Hongrie


Loi XII de 1867.

    Après la Révolution de 1848, suivie par la guerre avec l'Autriche et le rétablissement du pouvoir impérial, la Hongrie avait refusé de reconnaître la Constitution de mars 1849 et d'envoyer des représentants au Parlement impérial commun établi par la Patente du 26 février 1861. Elle exige également de rétablir son autorité sur les « Partes annexae » : la Transylvanie et la Croatie-Slavonie.
    Après Sadowa et la fin de la Confédération germanique, l'Empereur affaibli doit se résigner au « Compromis » avec la Hongrie. L'Empereur s'engage dans la voie du régime constitutionnel et un ministère hongrois est constitué le 7 février 1867. Une série de dix-huit lois réglant les affaires hongroises et les rapports avec l'Autriche est approuvée par la Diète hongroise. L'Empereur François Joseph est couronné roi de Hongrie le 8 juin. Le compromis se traduit en fait par deux lois fort différentes et parfois contradictoires :
la loi XII hongroise du 28 juillet et la loi autrichienne du 21 décembre 1867.
    On notera ici simplement que la loi autrichienne parle de « monarchie autrichienne » et des deux moitiés de l'Empire, alors que la loi hongroise affirme
l'indépendance de la Hongrie par rapport à l'Autriche et l'égalité formelle entre les deux pays en s'appuyant essentiellement sur la Constitution hongroise traditionnelle et plus particulièrement sur la Pragmatique sanction de 1713, adoptée en Hongrie par les lois I, Il et III de l'an 1723 et sanctionnée par Charles VI le 6 décembre 1724 pour l'ensemble de l'Empire. D'autre part , la loi hongroise est beaucoup plus détaillée et comporte  nombre de dispositions procédurales absentes de la loi autrichienne. Ces dispositions tendent notamment à récuser l'idée que les délégations pourraient former un Parlement commun, alors que les premiers articles de la loi autrichienne donnent l'impression qu'il s'agit d'une Constitution impériale commune avec un Parlement et un ministère communs.  L'existence de ces deux textes a suscité un débat théorique sur la nature du régime « dualiste » : est-ce une union réelle comme l'affirmaient les juristes autrichiens ou une simple union personnelle ainsi que le proclamaient les juristes hongrois ?
    Par ailleurs, la Hongrie obtient le rétablissement de son autorité sur la Transylvanie et la Voïvodine serbe. Enfin, le rattachement de la Croatie- Slavonie à la Couronne de saint Étienne est confirmé, ce qui conduit à conclure également un compromis entre la Hongrie et la Croatie Slavonie.

Sources : Le texte des deux lois, hongroise et autrichienne, qui forment ce que l'on appelé « le compromis », est donné en français dans le recueil de J. Valfrey, L'Empire constitutionnel d'Autriche et ses lois fondamentales, Paris 1868 ; dans l'ouvrage de Geza Steuer, Le compromis entre l'Autriche et la Hongrie, Paris, 1907, avec un commentaire des deux lois ; et dans les premières éditions du recueil de Dareste, Les constitutions modernes, tome I, 1883, 1891 et 1910.

Loi relative aux objets d'intérêt commun qui existent entre les pays de la couronne de Hongrie et les autres pays soumis à la souveraineté de S. M. et à la manière de les traiter.

(28 juillet 1867)

Sa Majesté impériale et royale apostolique, après avoir octroyé les droits constitutionnels à ses autres pays et provinces, a, dans l'auguste discours du trône par lequel elle a daigné ouvrir la présente diète, sollicité la diète de rechercher, en prenant pour base la pragmatique sanction, comme principe de droit fondamental reconnu de part et d'autre, les moyens les plus propres à assurer inviolablement, aussi bien l'indépendance politique et administrative de la Hongrie et de ses annexes, que les conditions vitales de l'existence et de l'intégrité de la monarchie, garanties par la pragmatique sanction, et en même temps la participation constitutionnelle, tant des pays de la couronne hongroise que des autres pays et provinces de S. M., au traitement constitutionnel des affaires communes sus indiquées.

La diète hongroise a accueilli avec une joie sincère cette auguste décision de Sa Majesté impériale et royale apostolique, par laquelle, désirant établir dans toute la monarchie le régime du gouvernement constitutionnel, elle a voulu fonder la splendeur de son trône, la force et la puissance de son empire, sur la base naturelle, et par suite inébranlable, de l'intérêt commun à tous ses peuples pour les affaires publiques.

C'est pourquoi les magnats et députés de la Hongrie n'ont pas failli à rechercher les mesures propres à rendre possible, à l'avenir, et essentiellement, le maintien inviolable du contrat fondamental intervenu en vertu des lois 1, 2 et 3 de 1723 entre l'auguste famille régnante et la Hongrie, lequel a garanti, d'une part, aux termes des lois 1 et 2 de 1723, l'union inséparable de tous les pays et provinces composant l'ensemble de la monarchie, et, d'autre part, l'indépendance législative et administrative et l'autonomie de la Hongrie.

La nécessité apparaissait, par suite, de déterminer avec précision et exactitude les points qui intéressent en commun les pays de la couronne de Hongrie et les autres pays gouvernés par Sa Majesté, et d'établir également des règles précises pour les relations mutuelles des deux représentations constitutionnelles réciproquement indépendantes, à l'effet de traiter ces points communs. La diète, en conséquence, a statué comme suit :

Article premier.

Le lien de droit existant entre les pays de la Couronne hongroise, d'une part, et les autres pays et provinces de Sa Majesté, d'autre part, est fondé sur la Pragmatique sanction adoptée par les lois I, Il et III de l'an 1723.

Article 2.

Ce contrat fondamental solennel qui a établi le droit de succession de la ligne féminine au trône de la Maison de Habsbourg a prononcé, en même temps, que les pays et provinces se trouvant sous un commun monarque selon l'ordre de succession établi, seront indivisibles et inséparables dans la possession. Conformément à ce principe formellement proclamé, la défense et le maintien de la sûreté commune par l'union de toutes les forces constitue une obligation commune et réciproque qui dérive directement de la pragmatique sanction.

Article 3.

Toutefois, à cette obligation ainsi établie la pragmatique sanction a formellement mis cette condition, que l'indépendance constitutionnelle politique et administrative de la Hongrie soif maintenue inviolablement.

Article 4.

Ces deux idées fondamentales guidèrent le Parlement hongrois dans le règlement des rapports d'intérêt commun de la Hongrie et des autres pays réunis sous le sceptre du même Monarque. La Hongrie fut toujours prête dans le passé, et le sera dans l'avenir, à remplir tous les devoirs qui lui sont forcément imposés en ce qui concerne la défense et le maintien de la sûreté commune, par la réunion de toutes les forces, conformément à la Pragmatique sanction. Mais elle ne saurait, d'autre part, assumer des obligations outrepassant ce but et n'étant pas inévitablement nécessaires pour l'atteindre.

Article 5.

Auparavant, le Parlement hongrois et le roi de Hongrie statuaient de commun accord sur tout ce qui avait trait aux rapports mentionnés, et aucun pays étranger n'influençait les dispositions qu'ils avaient prises, car le roi de Hongrie, souverain absolu des autres pays placés sous son sceptre, réglait les affaires et les intérêts de ces pays en vertu de son pouvoir absolu. Mais la situation a beaucoup changé maintenant d'après l'auguste discours de trône, car Sa Majesté a « octroyé à ses autres États des droits constitutionnels, et qu'il ne peut plus, par suite, les représenter dorénavant en vertu de son pouvoir absolu, et qu'il ne peut se passer de leur concours constitutionnel. »

Article 6.

Tels sont les points de vue qui ont servi de principes directeurs au Parlement pour arrêter les bases principales de la réglementation de ces rapports communs. Le point de départ est la Pragmatique sanction, désignée à cet effet par Sa Majesté et par le Parlement.

Article 7.

D'après la Pragmatique sanction, le Monarque est commun, il est vrai, attendu que la Couronne de Hongrie est portée par le même prince qui règne sur les autres pays ; pourtant, la nécessité de fixer en commun les dépenses de la Cour ne découle point de ce qui précède. Le but visé par la Pragmatique sanction n'exige pas pareille convention commune ; et il convient mieux à l'état d'indépendance constitutionnelle dont jouit la Hongrie, ainsi qu'à l'auguste prestige souverain du roi de Hongrie, que les dépenses de Sa Maison soient votées séparément par le Parlement hongrois, sur la proposition du ministère responsable. Le vote des dépenses de la Cour et leur paiement ne sont donc pas des affaires communes.

Article 8.

Un des moyens de réaliser la défense commune, dérivant de la Pragmatique sanction, est la direction convenable des affaires extérieures. Cette direction convenable exige la communauté des affaires extérieures concernant également tous les pays soumis au sceptre de Sa Majesté. Par conséquent, la représentation diplomatique et commerciale du Royaume vis-à-vis de l'étranger et les dispositions à prendre pour ce qui est des traités internationaux relèvent des attributions du ministre commun des affaires étrangères et seront exécutées suivant un commun accord entre les gouvernements des deux parties et avec leur consentement mutuel. Chaque gouvernement fera son rapport à son Parlement respectif sur les traités internationaux conclus. Par conséquent, la Hongrie considérant les affaires étrangères comme des affaires communes, s'engage à participer aux dépenses qu'elles entraînent dans la proportion établie ci-après aux articles 18, 19, 20, 21 et 22.

Article 9.

Un autre moyen de défense commune est l'armée ainsi que tout ce qui s'y rapporte, autrement dit les affaires militaires.

Article 10.

En considération de tout ce qui a été déclaré plus haut, et principalement à l'art. 5, les principes suivants sont établis en ce qui concerne les affaires militaires communes.

Article 11.

En conséquence des droits souverains constitutionnels de Sa Majesté touchant les affaires militaires, il est reconnu que tout ce qui a rapport à la direction unitaire, au commandement et à l'organisation intérieure de l'armée entière, donc aussi de l'armée hongroise qui en forme partie intégrante, sera réglé par Sa Majesté.

Article 12.

Toutefois le recrutement périodique de l'armée, le droit de voter le contingent, la détermination des conditions de ce vote et de la durée du service, ainsi que toutes les mesures relatives à la répartition et à l'entretien des troupes, sont réservés à l'État Hongrois, conformément aux lois en vigueur, en ce qui concerne les attributions du parlement aussi bien que celles du gouvernement.

Article 13.

La Hongrie déclare, en outre, que la règlementation ou la modification du système de la défense publique ne pourra jamais être opérée en ce qui concerne la Hongrie sans le consentement du Parlement hongrois. Toutefois, comme pareille réglementation et aussi une modification ultérieure ne sauraient être effectuées convenablement que selon des principes identiques : il est statué que, après accord préalable entre les deux ministères, les deux parlements seront saisis, le cas échéant, de projets de loi basés sur les mêmes principes. Pour concilier les différends qui pourraient surgir entre les opinions des deux parlements, ceux-ci se mettront en rapport par l'intermédiaire de délégations.

Article 14.

Les droits, obligations et rapports civiques des individus appartenant à l'armée hongroise, pourvu qu'il ne s'agisse pas du service militaire, relèveront de la législation hongroise et, le cas échéant, du gouvernement hongrois.

Article 15.

Toutes les dépenses des affaires militaires seront communes, en ce sens que la proportion dans laquelle la Hongrie participera a ces dépenses sera fixée d'un commun accord, suivant des délibérations conduites de la manière réglée ci-après par les articles 18, 19, 20, 21 et 22.

Article 16.

Le Parlement hongrois reconnaît comme communes les affaires financières en tant que les dépenses des affaires mentionnées précédemment comme communes seront également communes, c'est-à-dire de façon que toutes les dépenses exigées par lesdites affaires seront déterminées en commun, ainsi qu'il sera dit dans les articles ci-après se rapportant à la direction de ces affaires. Mais l'assiette de ces dépenses, leur recouvrement et la remise au lieu de destination du montant concernant la Hongrie, selon la répartition à faire aux termes des articles 18, 19, 20, 21 et 22 ci-après, seront déterminés par le Parlement hongrois et par son ministère responsable de la façon réglée dans les articles relatifs à l'administration.

Article 17.

Toutes les autres dépenses de l'État hongrois seront fixées constitutionnellement par le Parlement hongrois à la suite d'un exposé soumis par le ministère ; elles seront établies, perçues et administrées, de même que tous les impôts en général, par le ministère hongrois, à l'exclusion de toute influence étrangère et sous sa propre responsabilité.

Article 18.

Voici les affaires réputées communes dans le sens déjà expliqué, et qui sont toutes censées dériver de la Pragmatique sanction même. Quand un commun accord aura eu lieu à cet égard entre les deux parties, l'on procédera, après négociations préalables, à la fixation par anticipation de la proportion dans laquelle les pays de la Couronne hongroise participeront aux charges et aux dépenses des affaires réputées communes en vertu de la Pragmatique sanction.

Article 19.

Ces négociations et cette fixation auront lieu de la façon suivante. Le Parlement des pays de la Couronne hongroise, d'une part, et l'Assemblée des autres pays de Sa Majesté, d'autre part, éliront chacun une délégation composée d'un nombre égal de membres. Ces deux délégations rédigeront relativement à la quote-part une proposition basée sur des données détaillées, selon les rapports des ministères responsables respectifs.

Article 20.

Cette proposition sera présentée par chaque ministère à la Chambre compétente et soumise à des débats réguliers. Chaque Parlement, par l'intermédiaire de son ministère, communiquera à l'autre les décisions qu'il aura prises. les compromis ainsi arrêtés entre les deux parties, seront soumis a la sanction de Sa Majesté.

Article 21.

Si les deux délégations ne se mettaient pas d'accord sur le projet, les rapports de chaque partie seront présentés aux deux Parlements. Dans le cas où un accord des deux Parlements ne pourrait s'établir, Sa Majesté résoudra la question selon les données qui lui seront soumises.

Article 22.

Le compromis concernant la quote-part ne portera que sur un délai déterminé. Après l'expiration de ce délai, une nouvelle transaction aura lieu dans les mêmes formes.

Article 23.

Quant à la direction des affaires susmentionnées, les obligations établies dans la Pragmatique sanction n'exigent pas qu'on apporte des modifications à la manière légale d'agir, par rapport à l'usage suivi auparavant. Mais le changement expliqué ci-dessus dans l'article 5 et que la situation vient de subir, les a rendues opportunes. Le Parlement énonce la volonté de se mettre en rapport avec les autres pays de Sa Majesté, dans la manière des peuples constitutionnels, tout en sauvegardant l'indépendance de chacune des deux parties.

Article 24.

Tels étant le but et le point de départ de la présente décision à l'égard des affaires communes et de la manière de les administrer, il va de soi qu'une des conditions fondamentales en est le maintien de la Constitution hongroise.

Article 25.

Une autre condition fondamentale est la mise en vigueur du régime constitutionnel complet dans les autres Pays et Provinces de Sa Majesté, car, en ce qui concerne les relations communes, la Hongrie ne pourrait se mettre en rapport avec ces pays que par l'intermédiaire de leur représentation constitutionnelle. Aussi Sa Majesté a-t-elle exprimé le voeu d apporter un changement à l'ancien mode de délibérer sur ces affaires, en octroyant la Constitution à ses autres pays. Sa Majesté trouve, par conséquent, que leur influence constitutionnelle ne saurait plus être, désormais, négligée dans la direction des affaires communes.

Article 26.

Se basant sur les deux conditions fondamentales susdites, les affaires communes seront traitées de la manière suivante :

Article 27.

Il sera établi un ministère commun pour les affaires qui, étant véritablement communes, ne relèveraient ni du gouvernement de la Couronne hongroise, ni de celui des autres pays de Sa Majesté. Ce ministère ne dirigera pas, outre le gouvernement commun, les affaires particulières des deux pays, ni de l'un ni de l'autre, et n'y exercera aucune influence. Chaque membre de ce ministère sera responsable pour tout ce qui touche sa sphère d'activité. De même, le ministère entier sera responsable pour les décisions officielles prises collectivement.

Article 28.

Pour toute la partie des affaires communes qui ne rentre pas exclusivement dans les attributions du gouvernement, la Hongrie ne juge pas opportun l'établissement d'un Conseil général d'empire (Reichsrat), ni d'un parlement commun ou central, sous quelque dénomination que ce soit, et n'accepte aucune de ces institutions. Mais elle s'attache à ce qui découle de l'auguste discours du trône prononcé par Sa Majesté, où Elle désigne la Pragmatique sanction comme point de départ : c'est-à-dire que les pays de la Couronne hongroise dans leur ensemble, d'une part, et les autres pays et provinces de Sa Majesté pris ensemble, d'autre part, doivent être considérés chacun en soi comme partie absolument égale en droit. Par conséquent, la parité complète est une condition inéluctable pour la direction des affaires communes des deux parties.

Article 29.

En vertu de ce principe de parité, le Parlement hongrois choisira dans son sein une Délégation d'un nombre déterminé de membres — de la part de la Hongrie — pris dans les deux Chambres du Parlement. Les autres Pays et Provinces de Sa Majesté éliront, de leur côté, d'une façon constitutionnelle également, une Délégation du même nombre de membres. Le nombre des membres de ces Délégations sera fixé d'un commun accord par les deux parties ; il ne pourra dépasser soixante pour chacune d'elles.

Article 30.

Ces Délégations seront élues pour une année seulement, soit pour une session du Parlement. Au bout de l'année, c'est-à-dire au commencement de la nouvelle session, elles perdront toute attribution. Cependant, leurs membres seront rééligibles

Article 31.

Chacune des Délégations élira séparément, parmi ses membres, un président, un secrétaire et les autres fonctionnaires qu'elle jugera nécessaires ; elle adoptera aussi son propre règlement intérieur.

Article 32.

Les Délégations seront toujours convoquées par Sa Majesté à une époque déterminée et à l'endroit où séjournera alors Sa Majesté. Cependant le Parlement hongrois émet le voeu que leurs sessions soient tenues, alternativement, une année à Pest, et l'autre à Vienne ou dans une autre capitale des autres Pays de Sa Majesté, pourvu que telles soient la volonté du souverain et celle du Parlement de ces Pays.

Article 33.

Chaque Délégation siégera à part et prendra ses décisions d'après des votes par appel nominal et à la majorité absolue du total de ses membres. Ce que la majorité aura décidé sera considéré comme la décision de toute la Délégation. Les membres de la délégation pourront individuellement, pour leur justification personnelle, faire consigner au procès-verbal une opinion différente, mais sans affaiblir par là la valeur de la décision.

Article 34.

Les deux Délégations ne pourront délibérer en séance commune ; au contraire, chacune d'elles communiquera à l'autre, par écrit, ses opinions et décisions. En cas de dissentiment, elles tâcheront de s'éclairer mutuellement par des messages écrits. Ces messages seront rédigés par chaque Délégation dans sa propre langue et accompagnés d'une traduction authentique.

Article 35.

Si l'on ne parvenait pas à concilier les opinions des deux Délégations par ces messages : alors les deux commissions tiendront une séance commune, mais rien que pour procéder à un vote pur et simple. Dans cette séance commune les présidents des deux Délégations présideront à tour de rôle. Une décision ne pourra être prise qu'en la présence des deux tiers, au moins, des membres de chaque Délégation. La décision sera toujours prise à la majorité absolue des voix. Comme l'application pratique du principe de la parité est de la plus haute importance, notamment dans les votes : il est statué que, si un ou plusieurs membres de l'une des Délégations ne sont pas présents, pour une cause quelconque, pendant le scrutin, l'autre Délégation devra, dans ce cas, diminuer le nombre de ses membres présents de manière que les deux Délégations soient, tout à fait égales en nombre. Cette diminution sera effectuée par la Délégation qui se trouvera en majorité, au moyen d'un tirage au sort parmi ses membres. Le procès-verbal sera rédigé dans les langues des deux parties par leurs secrétaires et légalisé en commun.

Article 36.

Lorsque trois échanges de messages seront demeurés sans résultat, chacune des parties aura le droit d'inviter l'autre à résoudre la question par un vote commun. En ce cas, les présidents des deux parties fixeront d'accord le lieu, le jour et l'heure de la séance de vote, et chacun d'eux y convoquera les membres de sa délégation.

Article 37.

Les attributions de ces Délégations comporteront uniquement les affaires qui leur sont soumises, comme affaires communes, par la présente loi. Les Délégations ne pourront outrepasser cette limite, ni s'immiscer dans les affaires relevant du Parlement hongrois ou du Gouvernement hongrois.

Article 38.

La Délégation chargée de délibérer sur les affaires communes, élue librement par le Parlement, représentera celui-ci envers les autres Pays de Sa Majesté, dans les affaires et de la façon tracées par la présente loi. Cette Délégation ne pourra être liée d'avance par nul mandat impératif.

Article 39.

Quant au mode de procéder, il est statué que chaque affaire qui relève de ces Délégations, en vertu de la présente loi, sera soumise à chaque Délégation, séparément, par le ministère commun. Chaque Délégation a le droit de poser des questions au ministère commun ou à un de ses membres, selon leurs départements respectifs, et de demander les renseignements voulus ; par conséquent, le ministère interrogé aura le droit et sera même obligé, en cas de sommation, de se présenter devant l'une et l'autre Délégation, de donner des réponses verbales et écrites, et de fournir des renseignements, en produisant même les documents nécessaires, pour autant que cela peut se faire sans préjudice.

Article 40.

La partie la plus importante de la tâche annuelle des Délégations sera d'établir le budget commun. Ce budget ne comportera rien en dehors des dépenses désignées comme communes par la présente loi ; il sera rédigé par le ministère commun, avec l'influence des deux ministères responsables particuliers et sera présenté séparément aux deux Délégations. Les Délégations délibéreront chacune à part de la façon indiquée ci-dessus ; elles se communiqueront mutuellement leurs observations et, sur les questions qui ne pourront être tranchées d'un commun accord, elles décideront par vote en séance plénière.

Article 41.

Le budget établi de cette manière ne pourra plus être soumis à une délibération de la part d'aucun des deux pays ; chacun d'eux devra, au contraire, supporter la charge afférente dans la proportion fixée au préalable d'après la procédure expliquée dans les articles 18, 19, 20, 21 et 22 de la présente loi. Pourtant, comme la répartition, la perception et la détermination du système des impôts relèvent uniquement de la Hongrie, en ce qui concerne ces dépenses communes, et aussi du Parlement hongrois et du ministère responsable hongrois, le ministère hongrois inscrira toujours dans le budget dont il saisit le Parlement hongrois, toutes les sommes du budget commun déjà établi, afférentes à la Hongrie selon la quote-part susdite, mais ces sommes ne pourront plus être soumises à des délibérations quant à leur montant. La somme due pour les dépenses communes, établies de la manière expliquée plus haut, étant perçue par le ministère responsable de la Hongrie, le ministre hongrois des finances remettra, chaque mois, au ministre commun des finances la quote-part des revenus de l'État qui servira aux dépenses communes, dans la mesure du rapport existant entre les dépenses communes et les dépenses du pays. Le ministre commun des finances sera responsable et veillera à ce que les sommes touchées par lui soient affectées aux buts déterminés. Il est bien entendu que celui qui administrera ces sommes devra en rendre un compte exact.

Article 42.

La vérification de ces comptes incombe également aux Délégations susmentionnées. Elles procéderont à cet égard de la manière déjà expliquée.

Article 43.

La même procédure sera suivie dans toutes les affaires qui, étant communes, relèvent des attributions des dites Délégations. Elles seront soumises également à chaque Délégation par le ministère commun, puis délibérées séparément par chacune d'elles ; leurs avis seront échangés par écrit, et, dans le cas où un commun accord ne saurait s'établir, elles statueront en séance commune afin de voter comme il a été expliqué plus haut. Il va de soi que les décisions des Délégations seront soumises à Sa Majesté, en tant que ces décisions sont susceptibles d'être confirmées par Sa Majesté, et, une fois confirmées, elles auront force obligatoire. Cependant Sa Majesté fera communication à chaque Parlement séparément, par le ministère responsable respectif, des décisions ainsi validées par sa confirmation. Sa Majesté ne pourra faire exécuter en Hongrie les décisions prises dans les Délégations et sanctionnées par elle, que par le ministère responsable hongrois. Pour la même raison, toutes les dépenses incombant à la Hongrie en vertu de la décision prise et sanctionnée d'après ce mode de procéder, seront établies et perçues avec le budget hongrois.

Article 44.

En dehors des affaires soumises aux Délégations par le ministère commun responsable, chacune d'elle a le droit d'initiative mais seulement en ce qui concerne les matières qui rentrent strictement,
comme affaires communes, dans les attributions des délégations. Chacune d'elles peut faire des propositions dont elle donnera par écrit communication à l'autre. Les propositions ainsi déposées seront délibérées de la façon déjà prescrite pour les questions afférentes aux Délégations.

Article 45.

Les débats des Délégations seront publics. Les cas d'exception à cet égard seront établis par le règlement intérieur. Mais une décision ne peut être prise qu'en séance publique.

Article 46.

Si Sa Majesté dissout un des Parlements, la Délégation de ce Parlement se dissoudra aussitôt de plein droit. Le nouveau Parlement formera une nouvelle Délégation.

Article 47.

Les membres des Délégations ne pourront être rendus responsables pour aucune déclaration qu'ils auront faite au cours des débats sur les affaires déclarées communes par la présente loi ; ils ne pourront être détenus, jusqu'à l'expiration de leurs mandats, par suite d'une requête, et sauf dans le cas de flagrant délit, sans le consentement préalable du Parlement dont ils sont membres ou de la Délégation à laquelle ils appartiennent, si le Parlement ne se trouvait pas réuni. Ils ne pourront être exposés à aucune poursuite légale. La Délégation intéressée décidera également, dans le cas où le Parlement ne serait pas réuni, sur la question de savoir si un de ses membres arrêté en flagrant délit doit continuer à être détenu ou bien être mis en liberté. En outre, les règlements intérieurs statueront sur les mesures à prendre afin de parer à des désordres éventuels.

Article 48.

En cas de décès, entre temps, d'un des membres d'une Délégation, ou bien s'il était privé de sa liberté par suite d'un jugement, ou encore s'il donnait sa démission pour un motif légitime, le Parlement intéressé aurait à pourvoir immédiatement à cette vacance. Pour cette raison, le Parlement élira, lors de l'élection de la Délégation, des membres supplémentaires en sus du nombre établi, en déterminant en même temps l'ordre de l'admission des membres supplémentaires aux sièges vacants. Ces membres seront convoqués par le président de la Délégation.

Article 49.

En cas de démission, c'est le Parlement ou, s'il n'était pas réuni, la Délégation intéressée qui décidera si la démission est bien fondée et acceptable.

Article 50.

Quant à la responsabilité du ministère commun et à la façon de la faire valoir, il est statué que chaque Délégation aura qualité pour demander, si elle le juge nécessaire à cause d'une violation des lois constitutionnelles, la poursuite légale du ministère commun ou d'un de ses membres, et de communiquer cette proposition à l'autre Délégation. Si les deux Délégations décident la poursuite ou si elle est résolue à la majorité des voix, en raison d'une divergence d'opinion, dans une séance commune de vote : cette décision aura immédiatement force de loi.

Article 51.

Le tribunal devant juger l'accusation ainsi énoncée sera composé ainsi qu'il suit : chaque Délégation proposera séparément 24 juges, pris parmi les citoyens indépendants et jurisconsultes du pays qu'elle représente, et non parmi ses propres membres. Chaque Délégation aura le droit de récuser, sans indiquer les motifs, 12 des 24 juges proposés par l'autre Délégation. Les accusés pourront récuser, eux aussi, 12 juges en tout, mais seulement de façon que dans le nombre des juges élus qui restent, celui de chaque Délégation soit égal à l'autre. Les membres ainsi restés seront les juges de l'affaire.

Article 52.

Outre les affaires désignées communes dans les articles susvisés et qui doivent être réglées en commun en vertu de la Pragmatique sanction, il y a d'autres affaires publiques de haute importance dont le règlement d'un commun accord, bien que ne découlant pas de la Pragmatique sanction, serait fort opportun, aussi bien à certains égards politiques dépendant de la situation actuelle qu'en raison du rapprochement des intérêts des deux parties, ce règlement en commun étant préférable aux mesures isolées.

Article 53.

Quant aux dettes publiques, il est hors de doute que la Hongrie, vu sa situation constitutionnelle, ne pourrait être grevée, en droit, pour les dettes contractées au mépris du consentement légal de la Nation.

Article 54.

Pourtant, la présente Diète a déjà énoncé « qu'elle est prête à faire, par équité, même en dehors de ce qui est dû de par la loi, et pour des motifs politiques, tout ce qu'elle pourra faire sans léser l'indépendance nationale et en sauvegardant les droits constitutionnels, pourvu qu'un véritable régime constitutionnel soit introduit aussitôt que possible dans ce pays et dans les autres pays de Sa Majesté, afin d'éviter le désastre définitif du salut public dans les autres pays et en Hongrie avec eux,
à cause des lourdes charges accumulées par le régime du gouvernement absolu, et pour éviter les conséquences fâcheuses de la funeste période qui vient de s'écouler ».

Article 55.

A cause de ces motifs, et uniquement pour cette raison, la Hongrie est disposée à prendre à sa charge une partie des dettes publiques et à traiter sur ce sujet avec les autres Pays de Sa Majesté, à la façon des nations libres et après négociations préalables.

Article 56.

Pour l'avenir, les affaires de crédit seront communes dans les cas où la Hongrie et les autres Pays de Sa Majesté jugeront opportun, pour leurs propres intérêts et vu les circonstances du moment, de contracter un emprunt en commun et ensemble. Tout ce qui aura trait au contrat de l'emprunt, à l'emploi et au remboursement de l'argent emprunté dans ces affaires, sera décidé en commun. Mais la décision préalable de contracter un emprunt commun ne relèvera, en ce qui concerne la Hongrie, que du Parlement hongrois seulement.

Article 57.

En outre, la Nation déclare solennellement, aussi par la présente loi, que la Hongrie ne se reconnaîtra obligée, dans l'avenir, par aucune dette d'État qui ne serait pas contractée avec l'assentiment légal et certain de la Nation, car le principe fondamental de la Constitution repousse toute obligation acceptée pour elle sans son consentement.

Article 58.

La communauté des affaires commerciales ne découle pas non plus de la Pragmatique sanction, car, en vertu de celle-ci, les Pays de la Couronne hongroise, de même que les États en dehors des autres Pays de Sa Majesté seraient en droit de diriger à leur gré, en établissant des cordons douaniers, leurs affaires commerciales, par leur propre gouvernement et par leur législation.

Article 59.

Mais en raison de l'importance et du grand nombre des points de contact d'intérêts réciproques entre la Hongrie et les autres Pays de Sa Majesté, le Parlement est disposé à contracter, de temps en temps, un traité de douane et de commerce au sujet des affaires commerciales, lequel serait conclu par la Hongrie, d'une part, et par les autres Pays de Sa Majesté, d'autre part.

Article 60.

Ce traité aurait à statuer sur les questions afférentes au commerce, ainsi que sur la manière
de traiter tous intérêts commerciaux.

Article 61.

La conclusion du traité se fera par discussions mutuelles, de la même manière que cela s'opère entre deux pays indépendants, en droit, l'un de l'autre. Les ministères responsables des deux parties auront à élaborer d'un commun accord une proposition détaillée sur le traité à conclure ; ils en saisiront leurs Parlements respectifs, et les décisions des deux Parlements seront soumises à Sa Majesté pour être sanctionnées.

Article 62.

Pour la même raison, à l'époque où s'opèrera la fixation de la proportion des dépenses communes de la façon décrite dans les articles 18, 19, 20 et 22, un traité douanier et commercial sera conclu, en même temps, entre les Pays de la Couronne hongroise, d'une part, et les autres Pays et Provinces de Sa Majesté, d'autre part, selon le procédé établi ci-dessus dans les articles 59 et 61. Ce traité devra prononcer, en même temps, que la validité des traités commerciaux conclus jusqu'à présent s'étendra aussi à la Hongrie.

Article 63.

A la même époque, et de nouveau par des discussions semblables à celles esquissées dans les articles 59 et 61, des règles seront établies qui, se rapportant étroitement à la production industrielle, aux diverses sortes de contributions, à leur répartition égale et à leur administration, rendront impossible à l'une des législations ou à l'un des ministères responsables d'agir d'une manière qui produirait l'amoindrissement injuste des revenus de l'autre partie. On établira, en même temps, la modalité qui assurera un règlement uniforme dans les deux législations pour apporter des réformes, d'un commun accord, dans le système des contributions.

Article 64.

De même il sera établi comment et par qui la surveillance uniforme de toutes les lignes douanières s'opérera ; il faudra déclarer que les revenus des douanes seront employés pour couvrir les dépenses communes ; le rendement de ces douanes sera donc prélevé en premier lieu sur le montant des dépenses communes.

Article 65.

Un des moyens les plus efficaces pour favoriser le commerce est le réseau des chemins de fer ; on pourrait donc, lors de la signature du traité commercial et douanier, conclure un arrangement, aux termes des articles 59 et 61 afin de préciser les lignes qui demandent des mesures communes dans l'intérêt des deux parties, ainsi que l'étendue de ces mesures. Pour toutes les autres lignes de chemins de fer, le ministère et le Parlement seuls auront à statuer, suivant la situation des régions qu'elles traversent.

Article 66.

Le commerce est intimement lié au système monétaire et à la fixation de l'unité monétaire. Il est donc désirable et même inévitable, dans l'intérêt des deux parties, d'introduire le même système monétaire et la même unité dans les pays appartenant au régime du traité douanier et commercial. Il sera donc nécessaire de statuer, lors de la conclusion du traité douanier et commercial, sur le système monétaire et sur le titre de la monnaie, aux termes des articles 59 et 61. Si la nécessité ou l'opportunité d'un changement ou de l'introduction d'un nouveau système se présentait dans l'avenir, il s'opérera avec le consentement des deux ministères et avec l'approbation des deux Parlements. Il va sans dire que les droits souverains du roi de Hongrie quant à la frappe et à l'émission des monnaies resteront entièrement intacts.

Article 67.

Lors de la fixation de la quote-part et du traité douanier, la part contributive annuelle dont la Hongrie se chargerait aux dettes publiques, sera déterminée par délibérations libres et mutuelles, de la façon décrite dans les articles 55 et 61.

Article 68.

Il va de soi que, si un commun accord ne pouvait s'établir sur les affaires énumérées dans les articles 58 à 67, la Hongrie se réserve le droit légal de statuer librement, qui convient à une nation indépendante, et que tous les droits y afférents demeureront inviolables.

Article 69.

Le mode et la proportion dans lesquels les pays annexes participeront aux Délégations du Parlement hongrois, seront fixés ultérieurement.

La convention établie ci-dessus, après avoir été sanctionnée par Sa Majesté, aura force de loi dès maintenant. Mais les institutions de cette loi se rapportant à l'administration des affaires dites communes n'entreront de fait en vigueur qu'après avoir été acceptées par la voie constitutionnelle, de la part des Pays de Sa Majesté qui n'appartiennent pas à la Couronne hongroise.

***

Notre Majesté, ouï et approuvé les humbles instances de Nos fidèles sujets, les magnats et députés du pays, ordonnons que les articles de loi présentés à Nous de la manière précitée soient insérés mot à mot dans cette lettre, et les ayant trouvés, en particulier et dans leur ensemble, justes, convenables et acceptables, Nous leur avons donné, au jour indiqué plus bas, le 12 du mois de St-Jean de l'année courante, Nos consentement, approbation et homologation royales, en les confirmant et sanctionnant de par Notre pouvoir royal, et en donnant l'assurance à Nos fidèles magnats et députés du pays, que Nous observerons et ferons observer par Nos autres sujets tout ce qui est contenu dans les articles de loi qui viennent d'être insérés. Nous donnons acte par la force et l'assurance de celte lettre, que Nous les avons acceptés, approuvés et confirmé par Notre signature royale.

Fait en Notre résidence royale de la ville de Vienne, en Autriche, de la main de Notre cher et féal sujet, Monsieur Jules Andrassy, comte de Csikszentkiraly et Krasznahorka, Notre ministre président,
le 28 du mois de St-Jacques, en l'an du Seigneur 1867.
 (Signé:) François Joseph.
(Contresigné :) Comte Jules Andrassy.

Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voir la fiche Hongrie.