Digithéque, Jean-Pierre Maury

La Grande Guerre.


Traité de paix entre les puissances alliées
et la Turquie.

(Lausanne, 24 juillet 1923)
Préambule.
Partie I. Clauses politiques (1 à 45).
Partie II. Clauses financières (46 à  63).
Partie III. Clauses économiques (64 à 100).
Partie IV. Voies de communication et questions sanitaires (101 à 118).
Partie V. Clauses diverses (119 à 143).
    La Grande Guerre oppose deux coalitions, progressivement formées à la suite de la crise balkanique de 1875-1878, au cours de laquelle la Russie a tiré les marrons du feu pour l'Autriche et l'Empire britannique. Les Puissances centrales forment un réseau d'alliances pour « assurer le maintien de l'ordre social et politique dans leurs États respectifs » : la Duplice, en 1879, puis la Triplice, en 1882, le rapprochement avec la Grande-Bretagne en 1887, sont explicitement dirigées contre la France et la Russie. Par le Traité des 3-Empereurs, puis le traité de réassurance, elles tentent d'éviter une confrontation avec la Russie dans les Balkans. Mais avec le renouvellement de la Triplice en 1891, la Russie est isolée et, en dépit de l'absence d'affinités idéologiques, elle se rapproche de la France, isolée elle-même depuis la guerre de 1870-1871 : l'entente cordiale entre les deux pays est fondée sur la perception d'une menace commune.
    Au début du XXe siècle, l'Empire britannique sort de son « splendide isolement ». L'accord avec le Japon, en 1902, puis l'entente cordiale avec la France, enfin l'arrangement avec la Russie, en 1907, permettent simplement de concilier les ambitions coloniales de chaque pays. Pourtant, en 1914, les quatre pays vont s'engager simultanément dans la guerre et s'accorder sur des objectifs précis, alors que l'Italie et la Roumanie rompent avec les Puissances centrales, et plus tard entrent en guerre au côté de l'Entente.

    La Grande Guerre, ouverte par le bombardement de Belgrade le 28 juillet 1914, un mois après l'attentat de Sarajévo, s'achève en 1918 par les armistices de Salonique avec la Bulgarie (29 septembre), de Moudros avec la Turquie (30 octobre), de Villa Giusti avec l'Autriche-Hongrie (3 novembre), de Rethondes avec l'Allemagne (11 novembre) et la convention de Belgrade avec la Hongrie (13 novembre).
    Les principaux traités de paix, qui ont mis fin à la Grande Guerre sont :
- le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 entre  les Puissances alliées et associées et l'Allemagne ;
- le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le 10 septembre 1919 entre les Puissances alliées et associées et l'Autriche ;
- le traité de Neuilly-sur-Seine, signé le 27 novembre 1919 entre les Puissances alliées et associées et la Bulgarie ;
- le traité de Trianon, signé le 4 juin 1920 entre les Puissances alliées et associées et la Hongrie ;

- le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Puissances alliées et associées et la Turquie, non ratifié et remplacé par le traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923.
    Des traités complémentaires sont signés par les Principales Puissances alliées avec les autres Puissances alliées, bénéficiaires de territoires transférés : Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie, État serbe-croate-slovène, Grèce, afin de confirmer la reconnaissance de l'indépendance du pays, de garantir les droits des minorités et d'assurer l'ouverture du pays au commerce international,
ainsi qu'avec le Danemark, pour le Slesvig, et même l'Arménie, bientôt abandonnée. De nombreux autres accords permettent de préciser les nouvelles frontières, ainsi de la Yougoslavie ou de la Tchéco-Slovaquie.

    Sur le front de l'Est européen, la Révolution russe permet à la guerre de s'interrompre plus tôt qu'à l'Ouest. L'Allemagne et ses alliés signent les traités de Brest-Litovsk avec l'Ukraine le 9 février 1918, et avec la Russie soviétique le 3 mars 1918 ; avec la Finlande, qui vient de se séparer de la Russie, le 7 mars 1918 ; puis, le traité de Bucarest avec la Roumanie, isolée, le 7 mai 1918. Mais la guerre se poursuit en Russie même avec les forces qui contestent le pouvoir soviétique, tandis que différents groupes nationaux proclament leur indépendance.
    La nouvelle République fédérative des soviets de Russie reconnaît ainsi l'indépendance de plusieurs nouveaux États et signe avec eux des traités de paix  : avec l'éphémère République socialiste finlandaise des travailleurs dès le 10 mars 1918 ; avec l'Estonie, le 2 février 1920 ; la Lituanie, le 12 juillet ; la Lettonie, le 11 août ; la Finlande, le 14 octobre 1920 ; et enfin la Pologne, le 18 mars 1921. Mais, elle parvient à établir des gouvernements soviétiques en Ukraine, en Biélorussie, en Géorgie, en Azerbaïdjan et en Arménie, et elle refuse de reconnaître le rattachement de la Bessarabie à la Roumanie.

    Le dernier des grands traités mettant fin à la Grande Guerre est conclu à l'issue de la conférence de Lausanne, réunie pour mettre fin à la guerre au Proche Orient, à la suite du changement de régime en Turquie, du refus du Gouvernement turc de ratifier le traité de Sèvres, qui avait été signé le 10 août 1920, et de la reprise des combats entre la Grèce et la Turquie. Celle-ci obtient finalement des conditions beaucoup plus favorables qu'à la conférence de Sèvres. En revanche, les Grecs sont définitivement chassés de la rive asiatique de la mer Égée, et les projets d'un État arménien et d'un État kurde sont abandonnés.

    Le traité de paix avec la Turquie est signé à Lausanne, le 24 juillet 1923, et il entre en vigueur le 30 août 1924. En même temps que le traité de paix, d'autres accords sont signés entre différentes parties contractantes :
- la convention concernant le régime des Détroits ;
- la convention concernant la frontière de Thrace ;
- le protocole relatif au territoire de Karagatch, ainsi qu'aux îles d'Imbros et de Tenedos ;
- la convention relative à l'établissement et à la compétence judiciaire;
- la convention commerciale ;
- la convention relative à certaines concessions accordées dans l'Empire ottoman ;
- le protocole relatif à l'accession de la Belgique et du Portugal à certaines dispositions d'actes signés à Lausanne ;
- le protocole relatif à la signature de l'État serbe-croate-slovène ;
- le protocole relatif à l'amnistie ;
- la convention relative au payement de certaines dettes par le Gouvernement hellénique.
    Cet ensemble est complété par la convention relative à l'évaluation et à la réparation des dommages subis en Turquie par les ressortissants des puissances contractantes et le protocole, signés à Paris le 23 novembre 1923. Et il était précédé par la convention du 30 janvier 1923 qui organise l'échange des populations entre la Grèce et la Turquie.
    Enfin, un protocole permet la mise en vigueur de deux traités conclus avec la Grèce lors de la conférence de Sèvres en 1920.

    Le traité a été ratifié par la Grèce le 11 février 1924, la Turquie le 31 mars 1924, l'Empire britannique, l'Italie et le Japon le 6 août 1924, et est entré en vigueur à cette date. La France l'a ratifié le 30 août 1924.

Sources : Journal officiel de la République française, 31 août 1924, p. 8034 et s.


TRAITÉ DE PAIX

L'Empire britannique, la France, l'Italie, le Japon, la Grèce, la Roumanie, l'État serbe-croate-slovène, d'une part,

la Turquie, d'autre part,

Animés du même désir de mettre fin définitivement à l'état de guerre qui, depuis 1914 a troublé l'Orient,

Soucieux de rétablir entre eux les relations d'amitié et de commerce nécessaires au bien-être commun de leurs nations respectives,

Et considérant que ces relations doivent être basées sur le respect de l'indépendance et de la souveraineté des États,

Ont décidé de conclure un traité à cet effet et ont désigné  pour leurs plénipotentiaires, savoir :

Sa Majesté le Roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande et des territoires britanniques au delà des mers,
Empereur des Indes :
Le très honorable sir Horace George Montagu Rumbold, Baronet, G. C. M. G., haut-commissaire à Constantinople ;

Le Président de la République française :
M. le général de division Maurice Pellé, ambassadeur de France, haut-commissaire de la République en Orient, grand officier de l'Ordre national de la Légion d'honneur ;

Sa Majesté le Roi d'Italie :
L'honorable marquis Camille Garroni, sénateur du Royaume, ambassadeur d'Italie, haut-commissaire à Constantinople, grand-croix des Ordres des Saints Maurice et Lazare et de la Couronne d'Italie ;
M. Jules César Montagna, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Athènes, commandeur de l'Ordre des
Saints Maurice et Lazare, grand officier de la Couronne d'Italie ;

Sa Majesté l'Empereur du Japon :
M. Kentaro Otchiai, Jusammi, première classe de l'Ordre du Soleil Levant, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Rome ;

Sa Majesté le Roi des Hellènes :
M. Eleftherios K. Veniselos, ancien président du conseil des ministres, grand-croix de l'Ordre du Sauveur ;
M. Démètre Caclamanos, ministre plénipotentiaire à Londres, commandeur de l'Ordre du Sauveur ;

Sa Majesté le Roi de Roumanie :
M. Constantin I. Diamandy, ministre plénipotentiaire,
M. Constantin Contzesco, ministre plénipotentiaire.

Sa Majesté le Roi des Serbes, des Croates et des Slovènes :
M. le docteur Miloutine Yovanovitch, envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire à Berne.

Le Gouvernement de la Grande Assemblée Nationale de Turquie :
Ismet Pacha, Ministre des Affaires étrangères, député d'Andrinople.
Le docteur Riza Nour Bey, Ministre des Affaires sanitaires et de l'Assistance sociale, député de Sinope.
Hassan Bey, ancien ministre, député de Trébizonde.

Lesquels, après avoir exhibé leurs pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont convenu des dispositions suivantes :

Partie I. Clauses politiques.

Article premier.

À dater de la mise en vigueur du présent traité, l'état de paix sera définitivement rétabli entre l'Empire britannique, la France, l'Italie, le Japon, la Grèce la Roumanie, l'État Serbe-Croate-Slovène, d'une part, et la Turquie, d'autre part, ainsi qu'entre leurs ressortissants respectifs.

De part et d'autre il y aura relations officielles et, sur les territoires respectifs, les agents diplomatiques et consulaires recevront, sans préjudice d'accords particuliers à intervenir, le traitement consacré, par les principes généraux du droit des gens.

Section I. Clauses territoriales.

Article 2.

De la mer Noire à la mer Égée, la frontière de la Turquie est fixée comme il suit (voir carte n° 1) :

1° Avec la Bulgarie :
De l'embouchure de la Rezvaya jusqu'à la Maritza, point de jonction des trois frontières de la Turquie, de la Bulgarie et de la Grèce :
La frontière Sud de la Bulgarie, telle qu'elle est actuellement délimitée ;

2° Avec la Grèce :
De là jusqu'au confluent de l'Arda et de la Maritza :
Le cours de la Maritza.
De là vers l'amont de l'Arda, jusqu'à un point sur cette rivière à fixer sur le terrain dans le voisinage immédiat du village de Tchorek-Keuy :
Le cours de l'Arda.
De là dans la direction du Sud-Est jusqu'à un point situé sur la Maritza, à 1 kilomètre en aval de Bosna-Keuy :
Une ligne sensiblement droite laissant en Turquie le village de Bosna-Keuy. Le village de Tchorek-Keuy sera attribué à la Grèce ou à la Turquie, selon que la majorité de la population y sera reconnue par la Commission prévue à l'Article 5 comme étant grecque ou turque, la population immigrée dans ce village postérieurement au 11 octobre 1922 n'entrant pas en ligne de compte ;
De là jusqu'à la Mer Égée :
Le cours de la Maritza.

Article 3.

De la Mer Méditerranée à la frontière de Perse, la frontière de là Turquie est fixée comme il suit :

1° Avec la Syrie :
La frontière définie dans l'Article 8 de l'Accord franco-turc du 20 octobre 1921 ;

2° Avec l'Irak :
La frontière entre la Turquie et l'Irak sera déterminée à l'amiable entre la Turquie et la Grande-Bretagne dans un délai de neuf mois.

A défaut d'accord entre les deux Gouvernements dans le délai prévu, le litige sera porté devant le Conseil de la Société des Nations.

Les Gouvernements turc et britannique s'engagent réciproquement à ce que en attendant la décision à prendre au sujet de la frontière, il ne sera procédé à aucun mouvement militaire ou autre, de nature à apporter un changement quelconque dans l'état actuel des territoires dont le sort définitif dépendra de cette décision.

Article 4.

Les frontières décrites par le présent Traité sont tracées sur les cartes au 1/1.000.000e annexées au présent Traité. En cas de divergence entre le texte et la carte c'est le texte qui fera foi.

Article 5.

Une Commission de délimitation sera chargée de tracer, sur le terrain, la frontière décrite dans l'Article 2, 2°. Cette Commission sera composée de représentants de la Grèce et de la Turquie, à raison d'un par chaque Puissance, et d'un Président choisi par eux parmi les ressortissants d'une tierce Puissance.

Elle s'efforcera, dans tous les cas de suivre au plus près les définitions données dans le présent Traité, en tenant compte autant que possible, des limites administratives et des intérêts économiques locaux.

Les décisions de la Commission seront prises à la majorité des voix et seront obligatoires pour les Parties intéressées.

Les dépenses de la Commission seront supportées également par les Parties intéressées.

Article 6.

En ce qui concerne les frontières définies par le cours d'un fleuve ou d'une rivière et non par ses rives, les termes « cours » ou « chenal » employés dans les descriptions du présent Traité signifient : d'une part, pour les fleuves non navigables, la ligne médiane du cours d'eau ou de son bras principal et, d'autre part, pour les fleuves navigables, la ligne médiane du chenal de navigation principal. Toutefois, il appartiendra à la Commission de délimitation de spécifier si la ligne frontière suivra, dans ses déplacements éventuels, le cours ou le chenal ainsi défini, ou si elle sera déterminée d'une manière définitive par la position du cours ou du chenal au moment de la mise en vigueur du présent Traité.

A moins de stipulations contraires du présent Traité, les frontières maritimes comprennent les îles et les îlots situés à moins de trois milles de la côte.

Article 7.

Les États intéressés s'engagent à fournir à la Commission de délimitation tous documents nécessaires à ses travaux, notamment des copies authentiques des procès-verbaux de délimitation des frontières actuelles ou anciennes, toutes les cartes à grande échelle existantes, les données géodésiques, les levés exécutés et non publiés, les renseignements sur les divagations des cours d'eau frontières. Les cartes, données géodésiques et levés même non publiés, se trouvant en la possession des autorités turques, devront être remis à Constantinople, dans le plus bref délai possible, dès la mise en vigueur du présent Traité, au Président de la Commission.

Les États intéressés s'engagent, en outre, à prescrire aux autorités locales de communiquer à la Commission tous documents, notamment les plans, cadastres et livres fonciers, et de lui fournir sur sa demande tous renseignements sur la propriété, les courants économiques et autres informations nécessaires.

Article 8.

Les États intéressés s'engagent à prêter assistance à la Commission de délimitation, soit directement, soit par l'entremise des autorités locales, pour tout ce qui concerne le transport, le logement, la main-d'œuvre, les matériaux (poteaux, bornes) nécessaires à l'accomplissement de sa mission.

En particulier, le Gouvernement turc s'engage à fournir, s'il est nécessaire, le personnel technique propre à assister la Commission de délimitation dans l'accomplissement de sa tâche.

Article 9.

Les États intéressés s'engagent à faire respecter les repères trigonométriques, signaux, poteaux ou bornes frontières placés par la Commission.

Article 10.

Les bornes seront placées à distance de vue l'une de l'autre ; elles seront numérotées ; leur emplacement et leur numéro seront portés sur un document cartographique.

Article 11.

Les procès-verbaux définitifs de délimitation, les cartes et documents annexés seront établis en triple original, dont deux seront transmis aux Gouvernements des États limitrophes et le troisième sera transmis au Gouvernement de la République française, qui en délivrera des expéditions authentiques aux Puissances signataires du présent Traité.

Article 12.

La décision prise le 13 février 1914 par la Conférence de Londres, en exécution des Articles 5 du Traité de Londres du 17/30 mai 1913 et 15 du Traité d'Athènes du 1er/15 novembre 1913, ladite décision notifiée au Gouvernement hellénique le 13 février 1914, concernant la souveraineté de la Grèce sur les îles de la Méditerranée orientale, autres que les îles de Imbros, Tenedos et les îles aux Lapins, notamment les îles de Lemnos, Samothrace, Mitylène, Chio, Samos et Nikaria, est confirmée, sous réserve des stipulations du présent Traité relatives aux îles placées sous la souveraineté de l'Italie et visées à l'Article 15. Sauf stipulation contraire du présent Traité, les îles situées à moins de trois milles de la côte asiatique restent placées sous la souveraineté turque.

Article 13.

En vue d'assurer le maintien de la paix, le Gouvernement hellénique s'engage a observer les mesures suivantes dans les îles de Mitylène, Chio, Samos et Nikaria :
1° Aucune base navale ni aucune fortification ne seront établies dans lesdites îles ;
2° Il sera interdit à l'aviation militaire grecque de survoler le territoire de la côte d'Anatolie.
Réciproquement, le Gouvernement turc interdira à son aviation militaire de survoler lesdites îles ;
3° Les forces militaires helléniques dans lesdites îles seront limitées au contingent normal, appelé pour le service militaire, qui pourra être instruit sur place, ainsi qu'à un effectif de gendarmerie et de police proportionné à l'effectif de la gendarmerie et de la police existant sur l'ensemble du territoire hellénique.

Article 14.

Les îles de Imbros et Tenedos, demeurant sous la souveraineté turque, jouiront d'une organisation administrative spéciale composée d'éléments locaux et donnant toute garantie à la population indigène non musulmane, en ce qui concerne l'administration locale ainsi que la protection des
personnes et des biens. Le maintien de l'ordre y sera assure par une police qui sera recrutée parmi la population indigène par les soins et placée sous les ordres de l'administration locale ci-dessus prévue.

Les stipulations conclues ou à conclure entre la Grèce et la Turquie concernant l'échange des populations grecques et turques ne seront pas applicables aux habitants des îles de Imbros et Ténédos.

Article 15.

La Turquie renonce en faveur de l'Italie à tous ses droits et titres sur les îles ci-après énumérées, savoir : Stampalia (Astropalia), Rhodes (Rhodos), Calki (Kharki), Scarpanto, Casos (Casso), Piscopis (Tilos), Misiros (Nisyros), Calimnos (Kalymnos), Leros, Patmos, Lipsos (Lipso), Simi (Symi), et Cos (Kos), actuellement occupées par l'Italie et les îlots qui en dépendent, ainsi que sur l'île de Castellorizo (voir Carte n° 2).

Article 16.

La Turquie déclare renoncer à tous droits et titres, de quelque nature que ce soit, sur ou concernant les territoires situés au  delà des frontières prévues par le présent Traité et sur les îles autres que celles sur lesquelles la souveraineté lui est reconnue par ledit Traité ; le sort de ces territoires et îles étant réglé ou à régler par les intéressés.

Les dispositions du présent Article ne portent pas atteinte aux stipulations particulières intervenues ou à intervenir entre la Turquie et les pays limitrophes en raison de leur voisinage.

Article 17.

L'effet de la renonciation par la Turquie à tous droits et titres sur l'Égypte et le Soudan prendra date du 5 novembre 1914.

Article 18.

La Turquie est libérée de tous engagements et obligations à l'égard des emprunts ottomans garantis sur le tribut d'Égypte, savoir les emprunts de 1855, 1891 et 1894. Les payements annuels effectués par l'Égypte pour le service de ces emprunts constituant aujourd'hui une partie du service de la Dette Publique Égyptienne, l'Égypte est libérée de toutes autres obligations en ce qui concerne la Dette Publique Ottomane.

Article 19.

Des stipulations ultérieures, à intervenir dans des conditions à déterminer entre les Puissances, intéressées, régleront les questions naissant de la reconnaissance de l'État égyptien, auquel ne s'appliquent pas les dispositions du présent Traité relatives aux territoires détachés de la Turquie en vertu dudit Traité.

Article 20.

La Turquie déclare reconnaître l'annexion de Chypre proclamée par le Gouvernement britannique le 5 novembre 1914.

Article 21.

Les ressortissants turcs, établis dans l'île de Chypre à la date du 5 novembre 1914, acquerront, dans les condition de la loi locale, la nationalité britannique et perdront de ce chef la nationalité turque. Toutefois, ils auront la faculté, pendant une période de deux ans à dater de la mise en vigueur du présent Traité, d'opter pour la nationalité turque ; dans ce cas, ils devront quitter l'île de Chypre dans les douze mois qui suivront l'exercice du droit d'option.

Les ressortissants turcs, établis dans l'île de Chypre à la date de la mise en vigueur du présent Traité, et qui, a cet date, auront acquis ou seront en voie d'acquérir la nationalité britannique sur demande faite dans les conditions de la loi locale, perdront également de ce chef la nationalité turque.

Il demeure entendu que le Gouvernement de Chypre aura la faculté de refuser la nationalité britannique aux personnes qui avaient acquis, sans le consentement du Gouvernement turc, une nationalité autre que la nationalité turque.

Article 22.

Sans préjudice des dispositions générales de l'Article 27, la Turquie déclare reconnaître l'abolition définitive de tous droits et privilèges de quelque nature que ce soit, dont elle jouissait en Libye en vertu du traité de Lausanne du 18 octobre 1912 et des Actes y relatifs.
 

2. Dispositions spéciales.

Article 23.

Les Hautes Parties contractantes sont d'accord pour reconnaître et déclarer le principe de la liberté de passage et de navigation, par mer et dans les airs, en temps de paix comme en temps de guerre, dans le détroit des Dardanelles, la Mer de Marmara et le Bosphore, ainsi qu'il est prévu dans la Convention spéciale conclue à la date de ce jour, relativement au régime des Détroits. Cette convention aura même force et valeur au regard des Hautes Parties ici contractantes que si elle figurait dans le présent Traité.

Article 24.

La Convention spéciale, conclue à la date de ce jour, relativement au régime de la frontière décrite dans l'Article 2 du présent Traité, aura même force et valeur au regard des Hautes Parties ici contractantes que si elle figurait dans le présent Traité.

Article 25.

La Turquie s'engage à reconnaître la pleine valeur des Traités de paix et Conventions additionnelles conclus par les autres Puissances contractantes avec les Puissances ayant combattu aux côtés de la Turquie, à agréer les dispositions qui ont été ou seront prises concernant les territoires de de l'ancien Empire allemand, de l'AutrIche, de la Hongrie et de la Bulgarie, et à reconnaître les nouveaux États dans les frontières ainsi fixées.

Article 26.

La Turquie déclare dès à présent reconnaître et agréer les frontières de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Bulgarie, de la Grèce, de la Hongrie, de la Pologne, de la Roumanie, de l'État Serbe-Croate-Slovène et de l'État Tchéco-Slovaque, telles que ces frontières ont été ou seront fixées par les Traités visés à l'Article 25 ou par toutes conventions complémentaires.

Article 27.

Aucun pouvoir ou juridiction en matière politique, législative ou administrative ne seront exercés, pour quelque motif que ce soit, par le Gouvernement ou les autorités de la Turquie hors du territoire turc sur les ressortissants d'un territoire placé sous la souveraineté ou le protectorat des autres Puissances signataires du présent Traité et sur les ressortissants d'un territoire détaché de la Turquie.

Il demeure entendu qu'il n'est pas porté atteinte aux attributions spirituelles des autorités religieuses musulmanes.

Article 28.

Les Hautes Parties contractantes déclarent accepter chacune en ce qui la concerne, l'abolition complète des Capitulations en Turquie à tous les points de vue.

Article 29.

Les Marocains ressortissants français et les Tunisiens seront à tous égards soumis, en Turquie au même régime que les autres ressortissants français.

Les ressortissants libyens seront à tous égards en Turquie, au même régime que les autres ressortissants italiens.

Les dispositions du présent Article ne préjugent pas de  la nationalité des personnes originaires de Tunisie, de Libye et du Maroc établies en Turquie.

Réciproquement, les ressortissants turcs bénéficieront, dans les pays dont les habitants jouissent des dispositions des alinéas 1er et 2, du même régime qu'en France et en Italie respectivement.

Le régime auquel seront soumises en Turquie les marchandises en provenance ou à destination des pays dont les habitants jouissent des dispositions de l'alinéa 1er, et, réciproquement, le régime auquel seront soumises dans lesdits pays les marchandises en provenance ou à destination de la Turquie, seront déterminés d'accord entre le Gouvernement français et le Gouvernement turc.

Section II. Nationalité.

Article 30.

Les ressortissants turcs établis sur les territoires qui, en vertu des dispositions du présent Traité, sont détachés de la Turquie, deviendront, de plein droit et dans les conditions de la législation locale, ressortissants de l'État auquel le territoire est transféré.

Article 31.

Les personnes âgées de plus de dix-huit ans, perdant leur nationalité turque et acquérant de plein droit une nouvelle nationalité en vertu de l'Article 30, auront la faculté, pendant une période de deux ans à dater de la mise en vigueur du présent Traité, d'opter pour la nationalité turque.

Article 32.

Les personnes, âgées de plus de dix-huit ans, qui sont établies sur un territoire détaché de la Turquie en conformité du présent Traité, et qui y diffèrent, par la race, de la majorité de la population dudit territoire, pourront, dans le délai de deux ans à dater de la mise en vigueur du présent Traité, opter pour la nationalité d'un des États où là majorité de la population est de la même race que la personne exerçant le droit d'option, et sous réserve du consentement de cet État.

Article 33.

Les personnes ayant exercé le droit d'option, conformément aux dispositions des Articles 31 et 32, devront, dans les douze mois qui suivront, transporter leur domicile dans l'État en faveur duquel elles auront opté.

Elles seront libres de conserver les biens immobiliers qu'elles possèdent sur le territoire de l'autre État où elles auraient eu leur domicile antérieurement à leur option.

Elles pourront emporter leurs biens meubles de toute nature. Il ne leur sera imposé, de ce fait, aucun droit ou taxe, soit de sortie, soit d'entrée.

Article 34.

Sous réserve des accords qui pourraient être nécessaires entre les Gouvernements exerçant l'autorité dans les pays détachés de la Turquie et les Gouvernements des pays où ils sont établis, les ressortissants turcs, âgés de plus de dix-huit ans, originaires d'un territoire détaché de la Turquie en vertu du présent Traité, et qui, au moment de la mise en vigueur de celui-ci, sont, établis à l'étranger, pourront opter pour la nationalité en vigueur dans le territoire dont ils sont originaires, s'ils se rattachent par leur race à la majorité de la population de ce territoire, et, si le Gouvernement y exerçant l'autorité y consent. Ce droit d'option devra être exercé dans le délai de deux ans à dater de la mise en vigueur du présent Traité.

Article 35.

Les Puissances contractantes s'engagent à n'apporter aucune entrave à l'exercice du droit d'option prévu par le présent Traité ou par les Traités de paix conclus avec l'Allemagne, l'Autriche, la Bulgarie ou la Hongrie, ou par un Traité conclu par lesdites Puissances autres que la Turquie, ou l'une d'elles, avec la Russie, ou entre elles-mêmes, et permettant aux intéressés d'acquérir toute autre nationalité qui leur serait ouverte.

Article 36.

Les femmes mariées suivront la condition de leurs maris et les enfants âgés de moins de dix-huit ans suivront la condition de leurs parents pour tout ce qui concerne l'application des dispositions de la présente Section.

Section III. Protection des minorités.

Article 37.

La Turquie s'engage à ce que les stipulations contenues dans les Articles 38 à 44 soient reconnues comme lois fondamentales, à ce qu'aucune loi, aucun règlement, ni aucune action officielle ne soient en contradiction ou en opposition avec ces stipulations et à ce qu'aucune loi, aucun règlement ni aucune action officielle ne prévalent contre elles.

Article 38.

Le Gouvernement turc s'engage à accorder à tous les habitants de la Turquie pleine et entière protection de leur vie et de leur liberté, sans distinction de naissance, de nationalité, de langue, de race ou de religion.

Tous les habitants de la Turquie auront droit au libre exercice, tant public que privé, de toute foi, religion ou croyance dont la pratique ne sera pas incompatible avec l'ordre public et les bonnes moeurs.

Les minorités non-musulmanes jouiront pleinement de la liberté de circulation et d'émigration sous réserve des mesures s'appliquant, sur la totalité ou sur une partie du territoire, à tous les ressortissants turcs et qui seraient prises par le Gouvernement turc pour la défense nationale ou pour le maintien de l'ordre public.

Article 39.

Les ressortissants turcs appartenant aux minorités non-musulmanes jouiront des mêmes droits civils et politiques que les musulmans.

Tous les habitants de la Turquie, sans distinction de religion, seront égaux devant la loi.

La différence de religion, de croyance ou de confession ne devra nuire à aucun ressortissant turc en ce qui concerne la jouissance des droits civiques et politiques, notamment pour l'admission aux emplois publics, fonctions et honneurs, ou l'exercice des différentes professions et industries.

Il ne sera édicté aucune restriction contre le libre usage par tout ressortissant turc dune langue quelconque, soit dans les relations privées ou de commerce, soit en matière de religion, de presse ou de publications de toute nature, soit dans les réunions publiques.

Nonobstant l'existence de la langue officielle, des facilités appropriées seront données aux ressortissants turcs de langue autre que le turc, pour l'usage oral de leur langue devant les tribunaux.

Article 40.

Les ressortissants turcs appartenant à des minorités non-musulmanes jouiront du même traitement et des mêmes garanties en droit et en fait que les autres ressortissants turcs. Ils auront notamment un droit égal à créer, diriger et contrôler à leurs frais toutes institutions charitables, religieuses ou sociales, toutes écoles et autres établissements d'enseignement et d'éducation, avec le droit d'y faire librement usage de leur propre langue et d'y exercer librement leur religion.

Article 41.

En matière d'enseignement public, le Gouvernement turc accordera dans les villes et districts où réside une proportion considérable de ressortissants non-musulmans, des facilités pour assurer que dans les écoles primaires l'instruction soit donnée dans leur propre langue aux enfants de ces ressortissants turcs. Cette stipulation n'empêchera pas le Gouvernement turc de rendre obligatoire l'enseignement de la langue turque dans lesdites écoles.

Dans les villes ou districts où existe une proportion considérable de ressortissants turcs appartenant à des minorités non-musulmanes, ces minorités se verront assurer une part équitable dans le bénéfice et l'affectation des sommes qui pourraient être attribuées sur les fonds publics par le budget de l'État, les budgets municipaux ou autres, dans un but d'éducation, de religion ou de bienfaisance.

Les fonds en question seront versés aux représentants qualifiés des établissements et institutions intéressés.

Article 42.

Le Gouvernement turc agrée de prendre à l'égard des minorités non-musulmanes, en ce qui concerne leur statut familial ou personnel, toutes dispositions permettant de régler ces questions selon les usages de ces minorités.

Ces dispositions seront élaborées par des commissions spéciales composées en nombre égal de représentants du Gouvernement turc et de représentants de chacune des minorités intéressées. En cas de divergence, le Gouvernement turc et le Conseil de la Société des Nations nommeront d'un commun accord un surarbitre choisi parmi des jurisconsultes européens.

Le Gouvernement turc s'engage à accorder toute protection aux églises, synagogues, cimetières et autres établissements religieux des minorités précitées. Toutes facilités et autorisations seront données aux fondations pieuses et aux établissements religieux et charitables des mêmes minorités actuellement existant en Turquie, et le Gouvernement turc ne refusera pas pour la création de nouveaux établissements religieux et charitables, aucune des facilités nécessaires qui sont garanties aux autres établissements privés de cette nature.

Article 43.

Les ressortissants turcs, appartenant aux minorités non-musulmanes, ne seront pas astreints à accomplir un acte quelconque constituant une violation de leur foi ou de leurs pratiques religieuses, ni frappés d'aucune incapacité s'ils refusent de comparaître devant les tribunaux ou d'accomplir quelque acte légal le jour de leur repos hebdomadaire.

Toutefois, cette disposition ne dispensera pas ces ressortissants turcs des obligations imposées à tous autres ressortissants turcs en vue du maintien de l'ordre public.

Article 44.

La Turquie convient que, dans la mesure où les articles précédents de la présente Section affectent les ressortissants non-musulmans de la Turquie, ces stipulations constituent des obligations d'intérêt international et soient placés sous la garantie de la Société des Nations. Elles ne pourront être modifiées sans l'assentiment de la majorité du conseil de la Société des Nations. L'Empire britannique, la France, l'Italie et le Japon s'engagent, par les présentes, à ne pas refuser leur assentiment à toute modification desdits articles qui serait consentie en due forme par la majorité du Conseil de la Société des Nations.

La Turquie agrée que tout membre du Conseil de la Société des Nations aura le droit de signaler à l'attention du Conseil toute infraction ou danger d'infraction à l'une quelconque de ces obligations, et que le Conseil pourra procéder de telle façon et donner telles instructions qui paraîtront appropriées et efficaces dans la circonstance.

La Turquie agrée, en outre, qu'en cas de divergence d'opinion sur des questions de droit ou de fait concernant ces articles, entre le Gouvernement turc et l'une quelconque des autres Puissances signataires ou toute autre Puissance, membre du Conseil de la Société des Nations, cette divergence sera considérée comme un différend ayant un caractère international selon les termes de l'Article 14 du Pacte de la Société des Nations. Le Gouvernement turc agrée que tout différend de ce genre sera, si l'autre partie le demande, déféré à la Cour permanente de Justice Internationale. La décision de la Cour permanente sera sans appel et aura la même force et valeur qu'une décision rendue en vertu de l'Article 13 du Pacte.

Article 45.

Les droits reconnus par les stipulations de la présente Section aux minorités non musulmanes de la Turquie sont également reconnus par la Grèce à la minorité musulmane se trouvant sur son territoire.

Partie II. Clauses financières.

Section I. Dette Publique Ottomane.

Article 46.

La Dette Publique Ottomane, telle qu'elle est définie dans le tableau annexé à la présente Section sera répartie dans les conditions stipulées dans la présente Section entre la Turquie, les États en faveur desquels des territoires ont été détachés de l'Empire Ottoman à la suite des guerres balkaniques de 1912-1913, les États auxquels les îles visées par les articles 12 et 15 du présent Traité et le territoire visé par le dernier alinéa du présent Article ont été attribuées ; et enfin les États nouvellement créés sur les territoires asiatiques détachés de l'Empire Ottoman en vertu du présent Traité. Tous les États indiqués ci-dessus devront, en outre, participer dans les conditions Indiquées dans la présente Section aux charges annuelles afférentes au service de la Dette Publique Ottomane à partir des dates prévues par l'article 53.

A compter des dates fixées par l'Article 53, la Turquie ne pourra en aucune façon être rendue responsable des parts contributives mises à la charge des autres États.

Le territoire de Thrace qui, au 1er août 1914, était sous la souveraineté ottomane et qui se trouve en dehors des limites de la Turquie fixées par l'Article 2 du présent Traité sera, en ce qui concerne la répartition de la Dette Publique Ottomane, considéré comme détaché de l'Empire Ottoman en vertu dudit Traité.

Article 47.

Le Conseil de la Dette Publique Ottomane devra, dans le délai de trois mois à dater de la mise en vigueur du présent Traité, déterminer sur les bases établies par les Articles 50 et 51 le montant des annuités afférentes aux emprunts visés à la Partie A du Tableau annexé à la présente Section et incombant à chacun des États intéressés et leur notifier ce montant.

Ces États auront la faculté d'envoyer à Constantinople des délégués pour suivre à cet égard les travaux du Conseil de la Dette Publique Ottomane.

Le Conseil de la Dette remplira les fonctions qui sont prévues par l'Article 134 du Traité de paix du 27 novembre 1919 avec la Bulgarie.

Tous différends pouvant surgir entre les parties intéressées relativement à l'application des principes formulés dans le présent Article seront déférés, un mois au plus tard après la notification prévue à l'alinéa premier, à un arbitre que le Conseil de la Société des Nations sera prié de désigner et qui devra statuer dans un délai maximum de trois mois. Les honoraires de l'arbitre seront fixés par le Conseil de la Société des Nations et mis, ainsi que les autres frais d'arbitrage, à la charge des parties intéressées. Les décisions de l'arbitre seront souveraines. Le renvoi audit arbitre ne suspendra pas le payement des annuités.

Article 48.

Les États autres que la Turquie entre lesquels la Dette Publique Ottomane, telle qu'elle est définie dans la Partie A du Tableau annexé à la présente Section, sera répartie, devront, dans le délai de trois mois à compter du jour où la notification leur aura été faite aux termes de l'Article 47 de la part qui leur incombe respectivement dans les charges annuelles visées audit Article, donner au Conseil de la Dette des gages suffisants pour garantir le payement de leur part. Dans le cas où ces gages n'auraient pas été constitués dans le délai susindiqué, ou en cas de divergence sur la convenance des gages constitués, il pourra être fait appel au Conseil de la Société des Nations par tout Gouvernement signataire du présent Traité.

Le Conseil de la Société des Nations pourra confier aux organisations financières internationales existant dans les pays autres que la Turquie entre lesquels la Dette est répartie la perception des revenus donnés en gage. Les décisions du Conseil de la Société des Nations seront souveraines.

Article 49.

Dans le délai d'un mois à compter du jour où il aura été procédé à la détermination définitive, conformément aux stipulations de l'Article 47, du montant des annuités incombant à chacun États intéressés, une commission sera réunie à Paris en vue de fixer les modalités de la répartition du capital nominal de la Dette publique ottomane, telle qu'elle est définie dans la partie A du Tableau annexé à la présente Section. Cette répartition devra être faite d'après les proportions adoptées pour le partage des annuités et en tenant compte des stipulations des conventions d'emprunt ainsi que des dispositions de la présente Section.

La Commission prévue à l'alinéa 1er sera composée d'un représentant du Gouvernement turc, d'un représentant du Conseil de la Dette publique ottomane, d'un représentant de la dette autre que la Dette unifiée et les Lots turcs, ainsi que du représentant que chacun des États intéressés aura la faculté de désigner. Toutes questions sur lesquelles la Commission ne pourrait arriver à un accord seront déférées à l'arbitre prévu par l'Article 47, alinéa 4.

Au cas où la Turquie déciderait de créer de nouveaux titres en représentation de sa part, la répartition du capital de la Dette sera faite en premier lieu, en ce qui concerne la Turquie, par un comité composé du représentant du Gouvernement turc, du représentant du Conseil du la Dette publique ottomane et du représentant de la dette autre que la Dette unifiée et les Lots turcs. Les titres nouvellement créés seront remis à la Commission, qui en assurera la délivrance aux porteurs dans des conditions constatant la libération de la Turquie ainsi que le droit des porteurs à l'égard des autres États auxquels incombe une part de la Dette publique ottomane. Les titres émis en représentation de la part de chaque État dans la Dette publique ottomane seront exempts sur le territoire des Hautes Parties contractantes de tous droit de timbre ou autres taxes qui résulteraient de cette émission.

Le payement des annuités incombant à chacun des États intéressés ne pourra pas être différé par suite des dispositions du présent Article relatives à la répartition du capital nominal.

Article 50.

La répartition des charges annuelles visées à l'Article 47 et celle du capital nominal de la Dette publique ottomane, dont il est fait mention à l'Article 49, seront effectuées de la manière suivante :
1° Les emprunts antérieurs au 17 octobre 1912 et les charges y afférentes seront répartis entre l'Empire ottoman tel qu'il existait à la suite des guerres balkaniques de 1912-1913, les États balkaniques en faveur desquels un territoire a été détaché de l'Empire ottoman à la suite desdites guerres, et les États auxquels les îles visées aux Articles 12 et 15 du présent Traité ont été attribuées ; il sera tenu compte des changements territoriaux intervenus depuis la mise en vigueur des traités qui ont mis fin à ces guerres, ou des traités postérieurs ;
2° Le solde des emprunts restant à la charge de l'Empire ottoman après cette première répartition et le solde des annuités y afférentes, augmentés des emprunts contractés par ledit Empire entre le 17 octobre 1912 et le 1er novembre 1914, ainsi que des annuités y afférentes, seront répartis entre la Turquie, les États nouvellement créés en Asie, en faveur desquels un territoire a été détaché de l'Empire ottoman en vertu du présent Traité, et l'État auquel le territoire visé au dernier alinéa de l'Article 46 dudit Traité a été attribué.

La répartition du capital se fera pour chaque emprunt sur le montant du capital existant à la date de la mise en vigueur du présent Traité.

Article 51.

Le montant de la part incombant à chaque État dans les charges annuelles de la Dette publique ottomane par suite de la répartition prévue à l'article 50 sera déterminé comme il suit :

1° En ce qui concerne la répartition prévue au paragraphe 1° de l'Article 50, il sera d'abord procédé à la fixation de la part incombant à l'ensemble des îles visées aux Articles 12 et 15 et des territoires détachés de l'Empire ottoman à la suite des guerres balkaniques. Le montant de cette part devra être, par rapport à la somme totale des annuités à répartir d'après les dispositions du paragraphe 1° de l'Article 50, dans la même proportion que le revenu moyen total des îles et des territoires susmentionnés, pris en commun, par rapport au revenu moyen total de l'Empire ottoman pendant les années financières 1910-1911 et 1911-1912, y compris le produit des surtaxes douanières établies en 1907.

Le montant ainsi déterminé sera ensuite réparti entre les États auxquels ont été attribués les territoires visés dans l'alinéa précédent et la part qui, de ce fait, incombera à chacun de ces États devra être, par rapport au montant total réparti entre eux, dans la même proportion que le revenu moyen du territoire attribué à chaque État par rapport au revenu moyen total pendant les années financières 1910-1911 et 1911-1912 de l'ensemble des territoires détachés de l'Empire ottoman à la suite des guerres balkaniques et des îles visées aux Articles 12 et 15. Dans le calcul des revenus prévu par le présent alinéa, il ne sera pas tenu compte des recettes des douanes.

2° En ce qui concerne les territoires détachés de l'Empire ottoman en vertu du présent Traité, y compris le territoire visé au dernier alinéa de l'Article 46, le montant de la part incombant à chaque État intéressé devra être, par rapport à la somme totale des annuités à répartir d'après les dispositions du paragraphe 2° de l'Article 50, dans la même proportion que le revenu moyen du territoire détaché par rapport au revenu moyen total de l'Empire ottoman pendant les années financières 1910-1911 et 1911-1912 (y compris le produit des surtaxes douanières établies en 1907), diminué de l'appoint des territoires et îles visés au paragraphe 1°.

Article 52.

Les avances prévues à la Partie B du Tableau annexé à la présente Section seront réparties, entre la Turquie et les autres États visés à l'Article 46, dans les conditions suivantes :
1° En ce qui concerne les avances prévues au Tableau qui existaient au 17 octobre 1912, le montant du capital non remboursé, s'il en existe, à la date de la mise en vigueur du présent Traité, ainsi que les intérêts échus depuis les dates mentionnées au premier alinéa de l'Article 53 et les remboursements effectués depuis ces dates, seront répartis d'après les dispositions prévues par le paragraphe 1° de l'Article 50 et par le paragraphe 1° de l'Article 51;
2° En ce qui concerne les sommes incombant à l'Empire ottoman par suite de cette première répartition et les avances prévues au Tableau qui ont été contractées par ledit Empire entre le 17 octobre 1912 et le 1er novembre 1914, le montant du capital non remboursé, s'il en existe, à la date de la mise en vigueur du présent Traité, ainsi que les intérêts échus depuis le 1er mars 1920 et les remboursements effectués depuis ladite date, seront répartis d'après les dispositions prévues par le paragraphe 2° de l'Article 50 et le paragraphe 2° de l'Article 51.

Le Conseil de la Dette Publique Ottomane devra, dans le délai de trois mois à compter de la mise en vigueur du présent Traité, déterminer le montant de la part de ces avances incombant à chacun des États intéressés et leur notifier ce montant.

Les sommes mises à la charge des États autres que la Turquie seront versées par lesdits États au Conseil de la Dette et seront payés par ce dernier aux créanciers ou portés par lui au crédit du Gouvernement turc jusqu'à concurrence des sommes payées par la Turquie soit comme intérêts, soit, comme remboursements pour le compte desdits États.

Les versements prévus à l'alinéa précédent auront lieu au moyen de cinq annuités égales à compter de la mise en vigueur du présent Traité. La part desdits payements qui devra être versée aux créanciers de l'Empire ottoman portera les intérêts stipulés dans les contrats d'avances ; la part qui revient au Gouvernement turc sera versée sans intérêts.

Article 53.

Les annuités des emprunts de la Dette Publique Ottomane, telle qu'elle est définie à la Partie A du Tableau annexé à la présente Section, dues par les États en faveur desquels un territoire a été détaché de l'Empire ottoman à la suite des guerres balkaniques, seront exigibles à dater de la mise en vigueur des Traités qui ont consacré le transfert de ces territoires auxdits États. En ce qui concerne les îles visées à l'Article 12, l'annuité sera exigible à partir du 1er/14 novembre 1913, et, en ce qui concerne les îles visées à l'Article 15, l'annuité sera exigible à partir du 17 octobre 1912.

Les annuités dues par les États nouvellement créés sur les territoires asiatiques détachés de l'Empire ottoman en vertu du présent Traité et par l'État auquel le territoire visé au dernier alinéa de l'Article 46 a été attribué seront exigibles à dater du 1er mars 1920.

Article 54.

Les Bons du Trésor de 1911, 1912 et 1913, énumérés dans la Partie A du Tableau annexé à la présente Section, seront, dans le délai de dix ans à compter des dates de remboursement fixées par les contrats, remboursés avec les intérêts stipulés.

Article 55.

Les États visés à l'article 46, y compris la Turquie, verseront au Conseil de la Dette Publique Ottomane le montant des annuités afférentes à la part de la Dette Publique Ottomane, telle qu'elle est définie à la Partie A du Tableau annexé à la présente section, et qui, leur incombant et devenues exigibles à partir des dates fixées à l'Article 53, sont restées en souffrance. Ce payement sera effectué sans intérêts au moyen de vingt annuités égales à compter de la mise en vigueur du présent Traité.

Le montant des annuités versées par les États autres que la Turquie au Conseil de la Dette sera porté, par ce dernier, jusqu'à concurrence des sommes payées par la Turquie pour le compte desdits États, en déduction des sommes arriérées dont la Turquie se trouverait encore redevable.

Article 56.

Le Conseil d'administration de la Dette Publique Ottomane ne comprendra plus de délégués des porteurs allemands, autrichiens et hongrois.

Article 57.

Sur le territoire des Hautes Parties contractantes, les délais de présentation de coupons d'intérêts afférents aux emprunts et avances de la Dette Publique Ottomane et des emprunts ottomans de 1855, 1891 et 1894 gages sur le tribut d'Égypte et les délais de présentation des titres desdits emprunts sortis au tirage en vue de leur remboursement, seront considérés comme ayant été suspendus depuis le 29 octobre 1914 jusqu'à l'expiration de trois mois près la mise en vigueur du présent Traité.

Dette publique ottomane
 

Section II. Clauses diverses.

Article 58.

La Turquie, d'une part, et les autres Puissances contractantes (à l'exception de la Grèce), d'autre part, renoncent réciproquement à toute réclamation pécuniaire pour les pertes et dommages subis par la Turquie et lesdites Puissances ainsi que par leurs ressortissants (y compris les personnes morales), pendant la période comprise entre le 1er août 1914 et la mise en vigueur du présent Traité, et résultant soit de faits de guerre, soit de mesures de réquisition, séquestre, disposition ou confiscation.

Toutefois, la disposition qui précède ne portera pas atteinte aux stipulations de la Partie III (Clauses économiques) du présent Traité.

La Turquie renonce en faveur des autres Parties contractantes (à l'exception de la Grèce) à tout droit sur les sommes en or transférées par l'Allemagne et l'Autriche en vertu de l'Article 259-1° du Traité de Paix du 28 juin 1919 avec l'Allemagne et de l'Article 210-1° du Traité de Paix du 10 septembre 1919 avec l'Autriche.

Sont annulées toutes obligations de payement mises à la charge du Conseil d'administration de la Dette Publique Ottomane tant par la Convention du 20 juin 1331 (3 juillet 1915) relative aux bons de monnaie turcs de la première émission, que par le texte porté au verso de ces bons.

La Turquie convient également de ne pas pas demander au Gouvernement britannique ni à ses ressortissants la restitution des sommes payées pour les bâtiments de guerre qui avaient été commandés en Angleterre par le Gouvernement ottoman et qui ont été réquisitionnés par le Gouvernement britannique en 1914 ; elle renonce à toute réclamation de ce chef.

Article 59.

La Grèce reconnaît son obligation de réparer les dommages causés en Anatolie par des actes de l'armée ou de l'administration helléniques contraires aux lois de la guerre.

D'autre part, la Turquie, prenant en considération la situation financière de la Grèce telle qu'elle résulte de la prolongation de la guerre et de ses conséquences, renonce définitivement à toute réclamation contre le Gouvernement hellénique pour des réparations.

Article 60.

Les États en faveur desquels un territoire a été ou est détaché de l'Empire ottoman, soit à la suite des guerres balkaniques, soit par le présent Traité, acquerront gratuitement tous biens et propriétés de l'Empire ottoman situés dans ce territoire.

Il est entendu que les biens et propriétés dont les Iradés du 26 août 1324 (8 septembre 1908), du 20 avril 1325 (2 mai 1909) ont ordonné le transfert de la Liste Civile à l'État ainsi que ceux qui, au 30 octobre 1918, étaient administrés par la Liste Civile au profit d'un service public, sont compris parmi les biens et propriétés visés à l'alinéa précédent, lesdits États étant subrogés à l'Empire ottoman en ce qui concerne ces biens et propriétés, les Vakoufs institués sur ces biens devant être respectés.

Le litige surgi entre le Gouvernement hellénique et le Gouvernement turc relativement aux biens et propriétés passés de la Liste Civile à l'État et situés sur les territoires de l'ancien Empire ottoman transférés à la Grèce, soit à la suite des guerres balkaniques, soit postérieurement, sera soumis, selon un compromis à conclure, à un tribunal arbitral à La Haye, conformément au Protocole spécial n° 2 attaché au Traité d'Athènes du 1/14 novembre 1913.

Les dispositions du présent Article ne modifieront pas la nature juridique des biens et propriétés inscrits au nom de la Liste Civile ou administrés par elle et non visés aux alinéas 2 et 3 du présent Article.

Article 61.

Les bénéficiaires de pensions civiles et militaires turques devenus, en vertu du présent Traité, ressortissants d'un État autre que la Turquie, ne pourront exercer du chef de leurs pensions aucun recours contre le Gouvernement turc.

Article 62.

La Turquie reconnaît le transfert de toutes créances que l'Allemagne, l'Autriche, la Bulgarie et la Hongrie possèdent contre elle, conformément à l'Article 261 du Traité de Paix conclu à Versailles le 28 juin 1919 avec l'Allemagne et aux articles correspondants des Traités de Paix du 10 septembre 1919 avec l'Autriche, du 27 novembre 1919 avec la Bulgarie et du 4 juin 1920 avec la Hongrie.

Les autres Puissances contractantes conviennent de libérer la Turquie, des dettes qui lui incombent de ce chef.

Les créances que la Turquie possède contre l'Allemagne, l'Autriche, la Bulgarie et la Hongrie sont également transférées auxdites Puissances contractantes.

Article 63.

Le Gouvernement turc, d'accord avec les autres Puissances contractantes, déclare libérer le Gouvernement allemand des obligations contractées par celui-ci pendant la guerre d'accepter des billets émis par le Gouvernement turc à un taux de change déterminé, en payement de marchandises à exporter d'Allemagne en Turquie après la guerre.

suite du traité de paix.