Préambule.
Titre premier. De l'État du Cameroun.
Titre II. Des institutions camerounaises.
Titre III. Des compétences exercées par la République française.
Titre IV. De la tutelle internationale.
Titre V. Dispositions diverses.
Bien que territoire soumis au régime des mandats sous le contrôle de la Société des Nations, puis en 1946 au régime de la tutelle de l'ONU, le Cameroun était en fait assimilé aux colonies africaines de la France. Une première assemblée territoriale est créée en 1945 (décret 45-2317 du 9 octobre, JORF du 11 octobre 1945, p. 6427), mais elle n'est que partiellement élue. Cependant le Cameroun est représenté aux assemblées constituantes françaises de 1945 et 1946 (2 députés), et ensuite au Parlement de la IVe République.
Depuis le décret n° 46-2376 du 25 octobre 1946, il est doté d'une assemblée représentative entièrement élue, par deux collèges, l'un comprenant les citoyens français de plein exercice (16 sièges) et l'autre les citoyens ayant conservé leur statut personnel et les administrés français (24 sièges).
Le Cameroun évolue alors au même rythme que les territoires d'outre-mer voisins. Cependant, en raison de la lutte armée engagée par le mouvement indépendantiste révolutionnaire, Union des populations du Cameroun (UPC), le pays prend un temps de retard sur le Togo, soumis au même régime de tutelle. Il doit attendre les lois du 23 juin (loi Defferre) et du 15 novembre 1956, pour bénéficier du suffrage universel et du collège unique (Togo en 1952). Enfin, le décret du 16 avril 1957 le reconnaît comme un État se dirigeant vers l'indépendance que prépare explicitement le statut du 30 décembre 1958 ci-dessous.
Source : JORF du 31 décembre 1958, p. 12113.
Préambule.
La République française prend acte de la résolution votée par l'Assemblée législative du Cameroun le 12 juin 1958, et notamment de son paragraphe premier, affirmant l'option de l'État du Cameroun pour l'indépendance, au terme de la tutelle.
Elle prend également acte de la résolution votée le 24 octobre 1958 par ladite assemblée, déclarant notamment la volonté du peuple camerounais de voir l'État du Cameroun accéder à la pleine indépendance le 1er janvier 1960.
Soucieuse de répondre à ces voeux, elle prendra toutes mesures propres à favoriser l'accession du Cameroun à l'indépendance.
Le présent statut, qui assure la pleine autonomie interne de l'État du Cameroun, marque la dernière étape de l'évolution des institutions avant la levée de la tutelle qui interviendra dans les conditions prévues par la charte des Nations Unies et l'accord de tutelle.
Le président du conseil des ministres.
Sur le rapport du ministre de la France d'outre-mer.
Vu l'accord de tutelle du 13 décembre 1946 ;
Vu la Constitution du 5 octobre 1958, et notamment son article 92 ;
Vu les motion, résolution et avis de l'Assemblée législative du Cameroun en date des 12 juin, 24 octobre et 20 novembre 1958 ;
Le conseil d'État entendu ;
Le conseil des ministres entendu.
Ordonne ;
Titre premier. De l'État du Cameroun.
Art. premier.
L'organisation de l'État du Cameroun et ses rapports avec la République française sont définis, jusqu'à son
indépendance et la levée de la tutelle, par le présent statut.
Art. 2.
Les ressortissants camerounais possèdent la nationalité camerounaise dont les conditions d'attribution sont fixées par la loi camerounaise.
Ils jouissent dans l'ensemble de la République française des droits et libertés garantis aux citoyens français.
Les citoyens français jouissent par réciprocité au Cameroun des droits attachés à la qualité de citoyen camerounais.
Leur statut personnel continue à être régi par la loi française.
Les citoyens camerounais demeurent exempts d'obligations militaires à l'égard de la République française mais peuvent toutefois entrer dans les forces armées de la République française par voie d'engagement volontaire.
Art. 3.
La République française, dans le cadre des accords internationaux, garantit l'intégrité des limites territoriales de l'État du Cameroun.
Titre II. Des institutions camerounaises.
Art. 4.
La gestion des affaires camerounaises est assurée par l'Assemblée législative et le Gouvernement camerounais ayant à sa tète un premier ministre.
Art. 5.
Les lois et règlements camerounais doivent respecter les traités et accords internationaux, les principes et libertés fondamentales inscrits dans la déclaration universelle des droits de l'homme, la charte des Nations Unies ainsi que les dispositions du présent statut.
Section 1. — Du pouvoir législatif.
Art. 6.
Le pouvoir législatif appartient à l'Assemblée législative élue pour cinq ans au suffrage universel, direct et secret, et siégeant dans la capitale de l'État du Cameroun.
Art. 7.
Une loi organique déterminera le mode d'élection de l'Assemblée législative, les conditions d'éligibilité, le régime des inéligibilités et des incompatibilités et la réglementation de l'immunité de ses membres.
Art. 8.
Le premier ministre en conseil des ministres et les membres de l'Assemblée législative ont l'initiative des lois.
Art. 9.
Dans un délai de dix jours francs à compter du vote de la loi, le premier ministre, en conseil des ministres, peut demander à l'Assemblée législative une nouvelle délibération qui ne peut lui être refusée.
Art. 10.
Si, au cours d'une période de dix-huit mois, deux crises ministérielles surviennent, l'Assemblée législative peut être dissoute par décret du premier ministre pris en conseil des ministres.
Art. 11.
Le premier ministre en conseil des ministres peut dissoudre l'Assemblée législative sur avis conforme de celle-ci exprimé par un vote au scrutin public à la majorité absolue des membres la composant.
Art. 12.
En cas de dissolution de l'assemblée, le Gouvernement camerounais reste en fonction pour assurer l'expédition des affaires courantes et remet sa démission dès la formation du bureau de la nouvelle assemblée. Les nouvelles élections doivent avoir lieu dans un délai de un mois au moins et de trois mois au plus à compter de la date du décret de dissolution.
Section 2. — Du pouvoir exécutif.
Art. 13.
Au début de chaque législature ou en cas de vacance de la présidence du Gouvernement, le haut commissaire désigne le premier ministre après consultation des représentants de tous les groupes de l'Assemblée législative.
Le premier ministre désigné se présente devant l'assemblée législative afin d'en recevoir l'investiture par un vote au scrutin public à la majorité absolue des membres composant l'assemblée.
Dans les vingt-quatre heures le haut commissaire constate, par arrêté, l'investiture du premier ministre.
Art. 14.
Le premier ministre nomme les ministres et secrétaires d'État qui composent avec lui le cabinet et leur attribue les services dont ils ont la direction et la responsabilité. Il peut mettre fin à leurs fonctions.
Art. 15.
La qualité de premier ministre, de ministre ou de secrétaire d'État est incompatible avec les fonctions de :
- Président de l'assemblée législative ;
- Membre du bureau ou des commissions de celle-ci ;
- Membre du Gouvernement de la, République française.
Art. 16.
Le premier ministre, chef du Gouvernement camerounais, préside le conseil des ministres, exerce en conseil des ministres le pouvoir réglementaire, organise les services publics, nomme à tous les emplois de l'État du Cameroun et veille à la bonne administration de la justice.
Il a la responsabilité de l'ordre public et assure la sécurité des personnes et des biens.
Art. 17.
L'assemblée législative peut mettre fin aux fonctions du cabinet par le vote, au scrutin public à la majorité absolue des membres la composant, d'une motion de censure.
Le vote ne peut intervenir que quatre jours francs après le dépôt de la motion de censure.
Art. 18.
Le premier ministre peut décider en conseil des ministres de poser la question de confiance. Le vote sur la confiance ne peut intervenir que quatre jours francs après le dépôt de la question de confiance sur le bureau de l'assemblée.
La confiance est refusée au scrutin public à la majorité absolue des membres composant l'assemblée. Son refus entraîne la démission collective du cabinet.
Art. 19.
Le gouvernement démissionnaire reste en fonction pour assurer l'expédition des affaires courantes jusqu'à la formation du nouveau cabinet.
Art. 20.
Les chefferies traditionnelles ou coutumières telles qu'elles existent au Cameroun sont garanties. Une loi camerounaise déterminera leur statut particulier.
Section 3. — De l'autorité judiciaire.
Art. 21.
Le transfert de la justice à l'État du Cameroun interviendra dans les conditions prévues par une convention qui devra fixer les principes de l'organisation judiciaire du Cameroun dans le respect de la séparation des autorités administratives et judiciaires et de l'indépendance de la magistrature.
Art. 22.
Les juridictions militaires conservent leurs compétences telles qu'elles sont déterminées par la législation en vigueur.
Les infractions à la sûreté extérieure de l'État du Cameroun sont considérées comme des atteintes à la sûreté extérieure de
la République française.
Titre III. Des compétences exercées par la République française.
Art. 23.
La République française assume la responsabilité de la politique monétaire et des changes, de la politique étrangère, de la sécurité frontalière et de la défense de l'État du Cameroun.
La législation et la réglementation en ces domaines sont de la compétence des organes centraux de la République française.
Art. 24.
Le Gouvernement de la République française est représenté au Cameroun par un haut commissaire, dépositaire des pouvoirs de la République française. Il est assisté d'un haut commissaire adjoint.
Il exerce dans le cadre des lois et règlements les compétences de la République française et assure les communications du Gouvernement camerounais avec le Gouvernement français. Dans les limites de sa compétence, il dispose du pouvoir réglementaire et peut requérir le procureur général près la cour d'appel de faire, conformément aux instructions qu'il lui donne, les actes nécessaires pour saisir les tribunaux.
Les éléments de l'armée de terre, de mer et de l'air relèvent de son autorité.
Art. 25.
En cas de troubles à main armée, de présomptions graves, indiquant l'éventualité de tels troubles, ou de guerre étrangère, le haut commissaire et le premier ministre peuvent prendre un arrêté conjoint proclamant l'état d'exception.
L'initiative de cette procédure appartient au haut commissaire ou au premier ministre en conseil des ministres. En cas de désaccord ou d'empêchement absolu de l'une ou de l'autre des parties, le Gouvernement français peut être saisi par le haut commissaire ou le premier ministre aux fins de proclamer l'état d'exception.
L'arrêté proclamant l'état d'exception a pour effet de transférer, dans un ressort territorial donné et pour une période déterminée, la responsabilité du maintien de l'ordre au haut commissaire et de mettre à sa disposition les autorités administratives, les personnels, les forces et moyens matériels dont il a besoin.
Le haut commissaire prend, en application de cet arrêté, toutes mesures d'urgence utiles pour la sauvegarde de l'ordre ou son rétablissement. Il en informe le premier ministre.
Dans la conjoncture définie au paragraphe premier, le haut commissaire pourra, sur la demande du premier ministre, apporter la collaboration des éléments des forces armées au maintien ou au rétablissement de l'ordre public. L'intervention de ces forces entraîne par elle-même l'établissement de l'état d'exception là où elles sont engagées
Titre IV. De la tutelle internationale.
Art. 26. — En raison des obligations assumées par le Gouvernement de la République française, le haut commissaire est tenu informé par le premier ministre du fonctionnement des institutions camerounaises.
Les lois, règlements et actes administratifs camerounais lui sont communiqués avant promulgation, publication ou mise en application.
Dans un délai de dix jours francs, il peut en demander une nouvelle lecture ou un nouvel examen, qui ne pourront être refusés.
Après nouvelle délibération ou nouvel examen, le haut commissaire peut, dans les mêmes délais s'il estime ces textes contraires aux dispositions du présent statut, aux traités et accords internationaux ou, d'une manière générale, à la légalité, saisir le Gouvernement de la République française qui, après avis du conseil d'État, peut par décret annuler l'acte soumis au recours dans un délai de trois mois. Ce délai est suspensif.
Titre V. Dispositions diverses.
Art. 27.
Des conventions annexes passées entre le Gouvernement français et le Gouvernement camerounais déterminent les conditions de leur coopération administrative, technique, économique et financière, notamment en matière de commerce extérieur, et en particulier les modalités d'élaboration d'une politique commune à ces domaines, règlent leur participation à des organismes communs et fixent les modalités des transferts opérés par le présent statut.
Art. 28.
Le français est la langue officielle de l'État du Cameroun.
Art. 29.
Les lois et les règlements promulgués au Cameroun à la date d'entrée en vigueur du présent statut demeurent applicables dans leurs dispositions non contraires tant que leur modification ou leur abrogation ne sont pas intervenues dans les conditions fixées par ledit statut.
Art. 30.
La présente ordonnance sera exécutée comme loi et publiée au Journal officiel de la République française et au Journal officiel de l'État sous tutelle du Cameroun.
Fait à Paris, le 30 décembre 1958.
C. DE GAULLE.
Par le président du conseil des ministres :
Le garde des sceaux, ministre de la justice,
MICHEL DEBRÉ.
Le ministre des affaires étrangères,
MAURICE COUVE DE MURVILLE.
Le ministre des armées,
PIERRE GUILLAUMAT.
Le ministre des finances et des affaires économiques,
ANTOINE PINAY.
Le ministre de l'éducation nationale,
JEAN BERTHOIN.
Le ministre de la France d'outre-mer,
BERNARD CORNUT-GENTILLE.
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