Digithéque, Jean-Pierre Maury

Grande Guerre.


Traité de paix entre les puissances alliées et associées et l'Autriche.

(Saint-Germain-en-Laye, 10 septembre 1919)
Préambule.
Partie I. Pacte de la Société des Nations (1 à 26).
Partie II. Frontière d'Autriche (27 à 35).
Partie III. Clauses politiques européennes (36 à 94).
Partie IV. Intérêts autrichiens hors d'Europe (95 à 117).
Partie V. Clauses militaires navales et aériennes (118 à 159 ).
Partie VI. Prisonniers de guerre et sépultures (160 à 172).
Partie VII. Sanctions (173 à 176).
Partie VIII. Réparations (177 à 196).
Partie IX. Clauses financières (197 à 216).
Partie X. Clauses économiques (217 à 275).
Partie XI. Navigation aérienne (276 à 283 ).
Partie XII. Ports, voies d'eau et voies ferrées (284 à 331).
Partie XIII. Travail (332 à 372).
Partie XIV. Clauses diverses (373 à 381).
    La Grande Guerre oppose deux coalitions, progressivement formées à la suite de la crise balkanique de 1875-1878, au cours de laquelle la Russie a tiré les marrons du feu pour l'Autriche et l'Empire britannique. Les Puissances centrales forment un réseau d'alliances pour « assurer le maintien de l'ordre social et politique dans leurs États respectifs » : la Duplice, en 1879, puis la Triplice, en 1882, le rapprochement avec la Grande-Bretagne en 1887, sont explicitement dirigées contre la France et la Russie. Par le Traité des 3-Empereurs, puis le traité de réassurance, elles tentent d'éviter une confrontation avec la Russie dans les Balkans. Mais avec le renouvellement de la Triplice en 1891, la Russie est isolée et, en dépit de l'absence d'affinités idéologiques, elle se rapproche de la France, isolée elle-même depuis la guerre de 1870-1871 : l'entente cordiale entre les deux pays est fondée sur la perception d'une menace commune.
    Au début du XXe siècle, l'Empire britannique sort de son « splendide isolement ». L'accord avec le Japon, en 1902, puis l'entente cordiale avec la France, enfin l'arrangement avec la Russie, en 1907, permettent simplement de concilier les ambitions coloniales de chaque pays. Pourtant, en 1914, les quatre pays vont s'engager simultanément dans la guerre et s'accorder sur des objectifs précis, alors que l'Italie et la Roumanie rompent avec les Puissances centrales, et plus tard entrent en guerre au côté de l'Entente.

     La Grande Guerre, ouverte par le bombardement de Belgrade le 28 juillet 1914, un mois après l'attentat de Sarajévo, s'achève en 1918 par les armistices de Salonique avec la Bulgarie (29 septembre), de Moudros avec la Turquie (30 octobre), de Villa Giusti avec l'Autriche-Hongrie (3 novembre), de Rethondes avec l'Allemagne (11 novembre) et la convention de Belgrade avec la Hongrie (13 novembre).
    Les principaux traités de paix, qui ont mis fin à la Grande Guerre sont :
- le traité de Versailles, signé le 28 juin 1919 entre  les Puissances alliées et associées et l'Allemagne ;
- le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le 10 septembre 1919 entre les Puissances alliées et associées et l'Autriche ;
- le traité de Neuilly-sur-Seine, signé le 27 novembre 1919 entre les Puissances alliées et associées et la Bulgarie ;
- le traité de Trianon, signé le 4 juin 1920 entre les Puissances alliées et associées et la Hongrie ;

- le traité de Sèvres, signé le 10 août 1920 entre les Puissances alliées et associées et la Turquie, non ratifié et remplacé par le traité de Lausanne, signé le 24 juillet 1923.
    Des traités complémentaires sont signés par les Principales Puissances alliées avec les autres Puissances alliées, bénéficiaires de territoires transférés : Pologne, Tchécoslovaquie, Roumanie, État serbe-croate-slovène, Grèce, afin de confirmer la reconnaissance de l'indépendance du pays, de garantir les droits des minorités et d'assurer l'ouverture du pays au commerce international,
ainsi qu'avec le Danemark, pour le Slesvig, et même l'Arménie, bientôt abandonnée. De nombreux autres accords permettent de préciser les nouvelles frontières, ainsi de la Yougoslavie ou de la Tchéco-Slovaquie.

    Sur le front de l'Est européen, la Révolution russe permet à la guerre de s'interrompre plus tôt qu'à l'Ouest. L'Allemagne et ses alliés signent les traités de Brest-Litovsk avec l'Ukraine le 9 février 1918, et avec la Russie soviétique le 3 mars 1918 ; avec la Finlande, qui vient de se séparer de la Russie, le 7 mars 1918 ; puis, le traité de Bucarest avec la Roumanie, isolée, le 7 mai 1918. Mais la guerre se poursuit en Russie même avec les forces qui contestent le pouvoir soviétique, tandis que différents groupes nationaux proclament leur indépendance.
    La nouvelle République fédérative des soviets de Russie reconnaît ainsi l'indépendance de plusieurs nouveaux États et signe avec eux des traités de paix  : avec l'éphémère République socialiste finlandaise des travailleurs dès le 10 mars 1918 ; avec l'Estonie, le 2 février 1920 ; la Lituanie, le 12 juillet ; la Lettonie, le 11 août ; la Finlande, le 14 octobre 1920 ; et enfin la Pologne, le 18 mars 1921. Mais, elle parvient à établir des gouvernements soviétiques en Ukraine, en Biélorussie, en Géorgie, en Azerbaïdjan et en Arménie, et elle refuse de reconnaître le rattachement de la Bessarabie à la Roumanie.

    Les États-Unis n'ayant pas ratifié les traités de paix signèrent des traités séparés avec l'Autriche et l'Allemagne en 1921.

Ratifications : Empire britannique, France, Italie, Chine, Grèce, État Serbe-Croate-Slovène, Tchéco-Slovaquie, Siam et Autriche le 16 juillet 1920. Ont déposé ensuite leurs instruments de ratification : la Belgique le 24 juillet 1920, Cuba le 16 août 1920, la Roumanie le 4 septembre 1920, le Japon le 25 janvier 1921 (il avait fait connaître au Gouvernement français dès le 14 octobre 1920 que sa ratification était donnée), le Nicaragua le 29 janvier 1921, le Portugal le 15 octobre 1921.

Sources : Journal officiel de la République française, 26 juillet 1920, p. 12062 et s.



Les États-Unis d'Amérique, l'Empire Britannique, la France, l'Italie et le Japon, Puissances désignées dans le présent Traité comme les Principales Puissances alliées et associées ;

La Belgique, la Chine, Cuba, la Grèce, le Nicaragua, le Panama, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, l'État serbe-croate-slovène, le Siam et la Tchéco-Slovaquie,

Constituant, avec les Principales Puissances ci-dessus les Puissances alliées et associées, d'une part ;

Et l'Autriche, d'autre part ;

Considérant qu'à la demande de l'ancien Gouvernement impérial et royal d'Autriche-Hongrie, un armistice a été accordé à l'Autriche-Hongrie, le 3 novembre 1918, par les Principales Puissances alliées et associées afin qu'un Traité de Paix puisse être conclu ;

Que les Puissances alliées et associées sont également désireuses que la guerre, dans laquelle certaines d'entre elles ont été successivement entraînées directement ou indirectement contre l'Autriche-Hongrie, et qui a son origine dans la déclaration de guerre adressée le 28 juillet 1914 par l'ancien Gouvernement impérial et royal d'Autriche-Hongrie à la Serbie et dans les hostilités conduites par l'Allemagne, alliée de l'Autriche-Hongrie, fasse place à une paix solide, juste et durable ;

Considérant que l'ancienne Monarchie austro-hongroise a aujourd'hui cessé d'exister et a fait place, en Autriche, à un Gouvernement républicain ;

Que les Principales Puissances alliées et associées ont reconnu que l'État tchécoslovaque, dans le territoire duquel est incorporée une partie des territoires de ladite Monarchie, constitue un État libre, indépendant et allié ;

Que lesdites Puissances ont également reconnu l'union de certaines parties du territoire de ladite Monarchie avec le territoire du Royaume de Serbie, comme État libre, indépendant et allié, sous le nom d'État serbe-croate-slovène ;

Considérant qu'il est nécessaire, en rétablissant la paix, de régler la situation issue de la dissolution de ladite Monarchie et l'établissement desdits États, et de donner au Gouvernement de ces pays des fondements durables, conformes à la justice et à l'équité ;

A cet effet, les Hautes Parties Contractantes représentées comme il suit :

Le Président des États-Unis d'Amérique, par :
L'Honorable Frank Lyon Polk, Sous-Secrétaire d'État ;
L'Honorable Henri White, ancien Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire des États-Unis à Rome et à Paris ;
Le Général Tasker H. Bliss, Représentant militaire des États-Unis au Conseil supérieur de Guerre ;

Sa Majesté le Roi du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande et des Territoires britanniques au-delà des mers, Empereur des Indes, par :
Le Très Honorable Arthur James Balfour, 0. M., M. P., Secrétaire d'État pour les Affaires étrangères ;
Le Très Honorable Andrew Bonar Law, M. P., Lord du Sceau privé ;
Le Très Honorable Vicomte Milner, G. C. B., G. C. M. G., Secrétaire d'État pour les Colonies ;
Le Très Honorable George Nicoll Barnes, M.P., Ministre sans portefeuille ;
Et :
pour le Dominion du Canada, par :
L'Honorable Sir Albert Edward Kemp, K. C. M. G., Ministre des Forces d'Outre-Mer ;
pour le Commonwealth d'Australie, par :
L'Honorable George Foster Pearce, Ministre de la Défense ;
pour l'Union Sud-Africaine, par :
Le Très Honorable Vicomte Milner, G. C. B., G. C. M. G. ;
pour le Dominion de la Nouvelle-Zélande, par :
L'Honorable Sir Thomas Mackenzie, K. C. M. G., Haut Commissaire pour la Nouvelle-Zélande dans le Royaume- Uni ;
pour l'Inde, par :
Le Très Honorable Baron Sinha, K. C., Sous-Secrétaire d'État pour l'Inde ;

Le Président de la République française, par :
M. Georges Clemenceau, Président du Conseil, Ministre de la Guerre ;
M. Stephen Pichon, Ministre des Affaires étrangères ;
M. Louis-Lucien Klotz, Ministre des Finances ;
M. André Tardieu, Commissaire général aux Affaires de guerre franco-américaines ;
M. Jules Cambon, Ambassadeur de France ;

Sa Majesté le Roi d'Italie, par :
L'Honorable Tommaso Tittoni, Sénateur du Royaume, Ministre des Affaires étrangères ;
L'Honorable Vittorio Scialoja, Sénateur du Royaume ;
L'Honorable Maggiorino Ferraris, Sénateur du Royaume ;
L'Honorable Guglielmo Marconi, Sénateur du Royaume ;
L'Honorable Silvio Crespi, Député ;

Sa Majesté l'Empereur du Japon, par :
Le Vicomte Chinda, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. l'Empereur du Japon à Londres ;
M. K. Matsui, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. l'Empereur du Japon à Paris ;
M. H. Ijuin, Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de S. M. l'Empereur du Japon à Rome ;

Sa Majesté le Roi des Belges, par :
M. Paul Hymans, Ministre des Affaires étrangères, Ministre d'État ;
M. Jules van den Heuvel, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S. M. le Roi des Belges, Ministre d'État ;
M. Émile Vandervelde, Ministre de la Justice, Ministre d'État ;

Le Président de la République Chinoise, par :
M. Lou Tseng-Tsiang, Ministre des Affaires étrangères ;
M. Chengting Thomas Wang, ancien Ministre de l'Agriculture et du Commerce ;

Le Président de la République Cubaine, par :
M. Antonio Sanchez de Bustamante, Doyen de la Faculté de Droit de l'Université de La Havane, Président de la Société cubaine de Droit international ;

Sa Majesté le Roi des Hellènes, par :
M. Nicolas Politis, Ministre des Affaires étrangères ;
M. Athos Romanos, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire auprès de la République française ;

Le Président de la République de Nicaragua, par :
M. Salvador Chamorro, Président de la Chambre des députés ;

Le Président de la République de Panama, par :
M. Antonio Burgos, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de Panama à Madrid ;
Le Président de la République Polonaise, par :
M. Ignace J. Paderewski, Président du Conseil des Ministres, Ministre des Affaires étrangères ;
M. Roman Dmowski, Président du Comité national polonais ;

Le Président de la République Portugaise, par :
Le Docteur Affonso da Costa, ancien Président du Conseil des Ministres ;
Se Docteur Augusto Luiz Vieira Soares, ancien Ministre des Affaires étrangères ;

Sa Majesté le Roi de Roumanie, par :
M. Nicolas Misu, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de Roumanie à Londres ;
Le Docteur Alexander Vaida-Voevod, Ministre sans portefeuille ;

Sa Majesté le Roi des Serbes, des Croates et des Slovènes, par :
M. N. P. Pachitch, ancien Président du Conseil des Ministres ;
M. Ante Trumbic, Ministre des Affaires étrangères ;
M. Ivan Zolger, Docteur en droit ;

Sa Majesté le Roi de Siam, par :
Son Altesse le Prince Charoon, Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S. M. le Roi de Siam à Paris ;
Son Altesse sérénissime le Prince Traidos Prabandhu, Sous-Secrétaire d'État aux Affaires étrangères ;

Le Président de la République Tchécoslovaque, par :
M. Charles Kramar, Président du Conseil des Ministres ;
M. Édouard Benes, Ministre des Affaires étrangères ;

La République d'Autriche, par :
M. Charles Renner, Chancelier de la République d'Autriche.

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs reconnus en bonne et due forme, ont convenu des dispositions suivantes :
À dater de la mise en vigueur du présent Traité, l'état de guerre prendra fin. Dès ce moment et sous réserve des dispositions du présent Traité, il y aura relations officielles des Puissances alliées et associées avec la République d'Autriche.

Suite : Partie I. Pacte de la Société des Nations (1 à 26).