Haïti


Constitution du 15 juillet 1932.

Titre premier. Du territoire de la République.
Titre II. Des droits.
Titre III. De l'exercice de la souveraineté et des organes de l'État.
Titre IV. Des institutions communales.
Titre V. Des assemblées primaires.
Titre VI. Des finances.
Titre VII. De la force publique.
Titre VIII. Dispositions générales.
Titre IX. De la révision de la Constitution.
Titre X. Dispositions transitoires.
    Le président Sténio Vincent fut élu le 18 novembre 1930 par l'Assemblée nationale. Il fut à l'origine de la Constitution du 15 juillet 1932. Il obtint de Roosevelt la fin de l'occupation (depuis le 28 juillet 1915 jusqu'au 21 août 1934) du pays par les États-Unis. Il fait alors approuver une nouvelle Constitution, ratifiée par le référendum du 2 juin 1935, qui lui accorde un second mandat de cinq ans (titre XIV) et accroît ses pouvoirs.

Voir la Constitution de 1918, et sa version révisée en 1928.

Source : Texte de la Constitution de 1932 publié en brochure par l'Imprimerie nationale, à Port-au-Prince, 1932.


Le peuple haïtien,
Proclame la présente Constitution, pour consacrer ses droits, ses garanties civiles et politiques, sa souveraineté et son indépendance nationale.

Titre premier.
Du territoire de la République.

Article premier.

La République d'Haïti est une et indivisible, libre, souveraine et indépendante.

Son territoire et les îles qui en dépendent sont inviolables et ne peuvent être aliénés par aucun traité ou par aucune convention.

Les îles adjacentes faisant partie intégrante du territoire sont :
La Tortue, La Gonâve, l'Ile-à-Vache, les Cayemittes, la Navase, la Grande Caye et toutes autres qui se trouvent dans les limites consacrées par le Droit des Gens.

Article 2.

Le territoire de la République est divisé en cinq départements qui sont : le département du Nord, le département du Nord-Ouest, le département de l'Ouest, le département de l'Artibonite, le département du Sud.

Chaque département est subdivisé en arrondissements et chaque arrondissement en commune.

Le nombre et les limites de ces subdivisions sont déterminés par la loi qui règle également l'organisation et le fonctionnement tant des divisions que des subdivisions administratives.


Titre II. Des droits.

Chapitre premier.
Des droits civils et politiques.

Article 3.

Les règles relatives à la nationalité sont déterminées par la loi.

Article 4.

Tout étranger qui se trouve sur le territoire d'Haïti jouit de la même protection accordée aux Haïtiens, sauf les mesures dont la nécessité se ferait sentir contre les ressortissants des Pays où l'Haïtien ne jouit pas de cette même protection.

Article 5.

Le droit de propriété immobilière est accordé à l'étranger résidant en Haïti et aux Sociétés formées par des étrangers pour les besoins de leurs demeures, de leurs entreprises agricoles, commerciales, industrielles ou d'enseignement.

Ce droit prendra fin dans une période de deux années après que l'étranger aura cessé de résider dans le pays ou qu'auront cessé les opérations de ces compagnies, conformément à la loi qui détermine également les règles à suivre pour la transmission et la liquidation des biens.

Article 6.

La réunion des droits civils et politiques constitue la qualité de citoyen.

L'exercice des droits civils indépendants des droits politiques est réglé par la loi.

Article 7.

Tout Haïtien âgé de vingt et un ans accomplis exerce les droits politiques, s'il réunit d'ailleurs les autres conditions déterminées par la Constitution et par la loi.

Les étrangers peuvent acquérir la nationalité haïtienne en se conformant aux règles établies par la loi.

Les étrangers naturalisés haïtiens ne sont admis à l'exercice des droits politiques que cinq ans à partir de la date de leur naturalisation.

Article 8.

L'exercice, la jouissance, la suspension et
la perte des droits politiques sont réglés par la loi.

Chapitre II.
Du droit public.

Article 9.

Les Haïtiens sont égaux devant la loi. Ils sont également admissibles aux emplois civils et militaires sous les conditions établies par la loi.

Article 10.

La liberté individuelle est garantie.

Nul ne peut être détenu que sous la prévention d'un fait puni par la loi et sur le mandat d'un fonctionnaire légalement compétent. Pour que ce mandat puisse être exécuté, il faut :
1° qu'il exprime formellement le motif de la détention et la disposition de la loi qui punit le fait imputé ;
2° qu'il soit notifié et qu'il en soit laissé copie au moment de l'exécution à la personne détenue.

Hors le cas de flagrant délit, l'arrestation est soumise aux conditions ci-dessus.

Toute arrestation ou détention faite contrairement à cette disposition, toute violence, ou rigueur employée dans l'exécution d'un mandat sont des actes arbitraires contre lesquels les parties lésées peuvent, sans autorisation préalable, se pourvoir devant les tribunaux compétents, en poursuivant soit les auteurs, soit les exécuteurs.

Article 11.

Nul ne peut être distrait des juges que la Constitution ou la loi lui assigne.

Article 12.

Aucune visite domiciliaire, aucune saisie de papiers ne peuvent avoir lieu qu'en vertu de la loi et dans les formes qu'elle prescrit.

Article 13.

Aucune loi ne peut avoir d'effet rétroactif. La loi rétroagit toutes les fois qu'elle ravit des droits acquis.

Article 14.

Nulle peine ne peut être établie que par la loi, ni appliquée que dans les cas qu'elle détermine.

Article 15.

La propriété est inviolable et sacrée.

Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et moyennant le paiement et la consignation aux ordres de qui de droit d'une juste et préalable indemnité.

La confiscation des biens en matière politique ne peut être établie.

Article 16.

La peine de mort est abolie en matière politique, excepté pour cause de trahison. La loi détermine les cas et les conditions de trahison ainsi que la peine qui remplace la peine de mort.

Le crime de trahison s'entend de tout fait consistant à prendre les armes contre la République d'Haïti, à se joindre aux ennemis d'Haïti, à leur prêter appui et secours, enfin, à faire tous actes qui mettent en péril la vie nationale.

Article 17.

Chacun a le droit d'exprimer ses opinions en toutes matières, d'écrire, d'imprimer et de publier ses pensées.

Les écrits ne peuvent être soumis à aucune censure préalable. Les abus de ce droit sont définis et réprimés par la loi, sans qu'il puisse être porté atteinte à la liberté de la presse.

Article 18.

Tous les cultes sont également libres. Chacun a le droit de professer sa religion et d'exercer son culte pourvu qu'il ne trouble pas l'ordre public et que le culte ne soit pas interdit.

Article 19.

L'enseignement est libre.

La liberté de l'enseignement s'exerce sous le contrôle et la surveillance de l'État, conformément à la loi.

L'instruction primaire est obligatoire.

L'instruction publique est gratuite à tous les degrés, sans préjudice des conditions d'admission et des droits universitaires établis par la loi.

Article 20.

Le jury, dans les cas déterminés par la loi, est établi en matière criminelle et pour les délits politiques commis par la voie de la presse ou autrement.

Article 21.

Les Haïtiens ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, même pour s'occuper d'objets politiques, en se conformant aux lois qui peuvent régler l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à autorisation préalable.

Cette disposition ne s'applique point aux rassemblements publics, lesquels restent entièrement soumis aux lois de police.

Article 22.

Les Haïtiens ont le droit de s'associer ; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive.

Article 23.

Le droit de pétition est exercé personnellement par un ou plusieurs individus, jamais au nom d'un corps.

Article 24.

Le secret des lettres est inviolable.

La loi détermine quels sont les agents responsables de la violation des lettres confiées à la poste.

Article 25.

Le français est la langue officielle. Son emploi est obligatoire dans les services publics.

Article 26.

Nulle autorisation préalable n'est nécessaire pour exercer des poursuites contre les fonctionnaires publics pour faits de leur administration, sauf les exceptions établies par la Constitution.

Article 27.

La loi ne peut ajouter ni déroger à la Constitution. La lettre de la Constitution doit toujours prévaloir.

Titre III. 
De l'exercice de la souveraineté et des pouvoirs auxquels l'exercice en est délégué.

Article 28.

La souveraineté nationale réside dans l'universalité des citoyens.

Article 29.

L'exercice de cette souveraineté est délégué à trois pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

Ils forment le Gouvernement de la République, lequel est essentiellement civil, démocratique et représentatif.

Article 30.

Chaque pouvoir est indépendant des deux autres dans ses attributions qu'il exerce séparément.

Aucun d'eux ne peut les déléguer ni sortir des limites qui lui sont fixées.

Article 31.

La responsabilité individuelle est formellement attachée à toutes les fonctions publiques.

La loi règle le mode à suivre contre les fonctionnaires pour faits de leur administration.

Chapitre premier.
Du pouvoir législatif.

Première section. De la Chambre des députés.

Article 32.

Le pouvoir législatif s'exerce sur deux assemblées, une Chambre des députés et un Sénat qui forment le Corps législatif.

Article 33.

Le nombre des députés est fixé par la loi en raison de la population.

Jusqu'à ce que l'état de la population soit établi et que la loi ait fixé le nombre des citoyens que doit représenter chaque député, il y a 36 députés répartis entre les arrondissements de la manière suivante : 3 pour l'arrondissement de Port-au-Prince, 2 pour chacun des arrondissements du Cap-Haïtien, des Cayes, de Port-de-Paix, des Gonaives, de Jérémie, de Saint-Marc, de Jacmel et un député pour chacun des autres arrondissements.

Le député est élu à la majorité relative des votes émis dans les assemblées primaires, d'après les conditions et le mode prescrits par la loi.

Article 34.

Pour être membre de la Chambre des députés, il faut :
1° Être âgé de vingt-cinq ans accomplis ;
2° Jouir des droits civils et politiques ;
3° Avoir résidé au moins une année dans l'arrondissement à représenter.

Article 35.

Les membres de la Chambre des députés sont élus pour quatre ans et sont indéfiniment rééligibles.

Ils entrent en fonctions le premier lundi d'avril qui suit les élections.

Article 36.

En cas de mort, démission, déchéance, interdiction judiciaire d'un député, il est pourvu à son remplacement dans sa circonscription électorale pour le temps seulement qui reste à courir par une élection spéciale sur la convocation, dans le mois même de la vacance, du Président de la République.

Cette élection a lieu dans une période de trente jours après la convocation de l'assemblée primaire, conformément à l'article 109 de la présente Constitution. Il en sera de même à défaut d'élections ou en cas de nullité des élections dans une ou plusieurs circonscriptions. Cependant, si la vacance se produit au cours de la dernière session ordinaire de la législature ou après la session, il n'y aura pas lieu à l'élection partielle.

Section II. Du Sénat.

Article 37.

Le Sénat se compose de 20 sénateurs, dont 5 pour l'Ouest, 4 pour chacun des départements du Nord, de l'Artibonite, du Sud, et 3 pour le Nord-Ouest.

Leurs fonctions durent six ans et ils sont indéfiniment rééligibles.

Ils sont élus par un collège électoral réuni au chef-lieu du département, suivant les conditions fixées par la loi et comprenant :
1° les députés du département nouvellement élus et proclamés par le bureau du recensement ;
2° les délégués élus par les Conseils communaux du département choisis parmi les membres dudit Conseil à raison de deux délégués pour les communes de première classe et d'un délégué pour les communes des autres classes ; et
3° par les délégués sénatoriaux élus par les assemblées primaires aux époques fixées pour les élections générales à raison de deux délégués par commune.

Le collège électoral départemental se réunit de plein droit le 15 février qui suit les élections générales, et est toujours présidé par le plus âgé des doyens des tribunaux civils du département.

Dans le cas où le doyen appelé à présider les opérations du collège électoral départemental se trouve empêché ou est lui-même candidat au Sénat, il est remplacé soit par le doyen le plus âgé d'un autre tribunal civil du département, soit par le juge le plus ancien du tribunal civil du chef-lieu du département, si les doyens sont tous candidats déclarés au Sénat. Le doyen qui préside le collège électoral départemental n'est pas admis à voter
dans l'Assemblée.

Le mandat des délégués élus par les conseils communaux et ceux élus par les assemblées primaires durera jusqu'à la réunion des prochaines assemblées primaires.

Article 38.

Pour être élu sénateur, il faut :
1° Être âgé de trente ans accomplis ;
2° Jouir des droits civils et politiques ;
3° Avoir résidé au moins deux ans dans le département à représenter.

Article 39.

En cas de mort, démission, déchéance ou interdiction judiciaire d'un sénateur, il sera remplacé dans le département pour le temps seulement qui reste à courir et suivant les prescriptions de l'article 37.

A cet effet, le collège électoral départemental sera convoqué par le Pouvoir exécutif dans les deux mois au plus tard, à partir de la date du message du Sénat signalant la vacance.

Section III. De l'Assemblée nationale.

Article 40.

Les deux Chambres se réunissent en Assemblée nationale dans les cas prévus par la Constitution et aussi pour l'ouverture et la clôture de chaque session.

Les pouvoirs de l'Assemblée nationale sont limités et ne peuvent s'étendre à d'autres objets que ceux qui lui sont spécialement attribués par la Constitution.

Article 41.

Le président du Sénat préside l'Assemblée nationale, le président de la Chambre des députés en est le vice-président, les secrétaires du Sénat et de la Chambre des députés sont les secrétaires de l'Assemblée nationale.

Article 42.

Les attributions de l'Assemblée Nationale sont :
1° D'élire le Président de la République et de recevoir de lui le serment constitutionnel ;
2° De déclarer la guerre sur le rapport du pouvoir exécutif ;
3° D'approuver ou de rejeter les traités de paix et autres traités et les conventions internationales ;
4° De réviser la Constitution.

Article 43.

L'Assemblée Nationale procède à l'élection du Président de la République le second lundi d'avril et ne peut se livrer à d'autres travaux, restant en permanence jusqu'à ce que le Président ait été élu.

Article 44.

L'élection du Président de la République se fait au scrutin secret et à la majorité absolue.

Si, après le premier tour de scrutin, aucun des candidats n'a obtenu le nombre de suffrages requis par l'élection, il est procédé à un second tour de scrutin. Si, à ce second tour de scrutin, aucun candidat n'est élu, l'élection se concentre sur les trois candidats qui ont obtenu le plus de suffrages. Si, après le troisième tour, aucun des trois n'a été élu, il y a ballottage entre les deux qui ont le plus de voix et celui qui obtient la majorité des suffrages exprimés est proclamé Président de la République.

En cas d'égalité de suffrages des deux candidats, le sort décide de l'élection.

Article 45.

En cas de vacance de la fonction de Président de la République, l'Assemblée nationale est tenue de se réunir, avec ou sans convocation du Conseil des secrétaires d'État.

Article 46.

Les séances de l'Assemblée nationale sont publiques.

Néanmoins elles peuvent avoir lieu à huis clos sur la demande de cinq membres, et il sera décidé ensuite à la majorité absolue si la séance doit être reprise en public.

Article 47.

En cas d'urgence, lorsque le Corps législatif n'est pas en session, le pouvoir exécutif peut convoquer l'Assemblée nationale en session extraordinaire.

Il communique à l'Assemblée, dans un message écrit, les motifs de cette convocation.

Dans le cas de convocation à l'extraordinaire, le Corps législatif ne pourra s'occuper d'aucun objet étranger aux motifs de cette convocation.

Article 48.

La présence dans l'Assemblée nationale de la majorité de chacune des deux chambres est nécessaire pour prendre des résolutions.

Section IV. De l'exercice du pouvoir législatif

Article 49.

Le siège du Corps législatif est fixé dans la capitale de la République. Néanmoins, il peut être transféré ailleurs, suivant les circonstances.

Article 50.

Le Corps Législatif se réunit de plein droit chaque année, le premier lundi d'avril.

La session prend date dès l'ouverture des deux chambres en Assemblée nationale.

La session est de trois mois. En cas de nécessité, elle peut être prolongée de un à deux mois par le pouvoir exécutif ou le pouvoir législatif.

Le Président de la République peut ajourner les chambres, mais l'ajournement ne peut être de plus d'un mois, et pas plus de deux ajournements ne peuvent avoir lieu dans le cours d'une même session.

Le temps de l'ajournement ne sera pas imputé sur la durée constitutionnelle de la session.

Article 51.

Dans l'intervalle des sessions, et en cas d'urgence, le Président de la République peut convoquer le Corps législatif à l'extraordinaire.

Il lui rend alors compte de cette mesure par un message.

Dans le cas de convocation à l'extraordinaire, le Corps législatif ne pourra s'occuper d'aucun objet étranger aux motifs de cette convocation.

Article 52.

Chaque chambre vérifie l'élection de ses membres et juge souverainement les contestations qui s'élèvent à ce sujet.

Article 53.

Les membres de chaque chambre prêtent individuellement le serment de maintenir les droits du peuple et d'être fidèles à la Constitution.

Article 54.

Les séances des deux Chambres sont publiques.

Chaque Chambre peut se former en Comités secrets sur la demande de cinq membres et décider ensuite à la majorité si la séance doit être reprise en public.

Article 55.

Le pouvoir législatif fait des lois sur tous les objets d'intérêt public.

L'initiative appartient à chacune des deux chambres ainsi qu'au pouvoir exécutif.

Néanmoins, la loi budgétaire, celle concernant l'assiette, la quotité et le mode de perception des impôts et contributions, celle ayant pour objet de créer des recettes ou d'augmenter les dépenses de l'État, doivent d'abord être votées par la Chambre des députés.

En cas de désaccord entre les deux chambres relativement aux lois mentionnées dans le présent paragraphe, chaque chambre nomme par tirage au sort, en nombre égal, une commission interparlementaire qui résoudra en dernier ressort le désaccord.

Si le désaccord se produit à l'occasion de toute autre loi, celle-ci sera ajournée jusqu'à la session suivante. Si à cette session, et même en cas de renouvellement des chambres, la loi étant présentée à nouveau, une entente ne se réalise pas, chaque chambre nommera au scrutin de liste et en nombre égal une Commission chargée d'arrêter le texte définitif qui sera soumis aux deux assemblées, à commencer par celle qui avait primitivement voté la loi. Et si ces nouvelles délibérations ne donnent aucun résultat, le projet ou la proposition de loi sera retiré.

Le pouvoir exécutif a seul le droit de prendre l'initiative de lois concernant les dépenses publiques et aucune des deux Chambres n'a le droit d'augmenter tout ou partie des dépenses proposées par le pouvoir exécutif.

Aucune concession de monopole, soit de la part de l'État, soit de la part des communes ne peut se faire sans la sanction du Corps législatif.

Article 56.

Chaque chambre, par ses règlements, fixe sa discipline et détermine le mode suivant lequel elle exerce ses attributions.

Chaque chambre peut appliquer des peines disciplinaires à ses membres pour conduite répréhensible et peut expulser un membre par la majorité des deux tiers de ses membres.

Article 57.

Les membres du Corps législatif sont inviolables du jour de leur élection jusqu'à l'expiration de leur mandat.

Ils ne peuvent être exclus de la chambre dont ils font partie ni être en aucun temps poursuivis et attaqués pour les opinions et votes émis par eux, soit dans l'exercice de leurs fonctions, soit à l'occasion de cet exercice.

Article 58.

Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre du Corps législatif pendant la durée de son mandat.

Article 59.

Nul membre du Corps législatif ne peut, durant son mandat, être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, correctionnelle ou de police, même pour délit politique, si ce n'est avec l'autorisation de la chambre à laquelle il appartient, sauf le cas de flagrant délit pour faits emportant une peine afflictive et infamante. Il en est alors référé sans délai à la Chambre des députés ou au Sénat, suivant qu'il s'agit d'un député ou d'un sénateur, si le Corps législatif est en session ; dans le cas contraire, dès l'ouverture de la session législative.

Article 60.

Aucune des deux Chambres ne peut prendre des résolutions sans la présence de la majorité absolue de ses membres.

Article 61.

Aucun acte du Corps législatif ne peut être pris qu'à la majorité absolue des membres présents, excepté lorsqu'il est autrement prévu par la présente Constitution.

Article 62.

Chaque chambre a le droit d'enquête sur les questions dont elle est saisie.

Ce droit est limité par le principe de la séparation des pouvoirs, conformément à l'article 30.

Article 63.

Un projet de loi ne peut être adopté par aucune des deux Chambres qu'après avoir été voté article par article.

Article 64.

Chaque chambre a le droit d'amender et de diviser les articles et amendements proposés. Les amendements votés par une Chambre ne peuvent faire partie d'un projet de loi qu'après avoir été votés par l'autre Chambre ; et aucun projet de loi ne deviendra loi qu'après avoir été voté dans la même forme par les deux Chambres. Tout projet de loi peut être retiré de la discussion tant que ce projet n'a pas été définitivement voté.

Article 65.

Toute loi votée par le Corps législatif est immédiatement adressée au Président de la République qui, avant de la promulguer, a le droit d'y faire des objections en tout ou en partie. 

Dans ce cas, il la renvoie à la chambre où elle a été primitivement votée avec ses objections. Si la loi est amendée par cette chambre, elle est renvoyée à l'autre chambre avec les objections. Si la loi ainsi amendée est votée par la seconde chambre, elle sera adressée de nouveau au Président pour être promulguée.

Si les objections sont rejetées par la chambre qui a primitivement voté la loi, elle est renvoyée à l'autre chambre avec les objections.

Si la seconde Chambre vote également le rejet, la loi est envoyée au Président qui est dans l'obligation de la promulguer.

Le rejet des objections est voté dans l'une et l'autre chambre à la majorité des deux tiers de chaque chambre. Dans ce cas, les votes de chaque chambre seront donnés par « oui » et par « non », et consignés en marge du procès-verbal à côté du nom de chaque membre de l'Assemblée.

Si, dans l'une et l'autre chambre, les deux tiers ne se réunissent pour amener ce rejet, les objections sont acceptées.

Article 66.

Le droit d'objection doit être exercé dans un délai de huit jours à la date de la réception de la loi par le Président, à l'exclusion des dimanches et des jours d'ajournement du Corps législatif, conformément à l'article 50 de la présente Constitution.

Article 67.

Si dans les délais prescrits par l'article précédent, le Président de la République ne fait aucune objection, la loi doit être promulguée, à moins que la session du Corps législatif n'ait pris fin avant l'expiration des délais. Dans ce cas, la loi demeure ajournée.

La loi ainsi ajournée est à l'ouverture de la session adressée au Président de la République, pour l'exercice de son droit d'objection.

Article 68.

Un projet de loi rejeté par l'une des deux chambres ne peut être reproduit dans la même session.

Article 69.

Les lois et autres actes du Corps législatif et de l'Assemblée nationale sont rendus officiels par la voie du Moniteur et insérés dans le Bulletin imprimé et numéroté ayant pour titre Bulletin des lois.

Article 70.

La loi prend date du jour de son adoption définitive par les deux chambres, mais elle ne devient obligatoire qu'après la promulgation qui en est faite conformément à la loi.

Article 71.

Nul ne peut en personne présenter des pétitions au Corps législatif.

Article 72.

L'interprétation des lois par voie d'autorité n'appartient qu'au pouvoir législatif ; elle est donnée dans la forme d'une loi.

Article 73.

Chaque membre du Corps législatif reçoit une indemnité mensuelle de deux cent cinquante dollars à partir de sa prestation de serment.

Article 74.

La fonction de membre du Corps Législatif est incompatible avec toute autre fonction rétribuée par l'État, sauf celle d'agent du service extérieur en mission temporaire.

Il sera tenu compte dans les traitements ou frais à allouer, de l'indemnité parlementaire qui continuera à courir.

Chapitre II. Du pouvoir exécutif.

Première section. Du Président de la République.

Article 75.

Le pouvoir exécutif est exercé par un citoyen qui prend le titre de « Président de la République ».

Article 76.

Le Président de la République est élu pour six ans ; il n'est pas immédiatement rééligible. Il entre en fonctions au 15 mai de l'année où il est élu, sauf s'il est élu pour remplir une vacance ; dans ce cas, il entre en fonction dès son élection et son mandat prend fin après six ans à partir du 15 mai qui précède immédiatement son élection.

Article 77.

Pour être élu Président de la République, il faut :
1° Être né d'un père qui lui-même est né Haïtien et n'avoir jamais renoncé à sa nationalité ;
2° Être âgé de 35 ans accomplis ;
3° Jouir des droits civils et politiques.

Article 78.

Avant d'entrer en fonctions, le Président de la République prête devant l'Assemblée Nationale le serment suivant :
« Je jure devant Dieu et devant la Nation d'observer et de faire observer fidèlement la Constitution et les lois du peuple haïtien, de respecter ses droits, de maintenir l'Indépendance Nationale et l'intégrité du territoire. »

Article 79.

Le Président de la République nomme et révoque les secrétaires d'État.

Il est chargé de veiller à l'exécution des traités de la République.

Il fait sceller les lois du sceau de la République et les promulgue dans le délai prescrit par les articles 65, 66 et 67.

Il est chargé de faire exécuter la Constitution et les lois, actes et décrets du Corps législatif et de l'Assemblée Nationale.

Il fait tout règlement et arrêté nécessaire à cet effet sans pouvoir jamais suspendre et interpréter les lois, actes et décrets eux-mêmes, ni se dispenser de les exécuter.

Il ne nomme aux emplois et fonctions publiques qu'en vertu de la Constitution ou de la disposition expresse d'une loi et aux conditions qu'elle prescrit.

Il pourvoit d'après la loi à la sûreté intérieure et extérieure de l'État.

Il fait tous traités ou conventions internationales, sauf la sanction de l'Assemblée Nationale.

Il a le droit de grâce et de commutation de peine, relativement à toutes condamnations passées en force de chose jugée, excepté le cas de mise en accusation par les tribunaux ou par la Chambre des députés, ainsi qu'il est prévu aux articles 105 et 106 de la présente Constitution.

Il accorde toute amnistie en matière politique et selon les prévisions de la loi.

Il commande et dirige les forces armées de la République et il confère les grades selon la loi.

Article 80.

Si le Président se trouve dans l'impossibilité temporaire d'exercer ses fonctions, le Conseil des secrétaires d'État est chargé de l'autorité exécutive tant que dure l'empêchement.

Article 81.

En cas de vacance de la fonction de Président de la République, le Conseil des secrétaires d'État est investi temporairement du pouvoir exécutif.

Il convoquera immédiatement l'Assemblée nationale pour l'élection du Président de la République.

Si le Corps législatif est en session, l'Assemblée nationale sera convoquée sans délai. Si le Corps législatif n'est pas en session, l'Assemblée Nationale se réunira conformément à l'article 45 ci-dessus.

Article 82.

Toutes les mesures que prend le Président de la République sont préalablement délibérées en Conseil des secrétaires d'État.

Article 83.

Tous les actes du Président de la République, excepté les décrets portant nomination ou révocation des secrétaires d'État, sont contresignés par le secrétaire d'État, en ce qui le concerne.

Article 84.

Le Président de la République n'a d'autres pouvoirs que ceux que lui attribuent la Constitution et les lois particulières votées en vertu de la Constitution.

Article 85.

A l'ouverture de chaque session, le Président de la République, par un message, fait à chacune des deux chambres séparément l'exposé général de la situation, et leur transmet les rapports que lui adressent les différents secrétaires d'État.

Article 86.

Le Président de la République reçoit du Trésor public une indemnité mensuelle de deux mille dollars.

Article 87.

Le Président de la République réside au Palais national de la Capitale.

Section II. Des secrétaires d'État.

Article 88.

La loi fixe le nombre des secrétaires d'État, sans que ce nombre puisse être inférieur à cinq.

Le Président de la République peut, quand il le juge nécessaire, leur adjoindre des sous-secrétaires d'État dont les attributions sont déterminées par la loi.

Pour être nommé secrétaire d'État et sous-secrétaire d'État, il faut :
1° Être âgé de 30 ans accomplis ;
2° Jouir des droits civils et politiques.

Les secrétaires d'État et les sous-secrétaires d'État sont répartis entre les divers départements ministériels que réclament les services de l'État.

Un arrêté fixera cette répartition conformément à la loi.

Article 89.

Les secrétaires d'État se forment en Conseil sous la présidence du Président de la République ou de l'un d'eux délégué par lui.

Toutes les délibérations du Conseil sont consignées sur un registre et les minutes de chaque séance sont signées par les membres présents du Conseil.

Article 90.

Les secrétaires d'État ont leur entrée dans chacune des deux chambres, ainsi qu'à l'Assemblée nationale, pour soutenir les projets de loi et les objections du pouvoir exécutif.

Chaque chambre peut requérir la présence des secrétaires d'État et les interpeller sur tous les faits de leur administration.

La demande doit être appuyée du tiers des membres présents.

S'ils déclarent que l'explication est compromettante pour l'intérêt de l'État, ils demanderont à la donner à huis clos.

Article 91.

Les secrétaires d'État sont respectivement responsables tant des actes du Président de la République qu'ils contresignent que de ceux de leurs départements ainsi que de l'inexécution des lois.

En aucun cas, l'ordre écrit ou verbal du Président de la République ne peut soustraire un secrétaire d'État à la responsabilité.

Article 92.

Chaque secrétaire d'État reçoit du Trésor Public une indemnité mensuelle de cinq cents dollars.

Les sous-secrétaires d'État reçoivent du Trésor Public une indemnité mensuelle de trois cents dollars.

Chapitre III. 
Du pouvoir judiciaire.

Article 93.

Les contestations qui ont pour objet des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux.

Article 94.

Les contestations qui ont pour objet des droits politiques sont du ressort des tribunaux, sauf les exceptions établies par la loi.

Article 95.

Nul tribunal, nulle juridiction contentieuse ne peut être établi qu'en vertu de la loi.

Article 96.

Le pouvoir judiciaire est exercé par un tribunal de cassation et des tribunaux inférieurs dont le nombre, l'organisation et la juridiction sont réglés par la loi.

Le Président de la République nomme les juges de tous les tribunaux, il nomme et révoque les officiers du Ministère public près le Tribunal de Cassation et les autres tribunaux permanents, les juges de paix et leurs suppléants.

Les juges, du Tribunal de Cassation et ceux des tribunaux permanents autres que les justices de paix, sont nommés pour dix ans. Ces dix ans commencent à courir à partir de leur prestation de serment.

Les juges, une fois nommés, ne peuvent être sujets à révocation par le pouvoir exécutif. Cependant, ils restent soumis aux dispositions des articles 105 et 106 de la Constitution, et aux dispositions des lois spéciales déterminant les causes susceptibles de mettre fin à leurs fonctions.

Article 97.

Le Tribunal de Cassation ne connaît pas du fond des affaires. Néanmoins, en toutes matières autres que celles soumises au jury, lorsque sur un second recours, même sur une exception, une même affaire se présentera entre les mêmes parties, le Tribunal de Cassation, admettant le pourvoi, ne prononcera point de renvoi et statuera sur le fond, sections réunies.

Article 98.

Les fonctions de juge sont incompatibles avec toutes autres fonctions publiques salariées.

L'incompatibilité en raison de la parenté ou de l'alliance est réglée par la loi.

La loi règle également les conditions exigibles pour être juge à tous les degrés.

Article 99.

Les contestations commerciales sont déférées aux tribunaux civils et de paix, conformément au Code de commerce.

Article 100.

Les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre public et les bonnes moeurs. Dans ce cas, le tribunal le déclare par jugement.

En matière de délit politique et de presse, le huis clos ne peut être prononcé.

Article 101.

Tout arrêt ou jugement est motivé et est prononcé en audience publique.

Article 102.

Les arrêts ou jugements sont rendus et exécutés au nom de la République. Ils portent un mandement aux officiers du Ministère public et aux autres agents de la Force publique. Les actes des notaires sont mis dans la même forme lorsqu'il s'agit de leur exécution forcée.

Article 103.

Le Tribunal de Cassation prononce sur les conflits d'attributions d'après le mode réglé par la loi.

Il est compétent dans tous les cas de décisions rendues par les tribunaux militaires pour cause d'incompétence ou d'excès de pouvoir.

Article 104.

Le Tribunal de Cassation, à l'occasion d'un litige et sur le renvoi qui lui en est fait, se prononce en sections réunies sur la constitutionnalité des lois et sa décision vaut pour ce litige seulement.

L'interprétation donnée par les Chambres s'imposera sans toutefois qu'elle puisse rétroagir en ravissant les droits acquis par la chose précédemment jugée.

Les chambres pourront agir spontanément ou sur l'intervention de tous autres que de l'une ou l'autre des parties engagées dans une instance pendante.

Les tribunaux n'appliqueront les arrêtés et règlements d'administration publique qu'autant qu'ils seront conformes aux lois.

Chapitre IV.
Des poursuites contre les membres des pouvoirs de l'État.

Article 105.

La Chambre des députés accuse le Président de la République et le traduit devant le Sénat, pour cause de trahison ou tout autre crime ou délit commis dans l'exercice de ses fonctions.

Elle accuse également :
1° Les secrétaires d'État en cas de malversation, de trahison, d'abus, ou d'excès de pouvoir, ou de tout autre crime ou délit commis dans l'exercice de leurs fonctions ;
2° En cas de forfaiture, les membres du Tribunal de Cassation, de l'une de ses sections et tout officier du Ministère public près le Tribunal de Cassation.

La mise en accusation ne pourra être prononcée qu'à la majorité des deux tiers des membres de la Chambre. Elle traduit en conséquence ceux qu'elle accuse devant le Sénat érigé en Haute Cour de Justice. A l'ouverture de l'audience, chaque membre de la Haute Cour de Justice prête le serment de juger avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, suivant sa conscience et son intime conviction.

La Haute Cour de Justice ne pourra prononcer d'autre peine que la déchéance, la destitution et la privation du droit d'exercer toute fonction publique pendant un an au moins et cinq ans au plus, mais le condamné peut être traduit devant les tribunaux ordinaires conformément à la loi, s'il y a lieu d'appliquer d'autres peines ou de statuer sur l'exercice de l'action civile.

Nul ne peut être jugé ni condamné qu'à la majorité des deux tiers des membres du Sénat.

Les limites prescrites à la durée des sessions du Corps législatif à l'article 50 de la présente Constitution ne peuvent servir à mettre fin aux poursuites, lorsque le Sénat siège en Haute Cour de Justice.

Article 106.

En cas de forfaiture, tout juge ou officier du Ministère public est mis en état d'accusation par l'une des sections du Tribunal de Cassation.

S'il s'agit du tribunal entier, la mise en accusation est prononcée par le Tribunal de Cassation, sections réunies.

Article 107.

La loi règle le mode de procéder contre le Président de la République, les secrétaires d'État et les juges dans les cas de crimes ou délits par eux commis, soit dans l'exercice de leurs fonctions, soit en dehors de cet exercice.

Titre IV.
Des institutions communales.

Article 108.

La Commune est autonome.

Le président du Conseil communal a le titre de Magistrat communal.

Cette institution est réglée par la loi.

La loi établit dans les communes ou les arrondissements des fonctionnaires civils qui représentent directement le pouvoir exécutif.

Titre V. 
Des assemblées primaires.

Article 109.

Les assemblées primaires s'assemblent de plein droit dans chaque commune tous les quatre ans, au 10 janvier, suivant le mode prévu par la loi. Elles ont pour objet d'élire les députés, les conseillers communaux, les délégués au Collège électoral.

Elles ne peuvent s'occuper d'aucun autre objet que celui qui leur est attribué par la présente Constitution.

Elles sont tenues de se dissoudre dès que cet effet est rempli.

Article 110.

La loi prescrit les conditions requises pour exercer le droit de voter dans les assemblées primaires.

Titre VI.
Des finances.

Article 111.

Les impôts au profit de l'État et des communes ne peuvent être établis que par une loi.

Article 112.

Les lois qui établissent les impôts n'ont de force que pour un an.

Article 113.

II ne peut être établi de privilège en matière d'impôts. Aucune exemption, aucune augmentation ou diminution d'impôts ne peuvent être établies que par une loi.

Article 114.

Aucune pension, aucune gratification, aucune subvention, aucune allocation quelconque, à la charge du Trésor public, ne peut être accordée qu'en vertu d'une loi proposée par le pouvoir exécutif.

Article 115.

Le cumul des fonctions salariées par l'État est formellement interdit, excepté dans l'Enseignement secondaire et supérieur.

Article 116.

Le budget de chaque département ministériel est divisé en chapitres et doit être voté article par article.

Aucune somme allouée pour un chapitre ne peut être reportée au crédit d'un autre chapitre et employée à d'autres dépenses sans une loi.

Le secrétaire d'État des Finances est tenu, sous sa responsabilité personnelle, de ne servir chaque mois à chaque département ministériel que le douzième des valeurs votées dans son budget, à moins d'une décision du Conseil des secrétaires d'État pour cas extraordinaires.

Les comptes généraux des recettes et des dépenses de la République sont tenus par le secrétaire d'État des Finances selon un mode de comptabilité établi par la loi.

L'exercice administratif commence le premier octobre et finit le trente septembre de l'année suivante.

Article 117.

Chaque année, le Corps législatif arrête :
1° Le compte des recettes et des dépenses de l'année écoulée ou des années précédentes ;
2° Le budget général de l'État contenant l'aperçu et la portion des fonds désignés pour l'année à chaque département ministériel. Toutefois, aucune proposition, aucun amendement ne peut être introduit à l'occasion du budget, dans le but de réduire ou d'augmenter les appointements des fonctionnaires publics.

Tout changement de cette nature ne peut être effectué que par une modification des lois.

Article 118.

Les comptes généraux et les budgets prescrits par l'article précédent doivent être soumis aux chambres par le secrétaire d'État des Finances au plus tard dans les quinze jours de l'ouverture de la session législative.

Les chambres peuvent s'abstenir de tous travaux législatifs tant que ces documents ne leur seront pas présentés. Elles refusent, la décharge des secrétaires d'État et même le vote du budget lorsque les comptes présentés ne fournissent pas par eux-mêmes, ou par les pièces à l'appui, tous les éléments de vérification et d'appréciation nécessaires.

Article 119.

L'examen et la liquidation des comptes de l'administration générale et de tout comptable envers le Trésor public se feront, suivant le mode établi par la loi, par une Chambre des comptes dont l'organisation et le fonctionnement seront également déterminés par la loi.

Article 120.

Au cas où le Corps législatif, pour quelque raison que ce soit, sauf celles de la non présentation des documents prescrits à l'article 118 ou de l'insuffisance des pièces à l'appui, n'arrête pas le budget pour un ou plusieurs départements ministériels avant son ajournement, le ou les budgets des départements intéressés en vigueur pendant l'année budgétaire en cours seront maintenus pour l'année budgétaire suivante.

Dans le cas où, par la faute de l'Exécutif, les budgets de la République n'auront pas été votés, le Président de la République convoquera immédiatement les chambres législatives en session extraordinaire, à seule fin de doter les budgets de l'État, sauf les sanctions constitutionnelles à prendre contre les ministres responsables.


Titre VII.
De la force publique.

Article 121.

Une force publique, sous les désignations fixées par la loi, est établie pour la sécurité intérieure et extérieure de la République, la garantie des droits du peuple, le maintien de l'ordre et la police dans les villes et les campagnes. Elle est la seule force armée de la République.

L'organisation de cette force publique et des tribunaux dont elle est justiciable est déterminée par la loi.

Les règlements relatifs à la discipline, à la répression des délits dans cette organisation seront établis par le pouvoir exécutif en conformité de la loi.

Les jugements en matière de délit militaire ne seront sujets qu'à la révision par le Tribunal de Cassation, et seulement pour cause d'incompétence ou d'excès de pouvoir.

Les militaires en activité de service ne sont pas éligibles aux fonctions représentatives et exécutives. Tout candidat à l'une ou l'autre de ces fonctions doit démissionner un an au moins avant l'époque fixée pour les élections.


Titre VIII.
Dispositions générales.

Article 122.

Les couleurs nationales sont le bleu et le rouge, placés horizontalement.

Les armes de la République sont : le Palmiste surmonté du bonnet de la liberté, orné d'un trophée avec la légende : « L'UNION FAIT LA FORCE. »

Article 123.

Aucun serment ne peut être imposé qu'en vertu de la Constitution ou d'une loi.

Article 124.

Les fêtes nationales sont : celle de l'Indépendance, le 1er janvier; celle de l'Agriculture, le 1er mai ; celle du Drapeau, le 18 mai.

Les fêtes légales sont déterminées par la loi.

Article 125.

Aucune loi, aucun arrêté ou règlement d'administration publique n'est obligatoire qu'après avoir été publié dans la forme déterminée par la loi.

Article 126.

Toutes les élections se feront au scrutin secret.

Article 127.

L'état de siège ne peut être déclaré qu'en cas de péril imminent pour la sécurité extérieure ou intérieure.

L'acte du Président de la République qui déclare l'état de siège doit être signé par les secrétaires d'État présents à la capitale.

Il en est rendu compte aux chambres par le pouvoir exécutif.

Article 128.

Les effets de l'état de siège sont réglés par une loi spéciale.

Article 129.

Les codes de lois, civil, commercial, pénal et d'instruction criminelle, et toutes les lois qui s'y rattachent, sont maintenus en tout ce qui n'est pas contraire à la présente Constitution.

Toutes dispositions de lois, tous décrets, arrêtés, règlements et autres actes qui y sont contraires demeurent abrogés.


Titre IX.
De la révision de la Constitution.

Article 130.

Le pouvoir législatif, sur la proposition de l'une des deux chambres ou du pouvoir exécutif, a le droit de déclarer qu'il y a lieu à réviser telles dispositions constitutionnelles qu'il désigne.

Cette déclaration, qui ne peut être faite qu'au cours de la dernière session ordinaire d'une Législature, est publiée immédiatement dans toute l'étendue de la République.

Article 131.

A la première session de la nouvelle législature, les chambres se réuniront en Assemblée nationale et statueront sur la révision proposée.

Article 132.

L'Assemblée nationale ne peut délibérer sur cette révision, si les deux tiers au moins de ses membres élus ne sont présents.

Aucune déclaration ne peut être faite, aucun changement ne peut être adopté qu'à la majorité des deux tiers des suffrages.


Titre X.
Dispositions transitoires.

A. La durée du mandat du Président de la République actuel prendra fin le 15 mai 1936.

B. Les députés et les sénateurs actuels, de même que les sénateurs qui pourront être élus au cours de cette législature, exerceront leur mandat jusqu'au premier lundi d'avril 1936.

Exceptionnellement les cinq nouveaux sénateurs seront élus par la Chambre des députés sur deux listes de trois candidats fournies l'une par le pouvoir exécutif, et l'autre par le Sénat, pour chaque siège.

Il en sera de même dans le cas où, conformément à l'article 39, il y aurait lieu de pourvoir au remplacement d'un ou plusieurs sénateurs au cours de la présente législature.

C. Le mandat des conseillers communaux actuels prendra fin le dix janvier 1936, sans préjudice des dispositions légales.

D. Dans les six mois à partir de la publication de la présente Constitution, le pouvoir exécutif est autorisé à procéder dans le personnel des tribunaux à tous changements qui seront jugés nécessaires.

E. Les règlements actuellement en vigueur dans le Corps dénommé « La Garde d'Haïti », continueront à être appliqués jusqu'à ce que soit votée la loi prévue à l'article 121 ci-dessus.

F. La présente Constitution entrera en vigueur à partir de la publication qui en sera faite au Moniteur.

Donné au Palais de l'Assemblée nationale constituante, à Port-au-Prince, le quinze juillet 1932, an 129e de l'Indépendance.

Edgard F. Pierre-Louis, EdmondGarcia, Horelie Montas, Stéphen Laguerre, Méresse Woolley, Dr. W. Telson, Alfred William, Férère Laguerre, Price Brizard, J. Bélizaire, Th. Jean-Louis, Eugène Tassy, Edouard Piou, J. M. Brédy, L. Leroy, J. B. Mégie Jeune, Clément Lespinasse, Alten Nelson, Justin
Anglade, Lorrain Dehoux, Etienne Moraille, Nemours Vincent, L. D. Gilles, Yrech Châtelain, Sébastiany Adam, Rémuzat Denizard, N. C. Fourcand, A. Beauvoir, L. Appollon, L. Thomas, T. Ligondé, Léon Dévot, Cassiani Jean, Dr. Price Mars, F. Martineau, Charles Fombrun, Normil Laurent, Léon Nau, Seymour Pradel, Antoine Télémaque, David Jeannot, Ls. S. Zéphirin, Charles Elisée, Pierre Hudicourt, V. Leconte.

Le Président de l'Assemblée Nationale : Denis St.-AUDE.
Le Vice-Président : Dr. Joseph LOUBEAU.
Les Secrétaires : Dr Hector Paultre, Dr Justin Latortue, Dum. Estimé, S. C. Zamor.


Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Haïti.