Cameroun


L'État sous tutelle du Cameroun, 1957.

Titre premier. De l'organisation particulière du Cameroun.
Titre II. De la citoyenneté camerounaise.
Titre III. Des institutions camerounaises.
Titre IV. Du haut commissariat de la République française au Cameroun.
Titre V. Des chefs de circonscriptions.
Titre VI. Dispositions diverses et transitoires.

    Bien que territoire soumis au régime des mandats sous le contrôle de la Société des Nations, puis en 1946 au régime de la tutelle de l'ONU, le Cameroun était en fait assimilé aux colonies africaines de la France. Une première assemblée territoriale est créée en 1945 (décret 45-2317 du 9 octobre, JORF du 11 octobre 1945, p. 6427), mais elle n'est que partiellement élue. Cependant le Cameroun est représenté aux assemblées constituantes françaises de 1945 et 1946 (2 députés), et ensuite au Parlement de la IVe République.
    C'est le décret n° 46-2376 du 25 octobre 1946, pris par le troisième gouvernement provisoire, alors dirigé par Georges Bidault, qui, en application de la loi n° 46-2152 du 7 octobre 1946 relative aux assemblées locales dans les territoires d'outre-mer, institue une assemblée représentative entièrement élue, par deux collèges, l'un comprenant les citoyens français de plein exercice (16 sièges) et l'autre les citoyens ayant conservé leur statut personnel et les administrés français (24 sièges). Sa compétence s'étendait à 27 domaines dans lesquels ses délibérations étaient exécutoires et dans 18 autres domaines elle était consultée pour avis.

    Le Cameroun évolue alors au même rythme que les territoires d'outre-mer voisins. Cependant, en raison de la lutte armée engagée par le mouvement indépendantiste révolutionnaire, Union des populations du Cameroun (UPC), le pays prend un temps de retard sur le Togo, soumis au même régime de tutelle. Il doit attendre les lois du 23 juin  (loi Defferre) et du 15 novembre 1956, pour bénéficier du suffrage universel et du collège unique (Togo en 1952). Enfin, le décret du 16 avril 1957 le reconnaît comme un État se dirigeant vers l'indépendance que prépare explicitement le statut du 30 décembre 1958.

Source : Décret n° 57-501 du 16 avril 1957 portant statut du Cameroun, JORF du 18 avril, p. 4112.



Le président du conseil.
Sur le rapport du ministre de la France d'outre-mer,
Vu la loi n° 5G-G19 du 23 juin 1956 autorisant le Gouvernement à mettre en oeuvre les réformes et à prendre les mesures propres à assurer l'évolution des territoires relevant du ministère de la France d'outre-mer, et notamment son article 9 ;
Après avis de l'Assemblée territoriale du Cameroun ;
Après avis de l'Assemblée de l'Union française ;
Après avis du conseil d'État ;
Le conseil des ministres entendu ;
Après décision du Parlement portant approbation, sous réserve de modifications, du décret portant statut du Cameroun, présenté le 28 mars 1957 à l'Assemblée nationale,
Décrète :

Titre premier. De l'organisation particulière du Cameroun.

Art. 1er. — L'organisation particulière de l'État sous tutelle du Cameroun est définie par le présent statut.
Art. 2. — Cette organisation restera en vigueur jusqu'à ce que les habitants du Cameroun, conformément à la Charte des
Nations Unies et à l'accord de tutelle du 13 décembre 1946, notamment aux dispositions de son article 5, soient appelés à se prononcer sur son régime définitif.
Art. 3. — La République française, dans le cadre des accords internationaux, garantit l'intégrité des limites territoriales de l'État sous tutelle du Cameroun.
Art. 4. — Le Cameroun sous tutelle française participe, par l'intermédiaire de ses représentants élus, au fonctionnement des organes centraux de la République française. Dans les conditions fixées par les lois relatives à la formation des Assemblées de la République française, il est représenté au Parlement, à l'Assemblée de l'Union française et, le cas échéant, au Conseil économique.
Art. 5. — Les compétences relatives aux affaires propres à l'État sous tutelle du Cameroun appartiennent à l'Assemblée législative du Cameroun et au Gouvernement camerounais.
Art. 6. — Le haut commissaire de la République française est au Cameroun le représentant du Gouvernement français et le dépositaire des pouvoirs de la République.

Titre II. De la citoyenneté camerounaise.

Art. 7. — Les ressortissants du Cameroun sont citoyens camerounais.
Art. 8. — Les citoyens camerounais, aussi longtemps que l'État sous tutelle administré par la France reste régi par le présent statut, jouissent des droits civils, civiques et sociaux des citoyens français ; ils ont notamment accès à toutes les fonctions civiles et militaires et sont électeurs et éligibles dans l'ensemble de la République française.
Les citoyens français jouissent par réciprocité au Cameroun des droits attachés à la qualité de citoyen camerounais.

Titre III. Des institutions camerounaises.

Chapitre premier. De l'Assemblée législative du Cameroun.

Art. 9. — L'Assemblée législative du Cameroun siège dans la capitale de l'État sous tutelle.
Elle est formée de 70 membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct et secret, selon des modalités assurant la représentation de chaque région administrative proportionnellement au chiffre de sa population.
Elle élabore son règlement.
Ses membres perçoivent une indemnité fixée par référence au traitement d'une catégorie de fonctionnaires.
Art. 10. — Aucun membre de l'Assemblée législative du Cameroun ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions ou votes émis par lui dans l'enceinte de l'Assemblée.
Art. 11. — L'Assemblée législative du Cameroun a le pouvoir législatif.
Sa compétence s'exerce en toutes les matières d'intérêt camerounais, et notamment dans les domaines suivants :
1° Organisation administrative de l'État sous tutelle du Cameroun ;
2° Création, organisation et tutelle des communes et collectivités rurales, sous réserve de l'application, adaptée au présent statut, des articles 26 à 31 inclus de la loi du 18 novembre 1955 ;
3° Organisation de la représentation locale des intérêts économiques ;
4° Régimes électoraux de l'État sous tutelle du Cameroun ;
5° Statut des personnes et des biens, à l'exclusion des règles qui régissent en ces matières les personnes soumises au régime
civil français de droit commun ; constatation, rédaction, codification, adaptation à l'évolution sociale des coutumes camerounaises, sous réserve des pouvoirs conférés en la matière aux assemblées provinciales ;
6° Organisation judiciaire, à l'exception de celle de la justice de droit français et des juridictions administratives ;
7° Régime financier de l'État sous tutelle, sous réserve du respect des lois et règlements applicables au service du Trésor de la République française ;
8° Statut et régime de rémunération de la fonction publique camerounaise ;
9° Code du travail et modalités de son application ;
10° Affaires sociales ;
11° Enseignement du premier degré ;
12° Organisation de l'enseignement du deuxième degré, de l'enseignement supérieur, de l'enseignement professionnel et technique, des sports et de l'éducation physique ;
13* Santé et hygiène ;
14° Organisation et développement de l'économie de l'État sous tutelle du Cameroun ;
15° Agriculture ;
16° Élevage ;
17° Coopération et mutualité et crédit agricole ;
18° Eaux et forêts, chasse, pêches ;
19° Urbanisme, travaux publics ;
20° Transports et communications (à l'exception de l'aéronautique d'intérêt général et, pour l'aéronautique d'intérêt local, de la réglementation de caractère technique) ;
21° Domaines ;
22° Approbation des accords passés entre le premier ministre, chef du Gouvernement camerounais, et le haut commissaire concernant la participation du Cameroun à des organismes communs.
Art. 12. — L'Etat sous tutelle du Cameroun continuera à bénéficier des dispositions de la loi du 30 avril 1946 instituant le fonds d'investissement et de développement économique et social (F. I. D. E. S.).
Art. 13. — Dans les matières relevant des compétences propres à l'État sous tutelle du Cameroun, l'Assemblée législative vote seule la loi. Elle ne peut déléguer ce droit.
Art. 14 — Par exception aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 11 ci-dessus, relèvent limitativement des organes centraux de la République française la législation et la réglementation relatives :
— au régime des libertés publiques ;
— aux affaires extérieures et à la défense ;
— au régime monétaire et des changes, à l'organisation et à la direction du crédit, aux aides financières éventuelles, au commerce extérieur et au régime douanier, à la réglementation générale en matière douanière et au régime des substances minérales ;
— aux programmes et examens de l'instruction publique du second degré et de l'enseignement supérieur ;
— au code pénal, au contentieux administratif, à la législation et à la réglementation commerciales, à la procédure pénale ; toutefois, l'Assemblée législative camerounaise pourra apporter à cette dernière des simplifications et des adaptations pour tenir compte des conditions locales ;
— aux services publics de la République française et aux cadres des fonctionnaires de l'État visés au chapitre III du titre IV du présent statut ;
— aux matières réservées à l'article 11.
Art. 15. — Les lois camerounaises et les règlements établis par les autorités camerounaises doivent respecter les traités, les conventions internationales, et notamment l'accord de tutelle du 13 décembre 1946, les principes inscrits dans la déclaration universelle des droits de l'homme et la charte des Nations Unies et dans le préambule de la Constitution de la République française, ainsi que les dispositions du présent
statut.
Art. 16. — L'Assemblée législative camerounaise peut assortir les lois camerounaises de peines correctionnelles ou de simple police.
Art. 17. — L'Assemblée législative camerounaise peut être dissoute par décret pris en conseil des ministres de la République française, sur proposition du conseil des ministres camerounais.
Le Gouvernement camerounais reste en fonction pour assurer l'expédition des affaires courantes et remet sa démission dès la formation du bureau de la nouvelle assemblée.
Les nouvelles élections doivent avoir lieu dans un délai d'un mois au moins et de trois mois au plus à compter de la date du décret de dissolution.

Chapitre II. Du Gouvernement camerounais.

Art. 18. — Après avoir procédé à des consultations, le haut commissaire désigne le premier ministre, chef du Gouvernement camerounais ; celui-ci se présente devant l'Assemblée législative afin d'obtenir sa confiance sur le programme et la politique qu'il compte poursuivre.
L'investiture de l'Assemblée législative camerounaise lui est acquise à la majorité simple et le vote a lieu au scrutin public.
Art. 19. — Le premier ministre nomme les ministres qui composent avec lui le cabinet camerounais.
Le nombre des ministres ne peut être supérieur à neuf. Il peut être procédé à la nomination de secrétaires d'État dont le nombre ne peut être supérieur à cinq.
Le premier ministre peut mettre fin aux fonctions des ministres.
Le haut commissaire de la République française au Cameroun constate par arrêté l'investiture du premier ministre camerounais et la nomination des ministres choisis par ce dernier.
Art. 20. — Les ministres sont collectivement responsables devant l'Assemblée législative du Cameroun de la politique
générale du cabinet et, individuellement, de leurs actes personnels.
Art. 21. — Le premier ministre attribue à chacun des membres du cabinet les services camerounais dont ils auront respectivement la direction et la responsabilité.
Art. 22. — Le haut commissaire ou son suppléant légal préside le conseil des ministres.
Art. 23. — Le premier ministre représente l'État sous tutelle dans tous les actes de la vie civile et en justice.
Art. 24. — Le conseil des ministres et les membres de l'assemblée ont l'initiative des lois camerounaises.
Art. 25. — Dans la limite des crédits budgétaires, le premier ministre assure en conseil l'exécution des lois, organise les services publics de l'État sous tutelle et définit la compétence et l'orientation générale de l'action de chacun d'eux.
Les actes du premier ministre prévus au présent article sont contresignés par le ou les ministres intéressés et publiés au Journal officiel du Cameroun; ces règlements peuvent être assortis de sanctions pénales n'excédant pas quinze jours d'emprisonnement et 36.000 F métropolitains d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement.
Art. 20. — Le contrôle des finances territoriales pourra, par accord entre le haut commissaire et le premier ministre, chef du Gouvernement camerounais, et pour le compte de ce gouvernement, être confié au contrôle financier des dépenses de la République française au Cameroun qui ne relèvera pour cette partie de ses attributions que des autorités camerounaises.
Art. 27. — Les autorisations d'aliénation et de constitution de droits réels consenties par des autochtones à des non-autochtones sont données par le premier ministre en conseil ainsi que les permis miniers de recherches et d'exploitation.
Art. 28. — L'assemblée législative camerounaise met fin aux fonctions du premier ministre par le vote d'une motion de censure ; celle-ci entraîne la démission collective du cabinet.
La motion de censure ne peut être adoptée par l'assemblée qu'au scrutin public et à la majorité des deux tiers.
Art. 29. — Le premier ministre peut poser la question de confiance avec l'accord du conseil des ministres. Le vote au
scrutin public interviendra après le délai de trois jours francs ; la majorité absolue est requise pour le refus de la confiance.
Ce refus entraîne la démission collective du cabinet.
Art. 30. — Le Gouvernement camerounais démissionnaire restera en fonction pour assurer l'expédition des affaires courantes jusqu'à la formation du nouveau cabinet.

Chapitre III. De l'organisation provinciale.

Art. 31. — Les régions administratives du Cameroun peuvent être groupées en provinces. Ces provinces sont dotées de la personnalité morale et jouissent de l'autonomie financière. Les provinces sont créées et leur ressort est déterminé par décret pris dans la même forme que le présent statut, sur proposition du Gouvernement camerounais après avis de l'Assemblée législative.
Art. 32. — Il est créé une province du Nord-Cameroun groupant les régions de l'Adamaoua, de la Bénoué, du Diamaré, du Logone et du Chari, du Margui-Wandala et celles qui viendraient ultérieurement à y être rattachées.
Le chef-lieu de la province du Nord-Cameroun est fixé à Garoua.
Art. 33. — Un chef de province, nommé par le haut commissaire après accord du premier ministre, est responsable de l'administration de la province.
Il exécute le budget de la province et les décisions prises par l'assemblée provinciale.
Il représente la province dans tous les actes de la vie civile.
Le chef de province peut recevoir du haut commissaire, du premier ministre et des ministres délégation des pouvoirs qui leur sont propres dans le ressort de la province.
Art. 34. — Il sera créé dans chaque province une assemblée provinciale.
Sont membres de cette assemblée :
a) Les représentants à l'Assemblée législative des régions composant la province ;
b) Des délégués représentant le commandement coutumier traditionnel, les collectivités et les intérêts économiques, élus en nombre égal à celui des représentants du groupe a selon des modalités déterminées pour chaque province par l'Assemblée législative.
Art. 35. — L'assemblée provinciale gère les intérêts patrimoniaux et financiers de la province. Elle examine et vote le
budget de la province, détermine le régime du domaine de la province et élabore les programmes des travaux publics
d'intérêt local.
Elle exerce dans la partie de la province non organisée en communes les attributions dévolues aux conseils municipaux des communes mixtes rurales.
Elle constate, rédige et codifie les coutumes, notamment en ce qui concerne le statut des personnes et des biens et le commandement coutumier.
Elle est obligatoirement consultée :
Sur les programmes de développement économique et social de caractère provincial ;
Sur les projets de lois ou de réglementation tendant à modifier l'organisation administrative des circonscriptions de la province, et notamment à créer des collectivités publiques secondaires dans le ressort de la province ;
Sur les projets relatifs au statut des personnes et des biens, et notamment sur ceux tendant à adapter les coutumes à l'évolution sociale et sur ceux relatifs au commandement coutumier ; dans les domaines mentionnés au présent alinéa, il ne peut être passé outre à son avis défavorable.
Art. 36. — Les recettes du budget provincial comprennent :
a) Les ristournes annuelles éventuellement consenties par l'Assemblée législative sur le montant des recouvrements effectués dans le ressort de la province, des différents impôts et taxes, et notamment de l'impôt personnel forfaitaire, de la contribution de solidarité sociale, de la contribution mobilière, des patentes et licences, de la taxe sur les animaux ;
b) Des centimes additionnels aux impôts perçus sur rôles dont le nombre maximum est fixé par l'Assemblée législative ;
c) Pour la partie de la province non organisée en communes, les recettes tant du budget ordinaire que du budget extraordinaire sont en outre celles prévues par les textes organisant les communes rurales. Le taux des ristournes et le maximum autorisé des centimes additionnels ne peuvent être inférieurs à ceux prévus pour ces communes ;
d) Les revenus des biens provinciaux et les recettes effectuées par les services publics provinciaux ;
e) Les taxes provinciales dont l'assiette et le mode de perception sont déterminés par l'Assemblée législative, la création et le taux par l'assemblée provinciale ;
f) Les subventions ou fonds de concours, les emprunts, les dons et legs.
Art. 37. — Les dépenses obligatoires du budget provincial sont :
a) Les frais d'assiette et de perception des recettes du budget provincial ;
b) Les dépenses de fonctionnement de rassemblée provinciale et des organismes provinciaux ;
c) Les charges de la dette.
Pour la partie de la province non organisée en communes, les dépenses tant du budget ordinaire que du budget extraordinaire sont en outre celles prévues par les textes organisant les communes rurales.
Art. 38. — Des lois camerounaises fixeront en tant que de besoin les modalités d'application du présent chapitre.

Titre IV. Du haut commissariat de la République française au Cameroun.

Chapitre premier. Du haut commissaire.

Art. 39. — Le haut commissaire de la République française est nommé par décret en conseil des ministres.
Il relève directement de l'autorité du ministre de la France d'outre-mer.
Les dispositions législatives et réglementaires relatives aux attributions, pouvoirs et préséances des hauts commissaires et des gouverneurs, qui ne sont pas contraires au présent statut, demeurent applicables au haut commissaire de la République française au Cameroun.
Le haut commissaire réside au chef-lieu du territoire qui est fixé à Yaoundé. Il peut, en cas de nécessité, modifier le siège du haut commissariat par arrêté, à charge d'en rendre compte au ministre de la France d'outre-mer.
Art. 40. — Le haut commissaire assure la défense et la sécurité extérieure du Cameroun dans le cadre des lois et règlements en vigueur ; les éléments de l'armée de terre, de mer et de l'air et les forces chargées de la sécurité frontalière relèvent de son autorité.
Il reçoit du premier ministre les renseignements intéressant la mise en oeuvre de la défense et notamment la protection civile
Il délivre les passeports et visas d'entrée et de sortie temporaires.
Il délivre les autorisations de séjour après consultation d'une commission mixte ad hoc. Nonobstant les dispositions de l'article 8, dernier alinéa, du présent statut, il peut procéder, soit d'office, soit à la demande du Gouvernement camerounais, à l'expulsion des ressortissants non camerounais.
Art. 41. — Conformément à l'article 3 de l'accord de tutelle, le haut commissaire a la responsabilité de l'ordre public et assure la sécurité des personnes et des biens.
Il dispose des services de sûreté et de sécurité, de la gendarmerie stationnée sur le territoire.
Le haut commissaire délègue par arrêté ses pouvoirs en matière de police administrative urbaine et rurale au premier ministre, chef du Gouvernement camerounais.
Le haut commissaire peut, en cas d'urgence, prendre toute mesure utile pour la sauvegarde de l'ordre ou son rétablissement.
Il en informe immédiatement le premier ministre.
Il réglemente la délivrance et la détention des armes.
Art. 42. — Le haut commissaire assure les communications du haut commissariat et du Gouvernement camerounais avec le ministre de la France d'outre-mer, les représentants de la République française outre-mer, les autorités des pays étrangers en Afrique et les représentants de la République française dans ces pays, les représentants consulaires des gouvernements étrangers régulièrement accrédités et dont la juridiction s'étend à l'État sous tutelle.
Le haut commissaire négocie, après consultation du premier ministre, avec ces autorités et représentants toutes conventions, notamment à caractère commercial, applicables dans tout ou partie de l'État sous tutelle, dans la limite des instructions gouvernementales, et les conclut sous réserve de leur approbation par le Gouvernement français.
Il peut recevoir délégation du ministre de la France d'outre-mer et, avec l'accord de ce dernier, des autres ministres de la République, pour régler les affaires qui relèvent de leur compétence en vertu des dispositions législatives ou réglementaires.
Art. 43. — Le haut commissaire assure la promulgation, la publication et l'exécution des lois, décrets, arrêtés, actes et instructions, qui relèvent de la compétence des organes centraux de la République française. La publication en est effectuée dans le Journal officiel du Cameroun. Les textes à publier au Journal officiel sont communiqués au premier ministre.
Le haut commissaire dispose du pouvoir réglementaire ; il peut assortir ses arrêtés de peines allant jusqu'à quinze jours d'emprisonnement et 36.000 francs métropolitains d'amende.
Art. 44. — Le haut commissaire de la République française, dans le cadre des lois et règlements, et notamment de ceux qui régissent les services publics de la République française :
— veille à la bonne administration de la justice ;
— organise les services de la République française et dirige leur action ;
— représente la République française en justice et dans tous les actes de la vie civile, sous réserve des délégations prévues par la législation en vigueur ;
— affecte les biens dont il a la disposition ;
— contrôle l'emploi de tous les crédits provenant du budget de la République française ou d'un compte spécial du Trésor public de la République française ;
— est ordonnateur secondaire du budget des dépenses civiles de la République française et peut déléguer sa signature en cette qualité;
— assure la coordination générale de l'activité des services de la République française et des services camerounais.
Art. 45. — Le haut commissaire nomme à toutes les fonctions civiles des services publics de la République française, à l'exception de celles qui sont réservées par les lois et décrets à une autre autorité.
Il transmet, en y joignant son appréciation, les dossiers et bulletins de notes concernant les fonctionnaires en position de service détaché dans les services publics camerounais.
Art. 46. — Le haut commissaire est assisté d'un haut commissaire adjoint nommé par décret, qui le supplée en cas d'absence ou d'empêchement ; il peut lui déléguer tout ou partie de ses pouvoirs.

Chapitre II. De l'exercice de la tutelle.

Art. 47. — Afin de permettre à l'administration française d'assumer toutes les obligations résultant pour elle des chapitres 12 et 13 de la charte des Nations Unies et de l'accord de tutelle du 13 décembre 1946, le haut commissaire exerce une tutelle sur le fonctionnement des institutions camerounaises.
Art. 48. — En conséquence, les lois et règlements camerounais et les actes administratifs du Gouvernement camerounais seront communiqués au haut commissaire avant leur promulgation par le premier ministre, leur publication ou leur mise en application.
Dans un délai de dix jours francs à compter de la date de cette communication, le haut commissaire peut demander à l'Assemblée législative une seconde délibération, ou au Gouvernement camerounais un nouvel examen du texte communiqué, qui ne pourront être refusés.
Art. 49. — Indépendamment des recours contentieux de droit commun, les lois, règlements ou actes administratifs contraires aux dispositions du présent statut ou des conventions internationales, ceux notamment pris à l'encontre des dispositions législatives visées à l'article 14 ou faisant obstacle à l'exercice par la République française des obligations qu'elle assume en vertu des accords de tutelle du 13 décembre 1946, sont soumis à une seconde délibération ou à un nouvel examen à la demande du haut commissaire. Ils font l'objet d'un décret d'annulation pris après avis du conseil d'État dans un délai de trois mois à compter de leur date de transmission par le haut commissaire au ministre de la France d'outre-mer. Suivant le cas, le premier ministre ou l'assemblée est immédiatement informé de ce recours, qui doit être introduit dans le délai d'un mois et qui est suspensif.

Chapitre III. Des services de la République française.

Art. 50. — Constituent des services civils de la République française et sont à ce titre à la charge du budget français :
— le haut commissaire de la République française et le cabinet du haut commissaire ;
— les chefs de circonscriptions administratives et leurs adjoints ;
— les services de la justice de droit français, de la justice pénale et de la police judiciaire ;
— les tribunaux administratifs ;
— les services de sûreté et de sécurité ; les forces de police mises à la disposition du Gouvernement camerounais en application de l'article 41 ci-dessus sont à la charge du budget camerounais ;
— l'inspection du travail et des lois sociales dans son rôle de conseil ;
— le contrôle financier des dépenses de la République française ;
— les services de l'aéronautique d'intérêt général, y compris les services de la météorologie d'intérêt général et de la sécurité aérienne ;
— les services des affaires extérieures (relations extérieures, office des changes, service du commerce extérieur, contrôle douanier) ;
— les services de sécurité maritime, de l'inscription maritime et les capitaineries de ports ;
— les stations existantes ou à créer du réseau général radioélectrique, du réseau des câbles sous-marins et le service de la radiodiffusion.
Dans le cadre des lois et règlements en vigueur, et sous réserve des compétences camerounaises, l'inspection de la France d'outre-mer est à la charge du budget de la République française.
Dans le cadre des lois et règlements en vigueur, et sous réserve des compétences camerounaises, le recouvrement des recettes, le payement des dépenses, et généralement le service de la trésorerie de l'État sous tutelle, des provinces, des communes et des établissements publics dépendant de ces collectivités, sont assurés par le service du Trésor de la République française, sous réserve d'un reversement du budget du Cameroun égal au quart du coût réel de fonctionnement dudit service.
Le Trésor de la République française peut consentir au Cameroun des avances de trésorerie. Ces avances seront imputées sur les crédits ouverts respectivement au titre de l'article 70 de la loi du 31 mars 1932 et de l'article 34 de la loi du 31 décembre 1953.
Art. 51. — Les immeubles, y compris les logements nécessaires au fonctionnement des services publics, seront affectés après commun accord du haut commissaire et du Gouvernement camerounais à la République française ou à l'État sous tutelle du Cameroun suivant qu'ils sont utilisés par application du présent statut par un service ou un personnel relevant de la République française ou du Gouvernement camerounais.
Art. 52. — Le fonctionnement des services de la République française est assuré :
1° Par les cadres de fonctionnaires de l'État servant outre-mer visés aux décrets numéros 56-1227 et 56-1228 du 3 décembre 1956 ;
2° Par des cadres de complément organisés localement par le haut commissaire et dont le statut et le régime de rémunération seront analogues à ceux des cadres camerounais de même niveau de recrutement. Ces cadres de complément seront créés par arrêtés conjoints du ministre de la France d'outremer et du ministre des affaires économiques et financières ;
3° Par des fonctionnaires des cadres camerounais mis à la disposition desdits services dans les conditions qui seront fixées par un accord entre le haut commissaire et le premier ministre, chef du Gouvernement camerounais ;
4° Par des fonctionnaires et agents des cadres métropolitains ;
5° Éventuellement, par du personnel non titulaire.
Art. 53. — Les articles 5, 11 à 15 et 17 à 19 du décret n° 56-1228 du 3 décembre 1956 sont applicables aux fonctionnaires de l'État en service au Cameroun.

Titre V. Des chefs de circonscriptions.

Art. 54. — Les chefs de circonscriptions administratives et leurs adjoints sont nommés par le haut commissaire après accord du premier ministre.
Ils animent, coordonnent et surveillent dans leur ressort l'activité de l'ensemble des services de la République française dans le cadre des lois et règlements en vigueur et l'activité de l'ensemble des services de l'État sous tutelle.
Ils sont dans leur ressort les représentants du haut commissaire et du Gouvernement camerounais.
Ils reçoivent les instructions du haut commissaire en ce qui concerne l'action et la coordination des services de la République
française et du Gouvernement camerounais en ce qui concerne l'action et la coordination des services camerounais.
Ils assument la gestion de tous les crédits délégués pour le fonctionnement de l'ensemble des services de la circonscription et, dans la mesure des sous-délégations qu'ils en consentent, en contrôlent l'emploi.

Titre VI. Dispositions diverses et transitoires.

Art. 55. — L'Assemblée territoriale en fonction deviendra Assemblée législative dès l'entrée en vigueur du présent statut du Cameroun.
Art. 56. — Les dispositions financières prévues par le présent statut entreront en vigueur à une date qui sera fixée par arrêté du haut commissaire après accord du premier ministre. Jusqu'à cette date, les dispositions financières actuelles demeureront applicables dans l'État sous tutelle.
Art. 57. — Les lois et règlements régulièrement promulgués et publiés au Cameroun à la date d'entrée en vigueur du présent statut et qui ne sont pas contraires à ses dispositions demeurent applicables tant que leur modification ou leur abrogation n'est pas intervenue dans les conditions fixées par ledit statut.
Art. 58. — Le français est la langue officielle de l'État sous tutelle du Cameroun.
Art. 59. — L'Assemblée législative camerounaise peut demander par voie de résolution la modification du présent statut.
Cette modification interviendra dans les formes qui ont présidé à l'établissement de ce statut.
Art. 60. — Le ministre de la France d'outre-mer est chargé de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française et au Journal officiel du Cameroun.

Fait à Paris, le 16 avril 1957.

GUY MOLLET.

Par le président du conseil des ministres:

Le ministre de la France d'outre-mer,
GASTON DEFFERRE.
Le ministre d'État,
JACQUES CHABAN-DELMAS.
Le ministre d'État, garde des sceaux, chargé de la justice,
FRANÇOIS MITTERRAND.
Le ministre des affaires étrangères,
CHRISTIAN PINEAU.
Le ministre de la défense nationale et des forces armées,
MAURICE BOURGÈS-MAUNOURY.
Le ministre des affaires économiques et financières,
PAUL RAMADIER.
Le ministre d'État, chargé de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports,
RENÉ BILLÈRES.
Le ministre délégué à la présidence du conseil,
FÉLIX HOUPHOUET-BOIGNY.
Le secrétaire d'État au budget,
JEAN FILIPPI.