République du Bénin


Déclaration sur les objectifs et les compétences
de la Conférence des forces vives de la Nation.

(24 février 1990)

    Mathieu Kérékou, arrivé au pouvoir le 26 octobre 1972 par un coup d'État militaire, a fondé en 1975 avec la République populaire du Bénin un régime révolutionnaire d'inspiration marxiste-léniniste. La stabilité de ce régime contraste avec l'instabilité de la période précédents : de 1960 à 1972, on recense trois constitutions régulières et trois chartes, et une valse de quatorze chefs d'État portant différents titres, dont deux seulement ont été régulièrement élus.
    Cependant, la répression politique et la faillite économique provoquent une mécontentement qui tend à se généraliser. Pourtant, en dépit de nombreuses manifestations et de plusieurs tentatives de coup d'État, le général Kérékou est réélu le 2 août 1989. Mais, à la fin de cette année 1989, les 6 et 7 décembre, l'agitation sociale et le désordre conduisent le président à renoncer au marxisme-léninisme comme doctrine officielle de l'État et à accepter de convoquer une conférence chargée de proposer des réformes et d'apaiser les opposants. C'est ainsi que la Conférence nationale des forces vives de la nation réunit 521 délégués représentant partis, syndicats, églises, associations, sous la présidence de l'évêque de Cotonou, Mgr de Souza, du 19 au 28 février 1990.
    Dans l'armée, un fort courant, dont le colonel Kouandété, spécialiste du coup d'État, se fera le porte-parole menaçant,  refuse d'envisager un changement de régime. La Conférence refuse de s'en tenir à un rôle consultatif, proclame sa souveraineté et décide d'élaborer de nouvelles institutions politiques.
La Déclaration sur les objectifs et les compétences de la Conférence, ci-dessous, est approuvée par 372 voix contre 17 et 17 abstentions.
    Le président Kérékou compte bien rester en place, mais refuse le bain de sang que provoquerait la répression du mouvement populaire. Il accepte un compromis. Il reste en fonction durant la période de transition, mais la Constitution de 1977 est abrogée. Le 1er mars, la dénomination de l'État devient : République du Bénin. Une nouvelle Constitution, élaborée par une commission indépendante, sera proposée au référendum. Un Gouvernement de transition, dirigé par Nicéphore Soglo, est formé et le 9 mars, un Haut Conseil de la République (27 membres) est installé. Présidé par Mgr de Souza, il fait office de Parlement de transition. Le 21 mai, il adopte une loi n° 90-009, très détaillée (100 articles), portant organisation des pouvoirs publics pendant la période de transition. Promulguée le 28 mai, cette loi devait s'appliquer jusqu'à la date du référendum sur le projet de Constitution, prévu pour le 13 août, mais la mauvaise organisation de l'administration ne permet pas l'organisation du référendum à la date prévue et une nouvelle loi de transition, plus courte mais similaire à la précédente est mise en place.
    La commission constitutionnelle, présidée par le juriste Maurice Ahanhanzo Glélé, adopte un avant-projet de Constitution le 9 août. Le référendum a finalement lieu le 2 décembre 1990, et les nouvelles institutions sont mises en place au début de 1991. Battu par Soglo, Kérékou s'incline devant le résultat du scrutin présidentiel, le 24 mars 1991, mais il sera élu en 1996 et paisiblement réélu en 2001.

    Voir la loi du 28 mai 1990, portant organisation des pouvoirs de la période de transition.
    Voir la loi constitutionnelle de transition du 13 août 1990.
    Voir la Constitution du 11 décembre 1990.

Source : Conférence nationale des forces vives de la nation, du 19 au 28 fevrier 1990, documents fondamentaux; 1990.



Considérant la grave crise économique, sociale, culturelle et politique qui paralyse le Bénin depuis plusieurs mois ;

Considérant la perte totale de crédit et de légitimité du Parti de la révolution populaire du Bénin (PRPB) devant le peuple béninois ;

Considérant que les décisions issues de la session conjointe du Comité central du Parti de la révolution populaire du Bénin, du Comité permanent de l'Assemblée nationale révolutionnaire et du Conseil exécutif national des 6 et 7 décembre 1989 ont donné à cette crise une dimension institutionnelle aiguë en rendant caduque la loi fondamentale et illégitime l'ensemble des structures édifiées par leParti de la révolution populaire du Bénin pour la direction de l'État ;

Considérant que la décision de convoquer une Conférence nationale des forces vives procède objectivement de l'incapacité des structures en place à trouver à la crise multidimensionnelle nationale des solutions véritables par ses propres moyens et ressources ;

Considérant que le système politique et constitutionnel actuel ne prévoit aucun mécanisme, ni aucune procédure pour assurer l'alternance au pouvoir ;

Considérant les aspirations manifestes du peuple béninois à la paix et sa volonté de résoudre réellement la crise actuelle par des voies pacifiques, c'est-à-dire sans recours inutile à la violence ;

Considérant les dispositions pertinentes contenues dans l'allocution d'ouverture de la Conférence prononcée par M. le président de la République le lundi 19 février 1990 et les informations qu'il a bien voulu apporter à la Conférence le mercredi 21 février 1990 ;

Considérant la représentation en son sein de toutes les institutions centrales de l'État et la qualité de membre de droit reconnue à M. le président de la République.

La Conférence nationale des forces vives réunie à l'hôtel PLM-Alédjo à Cotonou :

1. Affirme sa détermination d'arrêter les mesures propres à dénouer la crise actuelle par des voies pacifique et sa volonté d'instaurer la démocratie et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de promouvoir le progrès économique et social ;

2. Décide de mettre en place un organisme national approprié pour le suivi de l'exécution des résultats de ses travaux ;

3. Décide qu'elle adoptera une charte d'union nationale qui servira de base pour l'élaboration d'une nouvelle Constitution par une commission qu'elle mettra elle-même en place et qui travaillera en toute indépendance vis-à-vis des structures de l'État ;

4. Décide que le texte du projet de Constitution ainsi rédigé sera soumis à un référendum sous le contrôle de l'organisme national de suivi ;

5. Décide que l'organisme national de suivi est habilité à contrôler le processus de transition et la mise en place des institutions de la prochaine République ;

6. Proclame solennellement sa souveraineté et la force exécutoire de ses décisions ;

7. Lance un appel au peuple béninois pour qu'il appuie effectivement les décisions et mesures conformes à ses intérêts qui seront issues de ces travaux ;

8. Demande à toutes les forces vives de la nation de contribuer pleinement à l'application diligente et intégrale de ces décisions et mesures.

    Fait à Cotonou, le 24 février 1990.

La Conférence nationale des forces vives de la nation.