La Grande Charte des Libertés
Jean sans Terre, devenu le vassal du Saint-Siège en 1213, pour obtenir la levée de son excommunication et de l'interdit jeté par le pape Innocent III sur le royaume d'Angleterre, échoue, en 1214, lors de sa tentative pour récupérer les fiefs français qui lui avaient été enlevés par Philippe Auguste. Il doit alors faire face à la révolte de ses barons qui l'obligent à négocier une charte des libertés destinée à limiter l'arbitraire royal. Le texte n'énonce pas des grands principes ni des règles constitutionnelles précises, mais des mesures pratiques pour mettre fin aux principaux abus et aux pratiques d'extorsions de fonds dont le roi s'était rendu coupable, principalement à l'égard de ses vassaux et de l'Église, ainsi que des marchands ou de la ville de Londres. La plupart des dispositions ne peuvent être comprises que dans le cadre de la société féodale ; elles sont parfois obscures. Mais l'importance du texte est due à plusieurs clauses qui, interprétées par la jurisprudence ou magnifiées par les luttes politiques ultérieures, ont donné à la Magna Carta une dimension mythique, en la faisant apparaître comme la première pièce de la Constitution anglaise, et même le socle du constitutionnalisme occidental tout entier. Magna Carta (1215)
Venant après le statut de Guillaume le Conquérant, la Charte des libertés (1100) d'Henry 1er, censée reprendre les lois d'Édouard le Confesseur (donc, antérieures à la conquête normande), la charte d'Oxford accordée par Étienne de Blois (1136), la charte du couronnement d'Henry II (1154 ) et les constitutions de Clarendon (1164 - conflit avec Becket), la Magna Carta, la Grande Charte des libertés ne constitue pas la première tentative de limitation des pouvoirs du roi et de rappel des libertés des sujets. Par la suite, ses dispositions ont été abrogées ou modifiées, et on trouve ailleurs des documents analogues. Mais justement elle s'inscrit dans une tradition exceptionnellement pérenne. Ainsi, la Magna Carta est à l'origine de trois idées essentielles, dont l'histoire anglaise à permis le développement : le gouvernement par la loi (rule of law), la séparation des pouvoirs grâce au lien entre l'impôt et la représentation au Parlement (pas de taxation sans représentation) et la garantie des libertés.
Le roi a été obligé de signer, sous la contrainte, des engagements précis, qui lui seront régulièrement rappelés. Il se trouvera dès lors placé sous l'autorité de la loi, ce qui servira de précédent, pour limiter ses pouvoirs, lors des grandes étapes de l'évolution « constitutionnelle » du royaume, ainsi qu'aux États-Unis et dans les dominions britanniques.
Ensuite, et même si ces clauses sont oubliées dès l'année suivante, lors des rééditions de la Grande Charte, les dispositions relatives au « commun Conseil du royaume » (articles 12 et 14), seront à l'origine du Parlement. Le lien entre l'impôt et la représentation est établi par l'article 12, véritable socle de la constitution anglaise, et sa violation est à l'origine de la révolution américaine. Ce lien explique la composition du Parlement qui est établie par Simon de Montfort en 1265, et définitivement confirmée, par Édouard 1er, en 1295. Quant à la clause de garantie (article 61), qui sera ultérieurement invoquée contre Henri III (Provisions d'Oxford de 1258), elle fonde un véritable droit à l'insurrection (jus resistendi) sanctionnant les violations de la séparation des pouvoirs.
Enfin, les droits de l'homme trouvent leur matrice dans le fameux article 39 qui interdit tout emprisonnement et autre privation de droits sans le jugement des pairs. Le rappel de cette règle donnera naissance aux principaux textes constitutifs des libertés anglaises, notamment en 1297, en 1628, en 1679 (habeas corpus) ou en 1689.Le texte de la charte est composite, les barons révoltés ont mis leurs griefs par écrit, à l'instigation de l'archevêque de Cantorbéry, et une première mouture fut peut-être rédigée dans l'abbaye cistercienne de Pontigny (en France). Ils proposent 49 clauses, qui sont reprises presque mot à mot dans les articles de la charte, ce qui explique le caractère très circonstanciel de certaines clauses.
Un armistice accepté, les deux parties se rencontrent dans la prairie de Runnymède, le 10 juin 1215. Le roi Jean appose son sceau sur le texte, le 15, et il reçoit le serment d'allégeance des barons le 19 juin.
La Grande Charte a été aussitôt désavouée par Jean sans Terre, et condamnée par le pape Innocent III, qui y voyait, à juste titre, une menace pour l'ordre établi (bulle du 24 août 1215). Les barons font alors appel au fils du roi de France, Louis (futur Louis VIII), qui est proclamé roi d'Angleterre. Mais, la mort de Jean entraîne, avec l'appui de l'Église, le couronnement de son fils Henri III, âgé de neuf ans, dont le tuteur, Guillaume le Maréchal, signe une nouvelle version de la charte, diminuée notamment des dispositions litigieuses relatives au commun Conseil du royaume, et obtient le ralliement des barons.
La Grande Charte a été maintes fois invoquée lors des conflits ultérieurs entre les rois d'Angleterre et leurs barons. Les Anglais distinguent ainsi trois nouvelles éditions de la Charte, en 1216, 1217 et 1225, chaque fois avec des modifications plus ou moins importantes, et les confirmations, par lesquelles les rois, après l'avoir violée, s'engagent à nouveau à la respecter, sans l'altérer.
En 1237, Henry III est ainsi contraint à confirmer la Charte, puis encore en 1253, en 1265, et en 1267 ; son fils Édouard 1er, en 1297, et, selon Coke, il y aurait eu ensuite 15 confirmations sous Édouard III, 8 sous Richard II, 6 sous Henry IV et une enfin sous Henri V. Le Parlement, en 1369, avait interdit toute modification du texte par les parlements ultérieurs, lui conférant ainsi un véritable statut constitutionnel. Mais aujourd'hui de nombreuses dispositions sont obsolètes, et il ne reste plus grand chose du texte originel (voir la banque de données législatives du Royaume-Uni).De nombreuses copies de la Grande Charte furent distribuées, notamment aux évêques et aux barons. Deux manuscrits de la Magna Carta sont conservés à la British Library, deux autres par les cathédrales de Lincoln et de Salisbury. Les textes de ces manuscrits, en latin, présentent de légères variantes, aux articles 48 et 53, ainsi qu'aux articles 56 et 61.
Le texte original latin n'est pas découpé en sections, les clauses sont présentées à la suite, sans numéros. L'usage s'est établi, plus tard, d'une traduction anglaise comportant un préambule et 63 articles. Mais on en trouve aisément plusieurs versions assez différentes :
- La British Library, qui possède dans ses fonds deux manuscrits anciens (Cottonian versions) dits Ci et Cii, publie une traduction, qui est notamment reprise, par The Medieval Source Book à l'université Fordham de New York, et dans la collection Britannia. Cette traduction est la plus proche de l'original latin, mais est parfois obscure ; on peut utiliser avec profit une édition, publiée avec l'original latin dans la Bibliothèque de la Liberté, et assortie de substantiels et indispensables commentaires, dont nous avons tiré certaines notes ;
- une version de style plus moderne, a été préparée pour le National Public Telecomputing Network, aux États-Unis. On la trouve en ligne dans The Avalon Project de la faculté de droit de Yale, dans constitution.org, etc.
- une traduction récente, publiée par Magnacartaplus, s'éloigne un peu de la lettre de l'original, mais nous paraît plus accessible.
Les versions françaises des anciens recueils (Robinet, 1772 ; Dufau, 1821 ; Laferrière, 1869) sont articulées de manière différente (67 articles). Les deux premières contiennent à la fois les principaux articles de la charte de 1215, mais aussi des dispositions extraites des versions de 1216 et 1217, tandis que certains articles sont absents ou abrégés. Une traduction complète plus récente a été publiée dans la collection cliotexte de Genève, mais contient quelques inexactitudes.
Pour réviser la traduction ci-dessous, nous avons utilisé les originaux de la British Library et les textes de la Bibliothèque de la liberté, en essayant de ne pas trop nous éloigner du texte latin et en respectant le style, même lorsqu'il paraît lourd et redondant. Pour mieux comprendre certaines clauses, nous avons utilisé aussi la traduction de Magnacartaplus. Enfin, il nous a paru indispensable d'éclairer le lecteur par des notes inspirées de l'ouvrage Magna Carta: A Commentary on the Great Charter of King John, with an Historical Introduction, de William Sharp McKechnie (Glasgow: Maclehose, 1re éd. 1914).
Les dénombrement de population sont cités d'après l'enquête qui a eu lieu 130 ans avant la rédaction de la Magna Carta, et dont les résultats sont consignés dans le fameux Domesday Book. Nous avons utilisé le tableau que l'on trouve aux pages 511 à 514, du vol. II, du savant ouvrage de Sir Henry Ellis, A general Introduction to Domesday Book, 1833.
Pour faciliter la comparaison avec le texte de 1225, qui a été repris dans les confirmations ultérieures, le numéro des articles est suivi ci-dessous par un signe :
= le texte de 29 articles est repris dans la charte de 1225 ;
+ 10 articles ont été modifiés en 1225 ;
- 24 articles ont été supprimés.
Cette traduction peut être librement utilisée et citée, avec mention de la source.
JP Maury.Magna Carta de 1225.
Magna Carta de 1297.
Jean, par la grâce de Dieu roi d'Angleterre, seigneur d'Irlande, duc de Normandie et d'Aquitaine, et comte d'Anjou, aux archevêques, évêques, abbés, comtes, barons, juges, forestiers, shérifs, prévôts, conseillers et à tous ses baillis et fidèles sujets, salut ;Sachez que, eu égard à Dieu et pour le salut de notre âme, de celles de tous nos prédécesseurs et de nos héritiers, en l'honneur de Dieu, pour la plus grande gloire de la Sainte Église, et la réformation de notre royaume, sur le conseil de nos vénérables pères, Étienne, archevêque de Cantorbéry, primat de toute l'Angleterre et cardinal de la Sainte Église romaine, et Henry, archevêque de Dublin ; des évêques Guillaume de Londres, Pierre de Winchester, Jocelyn de Bath et Glastonbury, Hugues de Lincoln, Gautier de Worcester, Guillaume de Coventry, Benoît de Rochester ; de maître Pandolphe, sous-diacre et membre de la maison de notre seigneur le Pape, du frère Amaury, maître des chevaliers du Temple en Angleterre, et des nobles hommes, Guillaume le Maréchal, comte de Pembroke, Guillaume, comte de Salisbury, Guillaume, comte de Varenne, Guillaume, comte d'Arundel, Alain de Galloway, connétable d'Écosse, Warin fils-Gérald, Pierre fils-Herbert, Hubert de Bourg, sénéchal du Poitou, Hugues de Neville, Mathieu fils-Herbert, Thomas Basset, Alain Basset, Philippe d'Aubigny, Robert de Roppeley, Jean le Maréchal, Jean fils-Hugues, et de nos autres vassaux et hommes-liges :
1. +
D'abord, nous avons accepté au nom de Dieu, et par la présente charte nous avons confirmé, pour nous et pour nos héritiers, à perpétuité, que l'Église d'Angleterre est libre et qu'elle doit jouir de tous ses droits et libertés sans qu'on puisse y toucher ; et nous voulons que cela soit observé ; comme il est évident que la liberté des élections est un droit reconnu comme particulièrement nécessaire et important pour l'Église, nous l'avons accordée, par un acte libre de notre volonté, et avant le différend avec nos barons, et nous l'avons confirmée par la présente charte et nous en avons obtenu la confirmation de notre seigneur le pape Innocent III. Nous observerons cette liberté et nous voulons qu'elle soit observée de bonne foi par nos héritiers à perpétuité.Nous avons aussi accordé à tous les hommes libres de notre royaume, pour nous et pour nos héritiers, à perpétuité, toutes ces libertés énoncées ci-dessous pour qu'ils les aient et les tiennent, eux et leurs héritiers, de nous et de nos héritiers.
2. =
Si l'un de nos comtes ou barons, ou des autres qui tiennent directement [tenanciers en chef] des terres de nous, sous la redevance d'un service militaire, vient à mourir, laissant un héritier majeur et qui doit le relief, celui-ci, pour entrer en possession de son héritage, ne paiera que l'ancien relief, à savoir : l'héritier ou les héritiers d'un comte, pour tout son fief, 100 livres ; l'héritier ou les héritiers d'un baron, pour tout le fief, 100 livres ; l'héritier ou les héritiers d'un chevalier, pour tout le fief du chevalier, cent shillings au plus, et pour tous les autres, à proportion, conformément à l'ancienne coutume féodale.3. =
Mais si l'héritier d'un de ceux-ci est mineur et s'il est sous tutelle, lorsqu'il atteindra sa majorité, il sera mis en possession de son héritage, sans relief ni taxe.4. =
Le gardien des terres d'un héritier mineur ne pourra prendre de ces terres qu'un revenu raisonnable, des rentes et des services raisonnables, et sans dommage ou abus des hommes et des biens. Et si nous avons donné la garde de ces terres à un shérif ou à quelque personne qui doit nous en rendre compte, et qu'il y fasse quelque dommage ou abus, nous promettons de l'obliger à réparer et de donner la garde des terres à deux hommes loyaux et prudents du même fief, qui en seront responsables devant nous ou devant celui que nous aurons désigné à cette fin. Et si nous donnons ou vendons la garde de ces terres à quelqu'un qui provoque des dommages ou des abus, il sera privé de cette garde et celle-ci transférée à deux hommes loyaux et prudents du même fief qui seront responsables devant nous de la même manière.5. =
Le gardien, de plus, tant qu'il a la garde des terres, doit maintenir en bon état les maisons, parcs, viviers, étangs, moulins et autres dépendances, avec les revenus de ces terres. Et il doit rendre à l'héritier, à sa majorité, tout son domaine, pourvu des charrues et autres outils de travail, et accru des revenus que la terre a pu raisonnablement donner.6. =
Les héritiers peuvent être mariés, mais sans mésalliance, et les parents les plus proches seront informés avant que le mariage soit contracté.7. =
Une veuve recevra, aussitôt après la mort de son mari, et sans difficulté, sa dot et son héritage. Elle ne sera pas obligée de payer pour son douaire, sa dot ou son héritage, sur les biens que son mari et elle possédaient le jour du décès du mari. Elle pourra demeurer dans la maison de son mari, quarante jours après sa mort, et pendant ce temps-là on lui assignera son douaire.8. =
Aucune veuve ne sera contrainte à se marier, aussi longtemps qu'elle souhaitera vivre sans mari. Mais elle sera tenue de donner caution qu'elle ne se remariera point sans notre consentement, si elle relève de la Couronne, ou sans celui du seigneur, si elle relève d'un autre.9. =
Ni nous, ni nos baillis ne ferons saisir une terre ou une rente pour dettes, tant que le débiteur aura des biens meubles pour payer sa dette. Ceux qui l'auront cautionné ne seront point saisis, tant que le débiteur principal est capable de payer la dette. Si le débiteur principal ne paie point, par défaut de moyens, on exigera la dette des garants. Et ceux-ci auront les biens et les rentes du débiteur, s'ils le désirent, pour le montant de la dette payée pour lui, à moins que le principal débiteur ne puisse prouver qu'il a rempli ses obligations à leur égard.10. -
Si quelqu'un a emprunté à des Juifs quelque somme d'argent, grande ou petite, et s'il meurt avant que la dette soit payée, l'héritier, s'il est mineur, ne payera point d'intérêt pour cette dette, de qui que ce soit qu'il tienne ses terres. Et si la dette vient à tomber entre nos mains, nous nous contenterons du montant principal mentionné dans le contrat.11. -
Si quelqu'un meurt étant débiteur des Juifs, son épouse aura son douaire, sans payer aucune partie de la dette. Et si le défunt a laissé des enfants mineurs, leur subsistance sera assurée proportionnellement à l'importance des biens du défunt. Et avec le surplus, la dette sera payée, sous réserve des droits du seigneur. Les autres dettes dues à d'autres que des Juifs seront traitées de la même manière.12. -
Nul écuage ou aide ne sera établi dans notre royaume sans le consentement du commun conseil de notre royaume, à moins que ce ne soit pour le rachat [la rançon] de notre personne, pour armer notre fils aîné chevalier, ou pour le mariage de notre fille aînée, une fois seulement ; et dans tous ces cas, nous ne lèverons qu'une aide raisonnable ; il en sera de même pour les aides que nous lèverons sur la cité de Londres.13. =
Et la cité de Londres jouira de toutes ses anciennes libertés et libres coutumes, tant sur la terre que sur l'eau. En outre, nous voulons et nous accordons à toutes les autres cités, les bourgs, les villes et les ports qu'ils puissent jouir de toutes leurs libertés et libres coutumes.14. -
Et, pour avoir le commun conseil du royaume au sujet de l'établissement d'une aide, autrement que dans les trois cas susdits, ou au sujet de l'écuage, nous ferons semondre les archevêques, les évêques, les abbés, les comtes et les grands barons du royaume, individuellement par des lettres ; et, en outre, nous ferons semondre collectivement par nos shérifs et nos baillis, tous nos tenanciers en chef, au jour dit et au lieu dit, avec un délai de quarante jours au moins ; et, dans toutes les lettres de cette semonce, nous déclarerons la cause de la semonce. Et, la semonce étant ainsi faite, la question sera décidée, au jour fixé, selon le conseil de ceux qui se trouveront présents, quand même tous ceux qui auront été semons n'y seraient pas.15. -
Nous promettons de n'accorder à l'avenir à qui que ce soit la permission de lever une aide sur ses francs tenanciers, sauf pour le rachat de sa personne, pour armer chevalier son fils aîné, et pour le mariage de sa fille aînée, une fois seulement. Et dans ces cas, que ce soit une aide raisonnable.16. =
Personne ne sera obligé de faire plus de service qu'il n'en doit, à raison de son fief de chevalier ou d'une autre tenure libre.17. =
La Cour des plaids communs ne suivra plus notre cour, mais se tiendra dans un lieu fixe.18. =
Les procès de nova disseisina [nouvelle dessaisine ou expulsion de possession], de morte antecessoris [mort d'un ancêtre], et de ultima presentacione [dernière présentation aux bénéfices d'une église vacante] seront jugés par le tribunal du comté dont dépendent les parties et de la manière suivante. Nous, ou, si nous sommes absent du royaume, notre Grand Justicier, enverrons deux juges quatre fois l'an dans chaque comté qui, avec quatre chevaliers de ces comtés élus par le comté, tiendront les audiences de la cour du comté, au jour et au lieu où doit se réunir cette cour.19. -
Si les audiences ne peuvent avoir lieu au jour prévu par le tribunal du comté, parmi ceux qui étaient présents au tribunal, quelques chevaliers et des tenanciers libres y resteront, pour une bonne administration de la justice, selon l'importance des affaires à traiter.20. =
Un homme libre ne sera mis à l'amende pour une infraction mineure que suivant le mode d'infraction ; et pour une infraction grave, proportionnellement à son importance, mais sans être privé de ses moyens de subsistance. Et un marchand, de la même manière, ne peut être privé de sa marchandise ; et un vilain, sera mis à l'amende de la même manière, sans être privé de ses instruments de travail, au cas où ils seraient à notre merci. Aucune de ces amendes ne sera infligée que sur le serment d'hommes honnêtes du voisinage.21. =
Les comtes et les barons ne seront mis à l'amende que par leurs pairs et seulement selon le mode d'infraction.22. =
Les clercs seront mis à l'amende en considération de leurs biens laïcs de la manière décrite ci-dessus ; en outre, leur bénéfice ecclésiastique ne sera pas pris en compte.23. =
Aucune ville ni aucun homme ne sera obligé de bâtir des ponts sur les rivières, excepté ceux qui étaient jadis légalement tenus de le faire.24. =
Aucun shérif, connétable, coroner ou l'un de nos baillis, ne peut tenir les plaids au nom de la couronne.25. -
Tous les comtés, centaines, wapentakes et dizaines acquitteront les anciennes rentes, sans augmentation, à l'exception des terres de notre domaine.26. =
Si quelqu'un tenant de nous un fief laïc meurt, et que le shérif, ou le bailli produise nos lettres patentes de semonce pour prouver que le défunt était notre débiteur, il sera permis à notre shérif ou à notre bailli de saisir et d'enregistrer les biens du défunt trouvés dans ce même fief, jusqu'à concurrence du montant de la dette, sous le contrôle de quelques hommes justes, afin que rien ne soit détourné jusqu'à ce que la dette nous soit payée. Le surplus sera laissé entre les mains des exécuteurs du testament du défunt ; et s'il se trouve que le défunt ne nous devait rien, tous les biens du défunt seront dévolus selon les volontés du défunt, sous réserve d'une part raisonnable pour sa veuve et les enfants.27. -
Si un homme libre meurt intestat, ses biens seront distribués par ses plus proches parents et amis, sous le contrôle de l'Église, sous réserve du paiement des dettes du défunt.28. +
Aucun de nos connétables ou baillis ne prendra du grain ou d'autres fournitures à une personne, à moins qu'il ne paie comptant, sauf si le paiement a été reporté avec l'accord du vendeur.29. =
Aucun connétable ne pourra contraindre un chevalier à payer pour la garde des châteaux si celui-ci propose de prendre la garde lui-même, ou, dans le cas où il ne peut le faire pour un motif valable, s'il en charge un autre homme probe. De plus, si nous avons conduit ou envoyé un chevalier à l'armée, il sera relevé de la garde des châteaux pour le temps où il aura assuré son service auprès de nous.30. +
Aucun de nos shérifs ou baillis, ou nul autre ne prendra les chevaux ou les chariots d'un homme libre pour faire le charroi, sans l'accord de cet homme libre.31. =
Ni nous, ni nos baillis ne prendront le bois qui ne nous appartient pas, pour nos châteaux ou pour tout autre usage, sans l'accord du propriétaire de ce bois.32. =
Nous ne retiendrons qu'un an et un jour les terres de ceux qui seront convaincus de crime grave, ensuite ces terres seront remises aux seigneurs de ces fiefs.33. =
Désormais, tous les barrages à poissons doivent être enlevés de la Tamise, de la Medway, et dans toute l'Angleterre, excepté sur le rivage de la mer.34. =
Désormais, le mandat de praecipe, ne sera plus adressé à quiconque, en ce qui concerne une tenure, si cela devait priver un homme libre son droit à un procès devant son tribunal naturel.35. =
Il y aura une même mesure pour le vin dans tout notre royaume, et une mesure pour la bière, et une mesure pour le grain, à savoir le quarter de Londres, et une largeur pour le drap qu'il soit teint, droguet ou halberget, à savoir deux aunes entre les lisières ; il en sera pour les poids comme pour les mesures.36. =
Rien ne sera payé ou pris à l'avenir pour un writ of inquisition of life and limbs[litt. un mandat d'enquête sur la vie et les membres], mais il sera accordé gratuitement et jamais refusé.37. =
Si quelqu'un tient de nous des terres en ferme, en socage ou en bourgage, et quelques terres d'un autre seigneur, sous la redevance d'un service militaire, nous ne prétendrons point, à raison de ferme, de socage ou de bourgage, avoir la garde noble de l'héritier mineur, ou de la terre qui qui est tenue en fief d'un autre seigneur. Nous ne prétendrons pas même à la garde de la ferme, du socage ou du bourgage, sauf si la ferme est grevée d'un service militaire. Nous ne prétendrons point avoir la garde noble de l'héritier mineur ni de la terre qu'il tient d'un autre seigneur sous l'obligation d'un service militaire, à raison de quelque tenure en petite sergenterie [small serjeanty], qu'il tient de nous, pour un service payé en couteaux, en flèches, ou chose de cette nature.38. =
A l'avenir, aucun bailli ne traduira quelqu'un en justice, sur sa simple accusation, s'il ne présente pas à cette fin des témoins fiables.39. =
Aucun homme libre ne sera arrêté ni emprisonné, ou dépossédé de ses biens, ou déclaré hors-la-loi, ou exilé, ou exécuté de quelque manière que ce soit, et nous n'agirons pas contre lui et nous n'enverrons personne contre lui, sans un jugement légal de ses pairs et conformément à la loi du pays.40. =
Nous ne vendrons à personne, nous ne refuserons ou ne différerons pas le droit ou la justice.41. +
Tous les marchands pourront, librement et en toute sûreté, quitter l'Angleterre, et venir en Angleterre, y demeurer, et voyager en Angleterre tant par la route que par bateau, pour acheter et pour vendre, sans aucun péage irrégulier, selon les anciennes et justes coutumes, excepté en temps de guerre et si ces marchands sont d'un pays en guerre contre nous. S'il se trouve de tels marchands dans notre pays au commencement d'une guerre, ils seront détenus, sans aucun dommage pour leurs personnes ni leurs biens, jusqu'à ce que nous, ou notre Grand Justicier, soyons informés de la manière dont nos marchands sont traités dans le pays en guerre contre nous, et si les nôtres sont saufs, les autres seront saufs dans notre pays.42. -
Il sera permis, à l'avenir, à chacun, s'il reste loyal à la Couronne, de sortir de notre royaume, et d'y revenir, librement et en toute sûreté, tant par la route que par bateau, sauf pour de courtes périodes en temps de guerre, pour le bien commun du royaume, à l'exception de ceux qui sont détenus ou proscrits conformément aux lois du royaume, des personnes originaires des pays en guerre contre nous, et des marchands qui seront traités comme il est indiqué ci-dessus.43. =
Si quelqu'un possède une tenure dans une échoite, [baronnie qui vient à nous échoir], comme les honneurs de Wallingford, de Nottingham, de Boulogne, de Lancastre, ou d'autres échoites, qui sont entre nos mains et qui sont des baronnies, et s'il meurt, son héritier ne nous donnera d'autre relief ou d'autre service que ceux qu'il aurait donnés au baron, si cette baronnie était restée entre les mains du baron. Et nous voulons la tenir de la même manière que le baron la tenait.44. =
Les hommes qui demeurent hors de notre forêt ne seront plus tenus désormais de comparaître devant nos juges de la forêt sur des semonces générales, mais seulement s'ils sont directement appelés au procès ou s'ils sont garants pour une ou plusieurs personnes inculpées d'infractions au droit des forêts.45. -
Nous ne voulons nommer comme juge, connétable, shérif ou bailli que ceux qui connaissent le droit du royaume et ont bien l'intention de l'observer.46. =
Tous les barons qui ont fondé des abbayes, dont ils possèdent les chartes des rois d'Angleterre ou dont ils ont la tenure de longue date, auront la garde de ces abbayes, comme il se doit, lorsqu'elles seront vacantes.47. +
Toutes les forêts qui ont été établies sous notre règne seront supprimées sur-le-champ ; et de même pour les berges de rivières qui ont été réservées par nous, sous notre règne.48. -
Toutes les mauvaises coutumes concernant les forêts et les garennes, les gardes-forestiers, les gardes-chasses, les shérifs et leurs agents, les berges des rivières et leurs gardiens, doivent immédiatement faire l'objet d'une enquête, dans chaque comté, par douze chevaliers assermentés, pris parmi les honnêtes gens de ce comté, et elles doivent dans les quarante jours de cette enquête, être complètement abolies, irrévocablement, toujours à condition que nous ayons été préalablement avertis, ou notre Grand Justicier, (si nous ne sommes pas en Angleterre).
[le dernier membre de phrase « si in Anglia non fuerimus », est ajouté au bas de deux des manuscrits, Ci et Cii, conservés à la BL]49. -
Nous rendrons immédiatement les otages et les chartes qui nous ont été remis par les Anglais, en gage de paix et de loyaux services.50. -
Nous priverons complètement de leurs domaines, les parents de Gérard d'Athée, afin qu'ils n'aient plus à l'avenir aucune charge en Angleterre ; à savoir, Engelard de Cigogné, Pierre, Guy et André de Chanceaux, Guy de Cigogné, Geoffrey de Martigny et ses frères, Philippe Marc, ses frères et son neveu Geoffrey, et toute leur engeance.51. -
Dès que la paix sera rétablie, nous bannirons du royaume tous les chevaliers d'origine étrangère, arbalétriers, servants, et mercenaires qui sont venus avec leurs chevaux et leurs armes au détriment du royaume.52. -
Si quelqu'un, sans un jugement légal de ses pairs, a été dépossédé ou privé par nous, de ses terres, de ses châteaux, de ses libertés ou de ses droits, tout lui sera immédiatement restitué ; et si un litige éclate à ce sujet, il sera tranché par le jugement des vingt-cinq barons, dont il est fait mention ci-dessous dans la clause sur la garantie de la paix. En outre, pour tous les biens, dont quelqu'un, sans le jugement légal de ses pairs, a été dépossédé ou privé, par notre père, le roi Henry, ou par notre frère, le roi Richard, et si ces biens sont entre nos mains, ou tenus par d'autres sous notre mandat, nous respecterons le moratoire normalement accordé aux croisés, sauf si le procès a été ouvert ou une enquête ordonnée par nous, avant de prendre la Croix [pour la croisade]. Mais dès que nous serons revenu de cette expédition, ou si par hasard nous y renonçons, nous accorderons immédiatement une pleine justice.53. -
En outre, nous respecterons le même moratoire (et la même manière de rendre la justice), concernant la suppression (ou la conservation de ces forêts), que notre père Henry et notre frère Richard ont établies ; et concernant la garde des terres qui appartenaient en fief à un autre, à savoir les terres que nous avons jusqu'ici données en fief à quelqu'un qui nous doit pour cela le service militaire ; et concernant les abbayes fondées dans d'autres fiefs que le notre propre et pour lesquelles le seigneur du fief réclame son dû ; et quand nous reviendrons de notre expédition, ou si nous y renonçons, nous accorderons immédiatement une pleine justice à tous ceux qui se plaignent de ces affaires.
[Les mots : et eodem modo de justicia exhibenda... vel remansuris forestis sont ajoutés au bas de deux des manuscrits originaux, Ci et Cii, conservés à la BL.]54. =
Personne ne sera arrêté ou emprisonné sur la dénonciation d'une femme, pour la mort d'un autre homme que son propre mari.55. -
Toutes les saisies que nous avons faites injustement et contre la loi du royaume et toutes les amendes établies injustement et contre la loi du royaume, sont entièrement remises, sinon l'affaire sera réglée par la décision des vingt-cinq barons, dont il est fait mention ci-dessous dans la clause sur la garantie de la paix, ou selon le jugement de la majorité d'entre eux. La décision sera prise conjointement par Étienne, archevêque de Cantorbéry, s'il peut être présent, et par tels autres qu'il pourrait souhaiter entendre l'affaire avec lui. Et s'il ne peut être présent, les affaires, néanmoins, seront réglées sans lui, sous réserve que, si l'un des vingt-cinq barons susdits, ou plusieurs, se trouvaient dans un cas similaire, ils devraient être écartés, dans la mesure du possible, en ce qui concerne ce jugement particulier et remplacés par d'autres. Les remplaçants, après avoir été désignés par le reste des vingt-cinq, seront assermentés comme suppléants seulement pour cette affaire.56. =
Si nous avons dépossédé ou privé des Gallois de leurs terres ou de leurs libertés, ou d'autres choses, sans le jugement légal de leurs pairs, en Angleterre ou au Pays de Galles, tout leur sera immédiatement restitué ; et si un litige éclate à ce propos, il sera tranché, dans les Marches, par le jugement de leurs pairs. Aux terres tenues en Angleterre, s'appliquera la loi anglaise, aux terres tenues au Pays de Galles s'appliquera la loi galloise, et aux terres tenues dans les Marches, on appliquera la loi des Marches. Les Gallois agiront de même pour nous et les nôtres.57. -
En outre, pour tous les biens dont quelque Gallois aurait été dépossédé ou privé, sans le jugement légal de ses pairs (en Angleterre ou au Pays de Galles), par le roi Henry, notre père, ou par le roi Richard, notre frère, qui sont encore entre nos mains, ou qui sont tenus par d'autres sous notre mandat, nous respecterons le moratoire normalement accordé aux croisés, sauf si le procès a été ouvert ou une enquête ordonnée par nous, avant de prendre la Croix [pour la croisade]. Mais dès que nous serons revenu de cette expédition, ou si par hasard nous y renonçons, nous accorderons immédiatement une pleine justice, conformément aux lois galloises concernant les régions ci-dessus.
[on trouve les mots « in Anglia vel in Wallia » au manuscrit Ci de la BL]58. -
Nous rendrons immédiatement son fils à Llywelyn et tous les otages gallois et les chartes qu'ils nous ont remises en garantie de la paix.59. =
Nous agirons envers Alexandre, roi des Écossais, concernant le retour de ses soeurs et de ses otages, et concernant ses libertés et son droit, de la même manière que pour nos autres barons d'Angleterre, sauf s'il devait en aller autrement, selon les chartes que nous tenons de Guillaume, son père, l'ancien roi des Écossais ; la question sera tranchée par le jugement de ses pairs à notre cour.60. =
En outre, toutes les coutumes susdites et les libertés que nous avons accordées pour être observées dans notre royaume, en ce qui concerne nos relations envers nos tenanciers, seront observées par tous ceux de notre royaume, tant les clercs que les laïcs, en ce qui concerne leurs relations envers leurs tenanciers.61. -
En outre, puisque, pour Dieu et pour l'amélioration de notre royaume, et pour le meilleur règlement de la querelle qui est survenue entre nous et nos barons, nous avons accordé tout ce qui précède, souhaitant qu'ils en jouissent entièrement et fermement, (à perpétuité), nous donnons et accordons aux barons la garantie suivante : à savoir que les barons désigneront vingt-cinq barons du royaume, quels qu'ils soient, qui, de toute leur force, observeront, maintiendront et feront observer la paix et les libertés que nous leur avons accordées et confirmées par la présente Charte, de telle sorte que, si nous, notre Grand Justicier, ou nos baillis ou n'importe lequel de nos agents commet quelque abus contre quelqu'un ou viole l'un des articles de la paix ou de cette garantie, et si cet abus est notifié à quatre barons parmi les vingt-cinq susdits, ces quatre barons se présenteront à nous, ou à notre Grand Justicier, si nous sommes hors du royaume, et ils dénonceront la faute devant nous, et demanderont que le tort soit redressé sans délai. Et si nous n'avons pas réparé la faute, ou dans le cas ou nous serions hors du royaume, si notre Grand Justicier ne l'avait pas réparée, dans les quarante jours, comptés depuis le moment ou l'abus nous a été dénoncé, ou à notre Grand Justicier, si nous étions hors du royaume, les quatre barons susdits porteront l'affaire devant le restant des vingt-cinq barons. Et ces vingt-cinq barons, conjointement avec les gens de tout le pays, pourront nous saisir et nous contraindre, de toutes les manières possibles, par la saisie de nos châteaux, de nos terres et de nos biens, ou par tout autre moyen possible, sauf violence contre notre personne, et les personnes de la reine et de nos enfants, jusqu'à ce que réparation soit faite selon leur jugement ; et quand la réparation sera obtenue, ils reprendront leurs anciennes relations avec nous. Et quiconque dans notre pays le désire, jurera d'obéir aux ordres des dits vingt-cinq barons, pour l'exécution des affaires susdites, et de les aider à nous contraindre autant qu'ils le peuvent ; et nous accordons publiquement et librement la permission à chacun de prêter ce serment, et nous n'interdirons jamais à quelqu'un de le prêter. En outre, à tous ceux, dans le pays, qui d'eux-mêmes ne voudraient pas jurer d'aider les vingt-cinq à nous contraindre et à nous châtier, nous leur donnerons l'ordre de jurer à cet effet. Et si l'un des vingt-cinq barons meurt, ou quitte le pays, ou est empêché de quelque manière de s'acquitter des obligations précédentes, le restant des vingt-cinq barons désignera un autre à sa place, selon leur jugement, et il prêtera serment en bonne et due forme, de la même manière que les autres. En outre, s'il y avait quelque désaccord parmi les vingt-cinq barons sur quelque affaire, ou si l'un d'eux, après semonce, ne voulait pas ou ne pouvait pas être présent, la majorité de ceux qui sont présents décidera et commandera ce qui doit être arrêté et établi, exactement comme si la totalité des vingt-cinq avaient été d'accord. Les dits vingt-cinq barons doivent jurer d'observer fidèlement tout ce qui est prévu ci-dessus et de le faire observer, de toutes leurs forces. Et personne ne nous procurera, directement ou indirectement, le moyen d'abolir ou de réduire telle partie de ces concessions et libertés ; et si une telle chose advenait, elle serait nulle et non avenue, et nous n'en userions jamais, ni personnellement ni par l'intermédiaire de quelqu'un d'autre.
[les mots « in perpetuum » figurent au manuscrit Ci]62. -
Et nous avons complètement remis et pardonné à chacun toutes les malveillances, haines, et rancoeurs, survenues entre nous et nos vassaux, clercs et laïcs, depuis le début de la querelle. En outre, toutes les offenses provoquées par ladite querelle, de Pâques dans la seizième année de notre règne jusqu'au rétablissement de la paix, nous les avons totalement remises à tous, les clercs et les laïcs, et complètement pardonnées, en ce qui nous concerne. De plus, à ce titre, nous avons fait faire des lettres patentes au seigneur Étienne, archevêque de Cantorbéry, au seigneur Henry, archevêque de Dublin, aux évêques cités plus haut, et à maître Pandolphe, touchant les garanties et les concessions susdites.63. -
Par conséquent, nous voulons et nous ordonnons fermement que l'Église d'Angleterre soit libre et que les hommes de notre royaume aient et gardent les libertés énoncées ci-dessus, les droits et les concessions, réellement et pacifiquement, librement et paisiblement, complètement et intégralement, pour eux-mêmes et pour leurs héritiers, de nous et de nos successeurs, en toutes circonstances et en tout lieu, à perpétuité, ainsi qu'il est déclaré ci-dessus. En outre, nous prêtons serment, tant nous que les barons, que les dispositions ci-dessus seront observées de bonne foi et sans mauvaises intentions.Donné de notre main, en présence des témoins désignés ci-dessus et de maints autres, dans la prairie qui est appelée Runnymède, entre Windsor et Staines, le quinzième jour de juin, dans la dix-septième année de notre règne.
Notes :
aide : contribution exceptionnelle et volontaire du vassal à son suzerain. Les abus du roi sont à l'origine de l'article 12 qui rappelle les circonstances ou cette aide est due et qui établit que, par ailleurs, elle doit être consentie par le commun conseil du royaume. On note ici l'omission de la taille, pourtant mentionnée dans la pétition des barons. Cet article, l'un des plus célèbres avec l'article 14, est plus tard à l'origine du principe moderne « pas d'impôt sans représentation ».
amendes : La sanction financière, amercements, remplace la vengeance, mais les articles 20, 21 et 22, ont pour objet d'éviter que le roi inflige des sanctions arbitraires à ceux qui sont alors, étymologiquement, à merci. La distinction entre fines et amercements est établie à l'article 55. La question des fines excessives, c'est-à-dire des saisies confiscatoires est encore l'un des objets de la déclaration de 1689.
bourgage : redevance due pour la possession d'une maison dans un bourg. Les burgenses sont au nombre de 7871 dans le Domesday Book.
connétable, comes stabuli, constable en anglais : officier exerçant un commandement militaire, gouverneur d'un château royal. On pourrait dire ici châtelain (également art. 29).
coroner : magistrat qui avait à l'époque récupéré certaines fonctions du shérif.
denier = pence ; sou = shilling = 12 deniers.
élections canoniques : l'intervention des rois était fréquente dans toute la Chrétienté pour imposer leurs favoris lorsque des charges ecclésiastiques (évêché, abbaye) étaient vacantes. L'Église défend le principe de la liberté des élections. C'est l'origine de la fameuse querelle des investitures qui opposera le pape et l'empereur. Jean avait effectivement accordé la liberté des élections canoniques dès le 21 novembre 1214, mais l'archevêque de Cantorbéry, méfiant, avait continué à soutenir la cause des barons.
écuage : ceux qui possèdent une tenure militaire doivent un service militaire de quarante jours. Ils forment la classe des chevaliers. Pour être dispensés du service militaire, ils versent une compensation en espèces, qui permet au roi de recruter des mercenaires.
ferme : mode de tenure. Le tenancier doit acquitter une redevance annuelle fixe.
fief : terres ou droits concédés par le roi ou par un seigneur à un vassal qui lui doit l'hommage et des services ou des redevances. Guillaume le Conquérant avait distribué l'Angleterre en 60.215 fiefs simples.
forêts : une partie du territoire avait le statut de forêts de la couronne. L'assize de Woostock (1184) avait établi la mainmise du roi sur les forêts, en fait d'importantes réserves de chasse soumises à un droit particulier. Jean, comme ses prédécesseurs, étendait ce statut à de nouvelles terres, sans tenir compte de la nature des exploitations : bois, landes, mais aussi terres cultivées et même villages. Ainsi afforest ne signifie pas reboiser et disafforest ne signifie pas défricher. De même les berges avaient été placées in defenso, c'est-à-dire sous la juridiction exclusive de la Couronne. Voir les articles 47 et 48, ainsi que la charte des forêts de 1217.
halberget : il s'agit d'une déformation de haubert qui désignait les cottes de mailles des Normands, ici le mot désignerait l'étoffe usée ou de mauvaise qualité portée sous la cotte de mailles.
hommes libres, appelés également hommes de soc, socagers (d'ou le droit de socage), ou hommes recommandés. Ce sont de petite propriétaires ou des tenanciers qui doivent seulement des corvées légères et le service de soc, c'est-à-dire l'assistance à la cour de justice du hundred. Ils sont 10.097, selon le Domesday Book, auxquels il faut ajouter 2041 hommes libres recommandés et 23.072 socagers.
honneurs : sens ancien de possession, groupe de fiefs importants.
relief : droit de mutation pour « relever » un fief, payé au suzerain à chaque changement du titulaire. C'est une importante source de revenu pour le roi, qui en abuse.
semondre = inviter, convoquer ; et semonce (summons) = appel du roi aux vassaux.
shérif ou vicomte : chargé à l'époque anglo-saxonne de lever le danegeld, l'impôt destiné à la défense du pays contre les Danois. Après la conquête, il est assimilé au vicomte normand. Officier royal, il collecte les revenus du roi, il est chargé de faire respecter la loi, arrête les criminels et tient la cour du comté.
small serjeanty ou parve serjanterie: le sergent est alors un combattant de rang inférieur, à pied ou à cheval. La tenure en petite sergenterie est accordée sous condition de menus services d'une valeur d'un demi-mark (un mark = 2/3 de livre), comme broche, bagage, flèche ou arc sans la corde.
socage : pour une tenure non militaire, le service est payé en nature (corvées ou livraison de denrées) ou en espèces (rente).
tenure : terres concédées par le roi directement ou par un seigneur à un tenancier qui lui prête serment d'allégeance et lui doit des redevances ou des services. Le tenancier en chef (tenens in capite), tient ses terres directement du roi. Selon le Domesday Book, il y avait 1400 tenanciers en chef et 7871 sous-tenanciers.
tutelle ou garde noble : lorsque l'héritier d'un fief était mineur, le roi ou le seigneur suzerain en avait la tutelle et la garde des terres. Il les exploite alors à son profit. Il pouvait aussi céder cette tutelle ou la vendre. Les dispositions de la charte visent à limiter les abus sur les biens comme sur les personnes, notamment à protéger les mineures, ainsi que les veuves (voir l'art. 8), qui étaient mariées au plus offrant, données aux fidèles du roi ou devaient payer leur liberté.
vilains : petits cultivateurs libres, ils constituaient une classe inférieure de la population. Ils sont 108.407, selon le Domesday-Book, auxquels on peut assimiler 82.119 bordiers et 6803 côtiers. Au-dessous on trouve encore 25.156 serfs. Mais les vilains ont été privés de leurs terres par le Conquérant, et beaucoup perdent leur liberté et deviennent des serfs ou quasiment. A l'article 20, nous avons traduit waynage par « instruments de travail » ; c'est ce qui est nécessaire au vilain pour subsister ; le mot français correspondant : « gagnage », qui signifie pâturage, a un sens peut-être ici trop limité.
writ of life and limbs est identifié au writ de odio et atia. Les traductions françaises sont fantaisistes ou incompréhensibles. Le writ (un écrit, un bref ou un mandat) permet ici à l'accusé d'invoquer une dénonciation calomnieuse et de demander une enquête soumise au témoignage sous serment de 12 personnes du voisinage, plutôt qu'au duel judiciaire. C'est lié au recul du procès par ordalie, condamné par l'Église, et à son remplacement à terme par le verdict d'un jury. Le jugement par les pairs selon les « anciennes lois » (art. 21, 39, 52, 56, 57, 59) serait d'origine scandinave et non anglo-saxonne.
art. 14 : le plus célèbre article de la Charte. Mais cet article ne figurait pas dans la pétition des barons. Les modalités de convocation au commun conseil devaient permettre de noyer les barons dans une assemblée innombrable, sans doute impossible à réunir. Les articles 12 et 14 ne figurent plus, dès 1216, dans les versions ultérieures de la Charte.
art. 17 : Le roi se déplaçant beaucoup, accompagné de ses juges, les plaideurs devaient suivre la cour pour être entendus. Cet article établit la séparation entre la cour des plaids communs qui s'installe à Westminster, avec le Grand Justicier, tandis que les juges du Banc du roi continueront à suivre celui-ci dans ses déplacements.
art. 18 : l'article évoque le système établi par les assizes de Clarendon (1166) et Northampton (1176) : des juges royaux itinérants parcourent les comtés (6 circuits) pour juger les crimes les plus graves. Une douzaine de chevaliers ou d'hommes libres assermentés étaient convoqués pour dire le vrai. En matière de tenures, même si le titre est douteux, on ne peut être dessaisi sans intervention de la justice. La « nouvelle dessaisine » était réglée par l'assise de 1166 : si le seigneur ou un rival conteste une tenure, celui qui la tenait doit être remis en possession en attendant la décision du tribunal ; la « mort d'ancêtre » par l'assise de 1176 (art. 4) : si le défunt est mort en saisine de la tenure contestée, son héritier dépossédé doit être remis en possession en attendant la décision. Ce sont les douze jurés du voisinage qui se prononcent sur le fait, et qui disent ainsi qui était le bénéficiaire de la « dernière présentation » pour être mis en possession.
art. 24 : la justice féodale en matière criminelle avait mauvaise réputation. Il s'agit ici de réserver ces causes au verdict des juges royaux.
art. 25 : hundred, wapentake : subdivision des comtés ; il y avait 729 hundreds ou wapentakes (dans les régions occupées par les Danois). C'est aussi le pagus ou centaine, un groupe de cent hommes ou cent foyers, puis un district judiciaire, dôté d'un tribunal local. La centaine et la dizaine sont des groupes d'hommes libres collectivement responsables des actes de chacun, notamment en matière financière et fiscale. C'est parmi ces hommes que l'on désigne les témoins fiables du voisinage ou jurés pour le tribunal local.
art. 26 : part raisonnable : il s'agit d'éviter que le défunt donne tous ses biens à l'Église pour assurer son salut, au détriment de sa famille.
art. 34 : par le mandat de praecipe, le roi pouvait convoquer le justiciable devant le tribunal royal, depuis la Grande assize de 1179. Cela permettait d'éviter le jugement devant la justice seigneuriale. Les barons souhaitent récupérer leur pouvoir de juger les conflits relatifs à la possession des terres. Mais on en tirera plus tard le principe, reconnu par les modernes déclarations, suivant lequel nul ne peut être attiré devant une juridiction d'exception et privé de sa juridiction naturelle, telle qu'elle a été établie par la loi.
art. 39 : les modernes droits de l'homme trouvent leur lointaine origine dans cet article qui place la liberté sous la sauvegarde du jugement des pairs. Mais il faut se souvenir que seuls les hommes libres pouvaient bénéficier de ce droit et il ne faut pas confondre le jugement et le verdict.
art. 42 : lors du conflit avec Becket, Henri II avait interdit aux membres du clergé de quitter le royaume sans son autorisation. Il s'agit ici de permettre aux clercs de se rendre à Rome sans l'autorisation du roi.
art. 43 : Dans certaines circonstances exceptionnelles (confiscation pour haute trahison ou crime capital, décès sans héritier capable), une baronnie peut revenir au roi, ce sont les « échoites » (terme ancien, du verbe échoir). Que deviennent alors les tenanciers ? Le droit féodal distinguait ceux qui tenaient originellement de la Couronne, ut de corona,et ceux dont la tenure était ainsi revenue à la Couronne : ut de escaeta. Le roi Jean a ignoré cette distinction que la Magna Carta vient rappeler, le roi bénéficie seulement des prérogatives qui appartenaient au baron.
art. 45 : il s'agit d'empêcher la nomination de fidèles du roi originaires des fiefs français perdus.
art. 47 : les berges de rivière étaient réservées pour le plaisir du roi, lorsque celui-ci se livrait à la chasse au faucon.
art. 50 : Il s'agissait de fidèles vassaux qui avaient suivi le roi Jean en Angleterre, lorsqu'il avait été privé de ses domaines français par Philippe Auguste. Les villages d'Athée, Cigogné et Chanceaux se trouvent en Touraine.
art. 54 : L'accusé peut exiger le duel de celui qui l'a dénoncé. Il est privé de ce droit si l'appelant est une femme. L'article vise à limiter les cas, ainsi le viol n'a pas été retenu.
art. 60 : on donne parfois de cet article une interprétation démocratique : c'est la masse du peuple qui jouirait des règles énoncées dans la Magna Carta. Cela nous paraît toutefois quelque peu anachronique, d'où notre traduction.
art. 61 : les vingt-cinq barons désignés furent les comtes de Hertford, Aumâle, Gloucester, Winchester, Héreford, Norfolk, et Oxford, Guillaume le Maréchal le Jeune, Robert fils de Gautier l'Ancien, Gilbert de Clare, Eustache de Vesci, Hugues Bigod, Guillaume de Mowbray, Guillaume Hardell (le maire de Londres), Guillaume de Lanvalei, Robert de Ros, Jean de Lacy (Connétable of Chester), Richard de Perci, Jean fils de Robert, Guillaume Mallet, Geoffrey de Say, Roger de Mumbezon, Guillaume de Huntingfield, Richard de Montfitchet, et Guillaume d'Aubigny. Aucun ne figure parmi les témoins cités au préambule et ce sont tous des adversaires du roi.
art. 62 : le roi autorise ici la diffusion de copies de la Grande Charte.
Pour obtenir davantage d'informations sur le pays et sur le texte ci-dessus,
voyez la fiche Royaume-Uni.
© - 2006 - 2008 - Pour toute information complémentaire, pour signaler une erreur ou correspondre avec nous,
adressez-nous un message électronique.