Traité de réassurance, signé à Berlin, le 18 juin 1887, entre l'Allemagne et la Russie.
Les ratifications ont été échangées le 25 juin 1887.
À la fin du XIXe siècle, à la suite de la crise amorcée par les troubles en Herzégovine en 1875, continuée par le traité de San Stefano, mais circonscrite et achevée par le Congrès de Berlin, en 1878, les Puissances centrales forment un réseau d'alliances pour « assurer le maintien de l'ordre social et politique dans leurs États respectifs ».
L'Allemagne et l'Autriche-Hongrie concluent d'abord, le 7 octobre 1879, une solide alliance, la Duplice, dirigée contre la Russie et la France, qui les lie jusqu'en 1914. Les deux pays forment ensuite la Triple Alliance ou Triplice avec l'Italie, le 20 mai 1882, alors que l'Italie craint un conflit avec la France en Afrique du Nord. Cet accord conclu initialement pour cinq ans est confirmé en 1887, avec un traité italo-autrichien relatif à une action concertée dans les Balkans et la mer Égée, et un traité italo-allemand dirigé contre la France. Il est renouvelé et précisé le 6 mai 1891, puis, dans les mêmes termes, le 28 juin 1902 et enfin le 5 décembre 1912. Enfin, une convention maritime (23 juin et 2 août 1913) prévoit les moyens nécessaires pour des opérations communes des trois Puissances en Méditerranée en 1914.
Des accords avec la Roumanie, le 30 octobre 1883, renouvelés le 13/25 juillet 1892, le 30 septembre 1896, le 17 avril 1902 et le 5 février 1913, permettent de former une Quadruplice. L'Alliance est aussi étendue à la Serbie le 16/28 juin 1881, confirmée le 7/19 mars 1889, prévoyant l'extension du territoire serbe en Macédoine ; et à l'Espagne, en ce qui concerne les questions nord-africaines, le 4 mai 1887.
Cependant, par le Traité des 3-Empereurs, le 18 juin 1881, elles tentent de concilier les ambitions russes et autrichiennes dans les Balkans. Mais en 1887, tandis que l'Autriche s'entend avec l'Italie et la Grande-Bretagne (mars et décembre 1887) pour l'indépendance et l'intégrité de l'Empire ottoman et le statu quo en Méditerranée, le traité de réassurance ne lie que l'Allemagne et la Russie. Les ambitions opposées de l'Autriche, de la Russie et bientôt de l'Italie dans les Balkans ruinent ainsi l'édifice de la diplomatie allemande : Après la démission de Bismarck en 1890, le nouvel empereur, Guillaume II, choisit définitivement l'Autriche et tente de se rapprocher de la Grande-Bretagne. La Russie, isolée, se tourne alors vers la France ; en Serbie, à la suite de la révolution de 1903, le nouveau gouvernement recherche la protection de la Russie et de la France ; et l'Italie comme la Roumanie refusent d'entrer en guerre en 1914, puis s'engagent du côté de l'Entente, l'Italie, le 24 mai 1915, et la Roumanie le 27 août 1916.
Sources : Nouveau recueil général de traités, continuation du Grand Recueil de Martens, tome X, Leipzig, 1920, p. 37. L'original est en français.
Traité de réassurance.
(Berlin, 18 juin 1887)
Les Cours impériales d'Allemagne et de Russie animées d'un égal désir de consolider la paix générale par une entente destinée à assurer la position défensive de Leurs États respectifs, ont résolu de consacre par un arrangement spécial l'accord établi entre Elles en vue de l'expiration, à la date du 15/27 Juin1887, de la validité du traité et du protocole secrets, signés en 1881 et renouvelés en 1884 par les trois Cours d'Allemagne, de Russie
et d'Autriche-Hongrie.
A cet effet les deux Cours ont nommé comme Plénipotentiaires :
Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne, Roi de Prusse : le Sieur Herbert, Comte de Bismarck-Schoenhausen, Son Secrétaire d'État au département des affaires étrangères ;
Sa Majesté l'Empereur de Toutes les Russies : le Sieur Paul Comte Schouvaloff, Son Ambassadeur Extraordinaire
et Plénipotentiaire près Sa Majesté l'Empereur d'Allemagne, Roi de Prusse.
Lesquels munis de pleins-pouvoirs, qui ont été trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :
Article I.
Dans le cas où l'une des hautes Parties contractantes se trouverait en guerre avec une troisième Grande Puissance, l'autre maintiendrait à son égard une neutralité bienveillante et vouerait ses soins à la localisation du conflit. Cette disposition ne s'appliquerait pas à une guerre contre l'Autriche ou la France dans le cas, où cette guerre résulterait d'une attaque dirigée contre l'une de ces deux dernières Puissances, par l'une des hautes Parties contractantes.
Article II.
L'Allemagne reconnaît les droits historiquement acquis à la Russie dans la presqu'île Balkanique et particulièrement
la légitimité de son influence prépondérante et décisive en Bulgarie et en Roumélie Orientale. Les deux Cours s'engagent à n'admettre aucune modification du statu quo territorial de la dite Péninsule sans un accord préalable entre Elles, et à s'opposer éventuellement à toute tentative de porter atteinte à ce statu quo, ou de le modifier sans leur consentement.
Article III.
Les deux Cours reconnaissent le caractère Européen et mutuellement obligatoire du principe de la fermeture des détroits du Bosphore et des Dardanelles, fondé sur le droit des gens, confirmé par les traités et résumé dans la déclaration du Second Plénipotentiaire de Russie à la séance du 12 Juillet du Congrès de Berlin (protocole 19).
Elles veilleront en commun à ce que la Turquie ne fasse pas d'exception à cette règle en faveur des intérêts d'un Gouvernement quelconque en prêtant à des opérations guerrières d'une Puissance belligérante la partie de Son Empire que forment les détroits. En cas d'infraction, ou pour la prévenir si une pareille infraction était à prévoir, les deux Cours avertiront la Turquie qu'elles la considéreraient, le cas échéant, comme s'étant mise en état de guerre vis-à-vis de la partie lésée et comme s'étant privée dès lors des bénéfices de sécurité assurés par le traité de Berlin à son statu quo territorial.
Article IV.
Le présent traité sera en vigueur pendant l'espace de trois ans à dater du jour de l'échange des ratifications.Article V.
Les hautes Parties contractantes se promettent mutuellement le secret sur le contenu et sur l'existence du présent traité et du protocole y annexé.Article VI.
Le présent traité sera ratifié et les Ratifications en seront échangées à Berlin dans l'espace de quinze jours ou plus tôt si faire se peut.
En foi de quoi, les Plénipotentiaires respectifs ont signé le présent traité et y ont apposé le sceau de leurs armes.
Fait à Berlin, le dix-huitième jour du mois de Juin mil huit cent quatre-vingt-sept.
(L. S.) Comte Bismarck.
(L. S.) Comte Paul Schouvaloff.
Protocole additionnel et très secret
Afin de compléter les stipulations des Articles II et III du traité secret conclu à cette même date, les deux Cours sont tombées d'accord sur les points suivants :
1. L'Allemagne prêtera, comme par le passé, Son concours à la Russie afin de rétablir en Bulgarie un Gouvernement
régulier et légal. — Elle promet de ne donner en aucun cas Son consentement à la restauration du Prince de Battenberg.
2. Dans le cas où Sa Majesté l'Empereur de Russie Se verrait dans la nécessité d'assumer Lui-même la tâche de défendre l'entrée de la Mer Noire pour sauvegarder les intérêts de la Russie, l'Allemagne s'engage à accorder Sa neutralité bienveillante et Son appui moral et diplomatique aux mesures que Sa Majesté jugerait nécessaire de prendre pour garder la clef de Son Empire.
3. Le présent protocole fait partie intégrante du traité secret signé en ce jour à Berlin et aura même force et valeur.
En foi de quoi les plénipotentiaires respectifs l'ont signé et y ont apposé le sceau de leurs armes.
Fait à Berlin, le dix-huitième jour du mois de juin mil huit cent quatre-vingt-sept.
(L. S.) Comte Bismarck.
(L. S.) Comte Paul Schouvaloff.
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