Congo français et dépendances, 1880-1958.

Loi qui approuve les traité et acte signés, les 10 septembre et 3 octobre 1880, par M. de Brazza, enseigne de vaisseau, et le roi Makoko (JORF, 3 décembre 1882, p. 6513).
Rapport au Président de la République française et décret du 26 avril 1886 (JORF, 28 avril 1886, p. 1926
Rapport et décret du 11 décembre 1888 (JORF, 13 décembre 1888, p 5277).
Rapport et décret du 30 avril 1891 (JORF, 3 mai 1891, p. 1981)
Rapport au Président de la République française suivi d'un décret portant réorganisation du Congo français et dépendances (JORF, 24 janvier 1904, p. 604)
Décret du 14 février 1906 portant réorganisation des possessions du Congo français et dépendances (JORF, 14 février 1906).
Rapport au Président de la République française suivi du décret du 15 janvier 1910, portant création du Gouvernement général de l'Afrique équatoriale française.

    Les missions de Pierre Savorgnan de Brazza, dès 1874 sur l'Ogoué, et les accords conclus ensuite avec des chefs locaux, permettent l'implantation de la France dans la région du Congo, où il fonde la future Brazzaville en 1880. Il devient commissaire général du Congo français, qui est réuni au Gabon en 1886 et 1888. En 1903, le Gabon et le territoire qui prend le nom de Moyen-Congo (qu'il conservera jusqu'en 1958) forment deux colonies autonomes réunies avec l'Oubangui-Chari et le Tchad dans un ensemble désigné d'abord comme « Congo français et dépendances », qui devient l'Afrique équatoriale française en 1910, et jusqu'en 1958.
    Cependant, le Moyen-Congo et le Gabon sont représentés dès 1945 dans les assemblées parlementaires françaises (initialement un citoyen français et un représentant indigène dans les Constituantes de 1945 et 1946). Le Moyen-Congo, comme les colonies voisines, devient territoire d'outre-mer en 1946, puis État membre de la Communauté le 28 novembre 1958, sous le nom de République du Congo.
Le Congo participe à la tentative d'Union des républiques d'Afrique centrale, rapidement avortée.
    L'indépendance est proclamée le 15 août 1960.

    Voir la page sur l'évolution de l'Afrique française, entre 1945 et 1958. 

Loi qui approuve les traité et acte signés, les 10 septembre et 3 octobre 1880,
par M. de Brazza, enseigne de vaisseau, et le roi Makoko.

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Article unique.

Le Président de la République est autorisé à ratifier et à faire ratifier les traité et acte conclus, les 10 septembre et 3 octobre 1880, entre M. Savorgnan de Brazza, enseigne de vaisseau, d'une part, et le roi Makoko, suzerain des Batekès et ses chefs, d'autre part ; traité et acte dont le texte demeure annexé à la présente loi.

La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme loi de l'État.

Fait à Paris, le 30 novembre 1882.
JULES GRÉVY.

Par le Président de la République :
Le président du conseil, ministre des affaires étrangères,
E. Duclerc.

CONVENTION

Au nom de la France et en vertu des droits qui m'ont été conférés, le 10 septembre 1880, par le roi Makoko, le 3 octobre 1880 j'ai pris possession du territoire qui s'étend entre la rivière d'Iné et Impila. En signe de cette prise de possession, j'ai planté le pavillon français à Okila, en présence de Ntaba, Scianho-Ngaekala, Ngaeko, Juma-Nvouto, chefs vassaux de Makoko, et de Ngalième, le représentant officiel de son autorité en cette circonstance, j'ai remis à chacun des chefs qui occupent cette partie de territoire un pavillon français, afin qu'ils l'arborent sur leurs villages en signe de ma prise de possession au nom de la France. Ces chefs, officiellement informés s'inclinent devant son autorité et acceptent le pavillon, et par leur signe, fait ci-dessous, donnent acte de leur adhésion à la cession de territoire faite par Makoko. Le sergent Malamine, avec deux matelots, reste à la garde du pavillon et est nommé provisoirement chef de la station française de Ncouna.

Par l'envoi à Makoko de ce document, fait en triple et revêtu de ma signature et du signe des chefs ses vassaux, je donne à Makoko acte de ma prise de possession de cette partie de son territoire pour l'établissement d'une station française.

Fait à Ncouna, dans les États de Makoko, le 3 octobre 1880.

Signé : L'enseigne de vaisseau,
P. SAVORGNAN DE BRAZZA.

Ont apposé leur signe :
(L. S.) Le chef NGALIÈME, représentant de Makoko ;
(L. S.) Le chef SCIANHO-NGAEKALA, qui porte le collier d'investiture donné par Makoko et commande à Ncouna sous la souveraineté de Makoko ;
(L. S ) Le chef NTABA ;
(L. S.) Le chef NGABKO ;
(L. S.) Le chef JUMA NVOULO.

Le roi Makoko, qui a la souveraineté du pays situé entre les sources et l'embouchure de Lefini et Ncouna, ayant ratifié la cession de territoire faite par Ngampey pour l'établissement d'une station française, et fait, de plus, cession de son territoire à la France, à laquelle il fait cession de ses droits héréditaires de suprématie ; désirant en signe de cette cession arborer les couleurs de la France, je lui ai remis un pavillon français et, par le présent document, fait en double et revêtu de son signe et de ma signature, donné acte des mesures qu'il a prises à mon égard, en me considérant comme le représentant. du Gouvernement français.

Fait à Ndao, au village de Makoko, le 10 septembre 1880.

Signé : L'enseigne de vaisseau, chef de la, mission de l'Ogoué et du Congo intérieur,
P. SAVORGNAN DE BRAZZA.

Makoko a fait ci-contre son signe.
(L. S.)


RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET DÉCRET DU 27 AVRIL 1886

Monsieur le Président,

La souveraineté de la France s'est successivement étendue, depuis quelques années, à de vastes territoires qui dépendent des bassins du Congo, du Niari-Qailliou et de Ogoué.

Les actes internationaux par lesquels nos droits ont été consacrés nous ont en même temps imposé certaines obligations qui sont la conséquence naturelle de notre souveraineté.

Il ne saurait, bien évidemment, être question de créer dans ces possessions nouvelles un organisme administratif compliqué, qui ne serait justifié ni par l'état du pays, ni par les ressources qu'il est actuellement permis d'en attendre.

Développer l'influence pacifique de la France, établir des relations commerciales suivies entre des contrées naguère encore mystérieuses, et les points de la côte que nous destinons à leur servir d'entrepôts, tel doit être l'unique objet de notre action politique.

L'administration des colonies estime qu'il y a lieu d'en confier la direction à l'éminent explorateur dont le nom est désormais inséparable de celui du Congo français.

M. de Brazza serait donc nommé commissaire général du Gouvernement dans le Congo français; il aurait en cette qualité comme auxiliaires quatre résidents ou commandants particuliers ayant chacun sous leurs ordres un petit nombre de chefs de station et de chefs de poste.

Afin d'assurer dans tout l'Ouest africain l'unité d'action indispensable au succès, le Gabon serait rattaché au Congo ; il serait administré par un lieutenant-gouverneur sous l'autorité de M. de Brazza.

Cette organisation, en prévenant les conflits et en faisant converger tous les efforts vers le même but, permettrait de réduire au minimum strictement indispensable les crédits à demander aux chambres et dont l'emploi serait d'ailleurs soumis à toutes les justifications nécessaires.

Si vous approuvez ces vues, je vous serais reconnaissant de vouloir bien revêtir de votre signature le projet de décret ci-joint.

Veuillez agréer, monsieur le Président, l'assurance de mon dévouement respectueux.

Le ministre de la marine et des colonies :
 Aube

Décret.

Le Président de la République française,

Sur le rapport du ministre de la marine et des colonies,
Décrète :
Art. 1er. — M. de Brazza-Savorgnan (Pierre-François-Paul-Camille) est nommé commissaire général du Gouvernement dans le Congo français.
Il aura, à ce titre, sous son autorité le lieutenant-gouverneur du Gabon.

Art. 2. — Il pourra, en cas d'absence, déléguer ses pouvoirs à l'un des résidents placés sous ses ordres.

Art. 3. — Le ministre de la marine et des colonies est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Journal officiel et au Bulletin officiel de la marine.

Fait à Paris, le 27 avril 1886.

 JULES GRÉVY.

Par le Président de la République :
Le ministre de la marine et des colonies,
AUBE.

RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Paris, le 11 décembre 1888.

Monsieur le Président,

Les décrets qui ont réglé, en 1886, les rapports entre le commissaire général de la République dans le Congo français et le lieutenant-gouverneur du Gabon n'ont créé qu'un état de choses provisoire, destiné, dans la pensée du Gouvernement, à prendre fin dès que les circonstances le permettraient.

Il avait paru, avec raison, impossible d'assujettir dès le premier moment aux mêmes règles une colonie organisée de longue date comme le Gabon et les vastes territoires du Congo dont l'exploration n'était même pas achevée.

Ces difficultés n'existent plus aujourd'hui. Déjà les crédits alloués au Congo par la loi de finances ont pu être répartis, suivant leur affectation spéciale, entre les divers chapitres du budget colonial. Notre nouvelle possession ne se distingue plus, à cet égard, de nos autres colonies que par l'importance de la subvention qu'elle reçoit de la métropole. Cette subvention étant versée au budget local du Gabon, il semble naturel d'en soumettre l'emploi au vote préalable du conseil d'administration.

Ainsi se trouvera réalisée la fusion administrative et budgétaire du Gabon et du Congo français.

Dans cette nouvelle organisation, le rôle du lieutenant-gouverneur sera nécessairement modifié. Au lieu d'être limitée au Gabon, où son autonomie était presque complète, l'action du lieutenant-gouverneur s'exercera désormais sur toute la colonie ; mais elle sera partout subordonnée à l'autorité du commissaire général, qui aura la plénitude du pouvoir et de la responsabilité.

Si vous approuvez les idées que je viens d'avoir l'honneur de vous exposer, je vous serai reconnaissant de vouloir bien revêtir de votre signature le projet de décret ci-joint.

Je vous prie d'agréer, monsieur le Président, l'hommage de mon profond respect.

Le ministre de la marine et des colonies,
KRANTZ.

Décret du 11 décembre 1888.

Le Président de la République française,
Sur le rapport du ministre de la marine et des colonies,
Décrète :

Art. premier. — Les territoires du Gabon et du Congo français forment une seule colonie placée sous l'autorité d'un commissaire général qui a sous ses ordres un lieutenant-gouverneur.

Art. 2. — Le conseil d'administration du Gabon et du Congo français se compose :
Du commissaire général, président ;
Du lieutenant-gouverneur, vice-président ;
Du commandant de la marine ;
Du directeur de l'intérieur ;
Du chef du service administratif ;
Du chef du service judiciaire ;
De deux habitants notables désignés par le commissaire général.

Art. 3. — Le conseil d'administration se constitue en conseil du contentieux administratif par l'adjonction, à défaut de magistrats, de fonctionnaires en service dans la colonie et titulaires du diplôme de licencié en droit.
Un officier du commissariat, désigné au commencement de chaque année par le commissaire général, remplit auprès du conseil du contentieux administratif les fonctions du ministère public.
Le secrétaire-archiviste du conseil d'administration remplit les fonctions de greffier.

Art. 4. — En cas de décès, d'absence de la colonie ou de tout autre empêchement, le commissaire général est remplacé par le lieutenant-gouverneur, et, à son défaut, par l'un des membres du conseil d'administration, dans l'ordre de présence indiqué à l'article 2 du présent décret.

Art. 5. — Le commissaire général nomme le chef et les employés de son secrétariat, les chefs d'exploration, les chefs de stations et de postes, les agents de cultures, les employés auxiliaires et les ouvriers des services civils.

Art. 6. — Sont abrogés les décrets des 27 avril, 26 juillet et 11 octobre 1886, ainsi que toutes dispositions contraires au présent décret.

Art. 7. — Le ministre de la marine et des colonies est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera inséré aux journaux officiels de la métropole et du Gabon, au Bulletin des lois et au Bulletin officiel de l'administration des colonies.

Fait à Paris, le 11 décembre 1888.

CARNOT.
Par le Président de la République :
Le ministre de la marine et des colonies,
KRANTZ


RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Paris, le 30 avril 1891.

Monsieur le Président,

Le commissaire général du gouvernement dans le Gabon et le Congo français a appelé mon attention sur les inconvénients qui résultent des différentes dénominations en usage pour désigner la colonie ; il demande, en conséquence, qu'un décret intervienne pour sanctionner définitivement l'appellation de « Congo français », qui figure déjà sur toutes les cartes d'Afrique et qui donne une idée plus exacte de la véritable situation de nos possessions du centre africain.

Cette proposition me paraissant devoir être acceptée, j'ai fait préparer le projet de décret ci-joint, que j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien revêtir de votre signature.

Je vous prie d'agréer, monsieur le Président, l'hommage de mon profond respect.

Le ministre du commerce, de l'industrie et des colonies,
JULES ROCHE.

Le Président de la République française,

Vu l'article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854;
Vu le décret du 11 décembre 1888 réunissant en une seule colonie les territoires du Gabon et du Congo français,
Décrète:

Art. premier. — Les possessions françaises du Gabon et du Congo français porteront désormais le nom de : Congo français.
Art. 2. — Le ministre du commerce, de l'industrie et des colonies, est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 30 avril 1891.

CARNOT.

Par le Président de la République:

Le ministre du commerce, de l'industrie et des colonies,
JULES ROCHE.

RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Monsieur le Président,

Les possessions dépendant du Congo français, telles qu'elles sont aujourd'hui délimitées par des conventions internationales, offrent une étendue considérable. La nature de leur sol, leur climat, le système hydrographique auquel elles se rattachent et que caractérisent trois grands fleuves, l'Ogoue, le Congo, le Chari, maintiennent entre elles certaines affinités et permettent de les grouper en une même zone géographiquement unifiée.

Cette unité toutefois est possible et nécessaire dans l'ordre politique ; elle rencontre, au contraire, les obstacles les plus sérieux dans l'ordre administratif. Il a paru rationnel dès lors de rechercher les bases d'une décentralisation administrative du Congo français, tout en laissant au commissaire général, sur l'ensemble de nos possessions, la haute direction qui lui appartient aux termes du décret du 5 juillet 1902. Dans ce but, mon département a été conduit à penser que, pour tenir compte à la fois de la difficulté des communications, des ressources du pays et du degré d'influence que nous exerçons sur les populations, il conviendrait de distinguer dans nos possessions du Congo quatre régions : 1° le Gabon ; 2° le Moyen-Congo ; 3° le territoire de l'Oubangui-Chari ; 4° le territoire du Tchad.

Le Gabon est le pays où la domination française s'est, dans cette partie de l'Afrique, établie tout d'abord ; il n'est pas compris, en outre, dans la zone où se trouve appliqué le régime commercial institué par l'acte général de la

conférence de Berlin.

Le Moyen-Congo, au contraire, embrasse exclusivement des pays soumis à ce régime spécial.

Le territoire de l'Oubangui-Chari, c'est-à-dire la partie française du bassin de l'Oubangui et le bassin supérieur du Chari, est très éloigné de la côte et d'un accès plus difficile.

Le territoire du Tchad enfin comprend les pays sur lesquels notre influence vient à peine de s'établir ou même ne doit pénétrer que lentement et progressivement ; il ne dispose encore que de ressources extrêmement modestes dont l'exiguïté rend actuellement à peu près impossible l'équilibre normal du budget spécial institué par le décret du 5 septembre 1900.

Telle étant la situation, il me paraît désirable de constituer dans l'ensemble de ces quatre régions deux colonies distinctes ayant des budgets locaux et des conseils d'administration séparés.

La première de ces colonies serait formée par le Gabon sous l'autorité immédiate d'un lieutenant gouverneur ; la seconde embrasserait le Moyen-Congo, sous la direction personnelle du commissaire général, dont la résidence

serait désormais à Brazzaville. Il serait, en effet, prématuré de donner dès maintenant aux territoires de l'Oubangui-Chari et du Tchad une autonomie administrative et financière, et il me semble plus sage de les maintenir présentement sous la direction immédiate du commissaire général, assisté par un délégué permanent à Bangui, et, dans la région du Tchad, par l'officier commandant les troupes.

Les attributions administratives que le commissaire général exercerait ainsi personnellement dans les territoires du Moyen-Congo, de l'Oubangui-Chari et du Tchad, se superposeraient à la haute direction qu'il conserve au point de vue politique et au contrôle supérieur qui lui appartient sur les divers services publics, dans l'ensemble de nos possessions.

Le budget local de la colonie du Moyen-Congo, comprendrait une section spéciale s'appliquant aux recettes et aux dépenses des territoires de l'Oubangui-Chari et du Tchad, ainsi qu'aux recettes et aux dépenses communes à l'ensemble de nos possessions. Cette section spéciale représenterait, pour le présent et surtout pour l'avenir, l'union financière des divers territoires dont l'ensemble constitue le Congo français et dépendances ; c'est en elle que se manifesteraient finalement l'accroissement des ressources du pays et les charges nouvelles qu'il y aurait lieu de supporter dans l'intérêt général de nos possessions.

Enfin, pour l'étude des questions communes à l'ensemble du Congo français et dépendances, il serait institué un conseil supérieur du gouvernement qui aurait en particulier pour mission d'arrêter chaque année, et sauf approbation

par décret, les projets de budgets locaux.

J'ai préparé sur ces bases, monsieur le Président, et j'ai l'honneur de soumettre à votre haute sanction, en vue de la réorganisation du Congo français et dépendances le projet de décret ci-annexé.

Je vous prie d'agréer, monsieur le Président, l'hommage de mon profond respect.

Le ministre des colonies,
GASTON DOUMERGUE.

Décret.

Le Président de la République française,
Vu l'article 18 du sénatus-consulte du 3 mai 1854 ; les décrets des 28 septembre 1897, 5 septembre 1900, et 5 juillet 1902, portant réorganisation du Congo français ;
Vu le décret du 11 octobre 1899 portant réorganisation des conseils d'administration de la Guinée française, de la Côte d'Ivoire, du Dahomey, du Congo français et de la côte française des Somalis ;
Sur le rapport du ministre des colonies,
Décrète:

Art. 1er.

Les possessions du Congo français et dépendances, placées sous la haute autorité d'un commissaire général dont la résidence est à Brazzaville, comprennent :
1° La colonie du Gabon, c'est-à-dire l'ensemble de la région maritime comprise entre la Guinée espagnole, le Cameroun et les limites du bassin conventionnel du Congo ;
2° Le Moyen-Congo, comprenant tous les territoires limités par le Gabon et la frontière du Cameroun jusquau 7e degré de latitude Nord, puis par ce parallèle jusqu'à la ligne de partage des eaux entre le bassin du Chari et du Congo, et par cette ligne de partage des eaux jusques et non compris le bassin de l'Ombella et l'enclave de Bangui ; enfin, par la frontière de l'État indépendant du Congo et celle de la colonie portugaise de Cabinda ;
3° Le territoire de l'Oubangui-Chari comprenant toute la région située au nord et à l'est du Moyen-Congo ; il est limité au Nord par le 7e degré de latitude jusqu'au point où ce parallèle coupe à l'Est la ligne du bassin conventionnel, puis par cette ligne elle-même jusqu'à la frontière de l'État indépendant ;
4° Le territoire du Tchad comprenant toute la région située au nord de l'Oubangui-Chari placée sous l'influence de la France en vertu des conventions internationales et ne dépendant pas du gouvernement général de l'Afrique occidentale française.

Art. 2.

Le Gabon constitue une colonie ayant son autonomie administrative et financière sous l'autorité immédiate d'un lieutenant gouverneur et sous la haute direction du commissaire général. Le lieutenant gouverneur a sa résidence à Libreville, il est assisté d'un secrétaire général et d'un conseil d'administration.

Art. 3.

Le Moyen-Congo constitue une colonie ayant son autonomie administrative et financière sous l'autorité directe du commissaire général qui a sa résidence à Brazzaville. Il est assisté d'un secrétaire général et d'un conseil d'administration.

Art. 4.

Le commissaire général est représenté à Bangui par un délégué permanent chargé de l'administration du territoire de l'Oubangui-Chari et dans le territoire du Tchad par l'officier commandant les troupes stationnées dans ce territoire.
Il peut leur déléguer une partie de ses pouvoirs.

Art. 5.

Le commissaire général est dépositaire des pouvoirs du gouvernement de la République dans toute I’étendue des possessions du Congo français et dépendances. Il est assisté d’un conseil de gouvernement. Il organise les services à l'exception de ceux qui sont régis par les actes de l’autorité métropolitaine ; il règle leurs attributions.
Il nomme tous les fonctionnaires et agents des services locaux a l’exception toutefois des fonctionnaires et agents dont la nomination est réservés à l'autorité métropolitaine par des actes organiques ou de ceux qui sont détachés des services métropolitains,
Les fonctionnaires et agents mis a la disposition du commissaire général sont répartis par lui entre les divers territoires placés sous sa haute direction, sauf en ce qui concerne les secrétaires généraux, les magistrats et les agents du Trésor. Le commissaire général conserve, toutefois, pour le personnel judiciaire le droit de procéder à des nominations intérimaires dans les conditions prévues par le décret du 17 mars 1903.

Art. 6.

Le commissaire général peut déléguer, par décision spéciale et limitative et sous sa responsabilité, le droit de nomination au lieutenant gouverneur du Gabon et à son délégué permanent de Bangui.

Art. 7.

Le commissaire général détermine les circonscriptions administratives dans chacune des possessions placées sous sa haute autorité. Il peut déléguer ce droit au lieutenant gouverneur du Gabon, à son délégué de Bangui où à son représentant dans la circonscription du Tchad.

Art. 8.

Le commissaire général centralise la correspondance et a seul le droit de correspondre avec le gouvernement. Il peut, par décision spéciale et pour des questions limitativement déterminées, autoriser sous sa responsabilité le lieutenant gouverneur du Gabon à correspondre directement avec le ministre des colonies. Dans le cas d'extrême urgence, le lieutenant gouverneur du Gabon peu, sans l'autorisation du commissaire général, correspondre directement avec Le ministre. Les duplicata de toute correspondance directe doivent être sans retard adressés par lui au commissaire général.

Art. 9. 

Le budget local du Moyen-Congo établi par le commissaire général en conseil d'administration, celui du Gabon établi par le lieutenant gouverneur en Conseil d'administration, sont arrétés l'un et l'autre par le commissaire général en conseil de gouvernement, en même temps que la section spéciale du budget du Moyen-Congo dont il sera parlé ci- après, et approuvés par décret rendu sur la proposition du ministre des colonies.

Art. 10.

Il est créé au budget du Moyen-Congo une section spéciale où sont inscrites : Les dépenses du commissariat général ; des services communs du Congo français et dépendances ; de la magistrature; de l'établissement des lignes ou câbles télégraphiques ou téléphoniques ; les dépenses politiques ; les dépenses du trésor ; les dépenses de navigation sur le Congo et l'Oubangui ; les annuités des emprunts contractés ou à contracter par l'ensemble des possessions du Congo français dépendances ; les contingents à verser éventuellement à l'État ; les subventions à verser, le cas échéant, à la colonie du Gabon et au Moyen-Congo ; l'intégralité des dépenses des territoires de l'Oubangui-Chari et du Tchad. Les recettes de cette même section destinées à faire face aux dépenses ci-dessus sont : la subvention métropolitaine ; le droit de statistique fixé par les arrêtés en vigueur et perçu pour l'ensemble des
possessions du Congo français où dépendances ; les recettes de tout ordre réalisées sur la navigation du Congo et de l'Oubangui ; les taxes télégraphiques de transit à travers tous les territoires du Congo français et dépendances. Le contingent à recevoir, le cas échéant, des budgets du Gabon et du Moyen-Congo. Un prélèvement sur les recettes domaniales du Congo français et dépendances dont le montant sera fixé annuellement par le ministre ; le montant des emprunts contractés ou à contracter par les possessions du Congo français et dépendances ; l'intégralité des recettes réalisées dans les territoires de l'Oubangui et du Tchad.

Art. 11.

Le lieutenant gouverneur du Gabon est, sous le contrôle du commissaire général, ordonnateur du budget de la colonie qu'il administre. Le commissaire général à l'ordonnancement des dépenses du budget du Moyen-Congo et de sa section spéciale. Il peut déléguer les crédits qui sont à sa disposition. Le décret du 20 novembre 1882 sur le régime financier des colonies est applicable aux budgets du Congo français et dépendances. Les excédents de recettes des deux sections du Moyen-Congo seront respectivement versés à deux caisses de réserve distinctes correspondant à chacune des sections du budget.

Art. 12. 

Le Service du Trésor dans les possessions du Congo français et dépendances est assuré : 1° pour la colonie du Gabon, par un trésorier-payeur résidant à Libreville et justiciable de la cour des compte ; 2° pour la colonie du Moyen-Congo : 1° par un trésorier-payeur justiciable de la cour des comptes résidant à Brazzaville et chargé de la centralisation de toutes les opérations du budget et de sa section spéciale ; 2° par un préposé du Trésor résidant à Bangui et placé sous les ordres du trésorier-payeur de Brazzaville.

Art. 13.

Le lieutenant gouverneur du Gabon remplace par intérim le commissaire général de la colonie. Il est lui-même remplacé par intérim par le secrétaire général du Gabon. Le commissaire spécial du Gouvernement près les sociétés concessionnaires institué par décret du 5 juillet 1902 est maintenu. Les attributions, la solde, et les accessoires de solde du fonctionnaire désigné pour ce poste sont fixés par arrêté du commissaire général approuvé par le ministre.

Art. 14.

Les budgets du Gabon et du Moyen-Congo et de sa section spéciale, tels qu'ils sont constitués par le présent décret, seront mis en vigueur à partir du 1er juillet 1904. La caisse de réserve de l'ancien budget local du Congo sera, à la clôture de l'exercice 1903, répartie dans la proportion de un quart au budget du Gabon, un quart au budget du Moyen-Congo, un demi à la section spéciale du même budget.

Art. 15.

Les dispositions contraires au présent décret sont et demeurent abrogées.

Art. 16.

Le ministre des colonies est chargé de l'exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 29 décembre 1903.

ÉMILE LOUBET.

Par le Président de la République :

Le ministre des colonies,
Gaston DOUMERGUE
Le ministre des finances,
ROUVIER.

Décret du 14 février 1906 portant réorganisation des possessions du Congo français et dépendances.

Art. premier.

Les possessions du Congo français et dépendances sont placées sous la haute direction politique et administrative d'un commissaire général du Gouvernement dont la résidence est à Brazzaville. Elles embrassent les circonscriptions ci-après déterminées, savoir :
1° le Gabon, c'est-à-dire la région limitée au Nord par la Guinée espagnole et le Cameroun, à l'Est par la ligne de faîte du bassin de l'Ogooué jusqu'à la rencontre de cette ligne avec le méridien de Macabana ; puis par ce méridien jusqu'à la frontière portugaise ; au Sud par la frontière portugaise jusqu'à l'Océan atlantique ;
2° le Moyen-Congo, comprenant tous les territoires limités par le Gabon et la frontière du Cameroun jusqu'au 7e degré de latitude Nord, puis par ce parallèle jusqu'à la ligne de partage des eaux entre le bassin du Chari et le bassin du Congo, et par cette ligne de partage des eaux jusques et non compris le bassin de l'Ombella et l'enclave de Bangui ; enfin, par la frontière de l'État indépendant ;
3° le territoire de l'Oubangui-Chari, limité à l'Ouest par la colonie du Moyen-Congo, au Nord par le 7e degré de latitude Nord jusqu'au point où ce parallèle rencontre vers l'Est la ligne de démarcation du bassin conventionnel ; puis par cette ligne elle-même jusqu'à la frontière de l'État indépendant ;
4° le territoire militaire du Tchad, comprenant au Nord de l'Oubangui-Chari, l'ensemble des régions placées sous l'influence de la France en vertu de conventions internationales et ne dépendant pas du gouvernement général de l'Afrique occidentale française.

Article 2.

Les quatre circonscriptions déterminées ci-dessus constituent trois colonies dont chacune a son autonomie
administrative et financière, savoir :
1° la colonie du Gabon ;
2° la colonie du Moyen-Congo ;
3° la colonie de l'Oubangui- Chari-Tchad, dont les chefs-lieux sont respectivement Libreville, Brazzaville et Fort-de-Possel.

Article 3.

Le Gabon et l'Oubangui-Chari-Tchad sont respectivement placés sous l'autorité immédiate d'un lieutenant-gouverneur, assisté d'un conseil d'administration. Le Moyen-Congo est placé sous l'autorité immédiate d'un administrateur en chef faisant fonctions de lieutenant-gouverneur, assisté également d'un conseil d'administration. Le territoire militaire du Tchad est administré par l'officier commandant les troupes qui y sont stationnées. Cet officier prend le titre de commandant du territoire militaire du Tchad. Il relève directement du lieutenant-gouverneur de l'Oubangui-Chari-Tchad.

Article 4.

Le commissaire général du Gouvernement est le dépositaire des pouvoirs de la République dans toute l'étendue des possessions du Congo français et dépendances. Il adresse ses instructions aux lieutenants-gouverneurs du Gabon et de l'Oubangui-Chari-Tchad et à l'administrateur en chef du Moyen-Congo. Il est assisté d'un conseil de Gouvernement et d'un secrétaire général ayant rang de gouverneur. Il organise les services à l'exception de ceux qui sont régis par les actes de l'autorité métropolitaine, il règle leurs attributions. Il détermine les circonscriptions administratives dans chacune des possessions placées sous sa haute autorité. Il nomme tous les fonctionnaires et agents des services locaux, à l'exception toutefois0 de ceux dont la nomination est réservée à l'autorité métropolitaine. Il les répartit, suivant les besoins du service, entre les colonies du Gabon, du Moyen-Congo, de l'Oubangui-Chari-Tchad sans pouvoir modifier toutefois les postes attribués par l'autorité métropolitaine aux magistrats et aux agents du Trésor. Le commissaire général du Gouvernement conserve néanmoins pour le pouvoir judiciaire le droit de procéder à des nominations intérimaires dans les conditions prévues par le décret du 17 mars 1903.

Article 5.

Le commissaire général du Gouvernement peut, par décision spéciale et limitative et sous sa propre responsabilité, déléguer aux lieutenants-gouverneurs du Gabon et de l'Oubangui-Chari-Tchad et à l'administrateur en chef du Moyen-Congo les attributions qui lui sont conférées pour la nomination des fonctionnaires et agents des services locaux.

Article 6.

Le commissaire général du Gouvernement centralise la correspondance et a seul le droit de correspondre avec le ministre des colonies. Il peut, par décision spéciale et pour des questions limitativement déterminées, autoriser sous sa responsabilité le lieutenant-gouverneur du Gabon à correspondre directement avec le ministre. Dans les cas d'extrême urgence, le lieutenant-gouverneur du Gabon et le commandant du territoire militaire du Tchad peuvent également, sans autorisation préalable du commissaire général du Gouvernement, correspondre directement avec le ministre. Les duplicata de toute correspondance ainsi directement échangée par le lieutenant-gouverneur du Gabon et par le commandant du territoire militaire du Tchad doivent être sans retard, et par la voie hiérarchique, adressés par eux au commissaire général du Gouvernement.

Article 7.

Sauf désignation spéciale émanant du ministre, le secrétaire général du commissariat général du Gouvernement
remplace par intérim le commissaire général du Gouvernement.

Article 8.

Dans chacune des colonies du Gabon et du Moyen-Congo, les recettes et les dépenses du service local forment un budget particulier établi par le lieutenant-gouverneur et l'administrateur en chef en conseil d'administration. Dans la colonie de l'Oubangui-Chari-Tchad, le territoire de l'Oubangui-Chari et le territoire militaire du Tchad ont chacun un budget propre. Ces deux budgets sont établis par le lieutenant-gouverneur en conseil d'administration. Les divers budgets du Gabon, du Moyen-Congo et de l'Oubangui-Chari-Tchad sont pris par le commissaire général en conseil de gouvernement et approuvés par décrets rendus sur la proposition du ministre des colonies. Les lieutenants-gouverneurs du Gabon et de l'Oubangui-Chari-Tchad et l'administrateur en chef du Moyen-Congo, ont chacun, sous le contrôle du commissaire général du Gouvernement, l'ordonnancement des dépenses des budgets locaux des colonies qu'ils administrent. Le commandant du territoire militaire du Tchad est sous-ordonnateur de son budget sous l'autorité du lieutenant-gouverneur de l'Oubangui-Chari-Tchad.

Article 9.

Il est créé un budget général du Congo français. A ce budget sont inscrites : les dépenses propres au commissariat
général du Gouvernement ; les dépenses des services communs du Congo français et dépendances, c'est-à-dire du personnel et du matériel de l'administration indigène, de la milice, des douanes, des postes et télégraphes, du Trésor, de l'instruction publique, des travaux publics et du contrôle local des sociétés concessionnaires ; les subventions à verser, le cas échéant, aux budgets locaux du Gabon, du Moyen-Congo, de l'Oubangui-Chari-Tchad ; les dépenses à engager, soit pour l'exécution des travaux d'utilité publique, soit pour l'entretien de la milice dans l'ensemble des possessions du Congo français et dépendances et toutes autres dépenses pouvant présenter un caractère d'intérêt général. Le budget général est alimenté en recettes : par la subvention métropolitaine ; par le produit des droits de toute nature perçus sur les marchandises à l'entrée et à la sortie dans toute l'étendue du Congo français et dépendances ; par le droit de statistique fixé par les arrêtés en vigueur et perçu dans l'ensemble des possessions du Congo français et dépendances ; par les recettes de tout ordre réalisées sur la navigation fluviale ; par les taxes télégraphiques de transit à travers tous les territoires du Congo français et dépendances ; par le produit des terres domaniales ; par les contributions à recevoir éventuellement des budgets locaux du Gabon, du Moyen-Congo et de l'Oubangui-Chari-Tchad.

Article 10.

Le commissaire général du Gouvernement a l'ordonnancement des dépenses du budget général. Il a la faculté de confier ce pouvoir, par délégation spéciale, au secrétaire général du commissariat général du Gouvernement. Il peut déléguer les crédits qui sont à sa disposition, aux lieutenants-gouverneurs du Gabon et de l'Oubangui-Chari-Tchad, ainsi qu'à l'administrateur en chef du Moyen-Congo. Les comptes des budgets des possessions du Congo français et dépendances sont arrêtés par le commissaire général en conseil de gouvernement.

Article 11.

Le décret du 20 novembre 1882 sur le régime financier des colonies est applicable aux budgets du Congo français et dépendances.

Article 12.

Le service du Trésor est assuré :
1° par un trésorier-payeur à Brazzaville pour le Moyen-Congo ;
2° par deux trésoriers particuliers à Libreville, pour le Gabon, à Fort-de-Possel pour l'Oubangui-Chari-Tchad ;
3° par un préposé du Trésor résidant à Fort-Lamy et représentant le service du Trésor dans le territoire militaire du Tchad.
Le trésorier-payeur à Brazzaville et les trésoriers particuliers à Libreville et à Fort-de-Possel effectuent directement,
chacun en ce qui le concerne, les opérations des services financiers métropolitains, y compris celui des articles d'argent. Ils sont préposés de la caisse des dépôts et consignations et chargés des opérations de la caisse des invalides de la marine. Le trésorier-payeur du Moyen-Congo effectue ou centralise les opérations tant en recettes qu'en dépenses du budget général du Congo et du budget local du Moyen-Congo. Il est justiciable de la cour des comptes. Les trésoriers particuliers sont chargés respectivement d'effectuer directement ou de centraliser les opérations des budgets locaux du Gabon et de l'alanguira-Chari-Tchad. A cet égard, ils ont une gestion personnelle. Ils sont justiciables de la cour des comptes tant en ce qui concerne les opérations des services métropolitains que celles des budgets locaux. Ils effectuent, pour le compte du trésorier-payeur du Moyen-Congo, les opérations concernant le budget général. Le proposé du Trésor à Fort-Lamy exécute les services financiers dans l'étendue du territoire militaire du Tchad pour le compte et sous la responsabilité du trésorier particulier de l'Oubangui-Chari-Tchad.

Article 13.

Un service de contrôle local près des sociétés concessionnaires est organisé par un arrêté du commissaire général du Gouvernement, approuvé par le ministre des colonies. Il est placé sous la direction du commissaire spécial du Gouvernement qui est institué par le décret du 5 juillet 1902 et qui est nommé dans les conditions prévues par ce décret.

Article 14.

Toutes dispositions contraires au présent décret sont et demeurent abrogées.

Article 15.

Le ministre des colonies est chargé de l'exécution du présent décret.


Rapport au Président de la République française
suivi du décret du 15 janvier 1910, portant création du Gouvernement général de l'Afrique équatoriale française.


Monsieur le Président,

Le décret du 26 juin 1908 a donné au Commissaire général des possessions du Congo français et dépendances le titre et le rang de Gouverneur général. Il consacrait ainsi la création définitive d’un nouveau Gouvernement général suivant une politique de décentralisation dont l'heureuse expérience avait été successivement tentée en Indo-Chine, à Madagascar et en Afrique Occidentale, Au Congo même, on s'était inspiré déjà de cette politique dans l'organisation administrative établie par les décrets des 29 décembre 1903 et 11 février 1906. Il semble aujourd'hui que le moment soit venu de faire prévaloir plus résolument encore les mêmes principes en y réalisant plus pratiquement qu’il n’était possible dans le passé, l'union des divers territoires groupés sous la haute autorité du Gouverneur général.

Dans ce but, et tout d'abord, il n’est pas sans intérêt de modifier l'appellation de « possessions du Congo français et dépendances » actuellement usitée, et géographiquement inexacte, car elle ne s'applique qu'à une partie assez restreinte de la Colonie. La majeure partie de ces possessions se trouve placée dans la zone équatoriale, et c'est peut-être là le caractère le plus important que présentent en commun des pays aussi dissemblables. Aussi, j'estime, avec M. le Gouverneur général du Congo, qu'il y aurait lieu de substituer à la dénomination actuelle de « Gouvernement général des possessions du Congo français et dépendances » celle de « Gouvernement général de l'Afrique Equatoriale française ».


Dans le projet de décret qui vous est soumis, les trois colonies actuellement existantes et la circonscription du territoire militaire du Tchad sont maintenues, avec faculté pour le Gouverneur général d'en déterminer les limites dans des arrêtés soumis à l’approbation ministérielle.

Il m'a semblé également nécessaire, d’une part, de préciser les pouvoirs politiques et administratifs du Gouverneur
général, et, d'autre part, d'essayer de mettre un terme aux difficultés provoquées actuellement par l'incertitude dans laquelle on se trouve au sujet des pouvoirs des Gouverneurs en matière fiscale. À ce point de vue, le mode d'assiette, la quotité et les règles de perception des droits pereus à l'entrée et à la sortie. soit des marchandises, soit des navires, sous réserves des dispositions applicables aux droits de douanes, continueraient à être fixés par décret pris en Conseil d'État. Quant aux autres taxes, qui sont perçues dans l'intérieur même de la Colonie, aucune d'elles ne pourrait être rendue immédiatement exécutoire et tous les arrêtés pris par le Gouverneur général seraient transmis au Département pour approbation, le texte n’entrerait en vigueur, qu'après cette approbation ; mais si, dans un délai de quatre mois, l'annulation n’était pas prescrite par le Ministre, l'approbation serait considérée comme acquise de plein droit.

Enfin, l'expérience a démontré qu’il y avait lieu de donner à l'Afrique équatoriale française une organisation financière plus rationnelle. La contexture nouvelle des budgets serait basée sur ce principe que toutes les dépenses de pure administration doivent être supportées par le budget local de la colonie dans laquelle elles s'effectuent, le budget général demeurant, de façon mieux tranchée, l'organisme financier où sont représentés les intérêts communs à nos diverses possessions. Les Lieutenants-Gouverneurs auraient de ce fait, sur leur budget, une action qu'ils étaient loin d'avoir précédemment. Leur autorité s'en trouverait affermie, en même temps que leur initiative serait stimulée, et ils auraient à leur disposition complète les moyens qui leur permettraient de développer leurs colonies en donnant à celles-ci l'impulsion qui leur semblerait la meilleure.

Telles sont les principales modifications qui font l'objet du présent décret. Il y a lieu d'espérer que les dispositions nouvelles faciliteront le développement méthodique, et régulier de notre Colonie équatoriale.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l'hommage de mon profond respect. :

Le Ministre des colonies,
Georges TROUILLOT.

DÉCRET portant création du Gouvernement général de l'Afrique équatoriale française.


LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,

Vu l'article 18 du sénatus-consulte du 5 mai 1854 ;

Vu le décret du 20 novembre 1882, sur le régime financier des colonies ;

Vu les décrets des 28 septembre 1897, 5 septembre 1900, 5 juillet 1902, 29 décembre 1903, 11 février 1906 et 26 juin 1908, portant organisation des possessions du Congo français et dépendances ;

Sur le rapport du Ministre des colonies,

DÉCRÈTE :

Art. 1er.

 Le Gouvernement général de l'Afrique équatoriale française est constitué par le Gouvernement des colonies du Gabon, du Moyen-Congo et de l’Oubangui-Chari-Tchad, y compris le territoire militaire du Tchad, actuellement réunies sous le nom de possessions du Congo français et dépendances.

Les limites et les chefs-lieux de ces différentes colonies ainsi que ceux du territoire militaire du Tchad sont fixés par arrêtés du Gouverneur général, pris en Conseil de Gouvernement et soumis à l’approbation du Ministre des colonies.

Le siège du Gouvernement général est à Brazzaville.

Art. 2.

 Le Gouverneur général est le dépositaire des pouvoirs de la République dans les colonies ci-dessus énumérées. Tous les services civils et militaires sont placés sous sa haute direction. Il correspond seul avec le Gouvernement.

Il est nommé par décret rendu sur la proposition du Ministre des colonies.

Art. 3.

Le Gouverneur général organise, par arrêtés soumis à l'approbation ministérielle les cadres du personnel civil n’ayant pas droit à pension de l'État. Il nomme à tous les emplois dans ces cadres. L'organisation des cadres civils, du personnel ayant droit à pension de l'État et la nomination aux emplois dans ces cadres se font sur sa présentation, dans tous les cas où il n’aurait point reçu délégation pour statuer lui-même. Le Gouverneur général répartit, suivant les besoins du service, dans les colonies du Groupe, tout le personnel civil à l'exception de celui de la justice et de la trésorerie. Il peut, par décision‘spéciale et limitative, prise sous sa responsabilité, déléguer aux Lieutenants-Gouverneurs son droit de nomination et de répartition.

Art. 4.

Le Gouverneur général détermine en Conseil de gouvernement et sur la proposition des Lieutenants-Gouverneurs intéressés, les circonscriptions territoriales dans chacune des colonies du Groupe. Il prend où prescrit les mesures nécessaires à leur organisation et à leur développement.

Art. 5.

Le mode d’assiette, la quotité et les règles de perception des droits perçus à l'entrée et à la sortie de l'Afrique équatoriale française sur les marchandises et les navires sont établis par le Gouverneur général en Conseil de gouvernement et approuvés par décret rendu en Conseil d'État sous réserve des arrangements internationaux et des dispositions régissant les droits de douane.

La perception de tous autres impôts, taxes et redevances, est autorisée par le Gouverneur général en Conseil de gouvernement, et cela quel que soit le budget destiné à en faire recette. Le Gouverneur général transmet immédiatement au Ministre des colonies les arrêtés de cette nature. Ceux-ci deviennent exécutoires après approbation, ou de plein droit si leur annulation n’a pas été prescrite dans un délai de quatre mois après la date de la transmission. Aucune perception ne peut être effectuée sans que l'approbation des autorités métropolitaines soit intervenue ou avant que le délai de quatre mois précité ne soit arrivé à expiration.

Art. 6.

 Le Gouverneur général est assisté d'un Secrétaire général du Gouvernement général ayant rang de Gouverneur, et d’un Conseil de gouvernement, dont la composition et les attributions sont déterminées par un décret spécial.

Sauf désignation spéciale du Ministre des colonies, le Gouverneur des colonies, secrétaire général, remplace par intérim le Gouverneur général.

Les colonies composant le Groupe conservent leur autonomie administrative et financière. Elles sont administrées. sous la haute autorité du Gouverneur général, par des Gouverneurs des colonies portant le titre de Lieutenants-Gouverneurs.

Art. 7.

 Les dépenses d’intérêt commun à l'Afrique équatoriale française sont inscrites à un budget général arrêté en Conseil de gouvernement par le Gouverneur général et approuvé par décret rendu sur la proposition du Ministre des colonies.

Ce budget pourvoit aux dépenses :
1° Du Gouvernement général ;
2° Des services généraux, tels qu’ils sont déterminés par arrêtés du Gouverneur général.
3° Du service de la dette;
4° De l'inspection mobile des colonies ;
5° Du service de la justice française ;
6° Des travaux publics d'intérêt général, dont la nomenclature est arrêtée chaque année par le Gouverneur général en Conseil de gouvernement et approuvée par le Ministre des colonies ;
7° Des frais de perception des recettes attribués au budget général.

Le budget général est alimenté en recettes :
1° Par les recettes des services mis à sa charge ;
2° Par le produit des droits de toute nature, perçus à l'entrée et à la sortie dans toute l’Afrique équatoriale française, sur les marchandises et les navires, à l'exception des droits d'octroi communaux ;
3° Par les produits miniers de toute nature ;
4° Par les recettes domaniales autres que les redevances provenant des actes de concession octroyée par les Lieutenants-Gouverneurs.

Art. 8.

 Le budget général peut recevoir des subventions de la Métropole ou être appelé à verser des contributions à celle-ci. Le montant de ces subventions est fixé annuellement par la loi de finances.

Le budget général peut également recevoir des contributions des budgets des diverses colonies de l’Afrique équatoriale
française ou leur attribuer des subventions.

Le montant de ces allocations est fixé annuellement par le Gouverneur général en Conseil de gouvernement et arrêté
définitivement par l'acte portant approbation des budgets.

Art. 9.

 Les opérations de recettes et de dépenses effectuées pour le compte de l'Afrique Equatoriale française sur des fonds provenant d'emprunts que le Gouvernement général a été ou serait autorisé à conclure figureront à des budgets
spéciaux de fonds d'emprunts annexés au budget général. Ces budgets spéciaux sont préparés, arrêtés et adininistrés dans les mêmes conditions que les autres budgets du Gouvernement général.

Art. 10.

 Le Gouverneur général est ordonnateur du budget général et des budgets annexes. Il a la faculté de confier ce pouvoir par délégation spéciale au Secrétaire général du Gouvernement général. Il peut déléguer les crédits du budget général et des budgets annexes aux Lieutenants-Gouverneurs.

Art. 11.

 Les budgets locaux des colonies de l'Afrique Equatoriale francaise sont alimentés par les recettes percuessur les territoires de ces colonies, à l'exception de celles attribuées au budget général. Ils sont établis pat les Lieutenants-Gouverneurs en Conseil d'administration, arrêtés par le Gouverneur général en Conseil de Gouvernement et approuvés par décrets rendus sur le proposition du Ministre des colonies.

Chaque Lieutenant-Gouverneur est, sous le contrôle du Gouverneur général, ordonnateur du budget de la colonie qu'il administre.

Art. 12.

 Les recettes et dépenses afférentes au territoire militaire du Tchad constituent un budget spécial annexé au budget local de la colonie de l'Oubangui-Chari-Tchad. Il est établi et arrêté dans les mêmes conditions que celui-ci. Le Commandant du territoire militaire du Tchad en est sous-ordonnateur sous l'autorité du Lieutenant-Gouverneur de l'Oubangui-Chari-Tchad.

Le budget local de l’Oubangui-Chari-Tchad peut recevoir des contributions de ce budget ou lui attribuer des subventions.

Art. 13.

 Sont abrogés toutes les dispositions antérieures en ce qu'elles ont de contraire au présent texte, dont l’application sera réglée par des arrêtés du Gouverneur général.

Art. 14,

 Le Ministre des colonies est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Journal officiel de la République française, au Bulletin des Lois et au Bulletin officiel des colonies.

Fait à Paris, le 15 janvier 1910.

A. FALLIÈRES.

Par le Président de la République :
Le Ministre des colonies,
Georges TROUILLOT.


Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Congo.