataire présentera au Conseil de la S.D.N. un rapport annuel répondant à ses vues. Ce rapport devra contenir tout renseignement sur les mesures prises en vue d’appliquer les dispositions du présent mandat.

Article 11

Toute modification apportée au terme du présent mandat devra être approuvée au préalable par le Conseil de la S.D.N.

Article 12

Le Mandataire accepte que tout différend, quel qu’il soit, qui viendrait à s’élever entre lui et un autre membre de la S.D.N., relatif à l’interprétation ou à l’application des dispositions du mandat et qui ne soit pas susceptible d’être réglé par des négociations, soit soumis à la Cour permanente de Justice internationale, prévue par l’article 14 du Pacte de la S.D.N..

Le présent acte sera déposé en original aux archives de la S.D.N.. Des copies certifiées conformes en seront remises par le Secrétaire général de la S.D.N. à tous les membres de la Société.

Fait à Londres, le vingtième jour de juillet mille neuf cent vingt-deux

Déclaration franco-britannique.