Angleterre

La Grande Charte des Libertés

Confirmation par Édouard Ier 
1297, ch. 9, 25, Edw. 1

    Jean sans Terre, face à la révolte de ses barons, doit accepter en juin 1215 une charte destinée à limiter l'arbitraire royal. Cette Magna Carta, la Grande Charte des libertés d'Angleterre, venant après le statut de Guillaume le Conquérant, la Charte des libertés (1100) d'Henry 1er, censée reprendre les lois d'Édouard le Confesseur (donc, antérieures à la conquête normande), la charte d'Oxford accordée par Étienne de Blois (1136), la charte du couronnement d'Henry II  (1154 ) et les constitutions de Clarendon (1164), ne constitue pas la première tentative de limitation des pouvoirs du roi et de rappel des libertés des sujets. Elle évoque les principaux abus et les pratiques d'extorsions de fonds dont le roi s'était rendu coupable, principalement à l'égard de ses vassaux et de l'Église, des marchands ou de la ville de Londres. Mais la Magna Carta a pris une dimension mythique et elle est à l'origine de trois idées essentielles, dont l'histoire anglaise à permis le développement : le gouvernement par la loi (rule of law), la séparation des pouvoirs grâce au lien entre l'impôt et la représentation au Parlement (pas de taxation sans représentation) et la garantie des libertés.
    Ainsi, elle sera régulièrement invoquée lors des conflits ultérieurs, qui donneront naissance aux principaux textes constitutifs des libertés anglaises, notamment en 1297, en 1628, ou en 1689, mais ses principes ont aussi été invoqués aux États-Unis et dans les anciens dominions britanniques.
    Pourtant la charte de 1215 a été aussitôt désavouée par Jean sans Terre, et condamnée par le pape Innocent III, qui y voyait, à juste titre, une menace pour l'ordre établi (bulle du 24 août 1215). Les barons font alors appel au fils du roi de France, Louis (futur Louis VIII), qui est proclamé roi d'Angleterre. Mais, la mort de Jean le 18 octobre 1216, entraîne, avec l'appui de l'Église, le couronnement de son fils Henri III, âgé de neuf ans, dont le tuteur, Guillaume le Maréchal, signe une nouvelle version de la charte, dès le 12 novembre, diminuée notamment des dispositions litigieuses relatives au Commun Conseil du royaume, et obtient le ralliement des barons. En 1217, le 6 novembre, puis en 1225, de nouvelles versions sont publiées, avec de profondes modifications. Ainsi, la version de 1225 ne comporte que 37 articles. Mais c'est cette version, et non celle de 1215, qui a fait l'objet des confirmations ultérieures, notamment en 1297, par Édouard 1er.
    Les Anglais distinguent ces trois nouvelles éditions de la Charte, et les confirmations, par lesquelles les rois, après l'avoir violée, s'engagent à nouveau à la respecter, en général sans l'altérer. En 1237, Henry III doit ainsi confirmer la Charte, puis encore en 1253, en 1265, et en 1267. En 1265, la publication de la charte, le 14 mars, à l'initiative de Simon de Montfort et des barons qui retenaient, en fait, le roi prisonnier, fut suivie d'une distribution générale (dont tous les exemplaires furent détruits après la défaite de Montfort, ou perdus), comme ensuite en 1297 et en 1300.

    A la suite d'une nouvelle révolte des barons, durant l'été de 1297, hostiles à l'expédition du roi en Flandre, et à ses conséquences financières, le fils du roi doit accepter le 10 octobre un statut, de tallagio non concedendo, et une confirmation (en vieux français) de la Charte des libertés de 1225 et de la Charte des forêts. Le roi scelle ces textes, à Gand, le 5 novembre suivant.
    Le texte de la charte de 1225, ainsi que celui de la charte des forêts, est enchâssé dans les lettres patentes publiées le 12 octobre (voir le texte ci-dessous), sous le petit sceau utilisé en l'absence du roi. Mais le différend entre le roi et Robert Winchelsey, l'archevêque de Cantorbéry, persiste, et finalement une nouvelle publication des deux chartes a lieu, dans les mêmes termes, le 28 mars 1300. Le document fait alors l'objet d'une nouvelle distribution dans chacun des comtés. C'est ce texte, très légèrement différent de celui de 1225, qui a été confirmé par la suite. Selon Coke, il y aurait eu par la suite 15 confirmations sous Édouard III, 8 sous Richard II, 6 sous Henry IV et une enfin sous Henri V.

    Cet événement est particulièrement important, car il achève la transformation de la nature de la Magna Carta. Celle-ci était à l'origine un accord de paix, accepté à contrecœur par le roi Jean pour mettre fin à la révolte des barons. Les éditions suivantes étaient dues aux régents pendant la minorité du roi Henry III ; la publication de 1265 imposée au roi par Simon de Montfort. La confirmation de 1297, certes, est due aussi à la conjonction des défaites de l'armée royale et de la révolte des barons, mais la Magna Carta est alors inscrite pour la première fois au rôle des statuts (Statute rolls) et c'est la première pièce que l'on trouve aujourd'hui encore dans la banque de données législatives  du Royaume-Uni.
    En effet, le texte est encore partiellement en vigueur, mais on se rendra rapidement compte en le lisant que seuls 3 articles de cette charte, déclarée inviolable, demeurent en vigueur : il s'agit des articles 1, 9 et 29. Tous les autres ont été abrogés au cours des deux derniers siècles. En Australie (et aussi) et en Nouvelle-Zélande, la Magna Carta constitue symboliquement la première pièce du droit en vigueur.
    Il ne nous reste aujourd'hui que quatre exemplaires de la Magna Carta de 1297 : deux sont en Angleterre, aux archives municipales de Londres et aux archives nationales. Et il y a aujourd'hui un exemplaire de la Magna Carta dans les archives des États-Unis et un autre au Parlement australien, qui lui a consacré un monument. Six exemplaires de la réédition de 1300 ont aussi survécu ; on les trouve aux archives municipales de Londres, aux archives municipales de Faversham, à l'abbaye de Westminster, à la bibliothèque universitaire de Durham, ainsi qu'à Oxford, à Oriel College et à la Bodleian Library.

    Certaines dispositions de la Charte ne peuvent être comprises que dans le contexte de la société féodale, c'est pourquoi il nous a paru indispensable, comme pour les versions précédentes, d'éclairer le lecteur par des notes. Nous avons également indiqué la date d'abrogation de la plupart des articles, selon les indication de la banque de données législatives du Royaume-Uni. Enfin, on trouvera, entre crochets, les variantes de l'édition de 1300.
    Cette traduction peut être librement utilisée et citée, avec mention de la source.
JP Maury.

Voir la Magna Carta, version de 1215.
    Magna Carta, version de 1225.
    Voir la reproduction d'un exemplaire de 1297.
    Confirmatio cartarum de 1297.
    Statut De tallagio non concedendo, 1297.
    Texte en vigueur au Royaume-Uni - Statute Law Database.
    Monument à Runnymède.


 
Édouard, par la grâce de Dieu, roi d'Angleterre, seigneur d'Irlande et duc d'Aquitaine, à tous ceux à qui ces présentes lettres parviendront, salut :

Nous avons examiné la Grande Charte du seigneur Henry,  dernier roi d'Angleterre, notre père, concernant les libertés d'Angleterre en ces termes :

Henry, par la grâce de Dieu, roi d'Angleterre, seigneur d'Irlande, duc de Normandie et d'Aquitaine, et comte d'Anjou, à tous les archevêques, évêques, abbés, prieurs, comtes, barons,  shérifs, prévôts, conseillers et à tous ses baillis et fidèles sujets, qui verront la présente charte, salut.

Sachez que, eu égard à Dieu [tout-puissant], et pour le salut de notre âme et des âmes de tous nos prédécesseurs et de nos successeurs, pour la plus grande gloire de la Sainte Église, et pour la réformation de notre royaume, nous avons donné et accordé, de notre propre et bonne volonté, aux archevêques, évêques, abbés, prieurs, comtes, barons, et à tous ceux de notre royaume, les libertés suivantes, pour qu'ils les tiennent dans notre royaume d'Angleterre, à perpétuité.

1.
D'abord, nous accordons pour Dieu, et par la présente charte nous confirmons, pour nous et pour nos héritiers, à perpétuité, que l'Église d'Angleterre est libre et jouit de tous ses droits complets et de toutes ses libertés inviolables. Nous accordons aussi et nous donnons à tous les hommes libres de notre royaume, pour nous et pour nos héritiers à perpétuité, les libertés suivantes pour qu'ils les aient et les tiennent, eux et leurs héritiers, de nous et de nos héritiers, à perpétuité.

2. [abrogé 1863]
Si l'un de nos comtes ou barons, ou des autres qui tiennent directement [tenanciers en chef] des terres de nous, sous la redevance d'un service militaire, vient à mourir, laissant à sa mort un héritier majeur et qui nous doit le relief, celui-ci, pour entrer en possession de son héritage, ne paiera que l'ancien relief, à savoir : l'héritier ou les héritiers d'un comte, pour tout le comté, 100 livres ; l'héritier ou les héritiers d'un baron, pour toute la baronnie, 100 marks ; l'héritier ou les héritiers d'un chevalier, pour tout le fief du chevalier, cent shillings au plus, et tous les autres, à proportion, conformément à l'ancienne coutume féodale.

3. [abrogé 1863]
Mais si l'héritier d'un de ceux-ci est mineur, le seigneur n'aura pas sa tutelle, ni celle de ses terres avant d'avoir reçu son hommage, et après cela l'héritier sera sous tutelle. Et après qu'il ait été en tutelle, lorsqu'il atteindra sa majorité, c'est-à-dire vingt et un an, il sera mis en possession de son héritage, sans relief ni taxe ; toutefois, s'il est fait chevalier, alors qu'il est mineur, ses terres resteront néanmoins à la garde du seigneur jusqu'au terme ci-dessus.

4. [abrogé 1863]
Le gardien des terres d'un héritier mineur ne pourra prendre de ces terres qu'un revenu raisonnable, des rentes et des services raisonnables, et sans dommage ni abus des hommes et des biens. Et si nous avons donné la garde de ces terres à un shérif ou à quelque personne qui doit nous en rendre compte, et qu'il y fasse quelque dommage ou abus, nous promettons de l'obliger à réparer et de donner la garde des terres à deux hommes loyaux et prudents du même fief, qui en seront responsables devant nous ou devant celui que nous aurons désigné à cette fin. Et si nous donnons ou vendons la garde de ces terres à quelqu'un qui provoque des dommages ou des abus, il sera privé de cette garde et celle-ci transférée à deux hommes loyaux et prudents du même fief qui seront responsables devant nous de la même manière.

5. [abrogé 1863]
Le gardien, de plus, tant qu'il a la garde des terres de l'héritier, doit maintenir en bon état les maisons, parcs, viviers [garennes], étangs, moulins et autres dépendances, avec les revenus de ces terres. Et il doit rendre à l'héritier, à sa majorité, tout son domaine, pourvu des charrues  et de toutes les autres choses, au moins tel qu'il l'a reçu. Tout cela sera observé pour la tutelle sur les archevêchés, évêchés, abbayes, prieurés, églises et les dignités qui sont vacants et qui nous appartiennent ; sauf que ces tutelles ne seront pas vendues.

6. [abrogé 1863]
Les héritiers peuvent être mariés, mais sans mésalliance.

7. [abrogé 1925 et 1969]
Une veuve recevra, aussitôt après la mort de son mari, et sans aucune difficulté, sa dot et son héritage. Elle ne sera pas obligée de payer pour son douaire, sa dot ou son héritage, sur les biens que son mari et elle possédaient le jour du décès de son mari. Elle pourra demeurer dans la maison principale de son mari, quarante jours après le jour de sa mort, et pendant ce temps-là on lui assignera son douaire, s'il ne lui avait pas été assigné avant, et sauf si la maison est un château. Si elle quitte le château, elle sera pourvue d'une maison correcte, dans laquelle elle pourra habiter convenablement jusqu'à ce que son douaire lui soit assigné comme susdit. Elle aura des moyens de subsistance raisonnables sur les revenus des biens communs. Et pour son douaire, elle recevra le tiers des terres possédées par son mari durant sa vie, sauf si ce douaire a été réglé à une moindre portion par contrat de mariage.

Aucune veuve ne sera contrainte à se marier, aussi longtemps qu'elle souhaitera vivre sans mari. Mais elle sera tenue de donner caution qu'elle ne se remariera point sans notre consentement, si elle relève de la Couronne, ou sans celui de son seigneur, si elle relève d'un autre.

8. [abrogé 1969]
Ni nous, ni nos baillis ne ferons saisir une terre ou une rente pour dettes, tant que le débiteur aura des biens meubles pour payer sa dette et qu'il sera disposé à satisfaire son créancier. Ceux qui l'auront cautionné ne seront point saisis, tant que le débiteur principal est capable de payer sa dette. Si le débiteur principal ne paie point, par défaut de moyens, ou, bien qu'il les possède, parce qu'il ne le veut pas, les garants seront responsables de la dette. Et ceux-ci auront les biens et les rentes du débiteur, s'ils le désirent, pour le montant de la dette payée pour lui, à moins que le principal débiteur ne puisse prouver qu'il a rempli ses obligations à leur égard.

9.
La cité de Londres jouira de toutes ses anciennes libertés et de ses libres coutumes. En outre, nous voulons et accordons à toutes les autres cités, les bourgs, les villes, les barons des cinq ports et tous les ports, qu'ils puissent jouir de toutes leurs libertés et libres coutumes.

10. [abrogé 1948]
Personne ne sera obligé de faire plus de service qu'il n'en doit, à raison de son fief de chevalier ou d'une autre tenure libre.

11. [abrogé 1879]
La Cour des plaids communs ne suivra plus notre cour, mais se tiendra dans un lieu fixe.

12. [abrogé 1879]
Les procès de nova disseisina [nouvelle dessaisine] et de morte antecessoris [mort d'un ancêtre] seront jugés par le tribunal du comté dont dépendent les parties et de la manière suivante. Nous, ou, si nous sommes absent du royaume, notre Grand Justicier, enverrons nos juges une fois l'an dans chaque comté qui, avec des chevaliers de ces comtés, tiendront les sessions de la cour du comté. Les affaires qui ne peuvent pas être terminées au départ des juges qui avaient été envoyés pour tenir ces sessions, ne peuvent être jugées par eux ailleurs dans leur circuit. Et les affaires qui, en raison de leurs difficultés, ne pourront pas être décidées par ces mêmes juges, seront portées à la cour du banc du Roi pour y être jugées.

13. [abrogé 1863]
Les audiences de ultima presentatione [dernière présentation aux bénéfices d'une église vacante] auront lieu devant la Cour du Banc du roi et ces affaires y seront  jugées.

14. [abrogé 1967]
Un homme libre ne sera mis à l'amende pour une infraction mineure que suivant le mode de l'infraction ; et pour une infraction grave, proportionnellement à son importance, mais sans être privé de ses moyens de subsistance. Et un marchand, de la même manière, ne peut être privé de sa marchandise ; et un vilain, s'il appartient à un autre que nous, sera mis à l'amende de la même manière, sans être privé de ses instruments de travail (salvo waynagio), au cas où il serait à notre merci. Aucune de ces amendes ne sera infligée que sur le serment d'hommes honnêtes et justes du voisinage.

Les comtes et les barons ne seront mis à l'amende que par leurs pairs et seulement selon le mode de l'infraction.

Nul ecclésiastique  ne sera mis à l'amende selon la valeur de son bénéfice ecclésiastique, mais selon la valeur de ses biens laïcs et l'importance de son crime.

15. [abrogé 1969]
Aucune ville ni aucun homme ne sera obligé de bâtir des ponts sur les rivières, excepté ceux qui étaient jadis légalement tenus de le faire.

16. [abrogé 1969]
Aucune berge désormais ne sera réservée, excepté celles qui l'étaient déjà à l'époque du roi Henry, notre aïeul, aux mêmes endroits et avec les mêmes limites qui étaient coutumières à l'époque.

17. [abrogé 1892]
Aucun shérif, connétable, eschéator, coroner ou l'un de nos baillis, ne peut tenir les plaids au nom de la couronne.

18. [abrogé 1947]
Si quelqu'un tenant de nous un fief laïc meurt, et que le shérif, ou notre bailli produise nos lettres patentes de semonce pour prouver que le défunt était notre débiteur, il sera permis à notre shérif ou à notre bailli de saisir et d'enregistrer tous les biens et effets du défunt trouvés dans ce même fief, jusqu'à concurrence du montant de la dette, sous le contrôle de quelques hommes justes, afin que rien ne soit détourné jusqu'à ce que la dette nous soit payée. Le surplus sera laissé entre les mains des exécuteurs du testament du défunt ; et s'il se trouve que le défunt ne nous devait rien, tous les biens seront dévolus selon les volontés du défunt, sous réserve d'une part raisonnable pour sa veuve et ses enfants.

19. [abrogé 1863]
Aucun connétable ou aucun de ses baillis ne prendra du grain ou d'autres fournitures à une personne, qui n'est pas de la ville où se trouve le château, à moins qu'il ne paie comptant, sauf si le paiement a été reporté avec l'accord du vendeur ; mais si le vendeur est de la ville où se trouve le château, il sera payé dans les quarante jours.

20. [abrogé 1863]
Aucun connétable ne pourra contraindre un chevalier à payer pour la garde des châteaux s'il celui-ci veut l'assurer par lui-même, ou s'il en charge un autre homme probe, dans le cas où il ne peut le faire lui-même pour un motif valable. De plus, si nous avons conduit ou envoyé un chevalier à l'armée, il sera relevé de la garde des châteaux pour le temps où il aura assuré son service auprès de nous, pour le compte du fief pour lequel il doit le service militaire.

21. [abrogé 1863]
Aucun de nos shérifs ou baillis, ou celui d'un autre ne prendra les chevaux ou les chariots de quelqu'un pour faire le charroi, sans payer conformément au tarif fixé auparavant, à savoir : pour un chariot avec deux chevaux, dix deniers par jour, et pour un chariot avec trois chevaux, quatorze deniers par jour. Aucun de nos baillis susdits ne prendra un chariot appartenant à un membre du clergé, à un chevalier ou à un seigneur.

Ni nous, ni nos baillis, ni aucun autre ne prendront le bois qui ne nous appartient pas, pour nos châteaux, ou pour nos autres besoins, sans l'accord du propriétaire de ce bois.

22. [abrogé 1948]
Nous ne retiendrons qu'un an et un jour les terres de ceux qui seront convaincus de crime grave, ensuite ces terres seront remises aux seigneurs de ces fiefs.

23. [abrogé 1969]
Désormais, tous les barrages à poissons doivent être enlevés de la Tamise, de la Medway, et dans toute l'Angleterre, excepté sur le rivage de la mer.

24. [abrogé 1863]
Désormais, le mandat de praecipe ne sera plus adressé à quiconque, en ce qui concerne une tenure, s'il doit faire perdre à un homme libre son droit à un procès devant son tribunal naturel.

25. [abrogé 1948]
Il y aura une même mesure pour le vin dans tout notre royaume, et une mesure pour la bière, et une mesure pour le grain, à savoir le quarter de Londres, et une largeur pour le drap qu'il soit teint, droguet ou halberget, à savoir deux aunes entre les lisières ; il en sera pour les poids comme pour les mesures.

26. [abrogé 9 Geo. et 10 Geo.]
Rien ne sera payé à l'avenir pour un mandat d'enquête par celui qui demande une enquête « sur la vie ou les membres » (Inquisition of life or limbs), mais il sera accordé gratuitement et jamais refusé.

27. [abrogé 1863]
Si quelqu'un tient de nous des terres en ferme, en socage ou en bourgage, et quelques terres d'un autre seigneur, sous la redevance d'un service militaire, nous ne prétendrons point, à raison de ferme, de socage ou de bourgage, avoir la garde noble de l'héritier mineur, ou de la terre qui qui est tenue en fief d'un autre seigneur. Nous ne prétendrons pas même à la garde de la ferme, du socage ou du bourgage, sauf si la ferme est grevée d'un service militaire. Nous ne prétendrons point avoir la garde noble de l'héritier ni d'une terre qu'il tient d'un autre seigneur sous l'obligation d'un service militaire, à raison de quelque tenure en petite sergenterie [small serjeanty], qu'il tient de nous pour un service payé en couteaux, en flèches, ou choses de cette nature.

28. [abrogé 1863]
A l'avenir, aucun bailli ne peut traduire quelqu'un en justice, ou l'obliger à prêter serment, sur sa simple accusation, s'il ne présente pas à cette fin des témoins fiables.

29.
A l'avenir, aucun homme libre ne sera arrêté ni emprisonné, ou dépossédé de sa tenure libre, de ses libertés ou de ses libres coutumes ou déclaré hors-la-loi, ou exilé, ou exécuté de quelque manière que ce soit, et nous n'agirons pas contre lui et nous n'enverrons personne contre lui, sans un jugement légal de ses pairs et conformément à la loi du pays.

Nous ne vendrons pas, nous ne refuserons ou ne différerons pas le droit ou la justice.

30. [abrogé 1969]
Tous les marchands, s'ils n'ont pas été auparavant interdits publiquement, pourront, librement et en toute sûreté, quitter l'Angleterre, et venir en Angleterre, y demeurer, et voyager en Angleterre tant par la route que par bateau, pour acheter ou pour vendre, sans aucun péage irrégulier, selon les anciennes et justes coutumes, excepté en temps de guerre. Et si ces marchands sont d'un pays en guerre contre nous, s'ils se trouvent dans notre royaume au commencement d'une guerre, ils seront détenus, sans aucun dommage pour leurs personnes ni leurs biens, jusqu'à ce que nous, ou notre Grand Justicier, soyons informés de la manière dont nos marchands sont traités dans le pays en guerre contre nous, et si les nôtres sont saufs, les autres seront en sécurité dans notre pays.

31. [abrogé 1863]
Si quelqu'un possède une tenure dans une échoite, [une baronnie qui vient à nous échoir], comme les honneurs de Wallingford, de Boulogne, de Nottingham, de Lancastre ou d'autres échoites, qui sont entre nos mains et qui sont des baronnies, et s'il meurt, son héritier ne nous donnera d'autre relief ou d'autre service que ceux qu'il aurait donnés au baron, si elle était restée entre les mains du baron. Et nous voulons la tenir de la même manière que le baron la tenait. Nous ne prétendrons pas, au motif d'une telle baronnie ou échoite, avoir l'échoite ou la garde noble de l'un de nos vassaux, sauf si celui qui a une tenure d'une baronnie ou d'une échoite, est aussi notre tenancier en chef.

32. [abrogé 1887]
A l'avenir, aucun homme libre ne pourra vendre ou donner aucune partie de sa terre, à moins que ce qui lui reste soit suffisant pour rendre au seigneur de ce fief le service qui lui est du pour ce fief

33. [abrogé 1863]
Tous les patrons d'abbayes qui possèdent des chartes d'avouerie des rois d'Angleterre, ou qui en ont la tenure ou la possession de longue date, en auront la garde lorsqu'elles seront vacantes, comme il se doit et comme il est dit plus haut.

34. [abrogé 1863]
Personne ne sera arrêté ou emprisonné sur la dénonciation d'une femme, pour la mort d'un autre homme que son propre mari.

35. [abrogé 1887]
A l'avenir, la cour du comté se tiendra une fois par mois, et si une plus grande période entre les sessions est d'usage, cet usage sera respecté. Aucun shérif ou bailli ne tiendra sa tournée des hundreds que deux fois l'an, et ceci seulement dans les lieux convenables et habituels, c'est-à-dire la première fois après Pâques, et la seconde après la fête de saint Michel. Et l'inspection du franc-pleige aura également lieu à la période de la Saint Michel sans abus, de telle sorte que chacun jouisse des libertés dont il jouissait à l'époque de notre aïeul le roi Henry ou qu'il a obtenues depuis. De plus, l'inspection du franc-pleige sera faite de telle sorte que la paix du roi soit respectée, que la cour de dizaine ait intégralement lieu comme il convient, et que le shérif ne commette pas d'abus et se contente de ce que les shérifs avaient l'habitude de prendre pour cette inspection à l'époque du roi Henry notre aïeul.

36. [abrogé 1863]
A l'avenir, il ne sera pas permis de donner ses terres à une maison religieuse et de prendre les mêmes terres en tenure de la même maison ; ni permis à quelque maison religieuse de recevoir ainsi les terres de quelqu'un et de les donner à celui de qui elle les a reçus. Par conséquent, si à l'avenir quelqu'un donne sa terre à une maison religieuse et est convaincu de cela, son don sera complètement nul et la terre reviendra au seigneur du fief.

37. [abrogé 1863]
L'écuage, à l'avenir, sera perçu comme il était habituellement perçu à l'époque du roi Henry, notre aïeul. Et les archevêques, évêques, abbés, prieurs, templiers, hospitaliers, comtes, barons, et tous les autres, tant les laïcs que les ecclésiastiques, continueront à jouir de toutes les libertés et libres coutumes dont ils jouissaient autrefois.

En outre, toutes les coutumes susdites et les libertés que nous avons accordées pour être observées dans notre royaume, en ce qui concerne nos relations envers nos tenanciers, seront observées par tous ceux de notre royaume, tant les clercs que les laïcs, en ce qui concerne leurs relations envers leurs tenanciers.

En outre, pour ces libertés que nous avons accordées et données, et pour les autres libertés contenues dans la charte des libertés de nos forêts, les archevêques, évêques, abbés, prieurs, comtes, barons, chevaliers, tenanciers libres, et tous ceux de notre royaume nous ont donné la quinzième partie de tous leurs biens meubles. Et nous leur avons accordé, pour nous et nos héritiers, que ni nous ni nos héritiers ne rechercherons le moyen de violer ou d'abolir les libertés contenues dans la présente charte ; et si nous l'obtenions de quelqu'un, cela serait nul et non avenu.

Sont témoins : le seigneur Étienne, archevêque de Cantorbéry, les évêques Eustache de Londres, Jocelyn de Bath, Pierre de Winchester, Hugues de Lincoln, Richard de Salisbury, Benoît de Rochester, Guillaume de Worcester, Jean d'Ely, Hugues de Hereford, Raoul de Chichester, Guillaume d'Exeter ; l'abbé de Saint-Albans, l'abbé de Saint-Edmond, l'abbé de l'abbaye de la Bataille, l'abbé de Saint-Augustin de Cantorbéry, l'abbé d'Evesham, l'abbé de Westminster, l'abbé de Peterborough, l'abbé de Reading, l'abbé d'Abingdon, l'abbé de Malmesbury, l'abbé de Winchcombe, l'abbé de Hyde, l'abbé de Chertsey, l'abbé de Sherbourne, l'abbé de Cerne, l'abbé de Abbotsbury, l'abbé de Middleton, l'abbé de Selby, l'abbé de Whitby, l'abbé de Cirencester, Hubert de Bourg le Grand Justicier, Renouf comte de Chester et Lincoln, Guillaume comte de Salisbury, Guillaume comte de Varenne, Gilbert de Clare, comte de Gloucester et de Hertford, Guillaume de Ferrieres comte de Derby, Guillaume de Mandeville comte d'Essex, Hugues Bigod comte de Norfolk, Guillaume comte d'Aumale, Honfroy comte de Hereford, Jean connétable de Chester, Robert de Ros, Robert fils-Gautier, Robert de Vieuxpont, Guillaume de Breuer, Richard de Montfichet, Pierre fils-Herbert, Mathieu fils-Herbert, Guillaume d'Aubigny, Robert Gresley, Renaud de Braouse, Jean de Monmouth, Jean fils-Alain, Hugues de Mortimer, Gautier de Beauchamp, Guillaume de Saint-Jean, Pierre de Mauley, Brian de Lille, Thomas de Moulton, Richard d'Argenton, Geofroy de Neville, Guillaume Mauduit, Jean de Balon et autres. 

Donné à Westminster, le onzième jour de février, dans la neuvième année de notre règne.

*

Nous tenons les donations et concessions ci-dessus pour justes et bienvenues, nous les confirmons et concédons pour nous et nos héritiers, et par le contenu de ces présentes, nous les renouvelons. Nous voulons et accordons, pour nous et nos héritiers, que la charte ci-dessus, dans tous et chacun de ces articles, à perpétuité, soit inviolable et observée fermement et strictement, quoique certains articles contenus dans cette charte, n'aient jusqu'ici pas toujours été respectés [nous voulons et nous ordonnons par notre royale autorité qu'ils soient désormais strictement observés]. En témoignage de quoi, nous avons fait faire ces lettres patentes.
Témoin : Édouard notre fils, à Westminster, le douzième jour d'octobre, dans la vingt-cinquième année de notre règne

[Dans les copies de 1300, on trouve :
le vingt-huitième jour de mars de la vingt-huitième année de notre règne.
D'autres copies portent comme témoins : R. archevêque de Cantorbéry (il s'agit de Robert Winchelsey), primat d'Angleterre, A. évêque de Duresme, et autres. Donné à Westminster, de notre main, le vingt-huitième jour de mars de la vingt-huitième année de notre règne.]


Notes :

amendes :  La sanction financière, amercements, remplace la vengeance, mais l'article 14  (20, 21 et 22 en 1215) a pour objet d'éviter que le roi inflige des sanctions arbitraires à ceux qui sont alors, étymologiquement, à merci.
bourgage : redevance due pour la possession d'une maison dans un bourg. Les burgenses sont au nombre de 7871 dans le Domesday Book.
connétable, comes stabuli, constable en anglais : officier exerçant un commandement militaire, gouverneur d'un château royal. On pourrait dire ici châtelain.
coroner : magistrat qui avait à l'époque récupéré certaines  fonctions du shérif.
denier = pence ; sou = shilling = 12 deniers.
écuage : ceux qui possèdent une tenure militaire doivent un service militaire de quarante jours. Ils forment la classe des chevaliers. Pour être dispensés du service militaire, ils versent une compensation en espèces, qui permet au roi de recruter des mercenaires.
eschéator : chargé par le roi d'administrer une échoite (voir aussi l'art. 31).
ferme : mode de tenure. Le tenancier doit acquitter une redevance annuelle fixe.
fief : terres ou droits concédés par le roi ou par un seigneur à un vassal qui lui doit l'hommage et des services ou des redevances. Guillaume le Conquérant avait distribué l'Angleterre en 60.215 fiefs simples.
forêts : une partie du territoire avait le statut de forêts de la couronne. L'assize de Woostock (1184) avait établi la mainmise du roi sur les forêts, en fait d'importantes réserves de chasse (un quart du royaume) soumises à un droit particulier. Jean, comme ses prédécesseurs, étendait ce statut à de nouvelles terres, sans tenir compte de la nature des exploitations : bois, landes, mais aussi terres cultivées et même villages. Ainsi afforest ne signifie pas reboiser et disafforest ne signifie pas défricher. De même les berges avaient été placées in defenso, c'est-à-dire sous la juridiction exclusive de la Couronne. Voir l'article 16 et la charte des forêts de 1217.
franc-pleige (franco plegio) : système de garantie mutuelle. Ainsi, les hommes libres du hundred ou de la dizaine étaient collectivement responsables de leur sécurité et du maintien de la paix. En cas de trouble, de crime, ils étaient les garants du coupable, et devaient payer s'il faisait défaut (voir art. 35).
halberget : il s'agit d'une déformation de haubert qui désignait les cottes de mailles des Normands, ici le mot désignerait l'étoffe usée ou de mauvaise qualité portée sous la cotte de mailles.
hommes libres, appelés également hommes de soc, socagers (d'ou le droit de socage), ou hommes recommandés. Ce sont de petite propriétaires ou des tenanciers qui doivent seulement des corvées légères et le service de soc, c'est-à-dire l'assistance à la cour de justice du hundred. Ils sont 10.097, selon le Domesday Book, auxquels il faut ajouter 2041 hommes libres recommandés et 23.072 socagers.
honneurs : sens ancien de possession,  groupe de fiefs importants.
relief : droit de mutation pour « relever » un fief, payé au suzerain à chaque changement du titulaire. C'est une importante source de revenu pour le roi, qui en abuse.
shérif ou vicomte : chargé à l'époque anglo-saxonne de lever le danegeld, l'impôt destiné à la défense du pays contre les Danois. Après la conquête, il est assimilé au vicomte normand. Officier royal, il collecte les revenus du roi, il est chargé de faire respecter la loi, arrête les criminels et tient la cour du comté.
small serjeanty ou parve serjanterie: le sergent est alors un combattant de rang inférieur, à pied ou à cheval. La tenure en petite sergenterie est accordée sous condition de menus services d'une valeur d'un demi-mark (un mark = 2/3 de livre),  comme broche, bagage, flèche ou arc sans la corde.
socage : pour une tenure non militaire, le service est payé en nature (corvées ou livraison de denrées) ou en espèces (rente).
tenure : terres concédées par le roi directement ou par un seigneur à un tenancier qui lui prête serment d'allégeance et lui doit des redevances ou des services. Le tenancier en chef (tenens in capite), tient ses terres directement du roi. Selon le Domesday Book, il y avait 1400 tenanciers en chef et 7871 sous-tenanciers.
tutelle ou garde noble : lorsque l'héritier d'un fief était mineur, le roi ou le seigneur suzerain en avait la tutelle et la garde des terres. Il les exploite alors à son profit. Il pouvait aussi céder cette tutelle ou la vendre. Les dispositions de la charte visent à limiter les abus sur les biens comme sur les personnes, notamment à protéger les mineures, ainsi que les veuves (voir l'art. 7), qui étaient mariées au plus offrant, données aux fidèles du roi ou devaient payer leur liberté.
vilains : petits cultivateurs libres, ils constituaient une classe inférieure de la population. Ils sont 108.407, selon le Domesday-Book, auxquels on peut assimiler  82.119 bordiers et 6803 côtiers. Au-dessous on trouve encore 25.156 serfs. Mais les vilains ont été privés de leurs terres par le Conquérant, et beaucoup perdent leur liberté et deviennent des serfs ou quasiment. A l'article 14, nous avons traduit waynage par «instruments de travail » ; c'est ce qui est nécessaire au vilain pour subsister ; le mot français correspondant : « gagnage », qui signifie pâturage, a un sens peut-être ici trop limité.
writ of life and limbs est identifié au writ de odio et atia. Les traductions françaises sont fantaisistes ou incompréhensibles. Le writ (un écrit, un bref ou un mandat) permet ici à l'accusé d'invoquer une dénonciation calomnieuse et de demander une enquête soumise au témoignage sous serment de 12 personnes du voisinage, plutôt qu'au duel judiciaire. C'est lié au recul du procès par ordalie, condamné par l'Église, et à son remplacement à terme par le verdict d'un jury. Le jugement par les pairs selon les « anciennes lois »  serait d'origine scandinave et non anglo-saxonne.
art.1 : la question des élections canoniques n'est plus mentionnée.
art. 9 : les cinq ports : Douvres, Hastings, Romney, Hythe et Sandwich, formaient une confédération des ports du Kent et du Sussex qui défendaient l'entrée de l'Angleterre.
art. 11 : Le roi se déplaçant beaucoup, accompagné de ses juges, les plaideurs devaient suivre la cour pour être entendus. Cet article établit la séparation entre la cour des plaids communs qui s'installe à Westminster, avec le Grand Justicier, tandis que les juges du Banc du roi continueront à suivre celui-ci dans ses déplacements.
art.12 : l'article évoque le système établi par les assizes de Clarendon (1166) et Northampton (1176) : des juges royaux itinérants parcourent les comtés (6 circuits) pour juger les crimes les plus graves. Une douzaine de chevaliers ou d'hommes libres assermentés étaient convoqués pour dire le vrai. En matière de tenures, on ne peut être dessaisi sans intervention de la justice. La « nouvelle dessaisine » était réglée par l'assise de 1166 : si le seigneur ou un rival conteste une tenure, celui qui la tenait doit être remis en possession en attendant la décision ; la « mort d'ancêtre » par l'assize de 1176 (art. 4) : si le défunt est mort en saisine de la tenure contestée, son héritier dépossédé doit être remis en possession en attendant la décision.
art. 13 : la Cour du Banc du roi récupère les affaires de « dernière présentation » pour être mis en possession des bénéfices ecclésiastiques. Cet article et les articles 17 et 35 organisent de manière plus précise le fonctionnement des tribunaux et sont favorables à la justice royale.
art. 16 : les berges de rivière étaient réservées pour le plaisir du roi, lorsque celui-ci se livrait à la chasse au faucon.
art. 17 : la justice féodale en matière criminelle avait mauvaise réputation. Il s'agit ici de réserver ces causes au verdict des juges royaux.
art. 18 : part raisonnable : il s'agit d'éviter que le défunt donne tous ses biens à l'Église pour assurer son salut, au détriment de sa famille.
art. 24 : par le mandat de praecipe, le roi pouvait convoquer le justiciable devant le tribunal royal, depuis la Grande assize de 1179. Cela permettait d'éviter le jugement devant la justice seigneuriale. Les barons souhaitent récupérer leur pouvoir de juger les conflits relatifs à la possession des terres.
art. 28 : l'expression ad legem manifestam renvoie au jugement par ordalie et ad juramentum au témoignage sous serment.
art. 29 : les modernes droits de l'homme trouvent leur lointaine origine dans cet article qui place la liberté sous la sauvegarde du jugement des pairs. La version de cet article est plus précise que l'art. 39 de la charte de 1215. Mais il faut se souvenir que seuls les hommes libres pouvaient bénéficier de ce droit et il ne faut pas confondre le jugement et le verdict.
art. 30 : l'incidente nisi publice antea prohibiti fuerint rétablit l'arbitraire royal, qui avait été supprimé par l'article 41 de la version de 1215, à l'égard des marchands étrangers qui pourront à nouveau faire l'objet d'une interdiction générale.
art. 31 : Dans certaines circonstances exceptionnelles (confiscation pour haute trahison ou crime capital, décès sans héritier capable), une baronnie peut revenir au roi, ce sont les « échoites » (terme ancien, du verbe échoir). Que deviennent alors les tenanciers ? Le droit féodal distinguait ceux qui tenaient originellement de la Couronne, ut de corona,et ceux dont la tenure était ainsi revenue à la Couronne : ut de escaeta. Jean a ignoré cette distinction que la Magna Carta vient rappeler, le roi bénéficie seulement des prérogatives qui appartenaient au baron.
art. 33 : le patron ou avoué était le seigneur laïc chargé de défendre les intérêts des églises ou des abbayes. Il possédait le droit de présentation aux bénéfices et le droit de garde pendant les vacances de ces établissements.
art. 34 : L'accusé peut exiger le duel de celui qui l'a dénoncé. Il est privé de ce droit si l'appelant est une femme. L'article vise à limiter les cas, ainsi le viol n'a pas été retenu.
art. 35 : hundred : subdivision des comtés ; il y avait 729 hundreds ou wapentakes (dans les régions occupées par les Danois). C'est aussi le pagus ou centaine, un groupe de cent hommes ou cent foyers, puis un district judiciaire, dôté d'un tribunal local. La centaine et la dizaine sont des groupes d'hommes libres collectivement responsables des actes de chacun, notamment en matière financière et fiscale. C'est parmi ces hommes que l'on désigne les témoins fiables du voisinage ou jurés pour le tribunal local.
art. 37 : on donne parfois de cette disposition une interprétation démocratique : c'est la masse du peuple qui jouirait des règles énoncées dans la Magna Carta. Cela nous paraît toutefois quelque peu anachronique.

Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voyez la fiche Royaume-Uni.
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Jean-Pierre Maury